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Bienvenue à la maison
7/10 Wausau, Wisconsin.
Cette bourgade plutôt paisible est confrontée à un phénomène inexplicable qui va vite prendre des proportions énormes. Certains morts ne meurent pas et mieux, résistent même à la crémation. Sans être des zombies – au sens Romero/Walking Dead du terme – ces "ranimés" ne sont pas foncièrement mauvais mais posent des soucis aux autorités. Et particulièrement au shérif Cypress et à sa fille Dana, elle même policière.
Un premier épisode pour installer la série (qui en compte 8) assez passionnant déjà. Bonne idée de faire autre chose des morts-vivants que des mangeurs de chair humaine décérébrés. Le dessin est classique mais agréable.03/12/2020 à 13:52 3
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Zone 10
Christos N. Gage, Chris Samnee
7/10 Du bon et du moins bon dans ce comic assez dur (scènes dérangeantes), à ne pas mettre entre des mains innocentes. L'enquête, qui flirte sérieusement avec le paranormal, est assez originale et intéressante, avec même quelques rebondissement bien sentis. Je n'ai pas trop accroché au dessin, qui m'a évoqué Sin City (mais je ne dirai pas qu'il est mauvais). En revanche, carton jaune pour les dialogues en cours de baston. Quand ce n'est pas humoristique – et je ne pense pas que ce soit le cas ici – les considérations philosophiques entre un coup de poing et un coup de pied, j'ai vraiment du mal.
03/12/2020 à 13:41 3
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Underground Railroad
9/10 Sixième roman de Colson Whitehead, Underground Railroad est un texte très puissant et quasi exempt de défauts. Tout au plus pourra-t-on s’étonner de la chance de Cora sur son parcours vers la liberté et des concours de circonstances favorables dont elle bénéficie, eu égard à la cruelle réalité des fugues d’esclaves alors. Si la plupart des fugitifs mourraient rapidement dans la nature (faim, froid, maladie, bêtes sauvages…) ou était rattrapés par des chasseurs d’esclaves, puis pendus publiquement, pour faire passer l’envie aux autres de prendre la poudre d’escampette, quelques uns, une infime proportion, s’en sortait. Dont Cora donc. Et le roman n’aurait évidemment pas été possible si l’héroïne mourrait tout de suite.
L’Underground Railroad, c’est donc ce réseau clandestin qui aurait permis à environ 100 000 esclaves de fuir les plantations du sud des États-Unis pour trouver refuge au Nord de la ligne Mason-Dixon (ligne de démarcation entre les États abolitionnistes du Nord et les États esclavagistes du Sud) et jusqu’au Canada. En vérité, seule une portion était une véritable voie ferrée, le reste étant plus un réseau d’entraide des fugitifs par des abolitionnistes ou sympathisants à la cause de l’émancipation des esclaves. Comme il est montré dans le roman, ceux-ci risquaient très gros dans certains États, ou toute personne hébergeant un esclave en fuite risquait la pendaison sans autre forme de procès.
L’auteur met habilement en scène, autour de Cora, toute une galerie de personnages divers et variés : chef de gare du chemin de fer clandestin, chef de la plantation, personnes accueillant des fugitifs, chasseurs d’esclaves aux dents longues, etc.
Sans jamais s’immiscer lui-même dans le récit, Colson Whitehead donne à voir, à travers les opinions très diverses de ses protagonistes toutes les tensions et les différents points de vue, parfois extrêmement opposés et vigoureux, qui agitait alors la société actuelle autour de la question noire et de l’esclavage, sans doute le sujet le plus épineux du moment. Certaines mentalités, parmi les suprématistes blancs notamment, passant alors pour normales à l’époque, font d’ailleurs sinistrement froid dans le dos aujourd’hui.
Passionnant du début à la fin, très documenté mais jamais trop didactique, Underground Railroad est un excellent roman qui devrait ravir les amateurs d’Histoire et de romans d’aventure.26/11/2020 à 14:04 4
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Asadora ! tome 1
8/10 J'ai lu ici et ailleurs que certain.e.s avaient été déçu.e.s par cette nouvelle série. Ça n'a pas du tout été mon cas.
