El Marco Modérateur

3708 votes

  • Naissance

    Jaouen

    6/10 Un début de toute beauté où un individu, après avoir lutté contre d’étranges créatures, meurt dans une immense boule de feu en faisant des références multiples à la religion. Dix-huit ans plus tard, en 2122, une communauté survit dans un décor désertique.
    Esthétiquement, c’’est juste sublime, et le récit s’avère très dynamique, mais je n’ai pas accroché plus ça à la mosaïque de thématiques abordées (religion, SF, voitures façon « Mad Max », créatures bizarroïdes, etc.). C’est objectivement bon, mais peut-être pas fait pour moi.

    15/12/2024 à 07:41 2

  • Les Furieuses

    Armand Cabasson

    7/10 21 septembre 1807 : le corps d’une femme vient d’être découvert dans une étrange posture. Elle est vêtue d’une très élégante robe noire de soirée, et des papillons se trouvent dans la pièce ainsi que collés à son habit. L’inspecteur Candelet – contrairement à ce qui est indiqué sur le résumé officiel de l’ouvrage – est contraint d’accepter la présence de l’aliéniste Dalvers à ses côtés pour mener l’enquête. L’investigation mènera le médecin en Espagne à la recherche d’un tueur en série obsédé par une femme bien particulière, jusqu’à tomber entre les griffes d’une redoutable guerrière que l’on surnomme « la Reine sorcière ».

    Armand Cabasson signe ici un polar historique très intéressant. Se déroulant lors du Premier Empire, l’auteur restitue avec beaucoup de brio les mœurs de l’époque, le Paris grouillant de misère, les tensions diplomatiques entre la France et l’Espagne, les enjeux géopolitiques, et propose une reconstitution particulièrement sauvage et authentique du soulèvement du Dos de Mayo. Le pitch est alléchant, le rythme endiablé, et le récit assez court (un peu moins de trois cents pages) n’offre aucun temps mort. On éprouve de la sympathie pour cet aliéniste aux méthodes anticonformistes, cherchant à libérer la parole de ses patients plutôt que de les traiter de façon brutale et archaïque, et son savoir est tel que l’Empereur lui demandera même de soigner Joséphine de Beauharnais. La partie se déroulant de l’autre côté des Pyrénées s’avèrera épique, d’une rare violence, la grande Histoire se mêlant à celle du livre, avec force escarmouches, embuscades et batailles, avec quelques éléments faisant penser à la plume de Serge Brussolo. En revanche, on regrette que le volet purement policier soit en demi-teinte : il y a un habile rebondissement quant à l’identité du prédateur, mais sa personnalité n’est guère creusée, son mobile est plutôt artificiel, et les qualités professionnelles de Dalvers ne sont pas beaucoup mises en lumière lors de la traque.

    Un roman qui mêle aventures et intrigue policière : malgré quelques poncifs, l’ensemble est haletant et compose une lecture indéniablement effrénée.

    12/12/2024 à 06:42 2

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 2

    Gou Tanabe

    9/10 Robert Olmstead croise des autochtones au visage hybride (« aquatique » et humain) et découvre qu’il ne lui est pas possible de rejoindre Arkham : il est donc coincé sur place, dans ce village de la menace et de la terreur grandissante. Rien que les planches mettant en scène le héros dans sa chambre d’hôtel sont des délices de suspense et de noirceur, pour une tension qui va habilement crescendo jusqu’à la chute. Celles et ceux qui auront lu le texte originel de Lovecraft (dont je fais partie) ne seront pas plus surpris que cela, certes, mais c’est un pur égal que de replonger (à tous les sens du terme) dans cette œuvre magistrale, d’autant que le graphisme de Gou Tanabe est tout bonnement fascinant. Remarquable.

