El Marco Modérateur

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  • A-Ban-Soom, le tavernier de Chinatown

    José Moselli

    6/10 Un steamer revient de Singapour, et le capitaine Thomson s’entretient en toute discrétion avec A-Ban-Soon. Il faut dire que la cargaison est sensible : 6000 livres d’un opium de contrebande (à 15 dollars de l’époque la livre, ça en fait, de l’argent !), au lieu du riz, du charbon, de la poudre et du whisky comme il l’est indiqué aux douaniers. Heureusement, John Strobbins est là… Une nouvelle d’une trentaine de minutes d’écoute, agréable, sans grande fièvre ni passion. La première manipulation de Strobbins est tellement téléphonée qu’elle en devient d’une rare banalité (à moins que ça ne soit justement cette banalité qui la rend si téléphonée), sans compter pas mal de clichés sur les Chinois (alimentation, apparence, et parfois quelques remarques fort déplacées, mais mettons cela sur le compte de l’époque, le tout début du vingtième siècle). L’ensemble se laisse néanmoins lire (écouter en ce qui me concerne).

    01/04/2021 à 18:54 1

  • Maigret et la Jeune Morte

    Georges Simenon

    7/10 … ou comment le commissaire Maigret en vient à enquêter sur la mort d’une jeune inconnue, découverte place de Vintimille, en allant chasser la vérité sur les terres de l’inspecteur Lognon, et graduellement découvrir l’identité de la victime – Louise Laboine –, reconstituer son passé et découvrir qu’elle aura surtout été, bien malheureuse, le jouet d’une triste association et frappée par un destin affligeant. J’ai adoré retrouver le style de Georges Simenon, sec, rogné jusqu’à l’os, mettant en relief des portraits parfois attachants, parfois détestables. Notre limier va faire preuve d’une immense empathie pour la pauvre Louise, et reconstituer, pas à pas, ce qui a mené la jeune femme à la mort, avec les racines du fléau qui va la toucher commençant aux Etats-Unis. Une intrigue prenante et efficace, qui commence très vite dans le roman, presque sur les chapeaux de roues, et ne perd jamais cette cadence dynamique. Si je ne suis pas certain de me souvenir très longtemps du cœur de l’histoire, en revanche, je sais que deux éléments me marqueront : la manière dont Louise aura été maltraitée par la fatalité – les dernières pages où Maigret évoquent la succession de hasards, coups du sorts et autres malveillantes infortunes qui l’ont conduite au trépas sont mémorables, ainsi que le portrait en creux de Lognon, dit le « Malgracieux » : chétif, constamment malade, n’ayant pas les ressources intellectuelles pour intégrer le prestigieux service de police de Maigret, il vivra souvent l’apparition de notre commissaire dans « son » enquête comme une intrusion, au même titre que sa propre femme. Un autre bon opus d’une foisonnante bibliographie, qu’il s’agisse de celle de Georges Simenon ou de celle mettant en scène Jules Maigret. A mes yeux, probablement pas le meilleur, certes, mais il entretient avec qualité et élégance la flamme de la passion que je voue à l’auteur belge.