Pour l'instant, j'aime beaucoup le personnage d'Asa, sa rencontre avec le vieux vétéran, la débrouille dont ils font preuve pour retrouver leurs proches après le passage du typhon. Le dessin est magnifique (certaines vues aériennes ont dû demander un travail titanesque). Effectivement, c'est peut-être un peu lent pour le lecteur de manga qui attend de l'action à gogo mais ça ne m'a pas gêné du tout et la fin laisse présager de drôles de rebondissements. Je poursuivrai assurément.29/07/2020 à 11:50 3
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Le Gang des rêves
9/10 Plus de 700 pages en grand format, presque 900 en poche, près de 25h d’écoute en version audio. Que la somme que représente Le Gang des rêves n’effraie pas le lecteur. Car quand il approchera de la fin, gageons qu’il en voudra encore.
L’écriture de l’Italien fait des merveilles du début à la fin. Les personnages sont excellents, l’ambiance du New York de l’époque est parfaitement restituée : on est avec eux dans le Lower East Side des années 1920, à vivre avec curiosité les débuts de la radio, du cinéma parlant, les progrès de la photographie...
On s’attache rapidement à Christmas, Cetta et Ruth, sans doute les trois personnages centraux de l’histoire, mais on apprécie aussi voir évoluer Santos, l’ami fidèle de Christmas, Sal, le gangster au grand cœur sous ses airs de dur-à-cuire ou encore le grand-père Saul. Seul Bill, un tueur en série en cavale permanente n’attire pas une once de sympathie, et ses péripéties, notamment dans le milieu du cinéma, sont sans doute ce qu’il y a de moins passionnant dans Le Gang des rêves.
L’histoire d’amour impossible entre Christmas et Ruth est particulièrement touchante mais pas niaise pour autant. Dans un autre registre, on peut sans doute voir dans l’amour de Christmas pour les histoires une espèce de mise en abyme. Enfin, le roman est une espèce de parabole du rêve américain. Qu’importe sa situation de départ, lorsqu’on a du courage à revendre, une motivation sans faille et beaucoup de bagout, des portes peuvent s’ouvrir...
Roman initiatique, roman d’aventures, roman d’amour, roman noir, roman historique... Le Gang des rêves est avant tout une odyssée hors normes et Luca di Fulvio un sacré raconteur d’histoires.
A lire cette merveille, on se demande surtout comment Le Gang des rêves a bien pu mettre huit longues années à traverser les Alpes...14/07/2020 à 17:00 10
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Facteur pour femmes
Sébastien Morice, Didier Quella-Guyot
8/10 Été 1914. La guerre est déclarée, la mobilisation générale bat son plein. L'île (un mélange imaginaire de plusieurs lieux bretons) se vide soudainement de ses hommes. Les femmes restent bientôt seules avec les enfants, les vieillards et les infirmes. Il y a là Maël, qui boîte à cause de son pied bot mais qui fonce à travers l'île sur sa bicyclette lorsqu'il n'aide pas son vieux père ou ne repeint pas l'intérieur de l'église.
Et en plus, il sait lire. Les autorités voient donc rapidement en lui le candidat idéal pour prendre le poste laissé vacant par le facteur parti au front. A force d'amener aux femmes leur courrier, Maël se rend bien compte que leur homme leur manque, que la solitude leur pèse. De leur côté, elles se rendent compte que ce jeune homme, tout bot soit son pied, n'est pas vilain et qu'il est d'agréable compagnie. Finalement, facteur pour femmes n'est pas un métier si ingrat.
