El Marco Modérateur

3262 votes

  • Voleurs à la douzaine

    Donald Westlake

    7/10 Imaginez-vous un voleur qui arrive en plein cambriolage et devient un otage ? Ce même voleur à qui un ancien détenu devenu artiste propose un casse pour faire grimper la cote de ses œuvres ? Ou encore un cheval en guise de cible pour un enlèvement ? Non ? Eh bien, c’est que vous ne connaissez pas encore Dortmunder…

    Personnage fétiche de Donald Westlake, que l’on retrouve par exemple dans Bonne conduite, Pierre qui roule ou Les Sentiers du désastre, Dortmunder est l’archétype du personnage à qui il arrive des aventures pour le moins cocasses. Voleur volé, voire volé voleur, un peu à la manière de l’arroseur arrosé, il vit dans ce recueil des péripéties drôles et toujours surprenantes. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les dialogues, et l’on rit de bon cœur à de multiples reprises. Par ailleurs, c’est aussi l’occasion de découvrir une palette de personnages – complices de Dortmunder ou simples connaissances – très amusants. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple démonstration désopilante, car les intrigues sont également réussies. Tel un leitmotiv, quasiment chacune des nouvelles qui composent ce livre comporte des rebondissements, et le final se ponctue d’une surprise enthousiasmante.

    Court, enlevé, séduisant, ce recueil d’historiettes est une petite perle. Certaines d’entre elles sont certes moins efficaces que d’autres, mais l’ensemble propose assurément un très agréable moment de décontraction.

    02/04/2012 à 18:35 2

  • Maléfices

    Maxime Chattam

    8/10 Une intrigue à mon goût plus originale que celles des précédents opus, et qui m'a captivé.

    29/03/2012 à 19:27 1

  • L'Âme du Mal

    Maxime Chattam

    8/10 Un thriller très efficace, qui vient habilement jouer sur les plates-bandes des auteurs anglo-saxons.

    29/03/2012 à 19:26

  • In Tenebris

    Maxime Chattam

    7/10 Parfois un peu trop "américanisé" à mon goût, mais un scénario, une tenue et une plume très efficaces.

    29/03/2012 à 19:24

  • La mort des rêves

    Do Raze

    9/10 Dans un futur proche, les hommes sont devenus conscients d’un fait incroyable : toutes les nuits, ils font le Rêve qui décrit avec une précision chirurgicale la manière dont ils périront. Même s’ils sont incapables de se l’expliquer, le phénomène est notoirement connu, et chacun sait comment il périra. Mais cette prédestination, érigée en dogme sociétal, est mise à mal quand Alexandre Grand est tué par balles par sa compagne alors qu’il devait succomber à une embolie pulmonaire. Le policier Samuel Ferret est mis sur l’enquête. Et si ces Rêves n’étaient pas aussi incontestables qu’on ne le prétendait ?

    Premier ouvrage de Do Raze et récompensé par le Prix du premier roman du festival de Beaune, cette Mort des rêves part d’un postulat unique, et qui montre bien l’imagination débordante de l’écrivaine : une société complètement conditionnée par des songes élevés à un rang cultuel, et qui annihile donc toute autonomie, toute liberté. Cependant, le trépas d’Alexandre Grand, si différent de celui représenté dans son Rêve, semble montrer le contraire. Affabulation de la victime ? Possibilité réelle de détourner le destin ? Simple erreur dans l’ordonnancement des événements ? Manipulation ? Il faudra à Samuel Ferret faire preuve de détermination et de sang-froid pour comprendre le fin mot de cette intrigue.
    On a parfois bien du mal à croire qu’il s’agit là d’un premier ouvrage : l’écriture est magistrale, le suspense savamment dosé, et les espérances apportées par le scénario sont largement comblées. Quelque part entre le roman fantastique et le policier, l’auteur a su créer, de manière concise et très adroite, un univers envoûtant, parallèle, et pourtant diablement crédible. Les personnages sont d’une grande densité, avec une mention spéciale pour Samuel Ferret, issu d’une famille brisée par la naissance d’un enfant trisomique, et douloureusement attaché à ce frère handicapé. Les mots, choisis avec goût et employés avec parcimonie, cognent, éblouissent, traumatisent, interrogent le lecteur. L’histoire se déploie patiemment, avec maestria, nourrissant de nombreuses réflexions quant à la liberté et au déterminisme des humains que nous sommes. Les intrigues se mêlent, se bousculent, se télescopent, et l’épilogue – ou plus exactement les épilogues – interviennent comme de puissants points d’exclamation autant que finaux à cette histoire sans précédent.

    Do Raze a signé un ouvrage policier de tout premier ordre. Vertigineux, aussi enivrant que troublant, il marquera sans conteste les esprits par son propos, sa noirceur et son audace. Un coup de maître.

