JohnSteed

631 votes

  • Les Gens des collines

    Chris Offutt

    9/10 « Tous les enfants apprenaient les mots « Comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », un message fort et généreux qui ne prévoyaient pas de calendrier spécifique. Dans les collines il était plus pratique de pardonner les offenseurs après les avoir tués. » Et ces gens de la colline du Kentucky savent mettre bien en pratique cette coutume, celle de tuer et de régler entre eux, et de manière radicale, leur problème.

    Mick Hardin a été rappelé par sa sœur, shérif du comté de Morehead, bourgade de 7 500 âmes dans le Kentucky, pour sauver son couple. Le temps d’une permission, ce militaire, basé en Allemagne, après avoir servi en Irak et Afghanistan, enquêteur chevronné pour l’Armée, va être sollicité, de manière officieuse, par sa sœur, Linda : un cadavre d’une femme est découvert en haut d’une colline. Mick y voit une occasion de s’occuper à autre chose qu’à la disparition de ses parents et de son couple, à autre chose qu’à la perte de sens à sa vie, donc.
    Mick va ainsi questionner les gens qu’il connaît bien, des taiseux, qui ne parlent pas beaucoup et encore moins pour dénoncer les voisins ou rapporter ce qu’ils ont vu. Les affaires se règlent entre eux. Peu soucieux du respect des lois, un comble pour un policier militaire, Mick va réussir à démêler cette affaire et apporter les réponses à la justice qui conviendront à tout le monde.

    J’ai adoré les personnages bien campés, justes sans être caricaturaux (et ce Mick est rempli de qualité et de défauts qui sonnent vrais, un personnage attachant), le style tranchant et percutant de l’auteur et ce décor qu’on aimerait voir de ses propres yeux, (sans y vivre pour autant !).
    Le début d’une série dont j’ai hâte de lire la suite.

    23/04/2024 à 15:26 6

  • Qui après nous vivrez

    Hervé Le Corre

    8/10 Trois femmes-mères – Trois générations – Trois temporalités. Mais une seule vision très sombre, froide et pessimiste de la fin du Monde écrite par l’auteur bordelais.
    A la moitié du XXIème siècle, une panne électrique sonne la fin de la société. Le lecteur ne connaîtra pas les raisons, n’aura pas plus d’explication sur la chute de ce monde-là. Un monde si proche de nous. Mais chacun tente de survivre, un ultime défi au déclin où la violence et le crime prennent le pas sur la civilisation. L’instinct de survie et la peur primale poussent vers la fuite les survivants alors que la milice s’organise face au totalitarisme militaire et religieux.

    Dans ce chaos, Hervé Le Corre propose de suivre la destinée de 3 mères et de leur fille, enfant, puis mère à leur tour : Rebecca, Alice sa fille, puis celle qui deviendra sa fille également, Nour et enfin, Clara. Car dans cette fin de tout, seule la femme apparaît comme le signe de la vie, voire survie, comme le symbole de l’espoir.

    Qui après nous vivrez est un roman noir à la lecture exigeante. L’absence de repère temporel et des liens entre personnages n’a pas facilité ma compréhension de l’histoire. Ceci a accentué mon malaise, ce mal-être face à cette vision d’un futur horrible voire inéluctable. J’ai tourné les pages à la recherche d’un espoir, même minime, d’une lumière, même infime, qui auraient égayé ma lecture assez poussive et fastidieuse. Je me suis enfoncé dans la douleur et le désespoir. Ce roman possède, à l’image des grands livres, plusieurs lectures. Il peut être à la fois écologiste et décadent (la perte de notre civilisation n’ayant pu répondre aux enjeux climatiques), démocratiques (le pouvoir n’a pas pu anticiper sa chute) ou idéologique voire philosophiques (quelle est la place de l’homme dans les causes de sa perte ? Le féminisme est-elle la réponse, la solution dans une société où l’homme a construit sa perte ?). En tous les cas, ce roman est multiple sans prendre position. Hervé Le Corre reste neutre et factuel tant qu’il puisse l’être en écrivant l’avenir. Chacun aura sa propre lecture et sa propre vision de ce roman où l’ombre de La Route de Cormac McCarthy plane tout au long de ces 400 pages.