    31/03/2021 à 17:16 4

  • Le Dr Maniac va vous recevoir

    R. L. Stine

    2/10 Richard Letourneur, collégien à Cincinnati, cumule les complexes : allergique, roux, petit, maigre, il voue une adoration sans borne pour les bandes dessinées. Il a un ami fidèle au musée local de la BD, Kahuna, et un jour qu’il s’y rend avec son frère Ernie et son amie Betty, ils tombent tous les trois sur le Docteur Maniac, un super-vilain qu’il n’a jamais vu/lu que dans ses BD ! Et ce sont ensuite d’autres personnages de comics qui se mettent à envahir la ville. Il semblerait que ce Docteur Maniac ait ouvert la porte séparant le monde de la bande dessinée du monde réel. La charpente typique des ouvrages de R. L. Stine, avec le scénario apte à captiver les jeunes lecteurs, une écriture qui va à l’essentiel, de jeunes héros confrontés à des situations farfelues ou paranormales, un bon suspense et des chapitres très cadencés. Mais si la rythmique est toujours là, je n’ai pas du tout accroché à cet opus. L’intrigue tourne en roue libre, avec une accumulation de super-héros sans grande classe ni la moindre originalité, et le contexte fait que jamais je ne me suis pris au jeu. Même les tentatives d’humour (comme les expressions endiablées du Rageur, écrites en lettres capitales, pourtant pas piquées des vers, finissent par lasser) tombent à plat. D’ailleurs, le titre de l’ouvrage, pioché dans le chapitre 27, est sans la moindre consistance et ne reflète pas le contenu du livre. J’ai eu l’impression que l’auteur écrivait au fur et à mesure que les idées lui venaient, sans charpente ni direction. Et puis, les événements finaux sont tellement téléphonés qu’au moment où ils sont apparus, j’avais déjà décroché depuis un bail. Bref, à mes yeux, plus qu’une déception, un naufrage.

    30/03/2021 à 19:37 4

  • Un Fantôme à l'école

    Christian Grenier

    7/10 Hercule a beau n’être qu’un chat, cela ne l’empêche pas d’être sacrément doué, notamment pour les enquêtes policières. Et quand un fantôme est aperçu dans l’école fréquentée par Albane et Joyeuse, ses deux maîtresses, il n’hésite pas à mettre ses coussinets dans les pas de ce spectre. Mais quel peut bien être le rapport avec le vol de tous ces taille-crayons ?

    Ce roman extrait de la série consacrée au chat policier Hercule est, une fois encore, un petit délice. Sous la plume alerte de Christian Grenier, on retrouve donc notre félidé amateur d’investigations aux prises avec un inconnu errant, de nuit, dans les couloirs de l’établissement. Un véritable fantôme ? Un rôdeur ? Un voleur, qui ne s’intéresserait qu’aux taille-crayons des élèves qu’il dérobe ? En quelques chapitres habiles et rondement menés, le (jeune) lecteur sera amené jusqu’à la résolution, surprenante et distrayante. Cependant, dans le même temps, on regrette un peu que cette histoire de chapardage ne soit traitée qu’à la légère, presque de manière anecdotique, alors qu’il y avait peut-être là matière à un rebondissement inattendu ou à une explication plus surprenante.

    Encore un opus réussi de la part de Christian Grenier, idéal pour se prélasser sans pour autant oublier de faire jouer ses petites cellules grises.

    29/03/2021 à 20:00 1

  • Infection tome 2

    Toru Oikawa

    4/10 Un sapeur-pompier vient en aide à nos lycéens mais cet espoir est de courte durée puisque le véhicule de nos rescapés se fait percuter par un bus saturé de créatures, ces fameux « porteurs ». Ils peuvent ensuite rejoindre une zone de quarantaine qui fait également office de refuge. Là où le précédent opus m’avait déçu en raison de son manque d’originalité malgré un graphisme réussi, celui-ci se montre beaucoup plus assagi au niveau de l’action (certains passages se montrent même très bavards, voire soporifiques), et il n’y a guère que l’entame de ce livre, aussi un peu le final, qui présente un minimum de panache. Bref, je me suis ennuyé ferme au cours de cette lecture, ce qui risque de marquer mon arrêt définitif de cette série si le tome suivant est du même acabit.

    29/03/2021 à 19:33 1

  • Dragon Head tome 3

    Minetaro Mochizuki

    8/10 Le ciel du souterrain s’effondre sur Ako, puis elle et Teru finissent par trouver une galerie qui pourrait les mener vers la sortie, mais c’est dans une station d’épuration des eaux où ils aboutissent. Ils finissent par avoir des informations sur le monde extérieur où une catastrophe a dû avoir lieu avec un état d’urgence à la clef. Un opus tout aussi réussi et anxiogène que les précédents, avec une belle progression scénaristique à travers la découverte de survivants et de ces individus se baladant avec des masques à gaz.