    28/03/2012 à 19:17

  • L'attaque du casino de Malo

    Bernard Thilie

    7/10 Dans ce récit court et qui n’a pas d’autre vocation que distraire, on assiste aux péripéties de trois gaillards, chacun étant immédiatement reconnaissable grâce à des personnalités bien distinctes. D’ailleurs, les autres protagonistes sont tout aussi désopilants, de Nez Rouge à Adrien, sans oublier les femmes et les autres vieillards qui constituent autant de petites pépites. Parfois, certaines scènes sont exagérées et quelques répliques sont issues d’un stylo à la plume un peu épaisse, mais on pardonne volontiers ces modiques travers à l’auteur, dont on salue sincèrement l’originalité et l’humour.

    Au sein d’une série de livres dont on a programmé la lecture, il arrive parfois que l’on veuille s’offrir une pause. Si, entre des romans trop sombres à votre goût, des ouvrages à énigmes abusivement complexes ou des thrillers échevelés, vous souhaitez vous offrir une récréation, comme on se délecte d’un bon vin pour se refaire le palais entre deux mets, glissez-y un ouvrage de Bernard Thilie : il offrira à coup sûr un réjouissant interlude !

    21/03/2012 à 19:34

  • Seules dans la nuit

    Brigitte Aubert, Gisèle Cavali

    6/10 Alicia, une enfant, ainsi que sa mère sont kidnappées par des hommes au beau milieu de la nuit et emmenées de force dans une camionnette. Grâce à un subterfuge, Alicia parvient à s’enfuir et se terre dans une station-service. Carole, une jeune fille qui pensait pouvoir profiter de ce week-end sans ses parents, découvre la fugitive, mais ignore encore que les criminels ne comptent pas laisser s’échapper ainsi leur proie…

    Brigitte Aubert et Gisèle Cavali signent dans la collection Heure noire chez Rageot un nouvel opus destiné à la jeunesse après Panique aux urgences. Très court, sans le moindre temps mort, le récit exploite avec brio le thème de la fuite. Le vocabulaire est simple sans jamais être simpliste, les situations décrites avec intelligence, et les lecteurs trouveront sans peine chez Carole et Alicia des personnages auxquels s’attacher et s’identifier. Les épisodes s’enchaînent avec efficacité, et l’on ne voit pas passer le temps aux côtés des deux fuyardes. L’humour est également bien présent, et de nombreuses réflexions d’Alicia prêtent à sourire.
    Cependant, l’intrigue n’est pas en soi inoubliable. Lorsque l’on apprend les raisons de la poursuite menée par les gangsters, il n’y a aucun choc : le sujet est classique, voire trop, et son traitement, ou plus exactement sa mise en valeur, n’en apparaît que d’autant plus faible. Il y avait peut-être à ce niveau quelque chose à creuser afin de rendre le roman encore plus palpitant.

    Néanmoins, ne perdons pas de vue que le titre s’adresse à de jeunes lecteurs. À défaut de proposer une histoire singulière, Brigitte Aubert et Gisèle Cavali livrent un ouvrage vif et enthousiasmant, où, en définitive, le scénario n’est qu’un prétexte pour déployer une narration énergique et pleine de suspense, qui ravira à coup sûr le lectorat visé.

    21/03/2012 à 19:33

  • Le crépuscule des guignols

    Chrysostome Gourio

    8/10 Une bande de partisans d’Heidegger vient massacrer la famille d’Arthur. Il n’en faut pas moins pour cet homme, retiré dans les vignes, pour revenir vers les chemins de la philosophie appliquée à coups de flingues. Car avant de devenir un individu rangé, il avait mis hors d’état de nuire des êtres pour qui une certaine vision de la sagesse rime avec exécution des opposants. Avec un petit gang de compères, Arthur va revenir à Paris pour régler des comptes et en finir une bonne fois pour toutes avec ces parias.

    Après Le Dolmen des dieux, Chrysostome Gourio signe un nouvel opus enthousiasmant chez l’éditeur Baleine. Le ton est immédiatement donné : les phrases sont hachées, à peu près autant que les corps percutés par les rafales d’armes automatiques qui tombent en grand nombre dans ce roman, et des alinéas entêtants viennent appuyer ce rythme cadencé. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les répliques, et des clins d’œil à Marin Ledun ainsi qu’à la série du Poulpe, à travers l’intervention de Pedro, célèbre comparse de l’enquêteur libertaire, ne pourront qu’amuser les lecteurs. Les scènes d’action pétaradantes émaillent presque chaque chapitre, à faire passer la série des Rambo pour des avatars édulcorés de Bonne nuit les petits.
    Ce qui est le plus frappant, au-delà de cette énergie narrative, c’est le postulat de départ, dont Chrysostome Gourio ne se dépare jamais : faire entrer la philosophie dans un roman de ce type. Les théories se confrontent, toujours amplifiées par le prisme de la débauche de déflagrations, et chaque protagoniste possède ainsi sa propre résonance idéologique. C’était sacrément gonflé, et l’auteur maintient la barre jusqu’à la fin, au gré d’un jeu de massacre jubilatoire, invoquant au passage des doctrines qu’il met en relief sans pour autant rendre l’exercice pesant ou trop démonstratif.