    12/12/2024 à 05:24 3

  • Au-delà de l'horizon et autres nouvelles

    Franck Thilliez

    8/10 Au gré de ce recueil, j’ai eu le plaisir de relire des textes déjà lus précédemment (il y a même parfois longtemps), à savoir « Hostiles », « Ouroboros » et « Le Grand Voyage ». Pour ce qui est des autres – inédites à mes yeux, donc, un beau cocktail. « Au-delà de l’horizon », ou comment Marc, exobiologiste, va accomplir une série de missions dans le confinement d’un dôme scientifique aux côtés de cinq autres scientifiques, en préparation des futures expéditions sur Mars, sauf que rapidement, des détails se mettent à choquer l’équipe, la paranoïa augmente, sans compter divers éléments étranges (la mallette à arme à feu, la salamandre morte, les mails échangés avec son épouse Hélène, etc.). Une histoire bien agréable, même si j’ai trouvé la chute un peu faible par rapport à ms attentes. « Charybde et Scylla » s’est montrée bien plus convaincante à mes yeux, ou comment un dénommé John Doe nous fait basculer de l’autre côté du miroir, là où s’enchevêtrent l’imaginaire des écrivains, le processus de création artistique, et la puissance de la pensée chez les lecteurs. Une magnifique volée de pages, convaincantes et atypiques, renvoyant les créatures littéraires au rang de sous-individus que l’on peut exploiter à sa guise, quitte à les mutiler voire les tuer. Un univers qi tranche singulièrement – du moins est-ce mon avis – avec le reste de la bibliographie de Franck Thilliez, et j’ai beaucoup apprécié cette prise de risque, même éphémère, à classer à côté de « Prière d’achever » de John Connolly. En revanche, peut-être aurait-elle mérité des pages en plus pour développer ce thème, d’autant que je l’ai trouvé très bien imaginé et traité, ainsi qu’un côté un peu plus « thriller », car là, c’est presque de la littérature blanche. « Gabrielle » m’a fait passer un bon moment, avec sa simplicité et son final intéressant, et la concision (une vingtaine de pages) a servi le dynamisme de l’ensemble. « Sopor », ou une relecture habile de « La Disparition » de Georges Perec : dix pages intelligentes où monte le suspense quant à ces lettres sciemment progressivement omises, jusqu’à la conclusion finale (en revanche, merci Internet pour la compréhension du titre de cette nouvelle). « Double Je », ou la curieuse confession de Ganel Todanais à la policière Eulalie, déclarant qu’il a tué un artiste, Natan de Galois, qui expérimente le même processus de création que lui, à savoir un appareil qui transpose la voix humaine en œuvres créées par une imprimante 3D. Des accents à la Edgar Allan Poe (je ne serais pas surpris que Franck Thilliez ait lu « William Wilson » ou « Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe », par exemple). Un beau suspense, allant crescendo, prenant et efficace, mais dont la fin est facilement devinable, presque téléphonée (le tour de passe-passe dévoilé page 247, histoire de ne rien divulguer, sans compter le titre trop explicite). Et comme je suis de ceux qui avaient deviné la fin, je me sens un peu frustré, d’autant que l’immense talent de l’auteur lui aurait amplement permis de trouver une autre clef de résolution. « Lasthénie », ou la trajectoire de deux personnages, Catherine, sévèrement anémiée, et Nathanaël, au rhésus rarissime, à laquelle vient s’adjoindre cette Lasthénie, barmaid de son état. Une histoire originale dans le fond – le sang, ses particularités organiques, le don – mais moins dans la forme, parce que la chute peut se deviner, d’autant qu’elle est plutôt capillotractée, je trouve. « La Croisée des chemins », ou la séquestration du petit Martin par Claude dans un chalet isolé pendant près d’un an, avant que les raisons de cette incarcération n’apparaissent : pas mal d’émotion et de beaux sentiments, pour des thèmes (notamment le médical) déjà lus mais très adroitement exploités. « Un dernier tour », comment le cadavre d’une femme, remontant à la surface du lac Besson, va conduire, de fil en aiguille, avec d’autres cadavres retrouvés à la clef, à conduire le policier Paul Mourier à enquêter sur une série de meurtres en rapport avec le Tour de France. Un protagoniste singulier, sacrément amoché à la jambe et présentant une amnésie suite à la chute de son appartement en feu, n’ayant conservé de cet épisode nébuleux qu’une photo dans sa poche et deux balles de 9 mm. Une histoire très réussie – certains diraient probablement qu’elle est tirée par les cheveux, mais c’est un peu le jeu de ce type de littérature, forte et efficace, et qui tient en… douze pages. Et c’est là à mon avis son principal écueil, presque paradoxal : l’histoire est tellement bonne et prenante que je l’aurais volontiers imaginée en un format plus long, presque un roman, avec une belle adaptation télévisuelle à la clef. « Origines », ou l’étrange phénomène qui se manifeste, aux derniers instants de l’année 1999 : la doyenne de l’humanité, française, Marie Pasteur, qui a 129 ans, finit par décéder. Dans la foulée, des bébés meurent… puis dans toute la France, le monde entier, et durant plusieurs jours de suite. Il semblerait que quelque chose se soit déréglé : la Nature ? La génétique ? La Terre, peut-être ? l’humanité ? Toujours est-il que le temps semble désormais s’écouler à l’envers, à partir de cette date fatidique du tout début 2000, faisant rajeunir tous les membres de l’espèce humaine et ne laissant donc que les plus âgés libres de vivre le temps qu’ils ont déjà vécu sur Terre. Une idée géniale (peut-être en partie inspirée de « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » de Francis Scott Fitzgerald, l’élément génétique et mondial en plus), habilement menée, jusqu’à sa conclusion, assez attendue je trouve, mais c’est probablement parce que Franck Thilliez comptait mettre en relief le concept de cette nouvelle plus qu’une éventuelle fin marquante.
    Pour moi, un recueil très appétissant, jouissant du fourmillement des idées et de l’ingéniosité de l’écrivain, et même si certaines nouvelles m’ont un peu moins plus, le résultat arithmétique de l’ensemble ne consiste pas en une simple moyenne des diverses notes mais un avis global, ici très bon.