    23/04/2024 à 14:38 5

  • Le Chien des étoiles

    Dimitri Rouchon-Borie

    7/10 J’avais quitté Dimitri Rouchon-Borie avec Le Démon de la Colline aux Loups (l’auteur glissera dans ce roman un petit clin d’œil), un roman sombre, au style coup de poing, percutant, déstabilisant et ravageur.

    Avec Le chien des étoiles, j’ai retrouvé ce style personnel de l’auteur qui cherche à se rapprocher le plus de son personnage principal, toujours décalé et singulier. Ici, il s’appelle Gio. Il sort tout juste de l’hôpital, ayant eu un tournevis planté dans son crâne. Sa famille, issue des « Gens du voyage », souhaite venger cette agression. Et le sang ne peut se venger que par le sang. De cette vengeance, il n’en sortira que des morts, laissant Gio seul qui doit fuir. Il trouvera comme compagnons d’infortune, Papillon, un gamin qui ne parle pas, et Dolores, dont la beauté échauffe les instincts primaires et l’appétit des hommes. Gio souhaite les sauver de ce monde dont il arrive à s’évader, les nuits, en regardant les étoiles.

    On suit pendant 200 pages les pérégrinations de ce trio et leurs mauvaises rencontres.

    Mi roman sombre, mi conte rempli de noirceur, Le chien des étoiles peut aussi bien séduire que rebuter. Aussi déroutant qu’attachant, ce second roman confirme l’univers particulier de l’auteur, à la fois onirique et cruel, et son style à la fois âpre et poétique.

    17/04/2024 à 16:53 2

  • L'Œil du léopard

    Henning Mankell

    6/10 Henning Mankell avait dans son coeur 2 pays. La Suède qui fut le cadre de son excellente série policière avec Kurt Wallander et l’Afrique qui fut le sujet de plusieurs de ses autres romans. L’œil du léopard fait partie de ses romans où les 2 pays se mélangent.
    Hans Olofson a passé 19 ans en Afrique et plus précisément en Zambie. Arrivé de Suède pour exaucer un vœu d’une femme qu’il a aimée, il y est resté pour d’autres motifs. L’auteur suédois alterne ses chapitres entre la vie d’Olofson en Suède, sa jeunesse, ses drames et sa vie d’adulte en Zambie, ce pays aussi fascinant qu’étrange, aussi attirant qu’effrayant.

    Dans L’œil du léopard, Mankell a le verbe aiguisé pour dénoncer la misère des hommes, femmes et enfants du pays mais surtout la corruption, la violence et le racisme qui gangrènent ce pays voire le continent africain dans son ensemble.

    Une fois qu’on a compris que le personnage et la vie de celui-ci ne servaient que de prétexte à ce message politique post-colonial, L’œil du léopard semble vide. La plume de l’écrivain suédois permet de passer outre quelques longueurs. Comme vous l’avez compris, on est face à un roman secondaire dans l’œuvre magistrale de Mankell.

    11/04/2024 à 14:09 2

  • Dans la Maison de mon père

    Joseph O'Connor

    8/10 Verset de Saint Jean 14.2 « Jésus a dit « Dans la maison de mon Père, il y a plusieurs demeures ».

    Rome, décembre 1943. L’Allemagne nazie a envahi la Cité. Le Vatican a affirmé sa neutralité dans le conflit. Malgré l’exigence d’une application stricte de cette non-ingérence dans cette guerre par leurs supérieurs, certains membres du clergé bafouent l’ordre et tente de résister. Monseigneur Hugh O’Flaherty tente de rassembler les âmes charitables et surtout résistantes dans un chœur qui servira de couverture. Leur mission est de constituer et alimenter les réseaux d’évasion des prisonniers. Leur système est, bien que rôdé, codé et bien huilé, toujours dangereux. Le Vatican, cette Maison du Père, abrite et cache plusieurs prisonniers dans l’attente de leur transfuge vers des contrées plus accueillantes et surtout moins hostiles. Mais O’Flaherty est dans le collimateur de Hauptmann, chef de la Gestapo dans la ville romaine. Ce dernier est pressé par le Führer de faire cesser les évasions, coûte que coûte.

