3585 votes
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Starving Anonymous tome 3
8/10 Un troisième opus qui commence par l’annonce du fait que 17 êtres humains vont devoir aller nourrir les larves. Des graphismes très réussis quand les hommes découvrent que leur numéro vient d’être tiré. Cet opus permet de donner encore un peu plus de chair à la série, avec une vue en dehors de l’institut, ce monstrueux élevage humain. De beaux moments de démence lors de cette évasion, une esthétique sombre, racée et gore. Je kiffe définitivement !
04/11/2019 à 17:12
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Les Terres Basses
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
7/10 Les héros sont désormais aux prises avec un curieux effondrement de la ville, tandis que des gamins aux yeux rouges apparaissent, faisant le lien avec la dernière image du tome précédent, ainsi qu’un étrange brouillard. Des images saisissantes (ce qu’affrontent Dodji et le nazillon blondin). Toujours de l’aventure, du suspense (mais pas du « gore », ah non), des pincées d’humour, et une dynamique intacte.
04/11/2019 à 17:11 1
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La quatrième dimension et demie
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
6/10 Maintenant que nos jeunes héros croient savoir pourquoi ils sont là, réunis, avec la révélation du tome précédent (d’ailleurs, le résumé de la quatrième de couverture aurait pu se passer d’un tel spoiler, surtout pour celles et ceux qui prennent la série en cours de route…), ils s’adonnent à des activités diverses et variées (messe, ouija, etc.). Une lutte territoriale s’amorce, avec des tags qui parcourent les rues et façades. Une course-poursuite sympa, char contre bus, et s’esquisse une mystérieuse « 9ème famille ». Contrairement à Gamille67, je ne trouve pas le ton ici plus grave, au contraire : pas de mort (à part le sniper, mais peut-on parler de « mort » alors qu’ils le sont déjà tous ?), pas de révélation quant au passé des personnages (ou alors le coup des cicatrices ?), pas de moment poignant. Cela demeure agréable, un peu plus bavard que les précédents, je trouve.
04/11/2019 à 17:10 2
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Les Retournants
8/10 Août 1918, sur le front de la Somme. Deux soldats, Vasseur et Jansen, entreprennent, après des années de combats, de fuir les lignes et déserter. Même s’ils se connaissent finalement assez peu l’un l’autre, ils n’en peuvent plus de la sauvagerie des engagements, quêtant dans cette fuite leur ultime chance de salut. Leur cavale va les mener au domaine d’Ansennes, tandis qu’un gendarme, Delestre, spécialisé dans la traque de déserteurs, est déjà à leurs basques.
Michel Moatti, à qui l’on doit déjà, entre autres, les très bons Retour à Whitechapel et Blackout Baby, revient avec ce roman très sombre ancré dans la Première Guerre mondiale. Le chaos des armes, les légitimes peurs des belligérants, l’absence d’espoir de survie : tout cela va conduire deux d’entre eux à opter pour la défection. Jansen est instituteur et Vasseur percepteur. Mais il y a une autre réalité derrière l’étiquette de ces professions concernant le second : Vasseur est un psychopathe. Capable de tuer un ennemi en l’égorgeant avec les dents avant de se masturber sur son cadavre, ou de jeter dans le foyer d’une cheminée un gendarme encore vivant qui s’est dressé sur sa route. Dans le même temps, c’est un excellent comédien, capable d’endosser avec habileté une autre identité et de s’exprimer avec de bien belles paroles. Les deux déserteurs rencontrent trois personnes au domaine d’Ansennes : un vieil industriel désargenté de la verrerie, Givrais, sa fille Mathilde et leur domestique, Nelly Voyelle. Ayant usurpé les identités de deux docteurs, Jansen et Vasseur vont vivre plusieurs mois au sein de la propriété jusqu’à ce que tout explose. Michel Moatti, grâce à son style à la fois riche et sa plume qui ne croque que l’essentiel, expose avec beaucoup de noirceur l’ambiance pesante qui envahit le château, avec les zones de doute, d’ombre et de violence à peine muselées. Un huis clos savamment charpenté, particulièrement réussi, jusqu’à la dislocation meurtrière et le retour du sang. Tous les portraits psychologiques sont savoureux, édifiants, et l’on retiendra peut-être plus particulièrement celui de François Delestre, capitaine de la gendarmerie prévôtale d’Amiens, fin limier et, dans le même temps, saturé de contradictions morales quant à ces pauvres hères qui se sont éloignés de la boucherie des tranchées. Même avec quelques longueurs dans les derniers chapitres, ce roman est une pure merveille, l’auteur venant également apporter une autre résonnance au titre, désignant à l’origine les déserteurs, et plus particulièrement lors d’un passage ouvert à l’interprétation de chacun et détonnant.