Une BD historique noire de grande qualité qui fait la part belle aux femmes. Le dessin de Sébastien Morice, châtoyant, rappelle parfois des cartes postales d'antan. Une belle réussite !14/07/2020 à 16:55 2
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Dans le sens du vent tome 1
7/10 Irie Aki confie avoir eu besoin de couper et de voyager après avoir terminé sa précédente série. Bien lui en a pris car sans son périple en Islande, elle n'aurait sans doute jamais proposé ce manga. Le dessin est d'excellente facture et certains paysages islandais sont tout simplement magnifiques sous les traits de crayons de la mangaka.
Comme son grand-père, qui peut communiquer avec les oiseaux, Kei Miyama s'est découvert d'étranges capacités. Il peut entrer en communication avec les objets qui l'entourent et obtenir d'eux de précieux renseignements. Pratique lorsque l'on souhaite, à défaut d'avoir une meilleure idée, se lancer comme détective indépendant pour faire bouillir la marmite. Bientôt, Kei va apprendre des choses sur sa famille qui vont le bouleverser.
On sent que l'intrigue a beaucoup de potentiel mais ce premier tome, mettant pas mal de temps à installer le décor et les personnages, ne sera sans doute pas le plus passionnant de la série. A l'instar du premier Harry Potter, on commence à être vraiment embarqué... lorsqu'on approche de la fin du livre. Vivement la suite !14/07/2020 à 16:45
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Sengo tome 1, Retrouvailles
8/10 Le Japon a perdu la guerre. Dans les ruines de Tokyo, Kadomatsu et Toku, rentrés récemment du front, se retrouvent par hasard. Le premier n'a plus rien. Il n'a pas où dormir, se débrouille pour manger mais il n'a pas perdu la bonhommie qui le caractérise. Le second n'a plus goût à rien et noie ses noires pensées et sa solde dans l'alcool. Le travail étant devenu une denrée rare, c'est la débrouille qui prime pour gagner sa croûte. Et à ce jeu-là, Kadomatsu a toujours des idées – plus ou moins vicieuses et inventives – derrière la tête.
Malgré un dessin pas toujours exceptionnel, ce manga offre à voir un pan de l'histoire mondiale peu connu des Européens et une belle histoire d'amitié, qui ne fait que commencer (la série comptera 7 tomes, le 3e vient de paraître en VF).14/07/2020 à 16:34 3
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Le Polar de l'Été
8/10 Écrire un polar, un roman d’espionnage ou un thriller, c’est trop convenu. Luc Chomarat préfère prendre un malin plaisir à s’emparer des codes du genre pour proposer toute autre chose. Après L’espion qui venait du livre où un éditeur entrait dans un roman d’espionnage pour le sauver de la catastrophe industrielle, et avant l’excellent Le dernier thriller norvégien, dans lequel un éditeur français se retrouvait à la fois dans un manuscrit et dans une ville où sévit un tueur en série, paraissait en 2017 Le polar de l’été. Réédité ce mois-ci par la Manufacture de livres avec un nouvel habillage, Luc Chomarat s’y amusait déjà follement à bousculer ses lecteurs. Virtuose du décalage, professionnel de la mise en abyme, l’auteur a toujours plus d’un tour dans son sac, et de l’humour à revendre. Bien difficile pour le lecteur de savoir où tout ça va le mener, mais quel plaisir de se laisser embarquer par les roublardises de l’écrivain, qui s’amuse sans doute au moins autant que nous à imaginer ces intrigues tordues à souhait.
Vous l’aurez compris, Le polar de l’été n’en est pas vraiment un, et le bouquin tant recherché est l’archétype du MacGuffin. C’est autour de lui que va se dérouler l’intrigue, prétexte à la remontée de souvenirs, à l’évocation du deuil du père ou à des tensions familiales diverses et variées desquelles notre narrateur peine à se dépêtrer.
Un titre drolatique et un auteur malicieux en diable que l’on conseille vivement à ceux qui n’ont pas peur de se faire bousculer... pour leur plus grand plaisir.06/07/2020 à 17:13 6
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L'Amitié est un cadeau à se faire
7/10 Après deux romans se déroulant à Brooklyn où le décor et l’ambiance occupaient une grande place, l’auteur change de registre avec ce trépidant roman choral.
