El Marco Modérateur

3231 votes

  • Les mauvais joueurs

    Hervé Jubert

    8/10 La série Vagabonde s’achève donc de fort belle manière, avec énergie et malice. Indéniablement, les jeunes lecteurs auxquels cette courte saga s’adresse refermeront l’ultime page avec un léger pincement au cœur. Billie Bird, en voleuse espiègle et désopilante, fera partie de ces personnages mémorables avec lesquels il est si facile de passer plusieurs heures d’une lecture divertissante.

    20/12/2012 à 18:59

  • Soleil noir

    Robert Muchamore

    6/10 La crédibilité n’est assurément pas le point fort de ce roman. Mais son efficacité, son humour ainsi que sa brièveté en font un livre que les jeunes dévoreront avant même qu’ils ne se rendent compte de son invraisemblance, ce qui, en soi, constitue un sacré tour de force de la part de Robert Muchamore.

    20/12/2012 à 18:58 1

  • Le voyageur du passé

    Paul Halter

    8/10 Au mois de novembre 1955, un homme apparait sur le trottoir, à la sortie d’un théâtre, complètement hébété, et finit tué par une rame du métro. Cette mort pourrait sembler purement accidentelle si certains éléments ne venaient éveiller la curiosité, comme son accoutrement, très daté, ainsi que divers effets retrouvés sur son cadavre, dont une lettre adressée à son nom et datée de 1905. Cet inconnu aurait-il voyagé dans le temps ? Situation pour le moins étrange pour l’inspecteur Hurst et son ami le docteur Twist, qui n’est que le préambule à bien d’autres mystères…

    Dernier ouvrage en date issue de la série consacrée aux enquêtes du docteur Twist, ce Voyageur du passé séduit immédiatement, et c’est toujours avec un indéfectible plaisir que l’on retrouve l’univers de Paul Halter : une langue délicieusement surannée, élégante et prenante, des ambiances à la Agatha Christie croquées avec un talent rare, et une intrigue jouissive. Le lecteur a de nouveau droit à une énigme en chambre close, même si celle-ci n’est indubitablement pas la meilleure de l’auteur, mais Paul Halter la compense sans mal avec de nouvelles trouvailles scénaristiques, à travers une sombre histoire de représailles, étalée sur plusieurs décennies, et qui, magie littéraire propre à l’écrivain, parvient toujours à surprendre et renouveler le genre.

    Rares sont les auteurs à être aussi constants dans la qualité de leurs productions et, paradoxalement, originaux dans la construction d’ouvrages ayant pourtant tant de points communs. Assurément, ce nouvel opus de Paul Halter est une véritable réussite, autant au niveau de l’histoire que de sa narration, et qui offre une relecture tonitruante de l’adage qui veut que la vengeance est un plat qui se mange froid.

    20/12/2012 à 18:58

  • L'Origine du mal

    Gilles Haumont

    7/10 Dans un futur proche, un terrible virus mutant anéantit la population du continent nord-américain. Est aussitôt créée l’INGEN, l’International Genetic Agency, une organisation ayant pour vocation de veiller au bon déroulement des recherches en matière de génie génétique. Parmi ses nouvelles recrues se trouvent Guillaume Beaumont, un jeune Français au talent indéniable, et deux de ses amis. Une série d’éliminations ciblées va venir décimer les rangs des élites de l’INGEN. Guillaume est alors chargé d’enquêter et mettre à nu le complot ainsi que ses instigateurs.

