3577 votes
-
La Faute à pas de chance
7/10 A l'est de Los Angeles, un hélicoptère jette par-dessus bord Calvin Franz avant de rentrer au bercail. Quelques temps plus tard, Jack Reacher, commando à la retraite, reçoit un message sibyllin via son compte courant : il a en effet reçu 1030 dollars. Passionné de chiffres et de mathématiques, il finit par comprendre la transmission : le 10-30 est un signal d'alerte que seul un des anciens membres de son unité d'élite a pu lui expédier. Pour savoir qui lui a envoyé ce SOS, il n'a plus à réfléchir : il doit sortir de sa retraite et passer à l'action.
En spécialiste du genre, Lee Child signe un nouvel opus à la hauteur des précédents. On retrouve les milieux interlopes du terrorisme et des services secrets, avec force complots, trafics et enjeux internationaux. L'auteur manie parfaitement les codes du thriller et du roman d'espionnage, n'ayant rien à envier aux plumes de Robert Ludlum ou Chris Ryan. Les personnages, depuis les camarades de combat de Jack Reacher jusqu'à leurs ennemis, sont bien campés et très intéressants malgré les clichés inhérents à ce type de littérature. Le lecteur aura le plaisir de retrouver des scènes d'action énergiques et visuelles, avec un goût consommé pour le suspense. Lee Child maîtrise l'histoire de bout en bout, avec un canevas certes classique mais néanmoins efficace, profitant de nombreux alinéas et autres phrases nominales pour donner du souffle à l'action. Par ailleurs, si certains romans comme Les caves de la maison blanche souffraient d'un trop-plein de péripéties et donc d'un certain manque de crédibilité, il semble que Lee Child a gagné en maturité, avec des protagonistes plus travaillés et davantage d'attention portée aux situations, plus plausibles.
La faute à pas de chance est donc un ouvrage palpitant et très bien mené, permettant des heures d'une lecture très enjouée et racée. Il ne révolutionne certes pas le genre mais assume pleinement son rôle distractif, pour le plus grand régal d'un lectorat féru des aventures de Jack Reacher.24/07/2010 à 10:16 1
-
Le masque d'argile
8/10 Un très bon roman, comme souvent chez Maître Brussolo : imaginatif, original, instruit, avec des personnages sacrément travaillés. J'en redemande !
21/07/2010 à 09:02 1
-
Obscura
8/10 Un très bon roman, prenant et bien construit, avec une documentation solide pour étayer son intrigue. J'ai beaucoup aimé la fin, vraiment poignante.
20/07/2010 à 09:09
-
Le monstre d'Arras
8/10 Jean Maurtin a tout du criminel idéal. La petite Virginie Tirman a été retrouvée morte, et tous les doutes se sont portés sur cet homme assez marginal, obsédé par la photographie. Forts soupçons de la police, puis découverte de preuves irréfutables, et enfin des aveux après vingt-et-une heures de garde à vue. L'affaire semble bouclée. Sauf pour un avocat opiniâtre et son fidèle acolyte, pour qui les preuves sont presque trop évidentes pour être crédibles.
Après Braquages à Fives, Le monstre d'Arras est le deuxième ouvrage de Pierre Willi – dont il a également peint le tableau figurant en couverture – à paraître aux éditions Ravet-Anceau. Ce roman, oscillant entre l'œuvre noire et le roman à suspense, est parfaitement mené. Les huit premiers chapitres sont absolument remarquables, décrivant avec une sobriété inouïe la lente descente aux enfers de Jean Maurtin, la mécanique implacable de la machine policière, le sentiment de culpabilité des proches du présumé coupable, jusqu'à la confession qui sonne comme un coup de tonnerre. Ensuite, on découvre avec plaisir deux personnages très intéressants, Gilles Démol, avocat atypique déterminé à défendre les pires individus devant la justice, et son comparse Émile Nource, enquêteur en marge. Ce duo de limiers est très attachant, et le lecteur progresse dans le récit au fur et à mesure de leurs impressions et découvertes, jusqu'à la vérité, inattendue. La plume de Pierre Willi est très plaisante, toute en retenue et teintée d'humour, et l'auteur restitue avec beaucoup de crédibilité et d'humanité les pensées de chacun de ses personnages.