    Et en cette veille de Noël, « le Rendimento » doit avoir lieu. Cette mission qui doit faire évader un nombre conséquent de prisonniers et de Juifs de Rome. Impossible de faire marche arrière. Mais si elle échoue, elle pourrait remettre en cause toute l’organisation.

    Joseph O’Connor propose une version romancée de l’acte de bravoure de Monseigneur Hugh O’Flaherty, véritable résistant du nazisme. Le lecteur est amené à suivre le décompte de cette mission « le Rendimento ». Une page de l’histoire de la résistance parsemé de fictions et surtout de témoignages tout aussi inventés. Cela ne gâche pas l’héroïsme de cet homme de Dieu, mais le lecteur ne doit pas s’attendre à vivre une lecture sous tension et à tenir un page-turner. Dans la maison de Dieu permettra de découvrir, au pire, un auteur irlandais méconnu en France et, au mieux, un véritable saint homme.

    02/04/2024 à 16:17 2

  • La Maison des sept jeunes filles

    Georges Simenon

    7/10 Fier de ses origines normandes, descendant de Guillaume le Conquérant, Guillaume Adelin, professeur d’histoire au lycée de Caen, essaie de cacher son excitation à la réception de Gérard Boildieu (futur gendre ?) par sa fille Huguette. Pour être plus précis, une de ses sept filles.
    Lui qui aurait tant aimé être le chef d’une famille modèle, se désespère que ses filles soient encore célibataires et ne quittent pas la demeure familiale. Cette maison qu’il a fait construire et pour laquelle Adelin s’est endetté auprès de Monsieur Rorive. D’ailleurs ce denier réclame, en vain, son argent. Adelin voit ainsi en Gérard Boildieu, fils unique du Général Boildieu, une occasion de liquider sa dette.
    Mais Rovive, veuf et véritable nez de fouine, sème le doute sur les prétentions maritales du couple : il a pu voir plusieurs des filles Adelin sortir de la chambre meublée de Boildieu. Adelin essaie de soutirer la vérité à ses filles. Il est urgent de marier ces jeunes gens, car Rorive menace de faire intervenir les huissiers.

    Simenon s’éloigne, avec La Maison des sept jeunes filles, du « roman dur » et s’embarque avec ce « petit roman » dans le genre vaudeville. On sourit à la lecture des dialogues savoureux et des situations cocasses. Un roman à part dans l’œuvre du Belge mais somme tout distrayant.

    02/04/2024 à 13:23 2

  • Comme des hommes

    Élie Robert-Nicoud

    8/10 Le livre débute par une paire de pages où l’auteur nous dévoile une scène tragique : trois corps, du sang, … des meurtres dans une maison de la campagne profonde de la Dordogne.

    Mais à qui appartiennent ces corps sans vie ? Comment en est on arrivé à ces meurtres ?

    Louis Sanders déploie son intrigue et l’on découvre au fil des pages les personnages : ce couple d’anglais, John et Georgia, venu s’installé en Dordogne et qui passent leurs soirées avec leurs « amis » anglais. Elle, femme dont le charme ne laisse pas insensibles les hommes qui la côtoient. Lui, obligé de travailler pour subvenir à son capital qui file plus vite que prévu, et surtout étant d’une jalousie plus que maladive. Il y a aussi, ces autochtones, ces hommes et ces femmes de la campagne dont les traditions et les mœurs sont bien ancrés et bien enracinés. Car entre voisins, on ne se fait pas de cadeaux, entre ragots et putasseries… Et même entre membres de la même famille.