Quelque part entre le roman noir et le thriller, un opus d’une très grande qualité, âpre et mémorable, dont Michel Moatti nous narre la genèse dans une postface poignante.23/10/2019 à 22:54 7
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Bon pied, bon oeil et 99 autres expressions autour du corps et de la santé
7/10 Comme le rappelle le titre alternatif de cet ouvrage, il s’agit de « 99 autres expressions [donc 100 en tout] autour du corps et de la santé ». L’auteur, médecin urgentiste, connaît son affaire et a signé un joli livre autour de ces expressions typiquement françaises, même si certaines d’entre elles trouvent des échos ailleurs dans le monde, plus particulièrement en Europe, voire des traductions très proches ou, paradoxalement, très éloignées. Il y en aura pour tous les goûts, depuis les formules assez actuelles jusqu’à celles venant de l’Antiquité ou du Moyen Âge. Certaines d’entre elles sont couramment utilisées (« Avoir un cheveu sur la langue », « Pomme d’Adam »), d’autres bien moins usitées (« Si on lui pressait le nez, il en sortirait du lait », « Le cul sur le visage ») et d’autres encore tellement surannées que les personnes qui les utilisent encore de nos jours doivent être rares (« Avoir du sang de navet », « Manger comme un chancre », « Refaire son nez », « Un va-du-gland »). A chaque fois, il y a eu de véritables recherches historiques pour voir à quand remontaient ces préceptes, presque des dictons, d’où elles pouvaient provenir (parfois, j’ai trouvé certaines explications un peu nébuleuses ou trop subjectives pour y adhérer totalement), ainsi que des extraits de textes classiques pour les illustrer. Marc Magro nous offre au passage quelques recommandations typiquement issues de la bouche d’un médecin, donc soucieux de notre bonne santé, et de jeux de mots pas toujours très réussis mais agréables et venant à point nommé. Moi qui ne suis pas fan des livres « réalisés à l’agrafeuse », ce que j’entends comme des recueils de textes disséminés au gré d’émissions radiophoniques, d’articles dans les journaux ou déjà vus ou lus un peu partout ailleurs, je n’ai jamais boudé mon plaisir. En un seul ouvrage, j’ai eu droit à de la médecine, de l’histoire, du littéraire et de l’humour, ou comment accoler culture et divertissement au gré de ce spicilège que l’on peut tout aussi bien butiner que lire d’une traite (ce qui a été mon cas).
23/10/2019 à 08:58 1
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Hotspots
7/10 Un délicieux petit roman policier, bien écrit et intelligent, ou la traque d’une équipe de policiers après un psychopathe très pervers et tordu qui multiplie les ignobles assassinats pour des raisons qui échappent à tout le monde. Une écriture simple et prenante, des notes d’humour bienvenues, beaucoup de noirceur (les exécutions pratiquées par le tueur en série sont fortes et mémorables), et de l’émotion qui n’a jamais besoin d’être théâtralisée et forcée (le final, à simple titre d’exemple, s’impose sans fioriture et prend aux tripes). Le criminel mènera la vie dure à nos policiers, et il faudra l’aide d’un spécialiste en informatique pour coincer ce fauve et comprendre une part de ses motivations. Beaucoup de travail de recherche de la part de l’auteur, Éric Oliva, qui maîtrise le jargon et les procédures criminelles (le lexique en fin d’ouvrage n’est pas inutile, loin de là), et qui livre un ouvrage très crédible et efficace, humble et noir, même s’il reste une part de mystère quant à l’assassin (pas sur son identité, d’ailleurs, car elle devient rapidement devinable) à propos de ses motivations primitives. Une belle découverte en ce qui me concerne.