    Ce Crépuscule des guignols, qui fait probablement écho au titre premier du film Les Tontons flingueurs, à savoir Le Terminus des prétentieux, s’apparente à une sorte de défi : mêler la rigueur de l’exposé philosophique à l’apparente décontraction d’un livre où les armes parlent presque autant que les personnages. Pari osé, mais pari gagné. On ressort de cet opus à la fois enchanté par les talents de l’écrivain, son audace scénaristique, et dans le même temps, son impertinence et sa désinvolture. Voilà un crépuscule tel que l’on aimerait en voir plus souvent dans le panorama littéraire.

    21/03/2012 à 19:32 1

  • La Nuit du vigile

    Matz

    7/10 À la Résidence, Pierre officie en tant que vigile. Il a des collègues, un chef nommé Lherbier, et une vie assez monotone. Plus exactement, sa vie professionnelle se montre lassante. Entre la surveillance d’un immeuble peuplé de gens qui ne lui adressent pas la parole, les cambriolages que son équipe de gardiens commet parfois elle-même et les petits trafics des caves, Pierre a envie de gagner de l’argent. Peu importe les moyens.

    Unique roman d’Alexis Nolent, par ailleurs scénariste de bandes dessinées sous le pseudonyme de Matz, ce livre était sorti en 1993 sous le titre Résidence surveillée, et est publié aujourd’hui dans une version entièrement revue par l’auteur. Ce récit particulièrement singulier l’est à plusieurs titres. Le style d’Alexis Nolent est épuré, sans louvoiement ni description psychologique ou géographique. Les chapitres sont très courts, présentés de manière aérée, si bien que l’on dévore le livre très rapidement. Par ailleurs, l’écrivain se refuse tout jugement : les personnages sont seulement décrits dans leurs mouvements et paroles, et cette sobriété alliée à la concision de l’ouvrage donne parfois une impression de manque, voire de vacuité. Néanmoins, l’intérêt et l’objectif de l’auteur sont ailleurs : il décrit des existences sans passer par le filtre de l’explicatif, tel un zoologue examinant scientifiquement ses sujets.
    Au fil des pages, on observe les divers personnages, sans empathie ni dégoût, dans leurs errements, leurs appétences de vie ou leurs troubles. Il est d’ailleurs très difficile de savoir comment le récit va s’achever, et ce jusque dans les dernières pages. On se doute qu’une trame aussi noire ne peut déboucher que sur la mort, mais sans en connaître par avance les dispositions. Et le roman s’achève pourtant à la manière dont il avait commencé : de manière simple, froide et glaçante.

    Alexis Nolent a trouvé un ton étonnant pour écrire son ouvrage : de manière naturaliste. C’est presque la description d’un fait divers et de ses origines que le lecteur aura sous les yeux. Au final, une écriture qui fait écho à une histoire dépouillée. L’auteur fait assurément partie de ceux dont on aimerait beaucoup lire d’autres productions.

    12/03/2012 à 17:50 1

  • Décollage immédiat

    Fabien Clavel

    8/10 Lana Blum, adolescente rebelle, reçoit un coup de fil de sa mère, hôtesse de l’air, qui lui ordonne de quitter l’appartement où elle se trouve. Au même instant, un inconnu pénètre dans l’habitat. Qui est cet homme à l’allure si patibulaire, et que veut-il ? Lana fuit alors vers l’aéroport où l’attend une consigne indiquée par sa maman. Rapidement aidé par Creep, un hacker particulièrement doué, la jeune fille ne comprend pas encore qu’elle vient de mettre le doigt dans un rouage complexe qui pourrait bien lui coûter la vie.

    Fabien Clavel signe un roman pour adolescents particulièrement efficace. Dès le deuxième chapitre, on bascule dans l’action et le suspense, et ces deux filons ne s’épuisent à aucun moment dans le récit. Les personnages principaux, Lana et Creep, sont attachants, et les jeunes qui liront cette histoire ne pourront que s’identifier à eux. Sur un rythme effréné, d’un pays à l’autre, avec presque à chaque fois l’avion comme moyen de transport, on suit avec un intérêt soutenu les périples du duo d’enquêteurs improvisés, obligés, pour sauver leur vie et secourir la mère de l’un d’eux, de se lancer dans une aventure dont les enjeux les dépassent. Les cénacles politiques et de pouvoir constituent autant de périls mortels, et les chapitres distillent habilement les éléments d’une intrigue qui ne trouve son explication définitive et complète que dans les ultimes pages. Rebondissements, poursuites, manipulations et autres ressorts du genre foisonnent : indéniablement, Fabien Clavel a su écrire une histoire énergique, servie par une plume concise et visuelle. Malgré quelques facilités scénaristiques, plus imputables à l’âge du lectorat visé qu’à autre chose, ce Décollage immédiat est assurément un très bon ouvrage, mêlant habilement espionnage, aventure, thriller, où sont également abordés intelligemment des enjeux politiques et sanitaires.