    Comme des hommes est un bon roman noir psychologique qui décrit les mœurs de personnages ruraux ancrés en Dordogne (et sincèrement, le livre aurait pu avoir un autre cadre géographique, sans en affecter l’histoire) que n’auraient pas renié Georges Simenon ou Franck Bouysse, pour être plus contemporain. Louis Sanders a su bien décrire la vie de la campagne profonde, l’intégration plus ou moins réussie des néo-ruraux dans cet environnement plus naturel et moins urbains, où la vie s’organise différemment et où le caractère devient plus rude, et le moindre couac prend des proportions plus importantes.

    28/03/2024 à 15:29 2

  • Le Manoir des immortelles

    Thierry Jonquet

    7/10 Un personnage étrange, dénommé Hadès, surveille l’entrée d’un immeuble et identifie les personnes entrantes par des numéros. Et si un « non numéroté » rentre, il se charge de connaître son identité et s’il constitue un danger.

    Le commissaire Salarnier se voit confier l’enquête d’un cadavre dont la tête a été coupée à la faux. Il découvre qu’il s’agit d’un médecin légiste. D’autres morts similaires montreraient que la Mort décapiterait des personnes en lien avec Elle.

    Un petit polar à la sauce Jonquet est toujours un régal. Celui-ci est addictif avec, toutefois, une fin quelque peu troublante voire décevante.

    28/03/2024 à 09:23 4

  • A la gorge

    Max Monnehay

    9/10 Lors de son entretien avec Émilien Milkovitch, emprisonné depuis 10 ans au centre pénitentiaire de l’île de Ré, Victor Caranne, psychologue carcéral, se rend compte qu’il est devant une situation pas banale. Que ce prisonnier surnommé Milou clame son innocence en cette période d’anniversaire n’est pas nouveau, mais Caranne est intimement persuadé qu’il n’a pas commis ce double homicide.

    Le psy est donc confronté à une situation où sa conscience professionnelle est malmenée. Mais comment prouver l’innocence de Milou dans tous les tout prochains jours ? Car, le prisonnier ayant indiqué qu’il allait se suicider, à la date même de ses 10 ans d’emprisonnement, les minutes sont comptées. Caranne ne peut que persuader Anaïs, la policière du commissariat de La Rochelle de l’aider, en Off, sur ce vieux dossier.

    Caranne va découvrir une intrigue des plus complexes et dangereuses où le temps est un ennemi. De plus, du côté de sa vie privée, des vieux démons ressurgissent. Et c’est peu dire que la vie n’épargnera pas le psy.

    A la gorge, le 3ème volet de la série mettant en scène ce psychologue attachant, est trépidant. On n’a pas le temps de souffler, cette enquête va à vitesse grand V. Tous les protagonistes, que l’on retrouve d’un tome à l’autre (du coup, vaut mieux prendre cette série du début), ont leur place et constituent une part entière dans cette histoire. Je dévore les livres de Max Monnehaye même si elle n’épargne pas ni ses personnages, ni le lecteur, et j’ai hâte de connaître la suite des « aventures » de Victor Caranne.

    27/03/2024 à 13:36 2

  • Je suis le feu

    Max Monnehay

    8/10 Ayant adoré le personnage de Victor Caranne, ce psy en milieu carcéral qui aide, à sa demande, la police de La Rochelle dans les enquêtes un peu trouble et compliqué, c’est avec un plaisir certain que je me suis laissé attirer par le second volet, « je suis le feu ». En ce mois de juillet, dans la ville portuaire, un tueur en série s’en prend à des femmes, qu’il égorge, devant leur enfant, les yeux bandés et les oreilles bouchées.

    Si l’enquête est prenante, c’est surtout le personnage principal qui est le plus captivant : un psy perturbé par son passé dont il n’arrive pas à faire le deuil et dont la vie privée s’avère ainsi compliquée.

    Max Monnehaye confirme avec ce deuxième opus de sa série le talent et son style percutant. Moi qui ne voulais plus entendre parler de serial-killer dans les polars, l’auteure rochelaise a su me montrer qu’on pouvait encore proposer un polar aussi addictif qu’intéressant. Je cours lire le prochain volet de la série.