    29/03/2021 à 16:48 1

  • Détective Conan Tome 68

    Gosho Aoyama

    7/10 Suite et fin de la précédente énigme : je ne m’en souvenais pas trop, mais la résolution est sympathique, sans plus. Ensuite, le cadavre d’une femme découvert sous le lit de la chambre occupée par l’ex-épouse de Kogoro Mouri : c’est donc un meurtre en chambre close au dénouement assez astucieux, et où notre jeune limier laissera justement Kogoro régler lui-même l’affaire. La suivante met en scène le vol de la corne d’une statue, probablement orchestrée par le célèbre voleur Kid Kaito : une histoire maligne, avec pas mal de rebondissements, et Kid Kaito se révèle être un adversaire (sympathique) particulièrement retors. Enfin, un homme est poignardé au cours d’une fête typiquement japonaise et n’a que le temps de glisser un modique indice à Conan, le chiffre « 9 », avant de tomber inconscient : une histoire un peu paresseuse et bavarde à mon goût qui s’achève (fait relativement rare) dans cet opus sans attendre le suivant pour en connaître la conclusion. De façon globale, deux bonnes histoires et deux un peu moins, ça reste pas mal du tout.

    28/03/2021 à 19:29 1

  • Charisma tome 1

    Taisei Nishizaki, Fuyuki Shindo, Tsutomu Yashioji

    8/10 Okazaki commence mal son petit tour sur Terre : sa mère est une furie ignoble et violente qui n’hésite pas à le cogner devant ses camarades. Elle se double d’une mauvaise femme au foyer, tombée sous la coupe d’un gourou qu’elle appelle « le sauveur ». Quand son époux lui propose un internement pour qu’elle s’y fasse soigner, la mère d’Okazaki le poignarde avant de se donner la mort. Un premier opus saisissant de noirceur et d’une violence presque exclusivement psychologique, poignante et prenante sans jamais appuyer sur le moindre levier facile ou téléphoné. Le gourou, en poussah méprisant, lubrique et cassant, leader de séides qu’il manipule avec intelligence, est effroyable. Des scènes de sexe très crues et une grande violence psychologique pour ce manga qui s’achève presque sur un sacré rebondissement quant à l’identité du gourou. Il y a des clichés, c’est indéniable, mais j’ai été tellement aveuglé par l’ensemble que je n’ai même pas envie de les voir. Vivement la suite !

    27/03/2021 à 17:47 1

  • Spy X Family tome 1

    Tatsuya Endo

    7/10 Le graphisme si caractéristique de la série des « Détective Conan » au service d’une histoire fort sympathique. Twilight, en espion chevronné et affûté, est passé maître ès déguisements et autres agissements du genre. Mais pour sa prochaine mission, qui concerne Donovan Desmond, le président d’un parti politique nazillon, il doit parfaire sa couverture, et son donneur d’ordre lui demande… de se marier et d’avoir un enfant, et sous sept jours. Mais les choses continuent de partir en vrille : la gamine adoptée, Anya, a été victime d’expériences et en est ressortie avec le don de télépathie, et sa femme, Yoru, est en réalité la « Princesse des épines », une tueuse à gages particulièrement efficace. Je salue le fait que l’auteur, Tatsuya Endo, ait pris le risque de quitter sa zone de confort en abandonnant sa série fétiche pour se lancer dans une autre. Comme Hoel, je reconnais bien volontiers que les ficelles sont si grosses qu’elles tiennent davantage de la poutre élastique (le clin d’œil à l’affiche du film « Mr. and Mrs. Smith » d’entrée de jeu en est presque évidente), mais j’ai bien aimé cet humour, décalé, notamment avec la gamine, attachiante en diable, capable de deviner aussitôt les pensées des gens. Un bon moment d’une lecture très décontractée, je serai assurément au rendez-vous des prochains opus.

    25/03/2021 à 18:30 2

  • Ceux qui restent

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    7/10 Après la boucherie de l’opus précédent, il était nécessaire d’avoir une sorte de respiration dans la série, et c’est le cas, même si les premières planches exposent encore quelques scories des violences antérieures. Il faut cicatriser après ces récentes plaies, ce qui n’empêche nullement des enfants de tirer à bout touchant sur trois zombies pour arborer juste après un sourire réjoui puis de se mettre à pleurer. Un opus plus calme que le huitième (le contraire aurait été assez difficile), ce qui n’empêche nullement des passages impétueux et sanglants ainsi que de salvatrices touches d’émotion, et se terminant sur une révélation partielle quant à la naissance du virus et sur une amorce de départ.