    Au même moment, paraissent dans cette naissante collection de thrillers chez Rageot, dirigée par Guillaume Lebeau, deux autres ouvrages : Les Voleurs de tête d’Hervé Jubert et Spiral de Paul Halter. Suivront, par salve de trois, d’autres parutions les 6 juin et 10 octobre prochains, dont certaines seront signées Philippe Le Roy, Laurent Queyssi ou Marin Ledun. On ne peut déjà que s’impatienter !

    06/03/2012 à 18:06

  • Les voleurs de têtes

    Hervé Jubert

    7/10 Billie Bird. Collégienne à Paris. Un look bariolé, un frère appelé Séraphin. En apparence, une existence banale. Sauf que son père est un cambrioleur de haute voltige, habitué aux grandes œuvres d’art, et ne volant ces dernières qu’à des individus que la morale réprouve. Billie Bird apprend qu’il vient d’être enlevé. La rançon ? Récupérer les têtes d’une fontaine issue du Palais d’été et symbolisant des signes zodiacaux chinois. Et la voilà partie sur les routes, à bord de son destrier mécanique préféré, un combi Volkswagen surnommé Vagabonde.

    Rageot inaugure une nouvelle série de thrillers destinés à la jeunesse, dont les trois premiers livres sont Décollage immédiat de Fabien Clavel, Spiral de Paul Halter et cet ouvrage. D’entrée de jeu, le ton est donné : c’est vif, espiègle, et très rythmé. Billie est une jeune fille malicieuse, intelligente et déterminée, à laquelle les lecteurs n’auront aucun mal à s’identifier. Elle sera aidée dans sa tâche par son frère, une adorable tête à claques, ainsi que par Octave, un étudiant qui louait l’un des appartements possédé par son père. L’écriture est directe, sans le moindre temps mort, et l’on se retrouve rapidement embarqué sur les routes aux côtés de ce trio de voleurs pas si amateurs que cela. L’humour est omniprésent, dans les répliques comme dans les situations, et de nombreuses scènes sont vraiment cocasses, comme par exemple les circonstances dans lesquelles la première tête est récupérée. Hervé Jubert connaît son public, sait de quelle manière il peut capter son attention, et surtout ne plus jamais la lâcher. Les chapitres sont courts, l’auteur va à l’essentiel, et l’opus se termine à une grande vitesse sans que l’on ait vu le temps passer. Quelques passages sont un peu tirés par les cheveux et certains ressorts apparaissent faciles, mais il serait difficile pour les jeunes lecteurs de bouder leur plaisir eu égard à l’efficacité de ce tome.

    L’ouvrage se termine sur une phrase qui appelle une suite. Ce sera chose faite en juin 2012 avec Le Gang du serpent, deuxième roman de la trilogie composée par Hervé Jubert. Espérons qu’il sera à la hauteur de celui-ci : parfois téléphoné certes, mais bien nerveux et enjoué, s’approchant plus du livre d’aventures que du récit policier.

    06/03/2012 à 18:05

  • Quelque chose pour le week-end

    Sébastien Gendron

    9/10 À Kirk Bay, en Angleterre, une série d’événements incongrus se produit : de la cocaïne s’échoue sur la plage tandis que de Grands Pingouins déboulent en ville. Ajoutez à cela un retraité de la banque qui veut faire assassiner sa femme, un nabab souhaitant construire un parc pour les oiseaux, l’armée qui s’apprête à intervenir, etc. Il n’y a pas à dire : si habituellement on s’ennuie à Kirk Bay, il va cette fois y avoir de quoi s’occuper le week-end.