    26/03/2024 à 13:18 3

  • Le Tombeur de Broadway

    Richard Price

    6/10 Vous avez aimé Ville noire ville blanche, ce magnifique roman noir à l’ambiance lourde et sombre ? Vous n’avez pas oublié les pérégrinations et le destin des personnages de Frères de sang et du Samaritain ? Richard Price vous a fait vibrer dans le Brooklyn ou le Bronx des années 70 ?

    Alors vous risqué d’être déçu par ce Tombeur de Broadway. Ici, il y a bien l’ambiance de New-York et de ses personnages décalés mais ce roman, écrit en 1978 et publié en France qu’en 2022, manque de profondeur et de consistance.

    Le tombeur de Broadway, c’est Kenny Becker, un jeune représentant de commerce, qui aime, lors de ses démarchages en porte à porte, séduire les femmes. Obsédé par sa ceinture abdominale qu’il préserve à force d’exercice, Kenny est amoureux de sa copine, La Donna. Toutefois, gros macho avec option « beauf-attitude », il n’hésite pas à la rabaisser et la dénigrer. Plaqué, et largué, Kenny sent le poids de la solitude pesé lourdement jours après jours. Ayant besoin d’être aimé, il va en quête de sexe et de compagnie. Cela le conduira à découvrir et se découvrir des contrées inexplorées.

    Richard Price nous plonge dans les réflexions et obsessions de ce personnage, pas anti-antipathique mais pas sympathique pour autant. Un personnage « secondaire » pour un livre, à la lecture plaisante si on aime les dialogues et les situations « crues », qui n’apparaît pas comme incontournable mais secondaire dans l’œuvre de Richard Price. Ceci explique peut-être, les 44 ans entre son écriture et sa parution en France.

    22/03/2024 à 11:31 2

  • Le Voyageur de la Toussaint

    Georges Simenon

    9/10 En cette veille de Toussaint, Gilles Mauvoisin débarque du Flint à La Rochelle. Il décide de ne pas rendre visite de suite à sa tante, Gérardine Eloi, pour lui annoncer le décès de ses parents, artistes musiciens qui parcouraient l’Europe.

    Avec sa longue silhouette, son bonnet de loutre et sa petite et ridicule valise, Gilles, qui vient de Norvège, ne passe pas inaperçu à La Rochelle et notamment par les notables locaux.

    Il faut dire que Gilles, même s’il ne le sait pas encore, n’est autre que le seul héritier de feu Octave Mauvoisin, son oncle décédé quelque temps plus tôt. Il était aussi riche et puissant qu’il était craint : Octave Mauvoisin était parvenu à asseoir son empire par la possession de documents qui accablaient les notables rochelais. Ce chantage lui a permis de mettre la main sur toutes les entreprises importantes de la région.

    Possédant le coffre où se trouveraient les documents compromettants, sans en connaître toutefois le code d’ouverture, Gilles est propulsé dans le milieu impitoyable des affaires. Il fait ainsi l’objet de cajolerie et de sympathie aussi fourbes que trompeurs, car tout le monde veut se libérer du joug de feu Octave Mauvoisin.

    Le voyageur de la Toussaint fait partie, pour moi, des meilleurs et incontournables « romans noirs » de l’écrivain belge. Ce livre dresse le portait d’une notabilité acculée à la méchanceté par un arriviste. C’est aussi le portait d’un homme qui découvrira le trouble des sentiments profonds envers les femmes et le véritable amour, celui d’un jeune artiste qui deviendra bien malgré lui trop rapidement un adulte mais qui saura rendre une justice humaine, reprendre sa vie et reconquérir sa liberté.

    21/03/2024 à 13:36 3

  • Le Fils du père

    Víctor Del Árbol

    8/10 L’auteur espagnol, après son escapade ougandaise avec « Avant les années terribles », revient sur sa terre natale meurtrie par un XXème siècle ravageur pour son pays.

    Dans la cellule occupée par Diego Martin, incarcéré pour meurtre, sont découvertes différentes notes qu’il a écrites. Elles racontent comment il en est venu à tuer Martin Pearce, cet infirmier qui s’occupait personnellement de sa sœur, Liria, « coincée à l’intérieur de son corps » et internée à la Forêt de Cendre, clinique à destination de personnes dépendantes.