    11/12/2024 à 05:55 4

  • Entre deux mondes

    Olivier Norek

    9/10 Adam Sarkis, officier de police dans une Syrie à la fois la proie de son régime politique et des islamistes, projette de quitter le pays avec femme et enfant. Il finira dans la « Jungle de Calais », parti après les siens, afin de les retrouver sur place. Bastien Miller, pour sa part, vient tout juste d’être nommé à Calais avec son épouse, victime d’une longue et profonde dépression, et de leur fille. Les chemins de ces deux êtres vont se croiser au cours d’une tourmente qui va amplement les dépasser.
    Une sacrée claque. Un style fort, avec des formules qui décapent, des personnages humains et crédibles, une histoire forte et un roman qui tient incroyablement en haleine. J’ai adoré cette plongée dans cette « Jungle de Calais » que je connais, comme tout le monde, mais, comme tout le monde, sans vraiment la connaître, et les mots posés par l’auteur sidèrent : une sorte de proto-Etat, presque abandonné, une enclave dont nul ne souhaite s’occuper. De puissants élans humains dans les descriptions des malheureux qui y sont parqués, quêtant une vie meilleure dans cette étape vers l’Angleterre, « Youké » comme ils disent. Les protagonistes d’Olivier Norek sont remarquables et poignants, d’Adam, exilé volontaire cherchant sa famille et n’ayant pas oublié ses réflexes d’enquêteur, à Bastien, en passant (surtout) par Kilani (Ayman), ce gamin dont la langue a été tranchée, à l’enfance fracassée, ancien enfant-soldat devenu jouet sexuel. Beaucoup d’émotion au cours de ce récit sans temps mort, nous faisant vivre tout à la fois les espoirs souvent déçus de ces migrants comme certains êtres devenus animaux et mafieux au sein de cet Eden devenu terre maudite. Le titre, très fort, vient d’une réplique à propos des fantômes : « Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste. Comme bloqués entre deux mondes. Ils me font penser à eux, oui. Des âmes, entre deux mondes », à laquelle fait subtilement référence la phrase finale du livre. Bref, un ouvrage que j’ai trouvé vraiment excellent : fort, original, puissamment humain, poignant sans jamais verser dans le pathos facile et le sentimentalisme artificiel. Je serai clairement au rendez-vous d’autres romans d’Olivier Norek.