Le monstre d'Arras est donc un livre de très haute volée, à la fois prenant et parfaitement plausible, décrivant avec justesse les douleurs des êtres broyés par les erreurs judiciaires. A n'en pas douter, cet écrivain a du talent, et l'on ne pourra que se ruer sur ses précédents ouvrages ainsi que ceux à venir.09/07/2010 à 11:57
-
La Bête et la Belle
9/10 C'est une nouvelle enquête que doit résoudre le policier Gabelou. Face à lui, un vieux bonhomme rustre, Léon, aux manières indélicates. Il y est question de meurtres : une femme, autrefois fatale, un enfant, et bien d'autres encore. Visiblement, Léon protège un ami, le véritable criminel de l'histoire, qui est actuellement à l'hôpital. Une affaire somme toute classique, tragiquement banale. Sauf que Léon n'est pas prêt à livrer l'intégralité de la vérité. Non. Léon a beau être un sympathique péquenaud, il n'en a pas moins un sens aigu de la camaraderie. Il ne va pas dévoiler aussi vite le déroulement d'une existence qui l'a conduit à devenir le complice d'un assassin.
Thierry Jonquet, disparu le 9 août 2009, était l'une des figures majeures de la littérature noire française. Les lecteurs conserveront de lui le souvenir d'opus ténébreux et tragiques comme Mygale ou Le manoir des immortelles. Au sein de cette riche bibliographie, La Bête et la Belle est un ouvrage typique de l'auteur. Glauque, parfois désespéré, avec des portraits au vitriol. De prime abord, l'intrigue semble classique, voire convenue : un policier, un tueur, son acolyte. Mais c'est sans compter sur l'extraordinaire talent de conteur de Thierry Jonquet : le récit lapidaire – environ cent-cinquante pages – tient en haleine en raison de son aspect dédaléen. Les propos des divers protagonistes alternent pour composer un habile puzzle. A grands renforts de flashbacks et d'aveux voilés, la vérité se fait lentement, jusqu'à un épilogue sinistre faisant écho à la noirceur de l'histoire.
Vingt-quatre ans avant son trépas, Thierry Jonquet signait un ouvrage d'une incroyable puissance. Sobre, sans scène haletante ni action échevelée. Un roman qui remue les tripes, aussi humain qu'il est inhumain. Une pépite d'ébène.06/07/2010 à 18:27 3
-
Et on dévora leur coeur
7/10 La situation de Samuel Johnson n'est guère reluisante. Après avoir volé cinquante mille dollars à un mafieux, Miguel Beaufort, il découvre son ami tué dans une chambre d'hôtel. Deux tueurs à gages aux trousses, il n'a plus d'autre choix que de s'enfuir vers les montagnes... avant de découvrir un nouveau cadavre près d'un village isolé. Murton Caves est un endroit étrange, où les hommes ne se déplacent qu'armés, les maisons entourées d'une clôture électrifiée, et où domine une curieuse loi du silence. Samuel Johnson va l'apprendre à ses dépens : certains passés ne doivent surtout pas être déterrés.
Premier ouvrage de Sylvain Blanchot récompensé au Festival de Beaune, Et on dévora leur cœur est un thriller fantastique très prenant. L'auteur est également scénariste, et cela se sent sans peine à la lecture de son œuvre : les chapitres sont habilement menés, alternant les divers points de vue – la vie au village, Samuel, les criminels qui le pourchassent –, au point qu'il est très difficile d'en quitter la lecture. On retrouve avec plaisir des ambiances sombres et tourmentées à la Stephen King, avec son lot de phénomènes inexpliqués, la terreur des protagonistes, l'ambiance lourde de tourments. Par la suite, le roman s'ouvre sur des scènes d'action tonitruantes, très visuelles, avec force courses-poursuites, fusillades et explosions, au rythme échevelé, parfois même trop, ce qui nuit un peu à la crédibilité de l'ouvrage. Le lecteur aura également le plaisir de découvrir une intrigue habile, malgré quelques poncifs, l'emmenant sur les terres de la mythologie amérindienne, avec des accents à la Tony Hillerman ou Kirk Mitchell.