Plus on ajoute de personnages, plus l’exercice peut s’avérer délicat. Pourtant, malgré une demi-douzaine de protagonistes que l’on suit en alternance, William Boyle s’en sort comme un chef. L’histoire gravite autour des trois générations de la famille Ruggiero : Rena, Adrienne et Lucia. Pour autant, on suit de la même façon les autres personnages au gré des chapitres, ce qui permet de se mettre aisément dans la peau de chacun.
La figure de Lucia, souhaitant ardemment s’émanciper après avoir été trop longtemps privée de quasiment tout (y compris de sa grand-mère) par une mère castratrice est intéressante. Malgré de nombreuses scènes d’action, de courses-poursuites et quelques morts pas jolies jolies, l’humour est assez présent, notamment lorsque Wolfstein et Mo racontent à Lucia de savoureuses anecdotes en lien avec leur jeunesse d’actrices dans l’industrie pornographique.
Bien que le rythme ne retombe jamais vraiment, William Boyle ne peut s’empêcher de glisser de nombreuses références cinématographiques et littéraires. L’incipit de ce roman nous annonçait la couleur : « Aux bibliothèques et vidéoclubs où j’ai passé mon enfance. »
On sent effectivement l’amour de William Boyle pour les histoires et pour ses personnages. Il est certain que ce roman choral survitaminé aux personnages féminins charismatiques pourrait faire un excellent film.29/06/2020 à 17:43 6
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Marseille 73
9/10 Ce roman « phocéen » fait suite à Or noir (Série Noire, 2015) bien qu'il puisse se lire indépendamment. On y retrouve le commissaire Daquin, 27 ans, à son premier poste, à la police judiciaire de Marseille. Les amateurs de l'auteur l'auront peut-être déjà croisé, plus âgé et en région parisienne.
Dévorer un ouvrage de Dominique Manotti, c'est un plaisir double. Celui de lire un roman noir de grande qualité tout en prenant un cours d'histoire passionnant. Une fois que l'idée de départ est là, l'auteure met en général plus d'un an à se documenter sur la période concernée avant que les personnages s'imposent à elle et de commencer à rédiger. Ce Marseille 73 fait sinistrement écho à des problèmes sociétaux liés au racisme et aux violences étatiques encore bien trop présentes de nos jours. Si la chronologie a été volontairement contractée – les événements évoqués dans le roman se sont déroulés sur cinq ans et non sur quelques mois – rien n'a malheureusement été inventé ou presque. Malgré l'acuité des références historiques, l'écriture de Dominique Manotti, sans fioritures, est toujours aussi efficace. Certains passages donnent particulièrement envie de voir ce roman un jour adapté au cinéma.
Malgré ce qu'affirme la police, les frères Khider sont persuadés, tout comme le paternel, que Malek n'a trempé dans aucune affaire sordide ayant pu amener à son assassinat. Grâce à Maître Berger, un jeune avocat progressiste rêvant de faire carrière, ils entendent bien le prouver. À l’Évêché, Daquin doit faire avec sa hiérarchie et ses collègues de la Sûreté, pour qui la mort d'un "Algérien" n'est clairement pas la priorité. À Marseille, une grève se prépare pour dénoncer cette vague de violences racistes que l'histoire retiendra sous l'appellation de "ratonnades de 1973".
Roman noir historique ultradocumenté sans jamais être pédant ni par trop lent, Marseille 73 est plus que jamais d'actualité. Dans cette époque partagée entre le mouvement Black Lives Matter et des dirigeants pour qui le racisme et les violences policières n'existent pas, il n'est guère difficile de se convaincre que ce type de roman est encore nécessaire. Marseille 73 est une œuvre de première nécessité qui continue de démontrer que le talent des grands romanciers, c'est parfois de nous parler d'hier pour évoquer aujourd'hui.20/06/2020 à 14:35 10
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Le Manuscrit inachevé
7/10 Dans Le Manuscrit inachevé, paru au Fleuve noir en 2018, l’auteur nordiste nous proposait une intrigue multiple tortueuse à souhait. On sait que les multiples éléments vont être amenés à s’entrecroiser d’une manière ou d’une autre, ça fait partie des attendus du genre, mais ce qui surprend toujours, c’est cette propension à proposer autant de fausses pistes et de rebondissements.