    Avec Le fils du père, on découvre l’histoire de cette famille qui, sur 3 générations, a subi malheur et souffrance. Ce livre dévoile toutes les rancunes et rancœurs entre père et fils. Cette haine, sentiment aussi fort et puissant que l’amour, va se transmettre de générations en générations, d’où vont naître toutes les formes de violence, comme l’autodestruction, symbole d’un héritage familial.

    Comme à son habitude, Victor Del Arbol raconte avec talent le destin tragique de cette famille, où la Grande Histoire du pays apporte son grain de sel, et où le malheur semble, comme une malédiction, comme ces racines de la famille, attirer tous ceux qui portent le nom de Martin.

    Un roman puissant et touchant, une autre pièce dans la magnifique et incontournable œuvre de l’auteur espagnol.

    11/03/2024 à 14:08 6

  • Comme si nous étions des fantômes

    Philip Gray

    7/10 Sur le papier, ce 1er roman de Philip Gray avait tout pour me plaire : le cadre historique (cette terrible, désastreuse mais passionnante Première Guerre mondiale qui a posé le socle du XXème siècle), le souci des précisions historiques (Philip Gray a procédé à un gros travail de recherches) et une référence littéraire alléchante plaçant ce livre à la croisée d’Au revoir là-haut et Un long dimanche de fiançailles (excusez du peu !).

    En parcourant cette histoire, cette recherche de son fiancé, le colonel Edward Haslan, porté disparu en août 1918, par Amy Vanneck, j’ai été vite séduit malgré les quasis 500 pages que compte ce roman. En ce mois de février 1919, les champs de bataille de la Somme ne sont pas désertés. Des soldats, tous volontaires, tentent de rechercher les corps des soldats enfouis sous la terre meurtrie par tant de bombes ou enterrés au fond des tranchées. C’est dans ce cadre où les fantômes sont plus présents que les vivants qu’Amy souhaite tenir sa promesse et trouver au moins le corps de son être aimé, malgré les réticences du commandement anglais.

    Si, au final cette trame fut un peu tiré par les cheveux, Comme si nous étions des fantômes m’a permis de découvrir l’importance de la drogue dans les combats, « ces pilules de marche forcée », produit de la cocaïne, du laudanum et de la morphine, et, également du rôle du Chinese Labour Coprs, ces travailleurs chinois non soldats incorporés dans l’armée britannique pour réaliser différents travaux du génie (construction de voies ferrées pour acheminer plus facilement les armes lourdes et matériels dans les zones de combat).

    Un roman qui pêche par un manque de profondeurs dans la psychologie des personnages et par une multitude de détails ou de faits secondaires qui étouffent cette quête dont le rebondissement final aurait pu être mieux exploité.

    04/03/2024 à 13:52 7

  • Kalmann

    Joachim B. Schmidt

    8/10 Kalmann est le personnage central de ce roman, cet être « enfantin » d’une petite quarantaine d’années, dont la vie est réglée comme du papier à musique. Pêcheur de requin, dont il prépare le 2ème meilleur requin fermenté de l’Islande, après son grand-père, qu’il visite à l’hôpital tous les samedis, Kalmann vit à Raufarhöfn, petit port islandais, confronté à la crise économique, aux quotas de pêche, à la désertification et au réchauffement climatique.

    Si ce livre porte son nom, c’est que Kalmann va nous faire découvrir la vie de Raufarhöfn, alors qu’il vient de découvrir une énorme tâche de sang dans la neige, tandis qu’il allait chasser le renard des neiges, le Schwartzkopf. Lui, un peu l’idiot du village, qui se promène avec son chapeau de cowboy, une étoile de shérif à la poitrine et son pistolet, un Mauser, héritage de son père biologique américain, va faire déambuler le lecteur dans ce port tout au long d’une enquête sur la disparition de Robert McKenzie, l’homme le plus important du village, qui sert de prétexte aux pensées drôles, amusantes et, malgré tout, remplies de sagesse.