Et on dévora leur cœur est donc un premier roman de belle tenue, prenant et efficace, auquel on pardonne sans problème quelques modiques péchés de jeunesse. Indéniablement, la plume de Sylvain Blanchot est talentueuse, et on ne pourra que se ruer sur ses prochains romans.29/06/2010 à 17:58
-
Croisière maudite
Lincoln Child, Douglas Preston
6/10 Alors qu'ils sont au Tibet, l'inspecteur Aloysius Pendergast et sa protégée Constance Greene découvrent qu'un bien mystérieux objet de culte, l'Agozyen, a disparu du temple. Le duo va rapidement découvrir que le voleur est probablement sur le paquebot Britannia, un immense navire de luxe. Une fois à bord, une série d'événements étranges survient : disparitions, suicides, meurtres sanglants... Pour leur plus grand malheur et celui des passagers, le voyage va prendre une tournure particulièrement terrifiante.
Huitième ouvrage de la série consacrée à Aloysius Pendergast, Croisière maudite constitue un thriller fantastique efficace, signé par Douglas Preston et Lincoln Child. On retrouve avec plaisir le si spécial agent du FBI, cette fois-ci aux prises avec un esprit particulièrement retors. Le style des deux auteurs est bien présent, mélangeant action et suspense, avec un héros toujours aussi atypique. Cependant, le niveau atteint par Le violon du diable ou Danse de mort n'est pas égalé. En effet, l'intrigue peine un peu à prendre forme, et même si l'on suit avec intérêt les pérégrinations de Pendergast dans ce paquebot, le lecteur se perd parfois dans des intrigues secondaires : la traque de tricheurs aux cartes, les divers personnages, etc. Par ailleurs, Douglas Preston et Lincoln Child amalgament divers genres – le whodunit, le récit catastrophe, le fantastique –, mais l'alchimie ne prend pas toujours et l'on a parfois l'impression tenace que l'histoire part dans plusieurs directions. Certains événements sont même aisément devinables, téléphonés, et même si la mécanique du thriller est impeccablement maîtrisée par les deux auteurs, ce livre laisse un petit goût de déception.
Au final, Croisière maudite est un opus qui ne parvient pas toujours à atteindre la qualité des précédents épisodes, rappelant en cela Les croassements de la nuit, qui marquait un peu le pas par rapport aux autres. Néanmoins, il se laisse lire avec plaisir, procure de belles heures de détente, et apporte un élément important dans les ultimes pages, élément qui laisse augurer des rebondissements intéressants pour la suite.22/06/2010 à 19:09 3
-
La Chambre d'ambre
7/10 J'ai bien aimé cet opus. Bien ficelé, écrit avec talent, un début d'intrigue très prenant et un style qui happe littéralement. Mais je suis plus mitigé quant au final : s'il est bon, il ne m'a pas chamboulé, et je ne l'ai pas trouvé aussi magistral que l'ont trouvé d'autres lecteurs. Néanmoins, une très agréable lecture.
15/06/2010 à 18:43
-
Les pièges du crépuscule
9/10 A l'aube du vingtième siècle, à Vienne, un moine est retrouvé mort près de l'une des églises de la ville. Sa tête a été arrachée par un tueur qui devait certainement avoir une force surhumaine et l'on découvre sur place des traces de boue. L'inspecteur Oskar Rheinhardt fait appel à son vieux complice Max Liebermann, psychiatre, pour comprendre les raisons d'un tel acte. Les deux hommes se rendent rapidement compte que le moine, Frère Stanislav, était un ardent opposant aux Juifs, et ce meurtre déchaîne les passions antisémites des Viennois, particulièrement au sein du cénacle politique. Rheinhardt et Liebermann doivent donc vite découvrir l'identité du ou des assassins pour éviter que toute la ville ne bascule dans le chaos racial.
Quatrième opus des Carnets de Max Liebermann de Frank Tallis, Les pièges du crépuscule est un polar historique d'excellente tenue. Les protagonistes sont très attachants, et le duo formé par le policier et le psychiatre est original et convaincant. L'atmosphère des lieux et de l'époque est parfaitement rendue, et le lecteur plonge avec enthousiasme dans le charme viennois de cette ère, avec de nombreux détails historiques, géographiques ainsi que gastronomiques, appuyés par une documentation sans faille. Le livre permet également de mieux comprendre la religion hébraïque, avec ses idées, ses meneurs et ses angoisses. L'intrigue est par ailleurs bien bâtie, jouant sur les fausses pistes et les rebondissements grâce à une kyrielle de personnages secondaires intéressants, et offrant des apartés de qualité quant au freudisme, à l'interprétation des rêves ou à la kabbale.