Ceux qui n’aiment pas le thriller trouveront que c’est mécanique – quasiment tous les chapitres se terminent par un cliffhanger –, que c’est mal écrit – l’auteur ne brille pas par ses figures de style, c’est sûr –, que certains rebondissements ont été vus et revus ailleurs, qu’on n’est pas obligé de trucider des jeunes filles pour écrire un bon polar... Ils n’ont pas tout à fait tort. Qu’à cela ne tienne, on prend quand même son pied à suivre les personnages de ce roman qui en compte un certain nombre. Léane, auteure de thriller et maman d’une adolescente disparue est le personnage central de ce texte, mais peut-être pas le plus réussi. On s’attache notamment à Vic, inspecteur de police quitté par les siens malgré les efforts qu’il fait pour être un bon père/mari/flic.
L’intrigue est tellement efficace qu’on pardonnera assez facilement à l’auteur l’usage de quelques grosses ficelles (beaucoup de cas d’amnésies dans la région) et coïncidences heureuses – on pense notamment à un chien qui n’aboie pas quand on entre par surprise sur sa propriété ou à des lettres manifestement codées qui échappent curieusement à une première inspection.
Très difficile à reposer en cours de route tant le suspense y est redoutable, Le Manuscrit inachevé ravira sans doute les fans de l’auteur et de thrillers bien construits. La toute fin, choix étonnant de la part de Franck Thilliez, ne satisfera sans doute pas tous les lecteurs.18/06/2020 à 17:20 10
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Le Vent des Libertaires - épisode 2/2
Philippe Thirault, Roberto Zaghi
8/10 Que dire de plus (cf. vote du tome 1)... Tout idéalisé qu'il a été par certains, tout haï qu'il a été par d'autres, Makhno n'était ni noir ni blanc (enfin, on se comprend ^^) et Thirault le montre sans détours. Courageux comme pas un, fidèle à ses idées pour lesquelles il n'hésitait ni à risquer sa vie ni à tuer, parfois pour l'exemple, ses rapports avec les femmes étaient compliqués. Tout instruit qu'il était, le gros macho primaire guidé par son pénis n'est pas loin... mais d'autres hommes "lettrés" comme Victor Hugo ou d'autres n'ont pas été plus exemplaires à cet égard (ce qui n'excuse rien).
Un diptyque historique de grande qualité qui donne envie d'approfondir le sujet par une biographie moins parcellaire.18/06/2020 à 17:16 2
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Le Vent des Libertaires - épisode 1/2
Philippe Thirault, Roberto Zaghi
8/10 La vie romancée de Nestor Ivanovitch Makhno, un grand personnage de l'histoire (assez) récente de l'Europe méconnu et souvent oublié des livres d'histoire officiels (on se demande bien pourquoi... la liberté c'est dangereux, faudrait pas en donner trop au peuple). En deux tomes, c'est un sacré pari que tente là Philippe Thirault mais grâce à son travail scénaristique (l'astucieux flashforward du début par exemple) et au dessin classique mais léché de Roberto Zaghi, c'est plutôt très réussi.
18/06/2020 à 17:08 3
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L'Etoile qui danse
7/10 Dans cette espèce d'autofiction humoristique, Larcenet met en scène un alter ego larvesque qui n'arrive plus à dessiner et enchaîne les pseudo tentatives de suicide médicamenteuse (A.K.A. "voyages mystiques" pour ne pas effrayer inutilement ses enfants) comme d'autres collectionnent des timbres. A ce qu'il paraît, Nietzsche a dit " Il faut avoir du chaos en soi pour accoucher d'une étoile qui danse. " Du coup, même si le Friedrich n'y connaît pas grand chose en BD, Larcenet se dit que vu tout le chaos qu'il a en lui, il devrait pouvoir accoucher sans problème... De l'idée du siècle ? Peut-être pas... Reste à savoir de quoi...