23/10/2019 à 08:54 3
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School Judgment tome 1
8/10 Pour contrer la violence en milieu scolaire, les écoles et collèges japonais disposent d’un nouveau système de régulation : des tribunaux internes, où les rôles des avocats et magistrats sont tenus par les élèves eux-mêmes. Quand Suzuki est découvert mort découpé (on se calme, ce n’est qu’un poisson…), la machine judiciaire junior se met en marche. Un graphisme particulièrement typé manga, mais très travaillé, les codes du polar judiciaire très bien saisis et réexploités dans le milieu éducatif avec juste ce qu’il faut de dérision mais également de sérieux pour que l’ensemble soit à la fois crédible (même si certains propos et réactions des gamins sont trop matures, objectivement, sans compter que l’un d’entre eux, par exemple, connaît le principe animal de la « thanatose ») et tourne en caricature avec tact les excès. Le manga prend appui ensuite sur une histoire de voyeurisme sur mineure, des antisèches, d’un mystérieux « vendeur masqué » et tisse un lien avec un carnage datant de cinq ans auparavant. Les ressorts classiques du roman à énigme, encore une fois, sont exploités avec intelligence. Cela me fait penser, moi qui ne suis pas un gros lecteur de mangas et n’ai donc pas la culture littéraire suffisante pour en parler autrement qu’en dilettante, à du « Détective Conan » avec une esthétique plus travaillée et un cadre purement scolaire. Je ne vois pas trop ce que vont offrir les deux autres et derniers tomes de cette trilogie, aussi ai-je d’autant plus envie de savoir ce que le scénariste Nobuaki Enoki et le dessinateur Takeshi Obata ont mijoté.
23/10/2019 à 08:53 1
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Time Shadows tome 1
7/10 L’île de Hitogashima, 5km² et 700 habitants, et notre jeune héros, Shinpei, s’y rend après deux ans d’absence, pour les funérailles d’Ushio. Mais il semblerait qu’Ushio ne soit pas morte aussi « simplement » que ce que l’on pensait. Un départ un peu lent et long, mais cette légende autour de « la maladie des ombres », version locale du doppelgänger puis ces boucles temporelles ont vite happé mon attention. Un dessin sympa et réussi, un scénario qui intrigue et captive, avec un air de « Un jour sans fin » version policière et fantastique. Je me demande où vers quoi vont se diriger les autres opus, mais je vais m’y rendre également pour savoir.
23/10/2019 à 08:52 1
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Kimi no knife tome 1
6/10 Enseignant remplaçant, Shiki, parce qu’il a un coup dans le nez ainsi que besoin d’argent, de tuer quelqu’un, un criminel qui plus est, en échange de cinq millions de yens. La cible est un homme d’affaires qui fait du trafic de drogue et aurait fait disparaître deux de ses employés parce qu’ils s’apprêtaient à tout révéler. Son arme sera un couteau papillon, pour faire croire à un cambriolage qui aura mal tourné. Si le contrat se déroule bien, Shiki en vient à souhaiter d’autres missions tarifées pour gagner plus d’argent encore, tandis qu’il fait une rencontre imprévue sur les lieux de l’exécution. Un graphisme simple mais qui est tout sauf simpliste, une histoire crédible, des comportements et attitudes plausibles et humaines. Ce n’est d’ailleurs que dans les dernières pages que l’on apprend pourquoi Shiki a tant besoin d’argent. Et si l’ensemble est vraiment agréable et se laisse lire sans le moindre déplaisir, je trouve qu’il manque un soupçon d’originalité, une pointe de piment, un complément de noirceur, une rasade supplémentaire de rebondissements, bref, un petit je ne sais quoi qui différencie cet ouvrage des autres, en épice la saveur, et le rende moins facilement oubliable. J’essaierai d’être au rendez-vous d’autres opus de la série.