    Auteur de romans atypiques comme Le Tri sélectif des ordures, Mort à Denise ou Taxi, Take off & landing, Sébastien Gendron poursuit dans cette voie, où l’absurde et l’humour bataillent ferme. À partir d’un scénario particulièrement épicé et extravagant, l’écrivain tisse une véritable toile drolatique où les circonstances et les individus vont s’en trouver bouleversés. Les vieilles rancœurs ressurgissent, les appâts du gain, de la facilité et du meurtre rendent les hommes déments, et les conjonctures vont précipiter cette paisible bourgade anglaise dans le chaos et le burlesque. L’humour est remarquable, tant dans les dialogues que les situations, et il fallait à Sébastien Gendron un sacré culot pour bâtir son intrigue sur ce terreau insolite. Il était même à craindre que l’ensemble sombre dans le grand-guignolesque. Il n’en est rien. L’excentricité des péripéties est parfaitement assumée, et l’histoire est solide, avec de nombreuses interactions entre les protagonistes, le tout sur un canevas scénaristique que l’on devine très travaillé. On rit à gorge déployée tandis que l’on s’émerveille d’une construction narrative si réussie. Le lecteur assiste à des scènes singulièrement trépidantes, aussi cocasses que féroces car l’écrivain ne se prive pas de salvateurs coups de griffe à l’encontre de la société et du microcosme d’une cité prétendument exemplaire. D’ailleurs, le livre se déploie comme un film à grand spectacle, décomplexé et intraitable, où le saugrenu vient amplifier les propos de Sébastien Gendron. La fin est également mémorable : inattendue, lapidaire et intelligente, elle vient parachever un récit où le sang coule au même rythme que les gags.

    Vous cherchez un roman hors-norme, inénarrable, et aussi impertinent que réussi ? N’allez pas plus loin : Sébastien Gendron a concocté pour occuper votre week-end une aventure dont on ne sort pas indemne.

    01/03/2012 à 18:16

  • Vue sur crime

    Sarah Cohen-Scali

    8/10 Récemment sorti de prison, le jeune Pascal Sirel a été victime de la malchance. Voleur, il a été arrêté alors qu’il cambriolait un appartement où se trouvait le corps d’une femme décapitée. En partie accusé, Pascal tente de se réinsérer dans la société, et on lui a confié un travail de commis boucher dans une petite surface. Mais au domicile qu’il occupe, il découvre l’étrange comportement d’un artiste, et lui prête rapidement des desseins meurtriers.

    Spécialiste de la littérature noire pour la jeunesse, Sarah Cohen-Scali s’est particulièrement illustrée grâce à des recueils de nouvelles, sombres et efficaces, comme Mauvais sangs ou Mauvais délires. Même lorsque sa plume s’attaque à des récits plus longs, la magie opère. L’histoire est dense, avec un personnage principal particulièrement travaillé : il ne cesse de repenser au sort qui s’est acharné sur lui, peine à trouver sa place hors des murs de la prison, et demeure marqué par sa détention. Il va d’ailleurs retrouver une partie de son moral aux côtés de son supérieur, Gabriel Castaigne, un homosexuel en pleine crise amoureuse.
    L’intrigue semble de prime abord très classique, puisque le sujet a déjà été maintes fois traité, en littérature comme au cinéma. Cependant, Sarah Cohen-Scali a su magnifier le scénario de son roman grâce à une écriture sèche et nerveuse, une concision qui sert ses propos, et surtout un rebondissement très malin vers la fin du livre. Le suspense est soutenu, les protagonistes crédibles, et l’on ne peut que ressentir de l’empathie, voire de la sympathie, pour Pascal. On trouve également de belles réflexions quant à l’homophobie et les difficultés de réadaptation pour les anciens délinquants.

    Destiné en priorité aux jeunes, mais largement accessibles aux adultes, ce roman captive autant qu’il divertit. Sarah Cohen-Scali compte parmi les écrivains les plus adroits pour ensorceler les jeunes et créer des univers obscurs où il fait si bon se perdre.

    01/03/2012 à 18:10

  • @ssassins.net

    Christian Grenier

    8/10 Quand l’enquêtrice Logicielle se voit proposer une nouvelle investigation, elle croit d’abord à un canular. Jean Perrault, professeur de français et spécialiste du théâtre, lui demande de retrouver l’assassin d’un de ses ancêtres : Cyrano de Bergerac ! Un nouveau programme informatique, intitulé « Troisième Monde », a permis de reconstituer le Paris de l’époque où vivait son aïeul, avec la possibilité de s’y immerger de manière virtuelle grâce à des avatars que l’on peut contrôler. Après des hésitations légitimes, Logicielle accepte. Cependant, elle se rend vite compte que cette affaire dépasse le simple cadre évoqué. Qui sont ces avatars surgis de nulle part et manipulés par des inconnus aux desseins ambigus ? Comment se fait-il que certaines immersions dans cet univers contrefait puissent se réaliser subitement sans la puce créée à cet effet ? Y a-t-il un lien avec ces attentats visant des centrales nucléaires ?