Parfois un peu redondant, parfois "perché", ce n'est pas le Larcenet que je conseillerai à quelqu'un qui ne connaît pas son œuvre mais certains gags sont hilarants et les mises en abyme sont souvent croustillantes. Une BD drôle et intelligente à la fois dans laquelle on croise Cézanne, des Muses, Dieu, Michel-Ange et quelques autres...18/06/2020 à 17:01 4
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Noyade
6/10 Septième roman de J. P. Smith, Noyade est seulement le premier à sortir en France, dans cette traduction de Philippe Loubat-Delranc (traducteur de Thomas H. Cook et Don Winslow entre autres).
Il s'agit d'un thriller de facture classique, intéressant à bien des égards mais qui peine à passionner de bout en bout. Le départ est assez lent mais saupoudré d'une touche de surnaturel – la légende de John Otis, le voleur d'enfants, que les moniteurs racontent au coin du feu pour effrayer les campeurs en herbe – bienvenue, eu égard aux événements survenus par la suite. La personnalité même d'Alex – richissime homme d'affaires imbu de lui-même – ainsi que son attitude envers Joey n'incitent pas à faire s'émouvoir le lecteur de ce qu'il traverse. Le suspense monte crescendo une fois qu'Alex comprend que ce qui lui arrive pourrait avoir un rapport avec la disparition de Joey et qu'il commence à craindre, non seulement pour lui-même, mais aussi pour ses proches. Hormis quelques passages dispensables sur la teneur des affaires immobilières d'Alex, le récit devient assez haletant et l'on est bien curieux de connaître le fin mot de l'histoire. C'est là mal connaître J. P. Smith, qui décide de se jouer des codes du thriller classique et de ne pas livrer toutes les réponses attendues, tout en ne ménageant pas ses protagonistes.
Finalement plus original que le résumé ne le laisse penser, Noyade est un honnête thriller qui, s'il n'est pas dépourvu de certaines qualités, peine à convaincre totalement.13/06/2020 à 16:12 9
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Mauvaise graine
7/10 Auteur du roman noir Sansalina, du thriller d'anticipation Nous les maîtres du monde et de quelques romans pour la jeunesse, Nicolas Jaillet débarque à la Manufacture de livres avec ce titre haut en couleur. Se jouant des codes littéraires, il s'amuse comme un gamin à brouiller les pistes. L'histoire démarre de manière très classique, presque trop, mais on sait que ça ne va pas durer. Après la prise de conscience de sa grossesse, Julie se met à développer d'étranges pouvoirs. Dès lors, elle comprend qu'elle est recherchée par des personnes qui ne lui veulent pas du bien. Le roman devient alors une course-poursuite impétueuse qui flirte entre thriller et espionnage mâtiné de fantastique. Après un départ un peu lent, le temps de poser les choses et de faire germer le mystère, le rythme s'emballe et devient irrespirable jusqu'à la toute fin, offrant d'innombrables scènes d'action au passage, dont quelques-unes pas piquées des hannetons. Les tenants du réalisme à tout crin y trouveront des choses à redire, les autres se régaleront avec au menu quelques scènes de baston improbables mettant aux prises une femme enceinte jusqu'aux dents et des méchants prêts à tout pour garder certaines choses secrètes.
