El Marco Modérateur

3709 votes

  • Victime Delta

    Élie Robert-Nicoud

    7/10 Un bon petit polar pour la jeunesse, qui s’avale facilement et rapidement. Un format aux allures de nouvelle, une intrigue simple et prenante, qui donne autant la place à la dimension humaine des personnages décrits qu’au fil rouge que constitue l’histoire criminelle. A la manière de « La lecture du feu » qui s’adresse plus aux adultes, un ouvrage intéressant et enthousiasmant.

    30/09/2012 à 19:21

  • Milieu Hostile

    Thierry Marignac

    9/10 Dessaignes, ayant roulé sa bosse dans les milieux interlopes des ONG et de l’espionnage, coule des jours plus ou moins paisibles à Sébastopol. Mais un de ses anciens camarades lui demande de l’aide : la syphilis semble revenir en force en Ukraine. Et le voilà qui replonge dans les cercles troubles des services secrets et autres fauteurs de troubles…

    Après Renegade Boxing Club, Thierry Marignac remet son personnage fétiche au cœur d’une nouvelle aventure. Ici, le trait est noir, et l’écriture singulière. La plume de l’auteur est très travaillée, aussi poétique et courroucée que les paysages de l’Europe de l’est qu’elle décrit. Certains passages sont d’un lyrisme ténébreux, au point d’en devenir envoûtants. Des laboratoires pharmaceutiques aux appétits fétides en passant par les anciens apparatchiks, des barbouzes désargentés prêts à tout pour obtenir leur part du gâteau aux trafiquants à la veste réversible, Thierry Marignac croque avec désenchantement de sombres univers en proie à l’anomie. Son héros en sortira cabossé, usé jusqu’aux os, et définitivement privé de ses derniers fragments d’innocence, s’il lui en restait encore.
    Il est d’ailleurs bien difficile de résumer l’intrigue de cet ouvrage, tant les manipulations, faux-semblants et trahisons sont pléthoriques. Sur ce canevas inquiétant de positions de force entre les partis, l’auteur a bâti une histoire sordide, machiavélique, dédaléenne. Certains passages pourront sembler à certains lecteurs trop éloignés de l’intrigue principale, voire penser que cette dernière aurait pu être plus compacte, avec une colonne vertébrale littéraire plus marquée, mais cela n’est visiblement pas le but de Thierry Marignac : il offre à son public un paysage humain ravagé par de vils enjeux.

    Exigeant, ce livre l’est à plus d’un titre. Rédigé avec maestria, sans la moindre concession, c’est un alcool fort que l’on ingurgite cul sec, avec la certitude de sentir les tripes brûler. Peu d’ouvrages disposent de cette maléfique puissance d’évocation, et celui-ci ne se donnera certainement pas au premier venu, sans revendiquer en retour une belle gueule de bois ainsi qu’un estomac dévasté. Et c’est tout à son honneur.

    25/09/2012 à 18:50

  • Le Gang du serpent

    Hervé Jubert

    7/10 Après ses précédentes aventures relatées dans Les Voleurs de têtes, Billie Bird, jeune voleuse de son état, sait que son père est encore retenu prisonnier d’un gang mafieux si elle ne leur rapporte pas d’autres parties d’une fontaine mythique. Cependant, elle se rend compte qu’une énigmatique clé, remontant à l’Antiquité, ainsi qu’un mode d’emploi de la machine que tentent de reconstituer les ravisseurs de son père, peuvent être récupérés. Ni une ni deux, Billie reprend le chemin du cambriolage !

    Deuxième opus de la série Vagabonde, ce Gang du serpent ravira à coup sûr celles et ceux qui avaient apprécié le précédent ouvrage. On retrouve avec plaisir Billie Bird et son équipe : son chenapan de petit-frère, l’énigmatique et ravissant Octave, et le grand-père, de plus en plus victime d’Alzheimer. Si les scènes d’action échevelées sont moins nombreuses que par le passé, ce roman s’axe davantage sur les personnages et l’émotion. Hervé Jubert creuse les relations entre les divers protagonistes, notamment entre Billie et Octave, avec une amourette attendue à l’arrivée. Par ailleurs, le grand-père, surnommé le Capitaine, et sa maladie neurodégénérative, devient le centre des attentions du groupe, avec de nombreuses scènes poignantes où s’insère néanmoins un humour salvateur.
    Billie, au volant de sa fidèle Vagabonde, un combi Volkswagen antédiluvien, prend de nouveau la route à la recherche d’objets à dérober, et l’auteur fait montre d’un humour omniprésent, dans les dialogues comme dans les situations. Les exploits, même moins fourmillants, sont assurément réussis, et l’ouvrage s’achève sur un rebondissement qui donnera forcément aux lecteurs l’envie de se ruer sur le troisième et ultime écrit de la série.