23/10/2019 à 08:51 1
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Darwin's Game tome 1
8/10 Un manga dont la violence explose dès les premières planches, et où Kaname, le héros de cette série, est mordu par un serpent jailli d’un téléphone portable, apparemment en lien avec un jeu appelé « Darwin’s Game ». Et puis on bascule en plein cauchemar en même temps que le protagoniste, comme avec ce personnage déguisé en panda qui l’agresse au couteau dans le métro. S’ensuit un anxiogène jeu du chat et de la souris, avec cet agresseur tenace capable de devenir invisible, et où se mêle une histoire de vandalisme urbain avec des pavés qui sont ôtés afin de constituer d’étranges œuvres d’art. Une esthétique captivante et un scénario moins attendu que prévu, avec notamment quelques ultimes pages sur un site d’archéologie de la préhistoire qui entretiennent intelligemment le suspense.
23/10/2019 à 08:50 1
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Passager 23
8/10 Le policier Martin Schwartz reçoit un coup de fil d’une personne âgée. Cette dernière l’invite en toute urgence à le rejoindre sur le Sultan des mers, un immense paquebot. Le nom résonne douloureusement aux oreilles de Martin : c’est sur ce bateau que son fils et sa femme ont disparu au cours d’une croisière cinq ans plus tôt. Et les révélations ne font alors que commencer.
Avec des thrillers comme Thérapie, Ne les crois pas, Le Briseur d’âmes ou Le Somnambule pour ne citer qu’eux, Sebastian Fitzek s’est imposé comme un auteur majeur de la littérature policière. Dans cet opus, difficile de ne pas confesser que l’on est ballotté du début à la fin. Les premiers chapitres donnent le ton : un mystérieux chirurgien qui ampute la jambe d’un patient, Martin qui doit infiltrer une soirée où des séropositifs violent des gamins et pour laquelle il pousse le vice, afin de ressembler au psychopathe qu’il remplace, jusqu’à s’injecter des anticorps du VIH et s’arracher une incisive avec des tenailles, et le début du récit de la claustration d’une dénommée Naomi. La suite est à l’avenant de ce début tonitruant : des personnages interlopes qui cachent nombre d’ambiguïtés sous le masque de la normalité, des rebondissements incessants, des scènes sans cesse inattendues, et un rythme qui ne faiblit jamais. Les amateurs d’émotions fortes et de cadence soutenue seront aux anges. Dans le même temps, et comme évoqué précédemment, il faut avertir que ce livre n’est pas à mettre entre toutes les mains : il y a certains passages, souvent plus suggérés ou vus a posteriori qui savent se montrer très dérangeants et qui concernent la pédophilie et l’inceste. Bref, un roman sacrément relevé, épicé à outrance, et dont on ne ressort guère indemne. Et c’est justement là son principal défaut : certains lecteurs pourront reprocher à Sebastian Fitzek d’en faire trop. Trop de personnages torturés ou ambivalents, trop de moments où des surprises sont ménagées, trop de surenchères dans la violence psychologique. A la manière d’un cuisinier, dont le zèle le pousse à vouloir à tout crin éblouir ses clients avec un excès d’ingrédients, d’aromates ou de strates de saveurs, alors qu’une plus grande économie aurait pu être la bienvenue.
Voilà bien un livre consistant, trépidant et marquant, qui ne peut en aucun cas laisser indifférent. Certains lecteurs le trouveront trop surchargé, tandis que ceux qui apprécient les thrillers machiavéliques seront plus qu’aux anges.13/10/2019 à 07:17 5
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Chasseur de voleurs
8/10 Sam, en fauteuil roulant, doit s’occuper de Maurice, le bouledogue de sa tante, pendant une quinzaine de jours. En compagnie de Nina et d’Agathe, à la fois sœurs et ses meilleures amies, ils décident d’aller au parc lorsqu’ils surprennent l’étrange manège d’un ado qui dissimule des affaires derrière un bosquet. Un voleur, et pris sur le fait ! Et si la réalité était un peu plus compliquée que ça ?