Efficace en diable et drolatique, Mauvaise graine est un sympathique roman qui se lit d'une traite et avec une certaine jubilation. On regrettera simplement de ne pas s'être attaché davantage à Julie, personnage un brin terne malgré tout ce qui lui arrive.11/06/2020 à 16:44 3
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No direction
7/10 Je partage assez l'avis de l'ami ursidé ci-dessous. Je suis parti enthousiaste à l'assaut de cette BD française "à l'américaine" de 180 pages lauréate du Fauve Polar SNCF à Angoulême cette année. L'objet est beau, et notamment les couvertures sur papier glacé tous les 2 chapitres, façon comic, seuls éléments vraiment colorés du livre. Le choix de ne pas faire appel à la couleur (ou presque) m'a plu. Tout au plus une troisième "couleur" (un sépia, un bleu froid ou un gris) vient s'ajouter au noir et blanc. L'histoire (difficile de parler d'intrigue ici) se suit très facilement mais le manque d'émotion est palpable. Ça tue pour un oui ou pour un non comme ça prendrait un café... Ça couche avec le/la premier-e venu-e... Si bien qu'à force de suivre ces personnages sans réelles émotions, on ne ressent rien non plus. Était-ce voulu ? Peut-être...
07/06/2020 à 16:21 3
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Erased tome 1
7/10 Satoru souhaiterait devenir un mangaka célèbre. En attendant le succès, il livre des pizzas. Un beau jour, il revit une scène qu'il vient de vivre. Il comprend rapidement qu'il a un rôle à jouer. Un camion dont le chauffeur est victime d'un problème cardiaque s'apprêtait à faucher des piétons. Satoru parvient in extremis à éviter qu'ils se fassent mortellement faucher mais se retrouve à l'hôpital. Remis sur pieds, il vit d'autres "rediffusions" et comprend qu'il s'agit là d'une espèce de pouvoir qui lui permet de sauver des vies.
Le point de départ de cette série en huit tomes est très intrigant. Le récit est bien mené, les péripéties de Satoru étant entrecoupées de flashbacks nous en apprenant plus sur certains évènements mystérieux s'étant déroulés dans son enfance et que sa mémoire a préféré occulter. Les dessins sont agréables. Après un terrible rebondissement, on souhaite en savoir davantage.06/06/2020 à 20:38 4
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Or, encens et poussière
9/10 Dans cet opus dont les conditions météo dantesques du début rappellent quelque peu sa première aventure traduite (Le Fleuve des brumes est en vérité la quatrième enquête de Soneri), notre Maigret italien est rapidement confronté à une double enquête. D’un côté, il y a cette jeune femme brûlée retrouvée à proximité d’un camp de gitans. De l’autre, un vieillard est retrouvé mort à la gare routière de Parme, dans un car en provenance de Bucarest. En plus de ça, Angela, sa compagne, semble de plus en plus distante et Soneri la soupçonne de voir quelqu’un d’autre.
Tout ce qui fait le succès de la série de grande qualité de Valerio Varesi est une fois de plus au rendez-vous. La double intrigue est efficace, avec son lot de fausses pistes, de rebondissements bien sentis et un final réussi. Soneri est toujours aussi attachant malgré son côté bougon et ses accès de mélancolie. On fait la connaissance d’un excellent personnage secondaire : Sbarazza est un marquis ruiné qui conserve une apparence impeccable et qui, dans le restaurant favori de Soneri, s’assoit à la table des belles femmes qui ont laissé à manger pour finir les reliefs de leur repas. Perspicace et philosophe, il va aider Soneri à y voir plus clair à tous les niveaux. Et pour joindre l'utile à l'agréable, il est d’une excellente compagnie pour partager ce que la gastronomie parmesane offre de meilleur, le commissaire étant adepte de bons plats et de bons vins. Cerise sur le gâteau, l'humour est plus présent dans ce roman, notamment dans les taquineries que Juvara, son jeune adjoint, adresse au commissaire en raison de son inintérêt pour les nouvelles technologies.
Comme en Italie, Soneri s’est désormais bien installé dans le paysage du polar francophone, grâce aux éditions Agullo et aux belles traductions de Florence Rigollet. Tous les ans, c’est un véritable plaisir que de retrouver la nouvelle enquête du commissaire, et celle-ci, au moins aussi bonne que les précédentes, ne déroge pas à la règle.06/06/2020 à 19:42 6