    Gilles Haumont signe un premier roman riche et ambitieux. Le style s’impose rapidement de lui-même : la langue de l’auteur est belle, très agréable à lire, les divers personnages rapidement mis en scène, le tout au gré de scènes passionnantes. Le lecteur est aussitôt plongé dans les débats houleux entre les divers courants de pensée concernant l’évolution et la génétique. Les assertions y sont nombreuses et passionnantes, intelligemment présentées, vulgarisées sans pour autant être simplificatrices. De même, des notions religieuses et géopolitiques viennent enrichir le récit. Gilles Haumont sait indéniablement planter un décor, y faire s’ébattre des protagonistes denses et crédibles, et leur faire mener une investigation captivante.
    Le seul véritable reproche que l’on pourrait lui adresser concerne la construction de l’ouvrage. Schématiquement, on assiste à une enquête, certes captivante, puis vient la découverte du territoire nord-américain, qui fera obligatoirement penser à Je suis une légende de Richard Matheson. Succède alors une série de scènes faisant furieusement penser à du Agatha Christie, et ensuite une autre courte partie où l’ésotérique et le scientifique s’entremêlent. L’ensemble se lit avec délectation, il s’agit d’une évidence, mais cette succession de genres peut déstabiliser, voire décevoir.

    Entre thriller, livre fantastique, roman d’aventures et roman à énigme, Gilles Haumont a conçu un premier ouvrage singulier, à la fois distractif et instructif, qu’il est bien difficile de lâcher, même si sa structure hétérogène pourra éventuellement dépiter.

    12/12/2012 à 17:25 1

  • Sauve-toi Nora !

    Agnès Laroche

    8/10 Félix, adolescent, aime passer du temps avec son oncle Jacques, spirite improvisé, dans sa roulotte. Un jour, alors que Jacques est en consultation, Félix entend une voix dans sa tête qui crie « Sauve-toi, sauve-toi Nora ! ». Ce phénomène extralucide lui viendrait-il de son grand-père, voyant avéré ? Quand il apprend que la personne qui venait consulter son oncle a une petite-fille effectivement prénommée Nora, le jeune homme se doute que le danger est réel. Mais comment parvenir à faire admettre aux autres un tel prodige ?

    Après Le Fantôme de Sarah Fisher et Murder Party, Agnès Laroche revient chez Rageot avec ce nouvel opus de très grande tenue. Le postulat est très original, et la suite donnée par l’auteur est intelligemment menée. Félix est convaincant en jeune judoka aussi courageux qu’inexpérimenté face au danger. Les diverses péripéties sont bien construites, et l’ensemble permet de passer un très bon moment de frissons. Agnès Laroche sait manier les émotions de ses personnages, les rendre immédiatement attachants et crédibles. D’ailleurs, alors que l’idée de départ pouvait n’être qu’un simple prétexte pour un canevas policier plus classique, la lecture du roman ainsi que sa conclusion démentent cette crainte : tout y est habile, efficace et prenant.

    Agnès Laroche compte donc parmi ces auteurs de grand talent, qui savent imaginer des récits captivants et atypiques. L’occasion de se replonger dans sa bibliographie ou de découvrir la prose de cette dame si ingénieuse.

    12/12/2012 à 17:22

  • Le Bourreau de Portland

    Michel Montheillet

    8/10 Ce Bourreau de Portland constitue donc une relecture avantageuse du livre de Maxime Chattam. Indéniablement servie par le talent d’illustrateur de Michel Montheillet, cette bande dessinée offre une nouvelle perspective, un angle d’attaque à la fois différent, autonome et complémentaire de la bibliographie si riche de Maxime Chattam. Une réussite tant artistique que scénaristique que l’on a hâte de retrouver dans les autres épisodes.

    26/11/2012 à 15:20 1

  • Fiasco

    Nada

    8/10 Une dizaine de personnages, tous rongés par les contradictions, les frustrations, et d’implicites envies de mort. Une galerie d’individus perdus dans notre société de consommation. Des environnements interlopes autour desquels gravitent des sentiments contradictoires qui ne demandent qu’à s’exprimer. Le chaos est proche. La mort rôde. Le sang va couler. Et nul ne pourra stopper cette lente autodestruction.