    10/12/2024 à 05:53 6

  • L'Anomalie

    Michael Marshall Smith

    8/10 Un groupe s’en va aux côtés de Nolan Moore, Youtubeur spécialisé dans le domaine scientifique, dans le Grand Canyon, le long du Colorado, avec pour mission de retrouver une étrange grotte. L’expédition est missionnée par une société dirigée par l’énigmatique Seth Palinhem et avait déjà fait l’objet d’un premier essai, un siècle plus tôt environ. Sur place, après une séance de rafting et d’escalade, la caverne est découverte mais les événements inattendus s’enchaînent : la trahison de l’un des expéditionnaires, d’incroyables sphères sur place, des bruits inquiétants, etc. Et si cette grotte était bien plus qu’un simple trou dans la roche ?
    J’ai beaucoup apprécié ce roman, et pour expliquer mon sentiment, curieusement, je trouve que je l’ai aimé non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il a eu la riche idée de ne pas être. Je m’explique. Michael Marshall Smith signe un scénario qui aurait pu dériver en un énième slasher sans âme, ce qu’il n’est pas. Son humour, inénarrable, notamment dans les réparties entre les protagonistes, aurait pu virer au pur prisme parodique, ce qu’il n’est pas. Les protagonistes auraient pu être de pathétiques caricatures, des clichés humains, ce qu’ils ne sont pas. L’idée principale de l’ouvrage aurait pu dériver à une triste resucée de ce que l’on a déjà lu ou vu des milliers de fois auparavant, ce qui n’est pas le cas. Les multiples clins d’œil et autres références cinématographiques (en vrac, « The Thing », « Abyss », « Sphère », « Alien », « Jurassic Park », etc.) auraient pu être de sombres tentatives de l’auteur de s’allouer, de manière malhonnête, un socle solide sur lequel appuyer son œuvre, ce qui n’est pas le cas. Bref, même si quelques éléments sont gentiment capillotractés, indéniablement, voilà un livre idéal pour se distraire tout en étant étayé d’une belle documentation scientifique et historique, offrant à voir une lecture intéressante et inédite des origines de la vie sur Terre. Un bouquin chaudement recommandable, divertissant en diable et sacrément bien mené, jalonné de belles perles d’un humour bienvenu autant que de belles scènes à sensations fortes. Un pur régal de littérature, tout simplement. Pas étonnant que Lincoln Child, Douglas Preston ou encore John Connolly l’ont apprécié, tout en notant une parenté manifeste avec les ouvrages de Michael Crichton.

    08/12/2024 à 20:16 5

  • Léonie

    Marlène Charine

    9/10 Un immense merci à Franck 28 pour le fou rire qu’il a provoqué chez moi quand j’ai lu son commentaire une fois que j’ai terminé le livre. Léonie est-elle prisonnière de son geôlier ? Ça ne risque pas dans la mesure où celui-ci meurt presque dès le début du livre. Elle aspire à la liberté ? Pas du tout : c’est un ressort très différent qui va finir par l’animer, mais pour le savoir, il faut avoir lu l’ouvrage. J’ai été attiré par ce titre en raison de son pitch alléchant mais aussi par ce commentaire tiédasse et farfelu, et il me tardait de voir ce que valait vraiment ce livre : le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai adoré. Ou comment la jeune Léonie Marchal, enlevée et séquestrée, voit son geôlier Raymond mourir d’une crise cardiaque au 2190ème jour de détention. Si le moment paraît hautement inattendu et devrait la remplir de joie, Léonie a fini par se faire à son existence de recluse avant de comprendre ce qui s’est passé à l’extérieur en son absence et de vouloir en tirer les conséquences – même les plus radicales. Dans le même temps, le policier Loïc Sorel, qui avait subi un accident de parapente vers l’époque où Léonie était kidnappée ainsi qu’un traumatisme craniocérébral sévère, vit encore à moitié paralysé et avec une élocution très limitée. Sa sœur Diane veille sur lui, et quand des corps visiblement dévorés par un animal monstrueux sont découverts, elle va faire en sorte que son frère jette un œil aux dossiers laissés inachevés.
    Une écriture forte, alternant les points de vue entre Léonie et Diane (il y a quelques chapitres avec Jonas Renberg, collègue de Loïc, également son amoureux secret, ainsi que d’après le point de vue de Loïc sur le final), avec une précision psychologique remarquable. Un style volontairement haché, avec des protagonistes forts et clivants, pas le moindre temps mort et une noirceur d’un bout à l’autre. Peut-être que certains éléments dans les ultimes chapitres sont de trop (c’est subjectif, mais les alliances finales ainsi que le rassemblement de tous les personnages m’ont semblé un peu forcés), mais il n’empêche, voilà un livre remarquable, avec une histoire marquante de vengeance et, comme l’indique Marlène Charine dans ses remerciements, de liberté qui « est le mot-clé de ce roman, celui par lequel tout a commencé ». Une réussite littéraire indéniable – et je peux vous en parler, moi, dans la mesure où j’ai vraiment lu cet opus.