Ce troisième opus de la série des apprentis détectives reprend, pour notre plus grand plaisir, les ingrédients qui ont fait le succès des précédents opus, à savoir Juju a disparu et Enquête et pickpocket. On retrouve la plume si enjouée d’Agnès Laroche, avec ses protagonistes fétiches, cette fois-ci aux prises avec un pickpocket. Le récit est court (environ quatre-vingts pages, joliment illustrées par Clotka) et ne ménage aucun temps mort. Nos héros, d’abord enthousiastes à l’idée d’avoir à leurs côtés un possible chien détective (sauf Nina, la sœur aînée, qui le trouve moche et lui reproche cette bave qui sort en permanence de sa gueule), vont être confrontés à ce mystérieux vol d’affaires, puis au contenu pour le moins alarmant du sac, avant de voir, progressivement, le brouillard se dissiper. Un ton alerte, très plaisant, sans la moindre fausse note ni violence, qui fait que les pages défilent à toute allure jusqu’à l’épilogue, nécessairement heureux et moral, sans être pour autant niais et moralisateur.
Encore une réussite de la part d’Agnès Laroche, à qui l’on doit également d’autres ouvrages plus que recommandables pour la jeunesse, comme Le Fantôme de Sarah Fisher, Tu vas payer ou Cœurs en fuite.13/10/2019 à 07:14 1
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La Porte d'ivoire
8/10 Le vieux milliardaire Edmund Hofcraft s’est écrasé avec son avion au-dessus de la jungle congolaise. Sa fille et son bras droit organisent une opération d’exfiltration qu’ils confient à trois aventuriers : Tracy, ancienne infirmière militaire habituée aux conflits, Russel, fin tireur spécialisé dans les safaris, et Diolo, Africain et expert en pistage. Un aller-simple vers la folie.
Inutile de présenter Serge Brussolo : une bibliographie imposante, une inventivité hors pair, et un sens expérimenté et inoxydable de la narration dans tous les types de littératures. Ici, il fait s’enfoncer ses protagonistes – et ses lecteurs – dans la géhenne végétale de l’Afrique. On retrouve avec plaisir sa plume enfiévrée et son goût pour les histoires démentielles, où chaque chapitre foisonne de rebondissements, d’anecdotes, de personnages sulfureux. Une incursion endiablée dans les terres originelles de l’humanité, saturées de fantômes affolants et de légendes. Y rôdent encore les spectres des dirigeants comme Mobutu Sese Soko ou Joseph Kabila, avec la violence et la corruption comme manières de diriger un pays. C’est aussi un « territoire de fièvres » comme l’indique l’auteur, avec ses coutumes, ses mythes, et sa sorcellerie. Edmund Hofcraft s’en est allé sur place à la recherche d’une rumeur persistante, comme quoi des soldats allemands, avec Adolf Hitler à leur tête, aurait quitté Berlin dans les ultimes jours de la Seconde Guerre mondiale pour y bâtir un bunker géant, à la recherche de diamants pour préparer la revanche de son idéologie. Canular ou réalité ? Entre les mains de bien d’autres écrivains, un tel postulat, complotiste à souhait, aurait tourné au grandguignolesque ; dans celles de Serge Brussolo, le ridicule devient or, ou plutôt diamant, pour coller à la contrée parcourue. Un îlot de nazis reclus sur eux-mêmes depuis plusieurs décennies, des singes combattifs et organisés en meute anthropophage, un volcan aux éruptions destructrices, des tribus sauvages qui ne cesseront de harceler l’embarcation des intrus : un véritable malström d’idées, certaines très originales, d’autres plus convenues, mais dont le dénominateur commun de toutes est d’emporter le lecteur vers des rivages noirs et incertains. Un festin de scènes marquantes, depuis la rencontre éphémère avec cet acteur sur le déclin qui souhaite s’exercer à la chasse aux prédateurs terrestres, jusqu’à ce final à plusieurs tiroirs, avec notamment la surprenante présentation d’une tête réduite.