    Après Démolition et Hécatombe, Nada poursuit son immersion dans les ténèbres. Rapidement, le ton est donné, celui que l’on attendait de l’écrivain : c’est hard. Les scènes de sexe sont crûes, et décrivent parfois pendant des pages entières les relations, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles. Rien n’est suggéré dans les actes, tout est limpide, d’une manière presque naturaliste. D’ailleurs, la puissance d’évocation de Nada est illimitée : l’auteur ne s’interdit absolument rien, et n’épargne pas son lectorat. En ce sens, il est très probablement le plus radical du genre.
    Dans cet ouvrage, il dresse le portrait d’une dizaine de protagonistes qui vont, à un moment ou un autre, entrer en collision. Entre eux. Entre leurs appétits de vie. Entre leurs convoitises de mort. Prisonnier passionné de slam. Tueurs de bobos. Photographe rongé par son art. Consommateurs de drogue prêts à tout pour obtenir un shoot. Petits bourgeois porteurs de bonne conscience mais corrodés par des vices innommables. On sait rapidement que tout ce système va exploser, voire imploser, et que les éclats seront mortels. Indéniablement, Nada fait mal. Très mal. À la tête. Aux tripes. À tous ces organes de l’organisme humain auxquels son opus s’adresse. Si l’on peut regretter que l’ensemble ne soit pas toujours ramassé autour d’une seule intrigue centrale, telle une colonne vertébrale scénaristique, l’histoire retournera certainement le lecteur, si celui-ci a eu l’estomac suffisamment solide pour aller au bout.

    Fiasco s’apparente à une partie de billard américain. Les personnages sont regroupés, puis le joueur éclate cette formation avec une boule unique. Les billes vont ensuite se caramboler, sortir du tapis, disparaître dans les trous. Un désordre sanglant et monstrueux, désespéré, aussi dérangeant qu’unique. Un grand hurlement littéraire.

    26/11/2012 à 15:14

  • L'Assassin impossible

    Laurent Chabin

    7/10 Rebecca et trois de ses amis partent en vacances au pied des Rocheuses, où les attend M. Larsen, un vieil ami des parents de Rebecca. Sur place, la beauté des paysages ainsi que les multiples activités prévues saisissent les adolescents. Mais la réjouissance tourne rapidement au désastre : Larsen est agressé dans la forêt, et son corps disparaît, ne laissant sur place qu’une traînée de sang. Puis ce sont les craintes de rôdeurs mal intentionnés qui viennent hanter le quatuor.

    Auteur de plus de soixante-dix romans, Laurent Chabin intègre à présent la collection Heure Noire de Rageot, avec cet ouvrage paru originellement en 1997. L’auteur plonge presque immédiatement le lecteur dans l’ambiance des montagnes isolées, grâce à un décor splendide rapidement planté et une ambiance qui va vite tourner à l’effrayant. Les protagonistes, dépeints en quelques phrases, s’apprêtent à vivre une bien angoissante aventure, perdus aux confins du monde. Un corps qui s’évapore dans les bois, des personnages inquiétants à qui ils prêtent de sombres desseins, un agresseur qui entre comme il veut dans un chalet fermé, voilà quelques-uns des signes qui vont plonger les héros dans la terreur. L’intrigue ménage un habile rebondissement dans le dernier chapitre, et, même si l’intrigue en soi n’est pas exceptionnelle, elle regorge de délicieux instants de peur. Laurent Chabin sait habilement décrire des situations où le suspense saisit aux tripes, usant de ressorts stylistiques et descriptifs efficaces.

    Cet Assassin impossible constitue un bien agréable roman pour les jeunes qui passeront de bons moments de frousse tout en essayant de saisir les ficelles du scénario. Un ouvrage de qualité où le froid des lieux décrits contraste avec la fièvre qui ne cessera de monter chez les lecteurs.

    26/11/2012 à 15:09

  • La Nuit Interdite

    Thierry Serfaty

    9/10 Vénéneux, instructif sans être bavard, saisissant, cette première pierre de l’édifice de la série consacrée à la Pyramide mentale est une véritable réussite.

    26/11/2012 à 15:08 1

  • Le bal de l'Equarrisseur

    Guillaume Prévost

    9/10 Voilà un opus bien né et d’une rare efficacité. En plus d’être culturellement enrichissant, il se montre diablement original et marquant. C’est donc avec fébrilité que l’on se ruera tout naturellement sur le troisième livre de la série, à savoir Le Quadrille des maudits.