    Indéniablement captivant, ce Gang du serpent constitue une habile passerelle entre le premier et le dernier ouvrage des romans consacrés à Vagabonde. La plume d’Hervé Jubert est efficace, et l’on attend avec impatience le futur ouvrage, à paraître en octobre.

    25/09/2012 à 18:44

  • Les Démons des temps immobiles

    Dan Chartier

    3/10 Le commissaire Marac vit reclus du monde, dans un chalet de montagne, lorsqu’il est appelé par ses collègues. Un de ses amis d’enfance a disparu. Son domicile a été mis à sac, et on découvre dans le jardin deux cercueils, l’un avec un squelette, l’autre avec un simple mot énonçant la date présumée de la mort de Marac. L’enquête va le mener vers des vérités inavouables que de nombreux individus souhaitent garder secrètes.

    L’auteur du très bon The One signait en 2007 un thriller mâtiné de roman d’aventures et d’ésotérisme dans l’air du temps. Le personnage fétiche de Dan Chartier pénétrait les arcanes de la religion et de mystères anciens, l’amenant à affronter des adversaires nombreux et retors. La plume de l’écrivain se montrait particulièrement fluide et assez efficace, notamment dans les descriptions géographiques. Le lecteur voyage au gré des investigations du commissaire, de la France à Venise en passant par l’Arizona et le désert saharien. Les fans de l’occultisme et autres complots, à la manière de Dan Brown ou Raymond Khoury y trouveront probablement de quoi nourrir leur imagination et passer un bon moment.
    Néanmoins, pour les autres, la sauce ne prendra certainement pas. Dan Chartier a imaginé une intrigue complexe, certes très documentée, mais dont les ramifications, la pléthore d’intervenants et l’aspect dédaléen finissent par lasser. Car les thèmes évoqués, et tous finissant par avoir de l’importance dans ce scénario luxuriant, abondent : le nazisme et l’Ordre Noir, le rôle de Jésus-Christ, les Amérindiens, les crânes de cristal, les sociétés mayas, le Vatican, les manuscrits de la Mer Morte, les origines extraterrestres de l’humanité… Entrez tous et que le dernier ferme la porte ! Tout ce beau petit monde se retrouve dans une série magmatique d’interactions, se combat, s’entraide, ou exerce un troc. De ce méli-mélo d’idées si souvent évoquées au cinéma et en littérature, il fallait un angle d’approche puissant, simple et cohérent, mais ce n’est clairement pas cette voie qu’a choisie Dan Chartier. Tout y est touffu, abscons, et finit malheureusement par sombrer dans le ridicule. Par ailleurs, Marac devient crispant : qu’il doit être flatteur, au quotidien, d’être si instruit en combat, minéralogie, histoire, géographie, religion, etc. Rien n’échappe à ce surhomme de l’intellect, et l’on en vient, dans certains passages, à plaindre les pathétiques ennemis qui se mettent sur son chemin. Ajoutons à cela une fin bien trop abrupte et l’identité du commanditaire trop aisée à deviner.

    Il en va de la littérature comme de la cuisine : certains plats souffrent de complications inutiles, d’ingrédients trop multiples, et de saveurs qui s’entremêlent au point de gâcher complètement le mets final. Cet opus en est la parfaite illustration : simplicité et volonté de rendre l’ensemble plus crédible et homogène auraient certainement servi le récit. Dan Chartier, décédé en 2007, en était capable.