    Christian Grenier fait partie des auteurs majeurs de la littérature policière française. La série des enquêtes de Logicielle est d’ailleurs l’une de celles préférées par ses jeunes lecteurs, et cet opus ne vient pas démentir ce succès, tant critique que public. On retrouve avec plaisir Logicielle, inspectrice chevronnée, passionnée de nouvelles technologies, et accompagnée d’une solide équipe de lieutenants. L’intrigue est prometteuse, avec ce postulat audacieux d’un crime à résoudre, survenu en 1655. L’idée de la réalité virtuelle est très excitante, et son exploitation ne l’est pas moins ; en jouant sur les deux ères, Christian Grenier parvient à insuffler un réel dynamisme à son récit, et les considérations scientifiques à propos du programme informatique rendent l’ensemble plausible et séduisant. Conjointement, une autre enquête apparaît, avec une conspiration menée par une secte qui n’a plus rien de virtuel. Assurément, Christian Grenier connaît ses lecteurs ainsi que leurs attentes, et parvient une fois de plus à les combler grâce à une histoire atypique, riche en rebondissements, et qui tient la corde jusqu’au dernier chapitre.

    @ssassins.net est donc un très bon roman policier, pour les jeunes comme pour les moins jeunes, à la fois divertissant et visionnaire. Parallèlement aux vertus intrinsèques de son œuvre, Christian Grenier fait partie de ces auteurs qui ne sacrifient pas les valeurs de leurs écrits en raison de l’âge du public auquel ils les destinent. Les jeunes lecteurs ont aussi leurs exigences de qualités littéraires ; ils veulent du panache, de l’originalité, de la crédibilité, une soif tout à fait légitime qu’ils ressentiront également lorsqu’ils deviendront adultes. Le fait qu’@ssassins.net puisse pareillement être lu par des lecteurs plus âgés est ainsi la démonstration que Christian Grenier est un écrivain qui sait s’adresser à plusieurs générations avec les mêmes mots et le même talent.

    18/02/2012 à 18:53

  • Que le spectacle commence

    Ann Featherstone

    6/10 Amuseur public, Corney Sage est un homme exubérant, plein de malice et toujours prompt à croquer les plaisirs de la vie. Mais par hasard, il assiste au meurtre de la jeune et délicieuse actrice Bessie Spooner. Croyant trouver son salut dans la fuite, il ne se doute pas encore que l’assassin, passé maître dans l’art du déguisement, va de nouveau croiser sa route.

    Premier roman d’Ann Featherstone à être traduit en français, ce roman se déroule dans l’Angleterre victorienne. L’auteur ayant un solide bagage historique, sa reconstitution des lieux et de l’époque est un véritable régal. Les us et coutumes, et plus particulièrement ceux du peuple et des membres de l’univers du spectacle, sont très bien rendus. Ce qui est vite frappant, c’est le langage employé par l’écrivain lorsqu’elle laisse Corney Sage s’exprimer : en argot, avec des expressions fleuries et autres tournures de phrases populaires, c’est tout le petit peuple de l’Angleterre qui s’exprime par sa voix. À la manière de Gilles Bornais, notamment dans Le Diable de Glasgow, un tout autre monde que celui habituellement décrit s’offre au lecteur : nous sommes ici bien loin des parlers châtiés, des étiquettes mondaines et autres ambiances veloutées que l’on trouve dans d’autres polars victoriens. Ce choix narratif peut rebuter, mais il constitue une originalité de ton et une sorte d’honnêteté intellectuelle louables. L’intrigue est intéressante, avec une situation de départ singulière, et l’identité du criminel réserve quelques belles surprises.
    Cependant, par-delà ces qualités, cet ouvrage pâtit de longueurs. Les digressions sont nombreuses et les apartés réduisent considérablement le rythme du récit. Il y a parfois des pages entières que l’on pourrait lire en diagonale sans que cela ne nuise à l’intrigue, même si ces élucubrations peuvent séduire.

    On achève ce livre avec un sentiment mitigé : l’histoire et les connaissances d’Ann Featherstone sont enthousiasmantes, mais l’ensemble est gâché par des lenteurs narratives ; plus de noirceur ou de nervosité aurait peut-être été bénéfique à ce polar historique qui demeure néanmoins attachant.

    18/02/2012 à 18:51

  • Sacrifice

    Sharon Bolton

    9/10 Tora découvre, par le plus malheureux des hasards, un cadavre de femme dans son champ, sur une île des Shetland. La victime, enterrée depuis des années dans la tourbe, a eu le cœur arraché, et porte sur le corps des inscriptions runiques. Qui était cette inconnue ? Pourquoi lui avoir réservé un sort aussi abominable ? Tora mène l’enquête et se rend compte que l’archipel connaît tous les trois ans des pics de mortalité incompréhensibles : serait-ce en lien avec cette vieille légende régionale évoquant la présence de trolls ?