    06/12/2024 à 05:56 7

  • L'Eau du Golan

    Fred Duval, Emem

    7/10 Dans une Jérusalem en 2056 prise sous le contrôle d’une intelligence artificielle despotique et dont le ciel est sillonné par des drones meurtriers aux allures d’insectes, notre Carmen Mc Callum s’illustre, cette fois-ci avec un uniforme. Une entame musclée, certainement inspirée du point de vue scénaristique et visuel par la franchise « Terminator ». Ça n’est donc pas spécialement original, mais l’atmosphère lourde et le grain assez sombre du graphisme prennent du début à la fin.

    05/12/2024 à 05:35 3

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 1

    Gou Tanabe

    8/10 Le port d’Innsmouth, dans le Massachusetts, a été détruit, incendié et dynamité. Un homme a vu ce qui s’y est passé, et s’il a actuellement le canon d’un pistolet sur la tempe, c’est bien que ce dont il a été le témoin doit être un véritable cauchemar. Juillet de la même année : le narrateur, Robert Olmstead, se rend dans ce village afin d’y puiser ses propres origines. Mais le patelin semble tabou : de nombreuses rumeurs insistantes et effrayantes s’accumulent autour de cette contrée maudite… Gou Tanabe adapte avec intelligence et talent le texte d’HP Lovecraft. Dès les premières planches (la découverte des bijoux d’Innsmouth), on bascule dans l’étrange et l’occultisme jusqu’à quelques scènes d’horreur dans le final avec le débarquement des créatures aquatiques. Un rythme certes lent (hé, c’est du Lovecraft, pas « Fast and Furious », et c’est tant mieux) mais poisseux et parfaitement maîtrisé.

    05/12/2024 à 05:33 4

  • Un mauvais pressentiment

    Blake Pierce

    6/10 Ashley Penn, quinze ans, est enlevée au sortir du lycée. Sa mère signale la disparition, et l’agent de police Keri Locke est la seule à croire aussitôt que ça n’est pas une simple fugue ni une histoire banale. Et les pistes ne manquent guère : un ex-copain, le milieu de la drogue et des trafics humains, le fait que l’adolescente est en réalité la fille d’un sénateur, le monde de la chanson, etc. Une affaire d’autant plus sensible que la propre fille de Keri, Evie, a été kidnappée il y a cinq années et n’avait alors que huit ans pour ne plus jamais réapparaître.
    Un autre roman de Blake Pierce que je me fais, et j’en reviens à mes précédentes remarques : ça n’est pas mauvais du tout. OK, il y a des poncifs et des fautes d’orthographe (et même des contresens liés à une traduction faite à la va-vite et à une nette absence de relecture sérieuse), mais l’ensemble n’est pas cette littérature low cost et mauvaise que l’on peut décrire. Keri compose une protagoniste sympathique, et j’ai surtout apprécié son collègue Ray, dit « Le Marchand de sable », armoire à glace et ancien boxeur ayant perdu un œil lors de son dernier combat. Un rythme bien cadencé, des fausses pistes intéressantes, quelques réparties assez drôles et une réelle efficacité dans ce récit policier. La mécanique est plutôt solide et bien huilée et, même si on n’est guère surpris par le dénouement, le dernier tiers remplit le cahier des charges du suspense attendu et offre même un épisode bien tendu (cf. l’épisode de la ferme et du silo). Bref, pas de quoi se relever la nuit mais pas non plus de quoi vouer aux gémonies cet ouvrage assez distractif et permettant de passer quelques heures agréables.