    25/09/2012 à 18:43

  • La Fille de nulle part

    Fredric Brown

    9/10 George Weaver est un agent immobilier que la vie a éprouvé. Difficultés de trésorerie, impasses professionnelles, et un mariage qui tourne désespérément en rond. Aussi, autant pour gagner un peu d’argent facile que pour rendre service à un ami, il accepte une mission : prendre des photographies d’un lieu où une jeune femme a été tuée huit ans plus tôt. Rapidement, George se prend de passion pour cette affaire, au point d’éprouver des sentiments pour la défunte, et cherche à mener l’enquête en solo. Mais il ignore encore à quel point cette énigme va le bouleverser…

    Fredric Brown signait en 1951 ce roman noir particulièrement saisissant. La langue de l’auteur est simple, les phrases élémentaires, et c’est pourtant avec grand intérêt que le lecteur suit la progression du héros. De prime abord oisif, fauché par une existence qui a perdu toute saveur, il en vient à se prendre d’une passion trouble pour la victime. La manière, à la fois primaire et cohérente, dont il parvient à remettre en place les pièces du puzzle quant à la défunte, son identité, ses origines et ce qui lui est arrivé, lui permet de reprendre goût à la vie. Certes, il y a des passages qui semblent un peu creux, ou tout du moins qui n’apportent pas de véritable progrès à l’investigation, et l’on en vient parfois à se demander où Fredric Brown veut bien en venir.
    Et arrive le final. Les deux dernières pages. Un véritable feu d’artifice, comme un incendie qui couvait derrière une porte close. Un accès qu’un détail dérisoire va ouvrir, pour envoyer des flammes vengeresses à la face de George Weaver comme à celle du lecteur. Un événement inattendu, impossible à deviner, et d’une efficacité remarquable. Un retournement de situation tellement incroyable, en deux temps, qu’il marquera probablement le lecteur un bon moment.

    Il aura fallu à Fredric Brown passer par le filtre d’un roman aux accents de faits divers, parfois lénitif, pour instaurer ce calme trompeur. Car quand survient le coup de théâtre final, il est d’autant plus incisif que rien, dans l’apparente banalité de l’histoire et des personnages qui la peuplent, ne nous y préparait. À n’en pas douter, cet ouvrage, méconnu, mérite très amplement d’être découvert.

    08/09/2012 à 08:47 4

  • Clic mortel

    Jean-Luc Luciani

    8/10 Ce Clic mortel est à la fois efficace, nerveux et astucieux, en proposant aux collégiens une fiction angoissante, qui oblige à se poser des questions pertinentes quant au web et les usages qui en sont faits.

    08/09/2012 à 08:44

  • Stormbreaker

    Anthony Horowitz

    8/10 Redoutable concurrente de la série CHERUB écrite par Robert Muchamore, celle narrant les aventures d’Alex Rider a su trouver son public. Anthony Horowitz, écrivain spécialiste de la littérature jeunesse, a trouvé le concept, les mots et les personnages pour offrir de délicieuses heures de détente à ses fans.

    08/09/2012 à 08:43

  • Léviatemps

    Maxime Chattam

    6/10 Un assez bon livre selon moi, même si je dois confesser que mes sentiments ont souvent alterné en fonction des passages. J’ai retrouvé avec plaisir la patte de Maxime Chattam, ce dynamisme, ce savoir-faire. Les chapitres alternent bien, le suspense est habilement orchestré et maintenu, et j’avais très souvent hâte de passer à la partie suivante. Pour ce qui est de la reconstitution historique et géographique, contrairement à certains avis et commentaires formulés par d’autres lecteurs, je ne l’ai pas trouvée trop démonstrative ni trop encombrante. Le Paris de l’époque m’est apparu très intéressant et vivant, sans trop d’ostentation érudite. J’ai eu en revanche plus de mal avec certains tics de l’auteur : les dialogues parfois ampoulés, où les personnages déclament plus qu’ils ne parlent, les assertions philosophiques un peu convenues à mon goût, et un protagoniste, Guy de Timée, qui ressemble un peu trop aux autres créatures littéraires de l’auteur, au point qu’ils finissent, à mes yeux, par tous s’apparenter. De ses déductions quant à la personnalité de l’assassin, ses motivations et son enfance, en passant par les analyses graphologiques (qui m’ont paru bien longues et souvent invraisemblables), tout cela m’a fait l’effet d’un lourd déjà vu, ou déjà lu, au point de perdre en crédibilité. J’ai eu aussi, pendant de très longs moments, l’impression que ce voyage dans le temps n’était que superficiel, que toute cette intrigue aurait pu se dérouler de nos jours, que Maxime Chattam se contentait de plaquer ce qu’il fait habituellement sur une époque différente, sans que ça ne soit réellement nécessaire, me donnant le sentiment que toute cette démonstration était purement artificielle. Mais à côté de ces défauts, il y a le final. Et là, j’avoue que je l’ai adoré. Une véritable petite perle, ce Léviatemps, ou plus exactement sa nature et son rôle, quoiqu’un peu trop téléphoné à cause du titre de l’ouvrage. Une idée très forte, avec un puissant impact visuel, que je ne vais pas oublier de sitôt. Je lirai avec plaisir l’autre partie du diptyque de l’auteur, « Le Requiem des abysses ».