    Premier ouvrage de Sharon Bolton, ce Sacrifice est un thriller de très grande qualité. Dès le premier chapitre, l’auteur pose le lecteur face au suspense, et ne le lâche que dans les ultimes pages. La langue de l’écrivain est savoureuse : tant dans les descriptions des paysages sauvages des Shetland que lors des introspections de Tora et autres analyses psychologiques des protagonistes, Sharon Bolton sait rendre vivants des lieux et des personnalités. Les apartés ralentissent parfois le rythme de l’intrigue mais demeurent saisissants de vérité, avec de nombreux passages particulièrement bien sentis et poignants.
    D’autre part, l’histoire est très intelligemment bâtie, augurant de multiples rebondissements, et naviguant entre croyances ancestrales, errements de la science et trafics innommables. Toujours avec retenue et mesure, l’auteur a su imaginer un scénario original et efficace, où d’abondants détails, d’abord anodins ou imperceptibles, viendront mettre Tora sur la voie de la vérité. Ce qui est d’ailleurs singulier, c’est la facilité, voire la grâce, avec laquelle Sharon Bolton parvient à planter le décor jusque dans les tripes du lecteur. Les lieux et ambiances sont certes très bien rendus, mais il paraissait difficile, et même grotesque, de vouloir ressusciter un mythe ancien. Pourtant, elle y parvient, même si, on pouvait s’en douter, ce dernier est réinterprété, ce qui ne le rend pas moins effrayant.

    Avec intelligence et talent, Sharon Bolton croise folklore et science, le tout au gré d’une intrigue percutante et marquante.

    18/02/2012 à 12:52

  • Cette nuit, Soledad

    Hubert Ben Kemoun

    8/10 Soledad se fait de l’argent de poche en tenant compagnie à une vieille dame, Florence. Dans l’appartement de cette dernière, des tableaux de valeur sont accrochés aux murs. Il n’en faut pas plus pour attirer la convoitise de personnages mal intentionnés. Et bien décidés à passer à l’action. Quitte à prendre en otage la propriétaire des lieux ainsi que Soledad.

    Hubert Ben Kemoun sait comment s’adresser à son public, et cet ouvrage en est une preuve supplémentaire. D’entrée de jeu, les personnages se posent : humains, crédibles, et doués de cette justesse qui fait qu’ils « parleront » sans le moindre doute aux jeunes lecteurs. Il s’agit d’adolescents aux préoccupations concrètes, sujets au doute, à la volonté de rachat, aux questionnements liés à leur âge. Ils sont d’ailleurs assez nombreux, mais les qualités narratives de l’auteur font qu’ils demeurent rapidement identifiables tout au long du récit. L’intrigue est également plausible et réussie. En soi, elle ne révolutionne pas le genre, mais la plume d’Hubert Ben Kemoun fait mouche : l’histoire prend aux tripes, littéralement, et le suspense est savamment dosé, allant crescendo. Certaines scènes, notamment lorsque Soledad et Florence sont aux prises avec leur séquestreur, sont même des modèles du genre : intenses, noires, et si bien écrites qu’il devient difficile de ne pas passer aux pages suivantes pour savoir ce qu’il va advenir des deux femmes.

    Tout autant roman noir qu’à suspense, ce livre est une réussite totale et indéniable. Par-delà l’aspect policier, Hubert Ben Kemoun a su insuffler à son ouvrage une morale adroite et intelligemment amenée : l’espérance en la jeunesse. Malgré des choix hasardeux voire contestables de certains protagonistes, l’histoire prouve qu’il est toujours temps de se racheter, de trouver une forme de rédemption dès lors que l’on décide de s’approprier son propre destin. Ainsi énoncée, cette leçon peut sembler convenue ; sous le stylo d’Hubert Ben Kemoun, elle prend un sens immédiat, évident, et rapidement assimilable. Un bien bel enseignement que ne manqueront probablement pas de retenir les lecteurs de cet ouvrage, au-delà des qualités purement formelles du récit.

    18/02/2012 à 12:51

  • L'Africaine du Havre

    Léo Lapointe

    7/10 Une vieille femme, héritière d’une immense fortune, est découverte morte dans son appartement du Havre. La malheureuse se trouvait dans sa baignoire et était probablement décédée depuis des jours, voire des semaines. À ses côtés, sa dame de compagnie, une énigmatique Africaine qui semble se prénommer Janet, sans âge ni passé, dont les voisins ne savent strictement rien. Le fils de la morte, un promoteur immobilier, avait tout intérêt à ce que sa mère décède rapidement pour éponger ses dettes. Il faudra l’entraide d’un jeune policier et d’une journaliste aventureuse pour dénouer les fils d’une intrigue plus complexe que ne le laissent augurer les apparences.