Un Serge Brussolo en pleine forme, fourmillant d’idées et de chimères, où, à défaut de constituer son meilleur ouvrage, assure, s’il en était encore besoin, qu’il était, est et restera l’un des meilleurs auteurs français. Tout simplement.13/10/2019 à 06:19 3
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L'étonnante disparition de mon cousin Salim
9/10 … ou comment le cousin de Ted, Salim, disparaît alors qu’il était dans la grande roue de Londres, la « London Eye », puisqu’il était allé se placer dans l’une des nacelles mais n’en est pas descendu. Dit comme ça, cela ressemble à un crime en chambre close, et c’est un peu le cas, mais ce qui a principalement retenu mon attention, c’est la plume savoureuse de feu Siobhan Dowd, trop tôt disparue à l’âge de quarante-sept ans. Son style est un pur régal et, d’une certaine façon, la plume de l’écrivaine ainsi que la façon dont elle a traité son histoire s’apparente à la traditionnelle dichotomie entre « polar » et « roman policier », puisque ce sont les personnages, le contexte et le décor qui priment sur la résolution de l’intrigue. Ted, le cousin du disparu, est un autiste, et c’est ce protagoniste qui compose prioritairement mon coup de cœur pour ce livre. Il est obnubilé par les chiffres et la météorologie, brillant dans ses raisonnements et déductions, et saura faire preuve de courage, d’opiniâtreté et de sagacité. Parallèlement, il est obtus à tout ce qui est en rapport avec certaines formes de la réalité, se montre embarrassé dans nombre de situations et a parfois des réactions gentiment inappropriées. La relation qu’il a avec sa sœur, Kat, et ses parents, est merveilleusement décrite, et l’auteure a su à la fois peindre avec immensément d’humanité, de tact et de réalisme l’autisme de Ted sans jamais tomber dans les poncifs grossiers, maladroits et hautains par rapport à ce trouble. Aux termes de « cinquante-quatre heures et deux minutes de réflexion », Ted parviendra, avec l’aide importante de sa sœur, à résoudre le problème, après de nombreux raisonnements, actions et prises de risques. Le roman permet également de joliment croquer la capitale anglaise avec ses attractions, sa Tamise, ses buildings et son métro. Un style littéraire remarquable, un souffle de générosité et d’altruisme, et une réelle intelligence quant à l’observation des êtres humains font que j’ai achevé cet ouvrage avec à la fois un large sourire aux lèvres et une émotion prégnante aux tripes. Après, du strict point de vue policier, j’en viens presque à regretter que Siobhan Dowd ait développé les huit théories de Ted (quant à ce qui a pu se passer dans l’attraction, et il y en a même une neuvième qui arrive après) et que notre si sympathique héros se soit appuyé sur elles pour comprendre ce qui s’était passé, car la résolution va venir se fonder sur l’une d’entre elles, et donc en partie couper l’herbe sous le pied du final, ou au moins en diminuer l’impact. Mais c’est vraiment ergoter une fois ce magnifique livre, drôle et touchant, refermé.