    26/08/2012 à 10:55 1

  • Apokalypse

    Patrick-Jérôme Lambert

    7/10 Il est difficile, devant ce genre d’ouvrage, de bouder son plaisir. Même si des poncifs ainsi qu’un manque d’austérité pourront nuire aux yeux de certains lecteurs, l’essentiel, voire plus, est bien présent : on ne s’ennuie pas un instant. Un bien bon moment de lecture, à la fois décomplexée et paradoxalement porteuse de réelles questions quant à la puissance nuisible des sectes.

    26/08/2012 à 10:47

  • Tirez pas sur le scarabée !

    Paul Shipton

    7/10 Réjouissant, divertissant, avec quelques pensées sous-jacentes de bon aloi, voilà un roman à la fois court et amusant qui, à défaut de révolutionner le genre, offre une approche atypique et plaisante de la littérature policière. La suite des enquêtes de Bug Maldoon est à suivre dans Un privé chez les insectes.

    26/08/2012 à 10:46

  • Les égarés des catacombes

    Jean-Luc Bizien

    8/10 L’aliéniste Simon Bloomberg se retrouve dans les souterrains de Paris, avec un compagnon d’infortune. Persuadé qu’il va y mourir, il se souvient. Récemment, la violence l’a enveloppé. Un couple qui se déchire. Ulysse prêt à en découdre avec des importuns. Sarah horrifiée quand un de ses courtisans use de brutalité pour affronter des crapules. Les exemples se multiplient. Chaque individu semble sauvagement envahi par sa part d’ombre. Et pendant ce temps, un traquenard se refermait lentement sur Bloomberg…

    Après La Chambre mortuaire et La Main de gloire, ce troisième ouvrage poursuit sur la brillante lancée de la série consacrée à la Cour des Miracles. En quelques traits, on retrouve avec délectation le style de Jean-Luc Bizien. Les lieux et l’époque du Paris de la fin du dix-neuvième siècle sont brillamment reconstitués, avec une belle économie de moyens, et sans jamais pour autant apparaître fade ou terne. Les personnages conservent tout leur allant, et ce roman se distingue d’ailleurs des précédents par cette focalisation sur les rapports qu’ils entretiennent entre eux : Sarah Englewood, la belle et jeune employée de maison, Simon Bloomberg, cet aliéniste brillant toujours poursuivi par le doute et rongé par la mort de sa femme, Ulysse, ce si doux et innocent colosse… Dans sa postface, l’auteur explique d’ailleurs que ce livre se voulait singulier dans la série, un moment que l’on interprète volontiers comme une parenthèse, un moment privilégié pour interroger les protagonistes ainsi que le lecteur quant au problème suivant : d’où provient la violence ? L’intrigue imaginée par Jean-Luc Bizien permet en partie d’y répondre, grâce à une histoire concise, sombre, et tragiquement crédible, un guet-apens tout en subtilité.

    Vienne la nuit, sonne l’heure offre donc au lecteur la possibilité de voir les créatures littéraires de Jean-Luc Bizien s’émouvoir, se questionner et douter, encore plus que par le passé. Ouvrage charnière, il fournit cette respiration nécessaire à la saga de la Cour des Miracles, pour engager un approfondissement des natures et devenirs des personnages, sans pour autant délaisser une enquête criminelle, solide et plausible.

    26/08/2012 à 10:39 1

  • Infiltrés

    Laurent Queyssi

    7/10 Adam Verne est un adolescent de quinze ans, vivant dans un fauteuil roulant. Hacker de génie, il passe les brèches informatiques de la CIA par bravade, et devient alors la proie des services secrets. Ces derniers l’assurent de leur indulgence s’il opère pour eux. La mission : participer à une course en Europe et récupérer un virus biologique hyper dangereux.