    Quatrième ouvrage de Léo Lapointe après Le Vagabond de la baie de Somme, La Tour de Lille et Mort sur la Lys, cette Africaine du Havre débute comme un drame social. Une Noire, méprisée par les commerçants et habitants du Havre, pour ainsi dire recluse dans l’appartement qu’occupe son employeuse, confite dans l’indigence et le silence. Le récit est court, environ cent soixante pages, et Léo Lapointe sait planter rapidement un décor et des personnages, même si la concision de l’ouvrage l’empêche d’approfondir les caractères des personnages. Une énigmatique servante, une dame âgée décédée mystérieusement, et un fils qui ne pouvait rêver mieux que le trépas de sa génitrice : les protagonistes, et donc les suspects potentiels, sont très peu nombreux. L’intrigue semble donc aisée à résoudre, au moins de prime abord. Cependant, Léo Lapointe a axé son histoire tout autant sur l’aspect policier que sur sa dimension sociale. Par transparence, c’est également le procès ordinaire du racisme qui s’y tient, du plus ordinaire – les ragots et commentaires à l’encontre de Janet sont à cet égard féroces – jusqu’au plus élaboré, à travers notamment l’analyse des réseaux d’immigration clandestine. La charge de l’auteur à l’encontre des politiques migratoires et du comportement des citoyens français est bien sentie, mais elle pâtit souvent d’un trait forcé, au point que Le Havre, ses boutiques et son commissariat ne semblent être peuplés que de xénophobes : un peu plus de mesure ou de finesse n’aurait pu que servir les propos de Léo Lapointe. Néanmoins, le message, certes outré, passe, notamment grâce à la plume si élégante et lapidaire de l’écrivain. Par ailleurs, le final réserve un rebondissement surprenant et intelligent, conséquence désespérante de la misère humaine.

    Voilà un roman qui tient tout autant du pamphlet sociétal que du polar. Si les traits de sa plume sont parfois un peu trop appuyés, Léo Lapointe convainc néanmoins grâce à un rythme narratif soutenu et un scénario original.

    07/02/2012 à 20:17

  • Neige et roc

    Stéphane Douay, Stéphane Piatzszek

    8/10 Œuvre croisée de Stéphane Douay et Stéphane Piatzsezk, cette bande dessinée conjugue les ingrédients de plusieurs genres. Il y a le suspense du thriller, les réflexions du roman noir, ainsi que les décors fabuleux d’un ouvrage d’aventures. Le graphisme de Stéphane Douay est un régal à chaque page : les traits sont exquis, personnages et lieux croqués avec talent, et l’on se plait à contempler à plusieurs reprises certaines planches tant elles sont magnifiques. Le scénario, signé Stéphane Piatzsezk, est certes classique, mais il permet de rencontrer une galerie de personnages saisissants, profonds et crédibles.
    L’intrigue est intelligemment bâtie, les destinées des protagonistes sont lentement dépeintes avant la rencontre tant attendue qui, même si elle est éphémère, tient toutes ses promesses, sur les plans esthétique et humain. C’est une terrible histoire, sombre et envoûtante, dont la dimension humaine, avec de multiples métaphores à la clef, ne peut qu’enchanter.

    Première bande dessinée de Stéphane Douay et Stéphane Piatzsezk à paraître chez Casterman, Neige et roc constitue un délicieux moment de lecture, prenant et mémorable.

    07/02/2012 à 20:16

  • La valse des gueules cassées

    Guillaume Prévost

    8/10 Au sortir de la Première Guerre mondiale, la France est un vaste chantier, et une nation traumatisée par les massacres. La police est également en reconstruction, et c’est dans ces circonstances troublées que François-Claudius Simon entre au service du Quai des Orfèvres. Migraineux à cause d’un éclat de métal resté dans le crâne, François-Claudius se voit confier sa première affaire : on retrouve dans Paris des cadavres aux faciès massacrés. Y a-t-il un lien avec les gueules cassées, ces malheureux soldats ayant survécu aux combats mais défigurés ?

    Premier ouvrage de la série consacrée à François-Claudius Simon, cette Valse des gueules cassées est une véritable réussite. Guillaume Prévost dispose d’une plume particulièrement talentueuse qu’il met au service de l’ambiance, des personnages et de l’intrigue. Rapidement, le lecteur est happé par l’atmosphère singulière de l’après-guerre, faite de désillusions, de douleurs indicibles et dans le même temps, d’espoirs de résurrection. Le Paris de l’époque est très bien rendu, avec une économie de mots. Les personnages sont également très bien dépeints : denses, attachants, et crédibles. D’ailleurs, il s’agissait pour l’auteur de poser les jalons des ouvrages suivants, puisque l’on retrouvera notamment Elsa et, bien sûr, François-Claudius Simon, dans Le Bal de l’équarisseur. Le scénario est tout aussi réussi, avec des fausses pistes et des rebondissements judicieux.

    Guillaume Prévost avait déjà ébloui avec ses précédents romans historiques qu’étaient L’Assassin et le prophète, Les Sept crimes de Rome et Le Mystère de la chambre obscure. Autres lieux, autres périodes, mais demeure un talent indéniable de conteur et de scénariste : Guillaume Prévost fait assurément partie de ces plumes dont on parle trop peu.

    02/02/2012 à 18:52 4