    12/11/2012 à 15:30 2

  • Interception

    Marin Ledun

    9/10 Valentine est épileptique, et son état semble empirer. Pire : elle est désormais la proie de cauchemars récurrents et effrayants. Ses parents décident de lui faire intégrer un lycée-clinique expérimental. Mais sur place, l’adolescente se rend compte que sa guérison ne fait pas nécessairement partie des objectifs des médecins.

    Écrivain reconnu en littérature pour adultes, Marin Ledun a également composé des œuvres pour les jeunes, comme Un cri dans la forêt et Luz. Il signe ici un ouvrage qui paraît dans la collection Thriller de chez Rageot, et la magie opère immédiatement. Le style est attisé, sec, brutal. Les chapitres se dévorent à toute allure, et le roman est bâti de manière très intelligente. Mais au-delà de la forme, remarquable, c’est l’histoire qui stupéfie. Une fille, sujette à l’épilepsie, et qui peut ainsi accéder à un monde parallèle, semblable à un dédale ponctué de portes, derrière lesquelles se trouvent des univers possibles et contrôlés par des spectres ainsi qu’un bien étrange personnage. Le pari était osé : proposer aux lecteurs – jeunes – un récit d’une originalité inouïe, servie par une plume incendiaire et incendiée. Et ce défi est amplement réussi. Tout, dans ce livre, est accrocheur et percutant. Il est d’ailleurs bien difficile d’évoquer le contenu de cet opus sans dévoiler certaines situations qui ne manqueront pas de surprendre, quel que soit l’âge de celles et ceux qui le liront.

    Dans cette collection naissante, nous avions, entre autres, le percutant Blackzone de Philip Le Roy, le cérébral Spiral de Paul Halter, et l’engagé et lyrique Dernier ours de Charlotte Bousquet. Nous avons désormais cet inclassable livre survolté de Marin Ledun, qui achève de faire de cet auteur, s’il en fallait encore une preuve, l’un des meilleurs de sa génération.

    06/11/2012 à 15:16 2

  • Taxiphobie

    Michel Honaker

    8/10 Jaryl Andrup est un raider. Son métier : faire de l’argent en bourse, quitte à user de moyens brutaux, sans la moindre déontologie. Sa vie est opulente. Mais tout déraille lorsque sa voiture de sport entre en collision avec un taxi. Rapidement, Jaryl se sent épié, voire menacé. Il semblerait que tous les taxis de la ville se soient ligués contre lui…

    Auteur à succès, Michel Honaker n’en finit pas de régaler ses fans, à savoir les jeunes. Dans ce court roman, dont la concision pourrait presque le faire ressembler à une nouvelle, l’ambiance est rapidement posée. L’action et le suspense sont omniprésents, et ce jusqu’au final qui se déroule dans les ultimes pages. La plume de l’auteur fait, une fois de plus, des merveilles, allant à l’essentiel, de manière nerveuse et imparable, pour littéralement scotcher le lecteur. L’ensemble se lit à très grande vitesse, et l’on passe un excellent moment, que l’on soit jeune ou adulte. Ce qui est aussi édifiant dans cet ouvrage, c’est l’apparente simplicité avec laquelle Michel Honaker sait rendre crédible une ambiance paranoïaque. Tout s’enchaîne de manière fluide et plausible. Un tour de force.
    Ce qui est également judicieux, c’est le choix de l’écrivain quant au protagoniste principal. Souvent, la littérature jeunesse met en scène des personnages sympathiques, et immédiatement attachants, auxquels on peut s’identifier. Jaryl Andrup est au contraire machiavélique, sournois, odieux. L’engrenage dans lequel il va lentement entrer fait cependant que l’on éprouve de l’empathie pour lui, voire de la sympathie.

    Une fois de plus, Michel Honaker écrit avec une justesse et une efficacité folles. Un roman d’une simplicité redoutable, qui ne pourra que plaire aux lecteurs, indépendamment de leur âge.