    Ce livre nous fait découvrir un versant méconnu de l’Islande et un personnage naïf mais attachant. Un livre plaisant dont la lecture rapide encouragerait l’auteur à écrire rapidement une suite.

    29/02/2024 à 13:55 7

  • La Revanche

    Arttu Tuominen

    8/10 Quand on a entre les mains un polar dit « scandinave », deux attitudes s’offrent à nous : soit on estime qu’Henning Mankell est le maître incontestable et incontesté du genre et on s’isole dans d’autres genres ; soit on continue à découvrir de nouveaux auteurs scandinaves et plonger dans les polars où tous les ingrédients (ambiance froide, rythme en douceur, dénonciation de l’évolution des mentalités fermées des sociétés,…) sont présents et développé avec talent.

    Soit (oui, il y a une 3ème attitude ; oui, je triche) on admet que Mankell est le maître du genre et cela ne nous empêche pas de continuer à découvrir de nouveaux auteurs venus du Nord. Si vous êtes un.e fin.e connaisseur.euse du polar scandinave, vous avez peut-être lu ou entendu parler d’Arttu Tuominen. Récompensé par de nombreux prix depuis son premier livre, Le Serment, l’auteur finlandais déroule son talent d’écrivain avec La Revanche, son second d’une série du Delta, lieu de Finlande où se déroule la vie de ses différents policiers protagonistes des enquêtes.

    A Pori, un attentat visant une boîte de nuit fréquentée par la communauté LGBT fait 5 morts. La police locale se voit à peine confier l’enquête qu’une vidéo est postée : celui qu’on appellera « Le Messager » y dénonce la dérive de la société finlandaise et exhorte, au nom de la Bible, que l’homosexualité soit éradiquée du pays et invite la population à prendre part à cette lutte nécessaire pour rétablir l’ordre. Oksman et Paloviita sont chargés de l’enquête. Oskman, dont la présence à la boîte de nuit peu avant l’attentat, habillé en femme, souhaite cacher à ses collègues ce lourd secret, bien que témoin recherché activement.
    Une enquête très prenante où la tension entre les pro et les anti LGBT est à son comble. Les vies professionnelles et personnelles des enquêteurs apportent un autre fil conducteur très plaisant. Tous les protagonistes sont bien développés, avec une mention spéciale pour le pasteur Mikael Fredriksson qui prêche pour une religion plus proche des nécessiteux et des exclus.

    Arttu Tuominen s’inscrit avec La Revanche parmi les meilleurs écrivains de polars scandinaves, dont j’attendrai avec intérêt ses prochaines sorties littéraires.

    26/02/2024 à 13:44 3

  • Leurs enfants après eux

    Nicolas Mathieu

    7/10 Tranche de vies dans cette région dévastée par la crise industrielle des années 90. Nicolas Mathieu décortique la vie de jeunes, Anthony, Hacine, Steph, le Cousin, lycéens à Heillange, un bourg rural où les familles subissent de plein fouet la fermeture des usines métallurgiques locales.

    Entre désœuvrement, lassitude, fatalisme et déterminisme, ces jeunes subissent ou « enragent » leur vie.

    Un livre où la mélancolie transpire à chaque page, un roman générationnel dans lequel je me suis retrouvé et ai partagé des souvenirs. Peu d’action, pas de suspense ou de fil conducteur sauf celui de construire ou subir sa vie et tenter d’échapper ou pas à son héritage social et culturel.

    23/02/2024 à 10:07 2

  • Au bon vieux temps de Dieu

    Sebastian Barry

    6/10 Tom Kettle passe sa retraite de flic dans une annexe d’un château en bordure de mer. Il vit parmi ses souvenirs et les fantômes qui l’habitent. La vie n’a pas épargné Tom Kettle. S’il a pu rentrer dans la police irlandaise, c’est surtout grâce à ses états de services dans l’armée, et ses qualités de tireurs, lui qui a combattu en Malaisie. Car, cela a permis d’oublier qu’il était quasiment un orphelin. Policier méritant, Tom Kettle a aussi été un mari aimant et aimé et un père comblé. Ces êtres chers, sa femme June et ses enfants Winnie et Joseph ne sont plus vivants, sauf dans ses pensées et ses souvenirs.