Après La justice de l'inconscient, Du sang sur Vienne et Les mensonges de l'esprit, Frank Tallis montre que cette série d'enquêtes ne perd pas son souffle et demeure de grande qualité. Un polar historique qui plaira très certainement à tous, aux passionnés du genre comme à ceux cherchant à s'y initier.15/06/2010 à 18:36 1
-
Le Corps noir
9/10 Paris, 6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages normandes. Il faudra environ deux mois et demi avant la libération de Paris. Entre ces deux moments, la population va hésiter : les Allemands peuvent-ils encore gagner la guerre ? Qui seront les vainqueurs lorsque s'achèveront les batailles ? C'est tout un microcosme parisien qui s'en trouve ainsi ébranlé, en proie au doute. Banquiers, artistes, prostituées, stars du cinéma, policiers... Dans ce tourbillon de passions accentuées par les rancœurs, les rivalités et les volontés de ne pas être du côté des perdants, chacun devra choisir son camp.
Dominique Manotti, c'est une plume. Sèche, allant à l'essentiel, avec des phrases saccadées, parfois nominales, avec des verbes sans sujet. L'écriture est alerte, sans concession, aussi effrénée que l'époque dépeinte. Durant cette période très équivoque, emplie de cynisme et de calculs immoraux, l'auteur décrit avec une étonnante crédibilité les échanges entre les divers personnages, nombreux et variés. Le fil conducteur du livre : des trafics, des jeux d'influence. Du sang également, beaucoup, versé pour nettoyer les honneurs impurs et tenter de faire bonne figure quand le vent tourne. Dominique Manotti ne se fait pas juge des attitudes des individus qu'elle décrit : elle présente, en toute objectivité, les situations auxquelles ils sont confrontés, les choix dont ils disposent, les décisions qui sont les leurs. A cet égard, il faut mettre en relief son talent pour brosser le tableau d'une époque plus que troublée et donner vie avec simplicité et humilité aux protagonistes, immergés dans un contexte vacillant qui les dépasse, mettant à nu leurs contradictions et leur sens – parfois très approximatif – de la dignité.
Le corps noir est donc un ouvrage remarquable, au style trépidant et à l'intrigue très originale. Quiconque s'intéressant à la Seconde Guerre mondiale, à la peinture des mœurs ou à l'âme humaine y trouvera de quoi nourrir sa réflexion. Un opus à la croisée des genres, quelque part entre le thriller, la littérature historique et le roman noir, qui se pose également comme un livre émérite sur la Résistance et l'épuration.06/06/2010 à 19:57 3
-
Colère
7/10 Lu il y a bien longtemps. A défaut d'avoir été profondément marqué par sa lecture, je me souviens avoir passé un agréable moment de lecture avec ce roman catastrophe.
05/06/2010 à 18:18
-
Le secret de sir Adrian F.
7/10 Un roman sobre et prenant, bien écrit et agréable à lire, confirmant la plume talentueuse de Béatrice Nicodème.
31/05/2010 à 18:42
-
L'écorcheur des Flandres
7/10 C'est déjà le quatrième meurtre sordide qui ensanglante la région : à chaque fois, on retrouve un trentenaire, martyrisé, le bras écharpé et le sexe tranché. Le commandant de police Olivier Béjot n'a pour le moment pas la moindre piste ni le moindre indice. Il décide alors, sans en parler à sa hiérarchie, de renouer le contact avec un collègue parisien, Nicolas Dantès, lui-même traumatisé par un tueur en série qui avait tué sa femme et dont les compétences de profilage pourraient être très utiles. Mais le temps presse, car nul doute que le bourreau va de nouveau frapper...