    06/11/2012 à 15:12

  • Pointe blanche

    Anthony Horowitz

    8/10 Le milliardaire Michael J. Roscoe tombe par accident dans une cage d’ascenseur et décède. Telle est ce qu’indique la version officielle. Concrètement, par un habile stratagème d’hologramme, un tueur l’a fait chuter pour que cela ressemble à un accident. Les services secrets britanniques confient alors à Alex Rider, espion de quatorze ans, une nouvelle mission : aller enquêter sur un pensionnat pour adolescents turbulents dans les Alpes, nommé Pointe Blanche. En effet, le fils de Roscoe s’y trouve, de même que d’autres enfants d’individus riches ou influents, et un des géniteurs de ces jeunes est également mort dans des circonstances étranges. Rapidement, Alex se rend compte que se noue sur place un bien étrange complot…

    Deuxième ouvrage de la série consacrée à Alex Rider après Stormbreaker, ce Pointe Blanche permet de retrouver cet espion en herbe, doué à la fois physiquement et intellectuellement. Il dispose de gadgets high-tech, sait mener des enquêtes discrètes, et se retrouve de nouveau confronté à une conspiration inquiétante et terrible. Anthony Horowitz sait user d’une langue qui s’adresse immédiatement aux jeunes lecteurs, puisqu’elle est simple, efficace, tout en tramant un scénario solide et percutant. Les chapitres alternent rapidement, sans temps mort, les scènes d’action sont pétaradantes comme on est en droit de les attendre, et le suspense ne s’achève que dans les ultimes pages du livre. Comme dans Stormbreaker, certains passages sont un peu téléphonés, et d’autres improbables, mais l’essentiel est là : offrir aux collégiens une trame percutante, avec au premier plan un personnage attachant et diablement énergique.

    Sur la dynamique lancée du précédent opus, Anthony Horowitz signe une nouvelle réussite littéraire. De cet agent secret novice et de ses aventures, on en redemande. Le suivant, Skeleton Key, le mènera vers une île des Caraïbes. Il y a fort à parier que de nombreux jeunes lecteurs l’y suivront.

    06/11/2012 à 15:10

  • Trafic d'âmes

    Marc Koenig

    6/10 À n’en pas douter, Marc Koenig dispose de toutes les qualités requises pour faire parler de lui dans le domaine de la littérature policière ou fantastique, ou les deux. Il a de l’imagination, sait structurer un récit et le rendre fougueux. Il n’y a plus qu’à lui souhaiter de nous revenir vite, avec cette fois une plume ainsi qu’une trame scénaristique plus sobres.

    24/10/2012 à 17:30

  • La Clinique

    Jonathan Kellerman

    9/10 Le corps du professeur Hope Devane est retrouvé en pleine rue. Trois coups de couteaux ont eu raison de la jeune femme : un dans les reins, un dans le sexe, et un au cœur. L’inspecteur Milo Sturgis s’adjoint l’aide du psychologue Alex Delaware, un ami avec lequel il a souvent travaillé. Les pistes sont fort nombreuses, et les suspects abondent. Mais pour découvrir l’identité de l’assassin, il faudra d’abord appréhender la véritable identité de la victime…

    Onzième ouvrage de la série consacrée à Alex Delaware, cet opus combine tous les éléments qui en ont fait le succès. Jonathan Kellerman dispose d’une plume d’une rare efficacité, et sait décrire avec un talent singulier les personnages et leurs attitudes. Il ne lui faut parfois que peu de mots pour croquer un comportement qui apparaît suspect, une émotion qui affleure, une personnalité qui achoppe, ou encore écrire des dialogues qui font mouche. À n’en pas douter, la spécialisation de psychologue pour enfants de l’auteur joue pour beaucoup dans cette aptitude à saisir puis retranscrire les sentiments des protagonistes. On retrouve avec plaisir Alex Delaware, brillant analyste, et son compère Milo Sturgis, ours mal léché, détesté par sa hiérarchie en raison de son homosexualité et de sa finesse d’esprit.
    Dans cette enquête, les pistes vont se succéder : milieu universitaire, où Hope Devane avait créé un tribunal officieux destiné à juger les étudiants s’étant mal comporté avec les femmes, univers médical, cercles mafieux... Avec une minutie d’horloger, Jonathan Kellerman va faire remonter ses deux enquêteurs vers les sources du mal, l’enfance de la victime, et mettre à nu des connexions effrayantes entre plusieurs personnages. L’ensemble se lit avec avidité, et les rebondissements fourmillent.