    02/12/2024 à 17:24 3

  • Leçons de piano et pièges mortels

    R. L. Stine

    6/10 Jérôme vient de déménager avec ses parents à New-Goshen quand il découvre un piano dans la maison. Problème inquiétant : l’instrument semble capable de jouer de lui-même. Quand il en vient à prendre des leçons de piano auprès de M. Kord qui est obsédé par les mains du gamin, la tournure devient encore plus menaçante, d’autant que Jérôme n’est pas au bout de ses surprises…
    Un « Chair de poule » sympathique, enjoué et bien mené, avec ce qu’il faut de surprises et de rebondissements pour maintenir l’attention d’un jeune lectorat au gré des quelque 110 pages de ce roman. R. L. Stine propose un canevas assez classique, certes, mais prenant et efficace. Je regrette juste une surabondance un peu superflue d’ingrédients – le piano, le professeur énigmatique, le fantôme, le robot, etc. – qui aurait pu être évitée au profit d’une histoire plus resserrée, d’autant que certaines images finales sont vraiment marquantes. Dommage également que le résumé indique des infos qui n’apparaissent qu’à la fin du dix-neuvième chapitre.

    01/12/2024 à 18:16 2

  • Gannibal tome 10

    Masaaki Ninomiya

    9/10 Un long flashback pour amorcer ce dixième tome, un flashback qui s’étend même sur l’ensemble de l’ouvrage, où l’on en apprend beaucoup sur les origines de l’arcane : un récit sacrément sombre et également teinté de puissantes scènes de sexe. Toujours ce pur ravissement dans les dessins, remarquables, comme dans le scénario, prodigieux de noirceur. Une excellente idée que cette plongée dans l’infâme passé du clan. C’est d’une très rare cruauté, c’est également d’une très rare qualité.

    01/12/2024 à 17:25 2

  • La Terre des morts

    Jean-Christophe Grangé

    9/10 Un énième roman que Franck 28 n'a probablement jamais lu, ou comment le commandant Stéphane Corso, de la Brigade Criminelle du 36 de Paris, en vient à enquêter sur le meurtre particulièrement sordide (et dans le même temps, recherché du point de vue esthétique, avec « sourire de Dublin », pierre calée dans la bouche et nœuds complexes) d’une strip-teaseuse. Face à lui et à son équipe va se profiler un peintre maudit, miracle de l’enseignement artistique appris bien tard, traînant une aura maléfique, pour un affrontement qui va révéler bien des surprises. J’avais été heureux, il y a quelque temps, de renouer avec les ouvrages de Jean-Christophe Grangé (en l’occurrence, « Lontano »), et je me réjouis de cette lecture. D’entrée de jeu, on retrouve la patte du maestro : des phrases qui claquent, des individus maltraités, fragmentés, et une intrigue ténébreuse. Ici, plusieurs personnages ont retenu mon attention, dont Corso, ancien junkie et esclave sexuel des caves de banlieue, devenu une épée chez les policiers, et qui bataille comme un lion pour reprendre la garde de leur fils à son ex-épouse (elle-même est assez gratinée). Les milieux interlopes du porno et du bondage sont détonants, avec leur lot de pratiques ignominieuses, jusqu’au vertige : l’auteur pousse certes le bouchon assez loin, mais ce naturalisme ne m’a pas choqué (ayant déjà lu des ouvrages de Nada, plus rien ne peut vraiment me crisper dans le domaine, je pense). L’histoire est particulièrement dense, sans temps mort à mes yeux, et je me suis littéralement passionné pour les divers pans de l’enquête, dédaléenne, tonitruante, arachnéenne. Pas mal de rebondissements (la partie consacrée au procès a été l’une de mes préférées par l’atmosphère étouffante comme par les surprises qui y pleuvent). Je n’ai pas vu passer les nombreuses pages de ce beau pavé (je me le suis pris en édition de poche), jusqu’aux révélations finales dans ce caveau, explosives, et si typiques de la bibliographie et des obsessions de JCG : je ne suis pas près d’oublier ces ultimes révélations, d’autant qu’elles apportent dans les dernières pages du roman le sens la raison du titre « La Terre des Morts ». Certes, il y a des éléments un peu capillotractés dans la confession finale et d’outre-tombe du tueur, mais j’ai adoré cette machination, si puissante du point de vue de sa force de percussion littéraire. Et ce que j’ai beaucoup apprécié également, c’est ce côté resserré, compact, de l’intrigue (on est ici assez loin des diverses pièces du puzzle que constitue « Lontano »). Un thriller particulièrement âpre et sombre, étourdissant et fascinant, d’autant plus qu’il révèle nombre de facettes de l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus animal, de plus primitif. Un de mes préférés de Grangé, définitivement.