Premier ouvrage de Philippe Declerck, L'écorcheur des Flandres est un bon polar. La scène d'ouverture, décrivant l'antre du tueur et la conduite méthodique de ce dernier, est un modèle du genre, et le lecteur ne pourra qu'avoir envie d'en connaître la suite, tant ce prologue est prometteur. Comme dans les livres de ce genre, on retrouve un meurtrier assez effrayant et une équipe de policiers bien sympathiques, moralement et psychologiquement dépassés par l'horreur de leurs découvertes. À cet égard, Philippe Declerck évite les poncifs des flics imperméables à la douleur des autres, aux déductions miraculeuses et détachés des affaires sordides sur lesquelles ils enquêtent : l'aspect humain et crédible de leur métier est très bien restitué. Le récit se compose d'environ deux-cents pages, et le rythme est bien maintenu, sans temps mort, le tout grâce à une écriture alerte et efficace où l'on retrouve parfois les accents d'illustres écrivains comme Laurent Scalese. Cependant, on aurait peut-être apprécié un peu plus d'originalité quant à l'intrigue ou à son traitement, ainsi que certains clichés soient évités. Mais l'histoire est loin de démériter, d'autant qu'elle offre assurément quelques heures d'une lecture distractive et prenante.
Cet ouvrage ne révolutionne donc pas le genre, et ce n'est d'ailleurs probablement pas son objectif : cela fait penser à ces plats que l'on commande en toute connaissance de cause, sachant pertinemment que l'on connaît leur goût, et, à défaut d'être surpris, on se plait à retrouver une gastronomie traditionnelle que l'on affectionne. L'écorcheur des Flandres est le premier livre de Philippe Declerck, et l'on espère que d'autres suivront, car la plume de l'auteur et le tempo de son histoire sont vraiment bons.24/05/2010 à 10:31
-
Les Orphelins du Mal
7/10 Anaïs est une jeune pigiste à l'avenir incertain. Elle est contactée par un grand éditeur parisien qui lui propose une somme folle pour écrire un livre sur les Lebensborn, ces haras humains où des médecins SS faisaient naître pendant la Seconde Guerre Mondiale de parfaits petits aryens. Le commanditaire de ce manuscrit : Vidkun Venner, un richissime collectionneur féru d'art nazi. Ce dernier vient de recevoir quatre mains droites momifiées provenant de personnes venant de se suicider. Ce sera pour ces deux êtres le début d'une quête insensée, plongeant vers les racines d'un mal que l'humanité croyait éteint, jusqu'à une mystérieuse île norvégienne, Halgadøm.
Premier ouvrage de Nicolas D'Estienne d'Orves à paraître chez l'éditeur XO, Les orphelins du mal constitue un sacré pavé (près de sept-cent-cinquante pages dans sa version poche). Au gré des pérégrinations des deux protagonistes, après un prologue particulièrement original et marquant, le voyage s'effectuera à travers une Europe qui porte, sans le savoir, les stigmates d'une emprise nazie inconnue. Par ailleurs, on suivra en parallèle les investigations de policiers français dans le sud-ouest de la France suite à la découverte d'un cadavre atrocement brûlé. Autrement dit, l'auteur a refusé la linéarité et préféré les histoires bâties en miroir, chacune répondant à l'autre, offrant de nombreuses interconnexions et une ample galerie de personnages pour un récit assez dédaléen. La langue de Nicolas D'Estienne d'Orves est très agréable, cultivée et parfois très drôle, exploitant avec bonheur une documentation que l'on devine solide. Les enchaînements sont habiles et il faut reconnaître que ce thriller a été mûrement réfléchi et bâti selon des plans impeccables. Cependant, certains lecteurs pourront justement reprocher à l'auteur d'en avoir un peu trop fait au niveau des entrecroisements entre les divers personnages, et trouveront cette phrase écrite en fin de livre et dite par Anaïs on ne peut plus véridique :Je ne comprends plus rien. Tout s'enchaîne trop vite. D'autre part, la fin est en soi très étonnante : alors que l'ensemble du roman est crédible et prenant, les dernières salves de pages émettent une solution à l'intrigue proche du genre fantastique, ce qui est assez déstabilisant quoique bien amené et assumé par Nicolas D'Estienne d'Orves.