    24/03/2021 à 19:41 2

  • Une Odyssée sicilienne

    Luca Blengino, Pasquale Del Vecchio

    4/10 Printemps 1943. Les Américains s’apprêtent à envahir l’Italie en passant par la Sicile. Ayant échappé à un peloton d’exécution grâce à des bombardements, Ettore est recruté par le Vatican : si Pie XII est mort, une mallette qu’il comptait donner aux autorités s’est échouée en mer suite au mitraillage de l’avion qui convoyait ces précieux documents. Un graphisme moyennement séduisant, parfois un peu grossier, vieilli prématurément on pourrait presque dire, un scénario très abracadabrant, et ce qui devait constituer le bouquet final, à savoir le contenu exact de cette encyclique du pape, a autant d’impact que l’atterrissage d’une mouche sur le museau d’un lapin nain. Bref, un opus particulièrement décevant.

    24/03/2021 à 16:46 1

  • Les Damnés du Reich

    Maza, Richard D. Nolane

    7/10 Un tome à l’esthétique aussi réussie que dans les précédents, qui débute par un parachutage et un combat musclé entre des bombardiers et des navires de guerre. L’usage de ce « thanatoscope », les vues du camp d’Auschwitz que les nazis vont chercher à détruire, un accident avec la présérie des appareils révolutionnaires, des tractations autour de la prothèse du bras d’Hitler, et des combats aériens fort réjouissants maintiennent mon attention pour cette série à une belle altitude.

    23/03/2021 à 19:59 1

  • Sur le Seuil

    Patrick Senécal

    8/10 … ou comment le psychiatre Paul Lacasse en vient à recevoir un hôte de marque en la personne de Thomas Roy. Roy est un écrivain célébré au Québec, dont chacun des opus est un best-seller. Sauf que là, il vient de se trancher les dix doigts au massicot et attenté à sa vie en se lançant à travers une fenêtre. Mais ce que Lacasse et sa collègue, Jeanne Marcoux, accompagnés d’un journaliste et de l’agent de l’auteur, va dépasser l’entendement. Quand je commence un livre de Patrick Senécal, je me sens aussitôt en terrain connu : écriture sèche avec de très (trop ?) rares figures de style, presque une sorte de ronronnement stylistique mais ce qui ne l’empêche nullement de charrier rapidement les éclats d’un décor ayant volé en morceaux. Ici, on bascule assez rapidement dans le suspense, intense, puis graduellement vers le thriller horrifique teinté de fantastique (surtout vers la fin et les explications qui vont avec). Je n’ai pas trouvé le moindre temps mort, tout s’est étiré et noué avec maestria à mes yeux, et les divers rebondissements venus nourrir mon intérêt pour l’histoire sont venus à rythme cadencé, depuis ces faits divers jusqu’au passé avec les dix-sept morts en passant par ces énigmatiques curés. Je me suis également attaché au personnage de Lacasse qui va se mettre à douter, après vingt-cinq ans d’exercice, de ses propres appuis déontologiques, de l’utilité de son combat, de la véracité de son expertise de praticien, mais également de sa fonction sociale et de sa responsabilité de psychiatre. Jusqu’au carnage final, je me suis littéralement faire happer par l’histoire. Un bémol néanmoins : je n’ai pas été pleinement satisfait de l’éclaircissement ultime de Patrick Senécal : il lui manque un je-ne-sais-quoi d’explication supplémentaire, d’interprétation, d’exégèse, de « concret » (même si on est bien évidemment dans une zone clairement fantastique), bref, une ossature sur laquelle auraient été intégralement soudées toutes les pièces de ce puzzle. Au final, j’ai vraiment un passé un très bon moment de lecture enfiévrée, porté moi-même jusqu’à ce seuil qui clôture le livre, mais je n’en demeure pas moins un peu frustré par l’absence d’un élément plus tangible dans les explications, élément que j’attendais tant.