    Même pris en cours de route, les ouvrages issus de cette série constituent de véritables pépites. Ni le public ni les critiques ne s’y sont trompés, et Jonathan Kellerman bénéficie d’une rare aura dans le cénacle du roman policier. À titre d’exemple, s’il en fallait encore un, ce livre constitue l’un des meilleurs du genre.

    24/10/2012 à 17:29

  • La sorcière de midi

    Michel Honaker

    8/10 Dans une ville que côtoient la neige et une profonde forêt, Ed est un jeune écolier, gros et grand amateur de chewing-gums. Pas très beau, pas très intelligent, il est amoureux de Nan, et a pour copain Harold, un gamin un peu lunaire qui parle aux arbres. Bientôt, un étrange danger semble planer au-dessus de la communauté : une sorcière vagabonderait dans les parages. Ce sont ensuite des disparitions d’enfants qui sont signalées. Ed et Harold vont devoir unir leurs talents pour affronter ce terrible péril.

    Michel Honaker fait partie de ces auteurs que l’on ne présente plus. Véritable institution de la littérature de jeunesse, écrivain acclamé par la critique et le public, ses ouvrages sont régulièrement des succès. Avec La Sorcière de midi, il ose le pari de mêler deux genres : suspense et conte. Si les deux genres littéraires sont finalement proches, dans la forme comme dans le fond, très rares sont les livres se risquant à les conjuguer. On retrouve ici tous les éléments qui séduisent les jeunes lecteurs : des personnages immédiatement sympathiques, bien loin d’être préparés aux périples à venir, avec leurs histoires d’amour et d’amitié. L’intrigue est atypique, avec cette figure inquiétante de sorcière, diablesse effrayante ayant jeté son dévolu sur une cité isolée au milieu des bois. Nos deux principaux protagonistes vont apprendre à se surpasser, tant physiquement que psychologiquement, pour vaincre cet adversaire hors-normes. La tension est savamment dosée, avec un inévitable combat final qui révèlera la réelle nature d’Harold.

    Voilà un livre qui sort indéniablement du lot. Allier les ressorts du roman à suspense à la tradition du conte risquait de générer un écrit bancal : il n’en est rien. La plume experte de Michel Honaker fait une fois de plus merveille, en emmenant les lecteurs sur un terrain méphitique et angoissant où il fait, paradoxalement, si bon se perdre.

    15/10/2012 à 18:26

  • 100 jours en enfer

    John Aggs, Ian Edginton

    8/10 Il était à craindre que l’adaptation en bande dessinée de l’œuvre de Robert Muchamore donne lieu à une simple production commerciale, sans âme ni mérite. Cet ouvrage prouve le contraire : c’est aussi palpitant que la version romanesque, et l’histoire est ici servie par un graphisme expressif et panaché.

    15/10/2012 à 18:26

  • La Fille des marais

    Charles Williams

    8/10 Les thèmes exploités dans cet ouvrage peuvent sembler usés jusqu’à la corde. Il fallait un véritable talent d’écrivain, élégant et efficace, pour en extraire tout leur suc. Charles Williams l’a fait. Avec classe et tempérance, l’auteur retrace le parcours chaotique de l’un de ces couples maudits que l’on aime tant retrouver en littérature.