Les orphelins du mal est donc un thriller labyrinthique, bien conçu, mais dont la fin détonne par rapport à ce que l'on attendait. Même si l'effet de la surprise procurée est en général une des vertus du genre, elle apparaîtra ici à certains insolite voire déplacée. Mais cet opus n'en reste pas moins mémorable, et ceux qui l'auront apprécié ne pourront que se jeter sur le dernier ouvrage de Nicolas D'Estienne d'Orves paru il y a un an, Les derniers jours de Paris.18/05/2010 à 19:01
-
Le Sabre sacré
6/10 Un bon petit polar se déroulant au Japon, avec un protagoniste bien sympathique : aveugle, aimant en secret une camarade, et judoka de talent. L'intrigue est bien menée, l'histoire tient la route. Petits bémols : destiné à un jeune public, c'est court et il m'a semblé que l'auteur aurait pu aller plus loin dans l'originalité et la densité dramatique. Le sabre sacré conviendra à un lectorat de collège mais ne propose probablement qu'une simple lecture récréative aux adultes, sans souvenir mémorable.
16/05/2010 à 19:52
-
En dépit du tonnerre
6/10 Un roman agréable, mais j'ai été déçu dans la mesure où je n'ai pas retrouvé le genre que je pensais trouver, si typique de l'auteur. Le mystère en chambre close est bien moins développé que dans ses autres ouvrages. Cependant, pour les amateurs de whodunit, le livre est intéressant.
11/05/2010 à 10:23
-
Les Compagnons Du Veau D'Or
8/10 Même si l'intrigue n'est pas le point fort de cet ouvrage, il n'en demeure pas moins très bon, avec de l'humour, du noir, du vitriol jeté sur la société, et une écriture toujours aussi prenante. Décidément, Jean-Beranard Pouy est un maître !
07/05/2010 à 13:34
-
Le Parchemin Disparu De Maitre Richard
8/10 Dans le Gévaudan de l'an 1363, le notaire de Saint-Clément, maître Richard, est retrouvé atrocement criblé de coups de couteau. Le sire de Randon mandate le sergent de justice Barthélemy pour comprendre un tel crime et découvrir le coupable. Dans la maison de maître Richard, la plupart des parchemins et autres actes notariaux ont disparu. Barthélemy découvre assez vite que le notaire était détesté de nombre de villageois. Ce climat tendu a-t-il un rapport avec cet assassinat ? Où sont passés les fameux manuscrits ? Constituent-ils la clef de l'énigme ? Barthélemy aura bien besoin de l'aide de son épouse Ysabellis, la guérisseuse, pour dénouer ces mystères.
Deuxième roman de Lætitia Bourgeois après Les deniers du Gévaudan, Le parchemin disparu de maître Richard est un très habile roman. Puisant dans ses connaissances – Lætitia Bourgeois étant docteur en histoire médiévale –, l'auteur restitue avec un talent indéniable le Moyen Âge, et ce dans de nombreux domaines : culture, religion, gastronomie, justice, médecine, etc. Le dépaysement est fascinant, au point que la lecture de cet ouvrage aurait presque pu se passer d'intrigue. Pourtant, cette dernière existe, et elle est à l'image du livre : remarquable. Bâtie de manière très originale, l'histoire multiplie les personnages secondaires, fort bien campés, qui sont autant de suspects pour notre limier Barthélemy, un justicier à la fois perspicace, entêté et à la fragilité bien humaine. Par ailleurs, au-delà de la découverte de l'identité de l'assassin, Lætitia Bourgeois offre au lecteur de réels moments de tension et de suspense, où sa plume rusée et élégante s'illustre pleinement.
Le parchemin disparu de maître Richard est donc un très bon polar historique, aussi divertissant et prenant qu'instructif. On ne pourra que se ruer sur Un seigneur en otage, le troisième tome des enquêtes du sergent de justice Barthélemy, récemment sorti au format poche chez l'éditeur 10-18.04/05/2010 à 18:37
-
Hécatombe
7/10 Ils sont une dizaine, appartenant à la fraction Ordre et chaos. Venus d'horizons bien différents, le destin les a fait se croiser. Ils ont en commun des haines communes : les étrangers, le dépérissement de l'Occident, l'impéritie des élites dirigeantes. Ils sont d'obédience nazie, à la sexualité contrariée, drogués et alcooliques, grands amateurs de football, prompts à la violence physique et à la torture. Après les avoir réunis, le sort va les faire errer pendant quelques jours, au gré des vents. Le sang va couler. Jusqu'à l'hécatombe.