    D’ailleurs, comme souvenir, les deux flics qui viennent frapper à sa porte vont en réveiller un, et des plus douloureux. Car l’enquête sur l’assassinat d’un prêtre n’est pas close et, officiellement, la police demande l’aide de Tom Kettle.

    Au bon vieux temps de Dieu n’est pas un polar. On est dans un roman qui décrit les pensées de Tom Kettle qui vit très fréquemment dans ses tristes souvenirs et ses sombres pensées. On découvre son histoire, sa vie et ses amours pour June et ses enfants. Au bon vieux temps de Dieu est un roman où l’auteur et l’Irlande règlent ses comptes avec l’Eglise et ses actes ignobles de pédophilie. Un roman âpre et difficile dans lequel je me suis souvent perdu. Un roman exigeant proposant un sujet intéressant mais dont le style m’a dérouté.

    23/02/2024 à 08:53 2

  • Cadres Noirs

    Pierre Lemaitre

    8/10 Cette histoire d’homme, un chômeur de longue durée, Alain Delambre, qui tombe dans une spirale infernale et qui va l’entrainer dans un piège machiavélique, m’a vraiment plu. On prend fait et cause pour cet homme qui veut indéniablement se sortir de sa misère et de sa condition de petit employé de bas niveau, aidé et soutenu par sa femme, pleine de compassion et remplie d’amour. Et quand il déploie toute une stratégie pour réussir cet entretien inimaginable et inespéré pour un emploi qui lui correspond, on le soutient et l’encourage, nous lecteurs remplis d’empathie et de bienveillance.

    Mais, comme je l’ai dit, Alain va tomber sur plus calculateurs voire stratèges que lui. Mais Alain ne dira pas son dernier mot sans que l’on comprenne à qui on a affaire…

    Cadres noirs nous fait traverser toutes les émotions au fil de l’histoire : commisération, compassion, colère et horreur, notamment. Mais toujours avec le sentiment d’espoir : espoir d’une fin heureuse, d’un dénouement bienveillant. Mais toujours avec une certitude : Pierre Lemaitre nous a concocté un bon polar, même si je regrette un milieu de livre, un changement de protagonistes, certes nécessaires à l’histoire, mais qui casse l’intrigue et le rythme du roman.

    13/02/2024 à 16:57 7

  • ... Et justice pour tous

    Michaël Mention

    9/10 On termine à peine … Et justice pour tous qu’on ne peut s’empêcher de constater que cette trilogie anglaise de Michaël Mention est une réussite. Aucune faute, aucun défaut dans ces 3 livres qui la composent.
    …Et justice pour tous conclut admirablement bien le cycle initié avec Sale temps pour le pays. On retrouve ici Mark Burstyn, viré après l'affaire de l'éventreur du Yorkshire, et son ancien collègue Clarence Cooper.

    Rongé par l’alcool et les remords, Burstyn va venger sa filleule, tuée par un chauffard qui a pris la fuite sans laisser d’adresse. Mais voilà, le fin limier reprend du service, de manière officieuse. Il va quitter Paris où il vivait reclus avec ses démons pour en retrouver et en combattre d’autres aussi puissants et ravageurs.
    Parallèlement, Clarence Cooper mène une enquête sur des corps d’enfants retrouvés dans les sous-sols de l’orphelinat St Ann. Si le père Tom est accusé, cette affaire va se révéler plus périlleuse pour beaucoup de personnes voire personnages. On est au Yorkshire et ce pays est sale, ne l’oublions pas.

    Michaël Mention a accouché d’un livre qui sent aussi bien la tristesse, que le malheur ou la testostérone. Encore une fois, l’auteur français ne ménage pas son lecteur. Il le bouleverse, le secoue, le prend par les tripes pour mieux l’achever. Le pire, c’est qu’on en redemanderait bien encore. Masos ? Peut-être. Admiratif du talent de Mention ? Certainement.

    13/02/2024 à 15:45 5