    28/11/2024 à 19:39 7

  • Plunge

    Joe Hill, Stuart Immonen

    8/10 Des calamars géants échoués, un bateau en détresse avec 32 membres d’équipage, un mort qui parle, de curieuses statues sous-marines, des animaux avec des malformations, des survivants au comportement suspect… On navigue quelque part du côté de « The Thing », « Walking Dead », Lovecraft et autres récits horrifiques. Avec un graphisme percutant et adéquat et Joe Hill – accessoirement le fils de Stephen King – à la manœuvre, c’est vraiment fun. C’est à la fois assez classique (la planche finale est à mon avis un clin d’œil aux poncifs du genre plus qu’un manque d’inventivité) et en même temps très réussi parce qu’il y a ce côté fantasque, cathartique, et volontiers jubilatoire.

    27/11/2024 à 18:27 2

  • Quand tu ouvriras les yeux

    Pétronille Rostagnat

    7/10 Un autre roman que Franck 28 n’a certainement jamais lu et que j’ai trouvé sacrément bien huilé, avec quarante-six chapitres denses où interviennent les divers personnages : Romane, lycéenne qui se prostitue ; sa mère Marion ; son ex-mari et père de l’ado, Laurent, qui s’est remis en couple avec Emma ; Pauline, avocate tout juste maman et ayant déjà tué quatre salopards en se glissant habilement sous la couverture d’une défense des droits pour tous, même pour les « déglingués » ; Cuivrac, le policier qui en sait beaucoup sur cette dernière ; Anne, l’épouse de l’enquêteur ; Elodie, la marraine de l’adolescente ; Sanchez, le professeur d’espagnol de Romane ainsi que Célia, son épouse. Un tableau très complet de protagonistes et de personnalités qui vont se croiser, nouer des relations complexes et tendues, s’entrechoquer, pratiquer le chantage, menacer, attaquer, tuer même. Pétronille Rostagnat, marquée par la mort de sa mère ainsi que par un roman sur la prostitution des mineures, ordonne un habile ballet qui m’a beaucoup rappelé l’univers de Patrick S. Vast, avec des mécanismes adroitement emboîtés. Un jeu de massacre jusqu’aux toutes dernières pages, et je reproche juste à l’écrivaine son écriture un peu banale, ponctuée de formules passe-partout, et qui ne creuse pas assez à mon avis la psychologie des individus, au point d’en faire à certains passages des marionnettes sans densité apparente. Sinon, c’est vraiment bon.

    25/11/2024 à 18:32 5

  • La Marche franche

    Frédéric Genêt

    7/10 Benvenuto poursuit son évasion sur les toits de la ville. Le décor urbain disparaît vite au profit d’un autre, plus forestier et montagnard, pour ce quatrième tome qui est bien plus agité et énergique que le précédent. Le départ final du héros de la citadelle s’accompagne également de l’annonce d’un cinquième opus : je n’attends que ça.

    25/11/2024 à 18:23 2

  • Louise

    Christophe Alliel

    7/10 Des adolescents poursuivis dans le métro par des créatures inquiétantes. Quelques heures plus tôt : Jason et sa sœur Louise ont été obligés de changer d’école. D’étranges phénomènes visiblement électriques précédent des crises de folie chez tous les adultes – sauf chez le cuisinier –, et les jeunes vont devoir lutter ensemble pour survivre.
    Un graphisme sympathique, pas mal de dynamisme pour le récit, et pour le moment, une relecture assez classique des histoires de zombis et de créatures menaçantes, même si, à ce stade, on ne sait pas exactement ce qui a provoqué cette catastrophe. Très plaisant, en espérant que les explications à venir seront originales.