    Roman de Laurent Queyssi paru dans la collection Thrillers de Rageot, cet opus marque rapidement par l’énergie qui l’anime. Le lecteur bascule presque instantanément dans l’aventure, d’une partie de jeu vidéo à un double enlèvement, que suivent les tractations avec les services d’espionnage. Le style est direct, clairement tourné vers l’action et le visuel, et l’on suit les péripéties d’Adam avec entrain. Plusieurs histoires s’entremêlent, du hacking à la course en passant par la recherche des criminels. Assurément, Laurent Queyssi connait le public auquel il s’adresse, et l’auteur offre à cet égard tout ce qu’il faut pour satisfaire son lectorat.
    Certes, quelques passages sont on ne peut plus invraisemblables, mais ce n’est clairement pas ce qui est recherché par l’écrivain. Les rebondissements sont multiples, les scènes basculent de l’une à l’autre sans temps mort, et l’on achève vite ce livre de deux-cent-trente pages.

    Voilà encore un roman qui répondra pleinement aux attentes des jeunes lecteurs, essentiellement les collégiens. C’est vif et malin à défaut d’être plausible, et l’on en prend vraiment plein les yeux. De nombreux passages sur les méthodes employées par les hackers sont sidérants, et le final, très hollywoodien, à grand renfort d’improbables technologies, achève cet écrit avec un grand point d’exclamation.

    26/08/2012 à 10:34 1

  • Les Secrets d'une voleuse

    Eléonore Cannone

    8/10 Pas la moindre scène sanglante ni susceptible d’effrayer les plus jeunes lecteurs : tout se joue avec retenue et intelligence, s’adressant clairement à de jeunes collégiens. On se réjouit également de l’humour, omniprésent, dans les répliques comme dans les situations, et de l’entrain qu’Éléonore Cannone apporte au récit. Son style, direct et espiègle, offre de bien agréables moments de jubilation.

    26/08/2012 à 10:27 1

  • Boulogne stress

    Patrick S. Vast

    8/10 Bertrand Chaze est cadre dans une boîte qui se consacre à l’événementiel. Harcelé par son patron qui lui demande de l’aider à virer un collègue trop vieux à ses yeux, il finit par accepter. Rongé par les remords, ses angoisses ne vont pas s’arrêter là : un nouveau membre dynamique débarque, décidé à faire le ménage. Il y a aussi une épouse en proie aux doutes, une secrétaire qui aimerait bien mettre la main sur Bertrand, des policiers qui ne savent pas comment mener l’enquête sur le suicide de quatre employés de l’entreprise, etc. Inutile de se le cacher : il va y avoir des drames…

    Troisième ouvrage policier de Patrick S. Vast après les très bons Béthune, 2 minutes d'arrêt et La veuve de Béthune, on retrouve dès les premières pages le style si typique de l’écrivain. Des personnages dépeints avec une grande économie de mots. Des descriptions concises. Une plume si empressée – au sens positif du terme – de mettre en exergue la mécanique de l’écrivain plutôt que de se perdre dans les détails qu’il arrive fréquemment que de nombreuses péripéties surviennent en quelques paragraphes. L’intrigue est toujours aussi bien imaginée, avec des interactions abondantes entre les protagonistes, et débouchant sur des catastrophes. Patrick S. Vast ne déçoit pas le lecteur, avec ce nouvel opus rythmé, au scénario original, et mettant en scène des individus qui vont, pour la plupart, être broyés au gré de ce récit, psychologiquement, socialement, ou physiologiquement.

    Telle une machine infernale, l’écrivain met en place les rouages qui vont prendre les êtres entre leurs mâchoires. Même si certaines interférences entre ces personnages sont parfois peu crédibles, il faut reconnaître à Patrick S. Vast un talent rare : son style littéraire est inimitable et ses histoires rapidement reconnaissables. Peu d’écrivains peuvent se targuer d’une telle qualité, raison pour laquelle il est difficile de bouder son plaisir.

    10/08/2012 à 16:27

  • Retour à Baskerville Hall

    Philippe Chanoinat, Frédéric Marniquet

    2/10 Trois ans après les événements qui ont secoué Dartmoor, de vieux fantômes réapparaissent. La silhouette effrayante d’un chien monstrueux, un voleur qui file entre les doigts de la police après sa sortie de prison, un couple en proie à la panique… Seuls Sherlock Holmes et son fidèle ami le docteur Watson peuvent démêler cette énigme, aussi bourbeuse que les paysages de cette sinistre lande.