12/10/2019 à 08:53 1
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La Poupée assassinée
8/10 … ou comment Roy Morgan, beau gosse tueur à gages et karatéka, mû par une violente pulsion pédophile, en vient à se jeter sur la jeune et belle Yumi Kobota, avant que le chaos ne se déclenche suite à cette agression. Pour une fois, je suis très heureux qu’un résumé de quatrième de couverture soit aussi faux, de même que le titre, ce qui m’a permis d’être rapidement surpris par le déroulé du récit, où il n’est nullement question de la mort de Yumi ni de « preux chevaliers » (que l’on pouvait comprendre comme étant des samouraïs ou des yakuzas avec un peu d’ironie). La terrible rencontre entre ce pervers de Morgan, assassin à la solde d’une mafia, et de la sourde-muette Yumi va engendrer à la fois une série de morts chez les mafieux et une enquête menée par deux policiers : Ohara, d’origine japonaise (mais que tout le monde pense, de prime abord, être irlandais si l’on pense que son nom s’écrit O’Hara) et Washington, un Noir assez décontracté et costaud. Un duo de limiers assez frais et qui se complètent l’un l’autre, Washington faisant son entrée au sein du service « Vols – Homicides ». La plume de Nan Hamilton est très agréable, aucun mot de trop, et une enquête menée à toute allure, riche en péripéties, qui préserve de purs instants de grâce (la rencontre entre Ohara et Yumi où cette dernière s’exprime par de simples gestes en raison de son double handicap, le cérémonial du suicide plus loin dans le roman, etc.), d’éphémères incursions dans la culture nippone (notamment lorsque Ohara est aux côtés de son épouse) et de très brefs passages laissant à voir le sort des Américains d’origine nippone lors ou juste après la Seconde Guerre mondiale. Pas mal de noirceur malgré la présence de salvateurs traits d’humour, notamment dans la relation entre les deux enquêteurs, de l’humanité également (par exemple dans les ultimes chapitres lorsqu’il s’agit de parler de la mère de Yumi, Hana) et des rebondissements quant à l’identité de l’assassin, sans jamais tomber dans la surenchère stérile d’effets faciles. Donc, beaucoup de sobriété pour une efficacité exaltée, une idée de départ alléchante et un traitement fort convaincant. Une réussite.
12/10/2019 à 08:47
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Ichi The Killer tome 1
8/10 L’un des quartiers les plus pourris du Japon, avec des malfrats chinois, coréens, thaïlandais ainsi que des yakuzas. D’entrée de jeu, on est fauché, voire désarçonné par le graphisme très noir, le style dur et agressif, les dialogues particulièrement crus, et la violence avec force projections de sang. Dans le même temps, on fait la connaissance d’Ichi, un tueur assez particulier. Jeune, aux traits presque juvéniles, qui peut pleurer après avoir achevé un contrat, en apparence et en société fragile mais utilisant ses jambes comme des matraques et tuant grâce à elles et à sa maîtrise du taekwondo, dont la rencontre avec le gamin près de la cabine téléphonique vaut en soi son pesant de cacahuètes, et qui éjacule sur les lieux de ses exécutions. D’autres personnages bien tordus (ce gangster masochiste qui met un anneau aux parties génitales de deux de ses sbires pour les punir, un autre qui a conservé une balle reçue en pleine tête et qui fait que son comportement s’apparente à celui d’un alcoolique, un troisième amateur de nécrophilie…) pour un manga sombre, saturé de violence et de protagonistes torturés, avec des scènes explicites de sexe, hautement inconvenant, et que je conseille donc fortement.
12/10/2019 à 08:39 1
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L'Empreinte du mal tome 1
5/10 Un bouquin à l’esthétique qui a un peu vieilli (il date de 2005), que j’ai découvert par hasard, et qui m’a fait penser, à certains égards, à un film noir à l’ancienne qui aurait été transposé en manga. Mais ni l’intrigue, ni les graphismes ne me marqueront véritablement. Ca se laisse lire, c’est certain, mais je ne retiendrai aucune scène particulière ; un manga qui m’a laissé assez froid.
12/10/2019 à 08:38 1
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Au coeur du maelström
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
7/10 Ça commence fort, avec la concrétisation du dernier événement de l’opus précédent, tendre et poignant. Et l’action se poursuit, avec des animaux toujours aussi malveillants, et deux jeunes archers. Beaucoup de péripéties et de révélations, avec un final très intéressant autour d’un mystérieux « monde des limbes ». Un épisode charnière et qui, a posteriori, me donne enfin une sorte de cohérence qui parcourt les tomes précédents.