    15/10/2012 à 18:25 1

  • Dans la peau d'une autre

    Johan Heliot

    8/10 Lydia est une jeune chanteuse à succès. Au terme d’une tournée épuisante, elle craque et balafre une fan à l’aide du stylo qu’elle lui tendait pour signer un autographe. L’agence BEST, qui a chaperonné et façonné la star, décide pour elle qu’elle doit aller se reposer dans la clinique du docteur Beller, en Suisse. Mais rapidement, Lydia se rend compte qu’on lui a en fait réservé un sort bien différent…

    Il est bien difficile d’aller au-delà de ces jalons de l’intrigue sans révéler des éléments moteurs de l’histoire. Grâce à la plume énergique et efficace de Johan Heliot, le lecteur bascule rapidement dans un récit trouble et prenant. L’ambiance en vase clos dans la clinique, sombre et angoissante, débouche rapidement sur une succession d’autres mystères : que veut-on réellement à Lydia ? Quel est le rôle exact du docteur Beller ? Pourquoi semble-t-on prêt à attenter à la vie de la starlette ? Toutes ces questions trouvent des réponses au fil d’un récit diabolique et inattendu, où les zones d’ombre suppléent des moments de forte tension dramatique. Le style est nerveux, riche, dense, et l’on se retrouve à avaler les chapitres avec avidité pour connaître le fin mot de l’histoire. Un scénario à la fois fort et crédible, mis à part peut-être quelques coups de théâtre un peu gros qui raviront néanmoins les jeunes lecteurs auxquels se destine cet opus.

    De manière un peu similaire à celle de Dan Chartier dans The One, Johan Heliot explore tout à la fois les milieux abscons du show-business, de la médecine et des puissances secrètes des états. Une véritable pépite littéraire, pour jeunes et moins jeunes, pour une lecture tout autant instructive que divertissante.

    10/10/2012 à 13:31

  • Le dernier ours

    Charlotte Bousquet

    9/10 Groenland, 2037. Dans cette île transformée en désert par le dérèglement climatique, l'ours Anuri constitue la principale attraction du NC Zoo. Sa soigneuse, Karen, l’aime comme un frère, avec une certaine dose de culpabilité : son propre père l’a capturé douze ans plus tôt. Au cours d’une banale expérience, Anuri tue l’un de ses soigneurs et blesse le second. La décision tombe : il faut tuer l’ours. Karen ne l’entend pas de cette oreille. Avec Lone et Sila, deux adolescents paumés, elle décide de fuir avec l’animal. Mais Svendsen, un fourbe scientifique, n’est pas décidé à laisser partir le plantigrade. Car l’accident dont s'est rendue coupable la bête dissimule un étrange projet…

    Premier ouvrage de Charlotte Bousquet à paraître dans la collection Thriller de Rageot, ce roman sort indéniablement du lot. L’intrigue est particulièrement originale, s’appuyant habilement sur des réflexions intelligentes sur l’écologie, la responsabilité humaine, les liens avec les espèces animales, et les enjeux scientifiques. Les décors comme les personnages sont dépeints de manière admirable, au point que ce futur, pourtant imaginaire, semble immédiatement crédible. Les relations entre Karen et Anuri, mais aussi avec les deux ados, offrent d’attendrissants moments de littérature, sans jamais tomber dans la naïveté ou la facilité. C’est d’ailleurs l’un des talents de Charlotte Bousquet qui s’illustrent dans cet ouvrage : être capable de s’adresser à des jeunes sans bêtifier ni multiplier les poncifs.
    Le suspense est haletant, et il est d’autant plus tonique que la rythmique, soulignée par des chapitres courts et l’alternance entre les divers points de vue des protagonistes, le renforce. Et au-delà de l’histoire, c’est aussi un beau livre engagé, activiste à sa manière, poussant le lecteur, citoyen et acteur en devenir du sort du monde, à se poser des questions justes et utiles.

    Avec un final poignant et inattendu dans ce type de livres, ce Dernier ours constitue un roman exemplaire. Nerveux, intelligent, atypique, il affermit et confirme la diversité comme la qualité des livres paraissant dans la collection Rageot Thriller.

    10/10/2012 à 13:30