    Le scénariste Philippe Chanoinat et l’illustrateur Frédéric Marniquet ressuscitent l’un des plus grands limiers de l’histoire littéraire à l’occasion de cette bande dessinée. Reprenant l’intrigue du Chien des Baskerville écrite par Arthur Conan Doyle – un résumé est d’ailleurs proposé en début d’ouvrage afin de resituer l’histoire, cet opus rend hommage aux personnages créés environ cent-dix ans plus tôt. On retrouve les excentricités de Sherlock Holmes, son don pour les observations, les analyses et les déductions. Par ailleurs, les lieux sont bien rendus, et le scénario tient plutôt la route, jouant à la fois sur l’originalité et l’héritage dont il est issu.
    Cependant, des écueils subsistent. En « osant » reprendre l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, il fallait réaliser une bande dessinée forte, puissante, marquante. C’est raté. Les dessins de Frédéric Marniquet manquent cruellement d’expressivité et l’esthétique paraît très datée, tant du point de vue des couleurs que du graphisme. Les scènes croquées sont trop souvent banales esthétiquement, et tous les décors finissent par se ressembler. Quant aux scènes de tension, d’action ou celles où surgit la bête, elles ne provoquent pas de frissons ni de fièvre. Les attaques du molosse sont aussi impressionnantes qu’un pet de hamster. En outre, l’intrigue aurait certainement mérité un meilleur dosage de la part de Philippe Chanoinat : elle semble de prime abord basique, au point de décevoir, reprenant des éléments éculés et rassemblés comme dans un puzzle maladroit. Et quand l’élucidation apparaît, c’est une véritable cascade qui noie le lecteur, au point de rendre ces éclaircissements trop brutaux. Le scénario aurait également pu être plus incisif, pour se mettre à la hauteur des écrits d’Arthur Conan Doyle. Tout paraît un peu trop plat, sage, voire quelconque.

    L’idée de renouer avec Le Chien des Baskerville était osée. Pour réussir cette gageure, il fallait à la fois de l’énergie et de l’inventivité, ce qui n’est pas le cas ici. L’hommage rendu et les allusions aux livres d’Arthur Conan Doyle prouvent que Philippe Chanoinat et Frédéric Marniquet maîtrisent leur sujet et l’univers de l’écrivain, mais ce Retour à Baskerville Hall demeure bancal et bien faible. La décence voudrait parfois que l’on n’exhume pas les morts, ou alors que les fossoyeurs aient la correction de ne pas dégrader le corps du défunt à cette occasion.

    02/08/2012 à 17:13

  • L'Aiglon ne manque pas d'aire

    Patrick Weber

    7/10 Valdémar Aigle, antiquaire dans le quartier du Marais, s’occupe de la liquidation de l’héritage de Lucien Michepape. Parmi ses effets, il découvre des documents signés de Napoléon II. Ce dernier, abandonné par sa mère et livré à l’oubli suite au décès de son père, s’était retrouvé dans l’ennui et la certitude de mourir dans l’anonymat des grandes cours européennes. Cependant, il semblait avoir lentement repris goût à la vie grâce à un stratagème qui lui aurait permis de revenir sur le devant de la scène diplomatique mondiale…

    Voilà un roman à suspense très original. Là où d’autres, avatars plus ou moins heureux de Dan Brown ou de Raymond Khoury, se seraient lancés dans un énième livre mettant en scène un complot lié à l’Histoire, Patrick Weber signe un ouvrage délicieux, à la langue colorée, empli d’humour et de second degré. La cabale existe, certes, mais elle est souvent reléguée au second plan d’un scénario qui met en lumière des personnages atypiques, résolument détonants. L’ironie et l’absurde se côtoient dans ce récit qui mêle descriptions du Marais et de sa faune, interventions de protagonistes presque théâtraux dans leurs actes et attitudes, et narration de la vie de Valdémar. À rythme cadencé, l’histoire s’entrecoupe de lettres laissées par Napoléon II, qui mettent lentement en lumière le plan du fils de Napoléon Ier pour échapper à l’amnésie des dirigeants de son époque.
    L’intrigue est bien imaginée, ménageant quelques rebondissements bienvenus et un final émaillé d’une symbolique pertinente. Le roman est assez court, se lit vite, et offre un contrepoint intéressant aux ouvrages du même genre, qui se montrent parfois trop ambitieux, au risque de perdre en crédibilité. Finalement, le seul reproche que pourront faire certains lecteurs à Patrick Weber tient justement à cette approche mineure de sa propre intrigue : à force de chercher l’humour et la distanciation avec ses condisciples, l’auteur risque de se priver d’un lectorat qui aurait peut-être désiré plus de nervosité ou de sérieux dans la résolution de l’histoire.