12/10/2019 à 08:34
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Docteur Holmes
7/10 Côté pile : Herman Webster Mudgett, ou H. H. Holmes, médecin au physique agréable, aux belles paroles, irréprochable. Côté face : l’un des pires tueurs en série américain, jugé coupable et pendu pour vingt-sept crimes, même si certaines hypothèses portent ce nombre à plus de deux cents. Stéphane Bourgoin revient sur ce cas mémorable, permettant au lecteur de comprendre l’ampleur de « l’œuvre » de ce monstre. Psychopathe, mû par l’appât du gain, H. H. Holmes s’est illustré dans diverses escroqueries qui ont attiré l’attention de certains policiers et d’agents d’assurances. Dès son jeune âge, il dérobe « le corps d’un nouveau-né qu’il emporte jusqu’à son logement pour le disséquer à loisir ». Farfelu, persuadé que l’on peut étirer à volonté tout corps humain afin de créer une race de géants, il est également diablement malin, bâtisseur d’une grande et belle demeure qu’il fait aménager selon ses désirs… morbides. Des chausse-trappes, des escaliers dérobés, des pièces en cul-de-sac, des fours crématoires, et un ingénieux système lui permettant de savoir où se trouvent ses proies dans l’habitation. Un esthète du crime, allant presque de lui-même au-devant des ennuis tant il s’est cru intelligent. Pourtant, ce livre documentaire de Stéphane Bourgoin revient avec beaucoup de minutie et force détails sur tout ce que ce tueur a réussi à réaliser avant de se faire prendre. Un ouvrage qui compense sa relative concision (environ cent trente pages) par un luxe de renseignements, dates et lieux qui permettent de saisir l’envergure du personnage. Certes, quelques passages manquent un peu de chair (notamment les deux chapitres sur les interrogatoires) tandis que l’on aurait peut-être apprécié un peu plus de profondeur psychologique pour définitivement cerner cette créature démentielle, mais voilà un livre costaud, professionnel et entraînant, que l’on dévore d’un bout à l’autre. A noter, pour l’anecdote, que ce tueur en série a déjà inspiré au moins deux romans : Le Boucher de Chicago de Robert Bloch et Le Diable dans la ville blanche d’Erik Larson, et qui devrait sous peu apparaître à la télévision sous les traits de Leonardo DiCaprio.
06/10/2019 à 10:36 3
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La Nuit des poupées
7/10 Langon sur Cher, un petit village non loin de Romorantin. Un entomologiste aux allures de SDF, Alexandre Farge, est obligé de faire une halte en raison d’une panne de sa deux-chevaux. Mais est-ce réellement le hasard qui a contraint cet inconnu à s’arrêter ici ? Un crime datant de vingt ans pourrait bien rouvrir ses plaies et libérer une vague de violence.
Ce roman de Guy Tristan est une délicieuse découverte. L’auteur communique son amour des mots grâce à de jolies phrases, belles et poétiques, travaillées et si agréables à lire. L’intrigue, également intéressante, oscille entre l’univers de Georges Simenon et celui de Claude Chabrol, avec cette faune si particulière de notables de province prêts à tout pour protéger un lourd secret collectif dont ils ne sont guère fiers et qu’ils souhaitent ne pas voir déterré. Et la venue de ce pauvre hère, captivé par l’étude des carabes, sera le détonateur venant mettre le feu à un explosif trop longtemps enfoui. Guy Tristan décrit avec intelligence ses personnages, leurs attitudes, leurs zones d’ombre, et entretient habilement le suspense jusqu’aux dernières pages, avec de nombreuses références à l’adaptation cinématographique de La Nuit du chasseur de David Grubb émaillant le récit. Comme l’indique le titre, il y sera question de poupées (dont le ventre de l’une d’elles viendra offrir l’identité du tueur), mais aussi de cartes à jouer, avec des as laissés sur les lieux des crimes. Docteur, notaire, vedette locale de football, femme facile, etc. : tous les protagonistes seront, à un moment ou un autre, suspectés, avec la résolution finale, certes classique mais efficace. Tout au plus pourra-t-on reprocher à Guy Tristan cette propension à user de jolis termes qui nuisent, de temps en temps, à la crédibilité de certains dialogues, puisque tous les personnages en viennent à adopter la même élocution si littéraire.
Un ouvrage d’une très belle tenue, et qui, à défaut de révolutionner le genre, procure un savoureux moment de lecture.02/10/2019 à 17:34 2