Premier roman de Nada, Hécatombe est un roman d'une infinie noirceur, et le lecteur en prend plein les yeux. Après les dix premiers chapitres où les personnages sont présentés, tous déjantés et terrifiants, l'auteur les engage dans des quêtes diverses, parfois enchevêtrées, parfois parallèles. Le style de Nada allie poésie, situations dignes des enquêtes du Poulpe sous acide, et violence des mots. Tout y passe : coprophagie, inceste, drogue, violence. En un seul ouvrage, Nada réunit à peu près tous les volumes descriptifs de ce qui peut se faire de plus abject en matière de cruauté humaine. Bien évidemment, beaucoup de lecteurs en seront choqués et ne pourront poursuivre le voyage, submergés par des scènes où sont relatées avec force détails des obscénités qu'ils jugeront inutiles, voire écœurantes. Néanmoins, par-delà les ignominies décrites et les barbaries perpétrées, on découvre un rythme, un son, une plume ; il est vrai que Nada a participé à des projets musicaux. Sous ce vernis d'une rare opacité, il décrit par le menu des individus en souffrance, devenus des monstres à la suite d'erreurs de parcours et d'enfances contrariées. Ce ne sont pas des justifications, juste des explications, des mises en perspective. S'il est indéniable que certaines scènes heurteront et susciteront la polémique, Hécatombe constitue un roman dont la noirceur et la brutalité feront date.
Hécatombe, c'est une virée. Aux confins de l'âme, là où sont lovés les sentiments les plus sombres, les appétits les moins avouables. Une exploration pleine de bruit et de fureur, saturée de ténèbres et d'inhumanité, débordant de haine et de bestialité. Un aller sans retour absolument mémorable à défaut d'être parfaitement assimilable ou louable.02/05/2010 à 20:27
-
Cantique des ténèbres
8/10 Dans un futur proche, Paris est devenue un lieu où s'est reformée la Cour des Miracles, comme dans la plupart des autres grandes villes européennes. On y trouve pauvres et malfrats, unis pour tenter de survivre à la loi imposée par un Ministre de l'Intérieur aux méthodes dictatoriales. La jeune Nito Crisgolenko est conservatrice au Louvre et, par le plus grand des hasards, vient à pénétrer dans ce cercle d'infortunés. Elle croisera nombre de personnages étranges avant l'hécatombe déclenchée par un pouvoir politique lassé par tant de laisser-aller.
Avec Cantique des ténèbres, Édouard Bernadac signe un thriller particulièrement original et saisissant. Avec à peine plus de deux-cents pages, le récit est court, haletant, alternant les scènes d'action et les descriptions de cette fameuse Cour des Miracles. La langue de l'auteur est très agréable, parfois poétique, nourrie de mysticisme, servant avec bonheur une histoire loin des canons de la littérature noire habituelle. En effet, non content de narrer un avenir proche, Édouard Bernadac peint une galerie de protagonistes excentriques : un cabaliste ayant réussi à créer un golem, un Ministre de l'Intérieur prêt à pactiser avec le Diable – au sens littéral du terme -, des ombres démoniaques, un informaticien paré à se lancer dans le monde virtuel qu'il a créé... Le lecteur se trouve dans un univers complètement décalé et ésotérique. Si l'on perd parfois le fil de l'intrigue principale, il faut reconnaître à Édouard Bernadac un indéniable talent de conteur et une imagination débordante, rappelant certaines frénésies de Serge Brussolo ou du Club Van Helsing.
Cantique des ténèbres est donc un thriller fantastique qui ne ressemble à aucun autre, enlevé et troublant. Au-delà de l'aspect récréatif de l'histoire, cette dernière prend une nette ampleur politique, avec cette vision des indigents chassés de la cité par un pouvoir gouvernant prêt à toutes les alliances pour se débarrasser d'eux. Évidemment, il ne s'agit ici que de pure fiction : toute ressemblance avec des personnages existants ou ayant existé ne serait que pure coïncidence. Encore que...02/05/2010 à 19:48