    Patrick Weber fait donc la part belle à la décontraction et l’amusement, et évite ainsi les poncifs d’un ixième thriller conjuguant quête historique et cabale ésotérique. Le ton est assumé, avec entrain et efficacité, et brille dans le paysage littéraire comme une bien agréable facétie.

    27/07/2012 à 19:04

  • Le Serpent de feu

    Fabrice Bourland

    9/10 Les deux détectives Trelawney et Singleton enquêtent sur une disparition bien étrange : le corps d’un homme momifié a quitté le lieu où il reposait, au grand dam des deux thanatopracteurs. Encore plus bizarre est le lien qui est rapidement fait entre ce cadavre et le meurtre d’un politicien engagé contre les ligues fascistes. Un mort peut-il être le criminel, comme l’atteste un témoin qui semble digne de foi ?

    Quatrième ouvrage de la série consacrée à ces détectives de l’étrange après Le Fantôme de Baker Street, Les portes du sommeil et Le Diable du Crystal Palace, cet ouvrage réunit tous les ingrédients qui ont fait le succès de cette saga. L’ambiance est rapidement plantée, les us et coutumes de cette période délicieusement reconstitués, et les deux protagonistes sont très attachants. Le lecteur plonge rapidement dans une intrigue de prime abord insoluble : comment un défunt pourrait-il se montrer si vivant ? Et c’est un des nombreux talents de Fabrice Bourland : l’auteur est capable, avec habileté et sans tomber dans les poncifs du genre, de rendre crédible une atmosphère fantastique, à tous les sens du terme d’ailleurs. Les rebondissements sont nombreux et ingénieux, avec une enquête qui mène vers les milieux du cinéma, du spiritisme et de la politique. Le scénario est adroit, et la résolution osée et efficace. Certains passages, notamment vers la fin, sont mémorables, et unissent avec un brio indéniable les genres fantastique et policier.

    Voilà encore un opus signé Fabrice Bourland qui mérite amplement le détour : histoire audacieuse, reconstitution historique érudite sans devenir bavarde ou ostentatoire, et dénouement remarquable. On en vient même à se demander s’il ne s’agit pas là de son meilleur ouvrage à ce jour.

    27/07/2012 à 19:00 1

  • La revanche des crapauds cracheurs

    Pascal Coatanlem

    1/10 Un opus très étrange, et qui me met, chose rarissime, dans un état de doute sans fin. De prime abord, on pourrait penser à un roman à suspense, où les crapauds remplacent les requins ou les araignées, bref, une sorte de « Dents de la terre » pour enfants. Néanmoins, au moins en ce qui me concerne, la sauce n’a pas pris, et ce que j’ai ingéré m’est resté sur l’estomac. Les scènes de frisson m’ont laissé de marbre. Complètement. Presque sur toute la ligne, ça ressemblait à un nanar, avec des clichés par brouettes : le méchant scientifique au rabais avec ses expériences génétiques (dont personne ne sait ni n’explique pourquoi elles ont été réalisées, parce que, tout de même, il faut avoir envie de faire des manipulations aussi saugrenues !), engendrant des crapauds croisés avec des lézards ou des serpents, et prompts à cracher de la bave corrosive (sic !), la gentille rencontre du gentil garçon avec la gentille fille qui, ô surprise pas du tout téléphonée, se trouve être la propre enfant du chercheur, un happy end assez tarte et mal amené... L’auteur aurait pu jouer sur cet ixième degré : que nenni. Il joue sur le premier degré, et l’aspect irréaliste de la situation, voire des situations (le gamin qui va prendre une douche et dormir quand la maison est assaillie par les crapauds, par exemple), rend l’ensemble complètement bancal, voire grotesque.
    Là-dessus, l’écrivain ajoute une couche moralisatrice, qui aurait pu être intéressante mais vire au grand n’importe quoi, par manque d’inspiration ou par pure convention, avec un antidote concocté au pied levé par un enseignant de SVT à partir de pseudos écrits du Frankenstein de service, et qui permet aux cruels crapauds de devenir gentils pour contrer la révolte des méchants, voire rendre amicaux tous ces batraciens. Là, on verse littéralement dans le « oh, et si on pouvait faire de même pour les hommes, il y aurait moins de guerres ». Et paf ! Argument massue ! Démonstration irréfutable ! Il n’y a plus qu’à se taire et hocher la tête comme à la fin d’une messe. Sauf que le prêtre semble ivre comme ça n’est pas permis, et péremptoire en plus. Je me suis dit que cela était sans doute dû au fait que j’étais un adulte, que les enfants auxquels est destiné ce roman réagiraient différemment de moi. Mais ça ne tient pas, du moins pas pour moi : je n’imagine pas mes élèves prenant du plaisir à lire cet ouvrage, quel que soit leur profil scolaire ou cognitif.
    Moralité, pour moi : un nanar insondable, qui hésite sans cesse entre plusieurs genres, au point de tomber dans un burlesque pathétique. Manque d’efficacité narratif et scénaristique, histoire abracadabrante que ne rattrape aucune dérision, postulat de départ atypique qui sombre immédiatement dans un rocambolesque navrant… J’en suis presque désolé, j’ai rarement eu ce ressenti et des propos de ce genre, mais là, je me confesse, cet opus m’est passé bien loin au-dessus de ma petite tête. J’ai dû rater un angle d’approche et n’ai entraperçu qu’une vaste fumisterie. À force de ménager la chèvre et le chou, l’auteur de ce roman n’a généré que du lait caillé et du scorbut.