    24/11/2024 à 11:01 1

  • Captain Trips

    Roberto Aguirre-Sacasa, Mike Perkins

    8/10 Un couple et leur bébé qui quittent précipitamment leur maison durant la nuit, un véhicule qui bousille des pompes à essence, un couple qui discute dans le Maine, un chanteur : l’Apocalypse, sous la forme d’un virus mortel – surnommé « Captain Trips » – est en approche rapide à moins qu’elle ne soit déjà là.
    Je n’ai jamais lu l’œuvre originelle de Stephen King (oui, c’est mal), mais le premier tome de cette série est vraiment bon : riche, constitué de chapitres volontairement déstructurés, des portraits psychologiques intéressants, une angoisse croissante, de l’action également (cf. le hold-up). Je me suis vraiment laissé happer par l’histoire et je ne demande rien de mieux que de poursuivre avec les tomes suivants.

    22/11/2024 à 18:14 5

  • Sous la surface – Tome 1

    Marco Dominici, Gihef

    7/10 Lowell, Massachusetts, octobre 1991 : Chase et Leah, deux jeunes adultes amoureux, se font le vœu de se revoir vingt-cinq ans plus tard. Quelques instants après, l’homme accourt pour sauver des gens tombés dans l’eau. Vingt-cinq ans plus tard, Leah est devenue l’épouse de l’homme politique Patrick Adams et elle reçoit dans un avion un SMS lui rappelant l’échéance. Problème : Chase a disparu et tout le monde le pense mort.
    Un premier tome intéressant même si certains éléments et passages sentent le déjà-lu ou le déjà-vu. Néanmoins, ça demeure intéressant d’un bout à l’autre et j’ai bien envie de connaître le fin mot de l’histoire, en espérant que ça sera original.

    19/11/2024 à 18:57 1

  • Une Patiente

    Graeme Macrae Burnet

    7/10 1965, à Londres. Veronica a tout pour elle : jeune, belle et intelligente, elle n’en décide pas moins de se jeter du haut d’un pont avant d’être happée par un train. La thèse du suicide est indéniable, mais sa sœur ne comprend pas un tel geste. Elle découvre par hasard que le cas de Veronica correspond à s’y méprendre à celui d’une dénommée « Dorothy » qui a été traitée par le sulfureux psychothérapeute Arthur Collins Braithwaite. Espérant découvrir si l’une des séances n’a pas dérapé au point de conduire sa sœur à l’autodestruction, elle décide d’entamer une thérapie avec Braithwaite sous une fausse identité.


    Graeme Macrae Burnet nous a déjà régalé avec des ouvrages comme La Disparition d'Adèle Bedeau ou L'Accident de l'A35, et c’est avec un plaisir constant que l’on entame l’un de ses textes. On y retrouve aussitôt la langue de l’auteur, agréable, travaillée, surannée juste ce qu’il faut. Ici, l’histoire a de quoi dérouter, et les amateurs de littérature policière pure risquent même d’être déçus : pas de meurtre au sens premier du terme, pas d’indice ni de réelle investigation. L’héroïne, dont on ne connaîtra jamais le véritable prénom, se lance dans un duel à fleurets mouchetés avec le thérapeute pour essayer de découvrir si ce dernier ne serait pas au moins en partie responsable du suicide de sa sœur. Le roman fait la part belle aux analyses psychologiques, aux rencontres, aux dialogues et à la genèse de ce personnage complexe qu’est Arthur Collins Braithwaite. Rudoyé dans son enfance par ses frères, détonant, le verbe haut, adepte d’une antithérapie – le titre de l’un de ses livres – où il faut déconstruire les thérapies telles qu’elles sont actuellement pratiquées, lettré, équivoque, son portrait est en soi une petite pépite. Néanmoins, le lecteur devra en passer par beaucoup de longueurs et autres circonvolutions sans pour autant que le final ne soit véritablement à la hauteur de ce qui pouvait avoir été espéré. Il faut dès lors considérer cet opus comme un habile jeu de cache-cache mental, une intéressante reconstitution du Londres de l’époque ou un subtil dédale moral, mais en aucun cas un authentique roman à suspense. De nombreux points viendront néanmoins surprendre et interpeler, comme cette étonnante et graduelle dissociation entre la protagoniste et le personnage qu’elle s’est fabriqué, ou encore le final, inattendu.

    Un récit surprenant, hautement intellectuel voire intellectualisé, qui passionnera les amateurs du genre.

    19/11/2024 à 06:58 3