    23/07/2012 à 18:12

  • Le piège de Dante

    Arnaud Delalande

    8/10 Cet opus conjugue avec ingéniosité plusieurs genres : les mystères du roman d’espionnage, la nervosité du thriller, la fougue des ouvrages de cape et d’épée, auxquels s’additionnent le grand savoir historique d’Arnaud Delalande. Un très bon moment de lecture divertissante.

    18/07/2012 à 14:16

  • Sept ans plus tard

    Jean-Christophe Tixier

    8/10 Pierre-Adrien Nial accepte à contrecœur la proposition d’anciens élèves de sa classe de CM2 : se retrouver, sept ans plus tard, dans l’école qui les avait accueillis. L’occasion d’évoquer le bon vieux temps, celui de la camaraderie, de l’innocence, des blagues de potache. Mais aussi l’époque où tous vivaient sous la coupe d’Anthony, une vermine qui les rackettait et les humiliait. Anthony est également du rendez-vous, et il n’a guère changé : arrogant, mal élevé, et toujours prompt à créer des problèmes. Et si, avec ces retrouvailles, avait aussi sonné le temps de la vengeance ?

    Il est des romans destinés à la jeunesse qui marquent rapidement les esprits par la justesse du ton employé, leur maturité : indéniablement, celui-ci en fait partie. Dès les premières pages, Jean-Christophe Tixier sait happer l’attention du lecteur, par la tonalité des mots employés, l’authenticité des sentiments évoqués, la profondeur des émotions suscitées. Tout sonne vrai, notamment lorsque les scènes sont décrites à travers les yeux de Pierre-Adrien, lycéen blasé et grand amateur de caricatures, croquant chacun des personnages qu’il croise. Cet ouvrage décrit aussi de belle manière les mentalités de l’enfance, entre candeur et découverte des épreuves infligées par les canailles.
    Le lecteur va vite se douter qu’un drame se noue, que les représailles sont proches, que les rancœurs vont ressusciter sous une forme violente lorsque seront invoqués les souvenirs dégradants de la jeunesse des protagonistes. Là où Jean-Christophe Tixier tire également son épingle du jeu, c’est dans la construction du drame à venir : le lecteur ne sait que bien plus tard qui mettra en branle le châtiment, et de quelle manière les rouages mis en place vont ériger Pierre-Adrien en un coupable idéal. Un agencement intelligent et efficace, très crédible, où la noirceur et la tension rendent l’ensemble encore plus oppressant et percutant qu’un inutile jaillissement de sang.

    Jean-Christophe Tixier sait s’adresser aux jeunes, grâce à un style nerveux, des personnages plausibles et un scénario habile. Le roman, dans sa totalité, renverra certainement le lecteur à des réminiscences de ce que lui-même aura pu vivre lorsqu’il était enfant, tout en posant des questions pertinentes quant à l’amitié, la suspicion et la notion de culpabilité.

    18/07/2012 à 14:14 1