    21/03/2021 à 16:49 5

  • Une Vie de souffrance

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    8/10 Retour sur le personnage du Gouverneur et sur ce que Michonne lui a dernièrement fait subir. La suite est un sacré déchaînement de violences, avec force fusillades et assassinats (il y a notamment la scène de l’exécution au sabre qui est très féroce). Un opus sacrément musclé, saturé de testostérone, où nombre de personnages récurrents vont y passer et imprimant nécessairement un nouvel élan, voire un tournant, à la série.

    20/03/2021 à 09:59 2

  • Incident à Twenty-Mile

    Trevanian

    9/10 1898. Twenty-Mile est une bourgade perdue dans le Wyoming, peuplée d’une quinzaine d’âmes, et qui ne survit que grâce aux mouvements pendulaires hebdomadaires de plusieurs dizaines de mineurs travaillant à extraire de l’argent d’un gisement. Un jeune homme arrive, prénommé Matthew, et tente de se faire une place au sein de cette minuscule communauté, tandis que trois détenus viennent de s’évader de la prison d’Etat de Laramie, avec la ferme intention de rejoindre Twenty-Mile. Il y aura des morts à l’arrivée.

    Trevanian, l’auteur de La Sanction, L’Expert ou Shibumi, signait en 1998 ce western, le seul de sa bibliographie. D’entrée de jeu, on est saisi, à la gorge comme aux tripes, par la noirceur du récit, et l’on commence cet ouvrage crépusculaire avec la description des « grains de lune », ces prisonniers si particuliers, dont trois d’entre eux vont se faire la belle et rejoindre Twenty-Mile. L’écriture de Trevanian est remarquable : sombre, enténébrée, extraordinaire de densité et de maturité, laissant augurer du meilleur pour la suite. Au sein du village, dont on annonce déjà la fermeture de la mine qui constitue son unique source de revenus, les divers habitants sont décrits en quelques coups de plume, acérés, acides, et l’on voit déjà venir la tragédie finale, même si on en ignore la teneur et le déroulement exacts. Deux individus retiennent principalement l’attention : le jeune Matthew, visiblement brisé dans son enfance, prêt à tous les petits jobs pour réussir à joindre les deux bouts, promenant avec lui un tromblon biscornu en raison de sa taille et de son âge, et grand lecteur des aventures de « Ringo Kid », le héros récurrent de l’écrivain (fictif) Anthony Bradford Chumms. Parallèlement, Lieder, le chef du trio de malfrats qui débarque à Twenty-Mile, est un être d’une insondable malveillance : bel orateur, grand lecteur, il est rongé par une puissante haine raciste et nationaliste qui le pousse à des diatribes enfiévrées sur le sort de la patrie, l’invasion des migrants ou les roublardises des élites. C’est également un impuissant sexuel, un pur psychopathe et un manipulateur de première, stratège du crime et capable d’imaginer des plans assez douteux, tout en débitant des citations maltraitées de la Bible. Ici, pas de fusillades, de pétarades échevelées, ou de courses-poursuites à cheval : on est dans la noirceur dans ce qu’elle a de plus crue, ciselée comme une pierre précieuse. La tension va monter crescendo tandis que Lieder, Minus et Mon-P’tit-Bobby vont commencer à tyranniser la maigre population locale. Et le final s’effectue à toute allure, à la vitesse d’une volée de balles parfaitement chemisées : un épilogue sombre, où la psychologie l’emporte sur les effets purement pyrotechniques et visuels. D’ailleurs, les trente dernières pages de cet ouvrage expliquent sa genèse et le fait que nombre d’événements et de personnages sont réels.

    Un opus exemplaire, sombre comme ça n’est guère permis, où les quelques longueurs de l’entame sont rapidement balayées par la furie et la cruauté. Un roman spectaculaire, à sa façon, qui se paie en outre le luxe de devenir, en 1998, c’est-à-dire à une époque où le genre n’est plus vraiment à la mode, un jalon de la littérature consacrée aux westerns.

    19/03/2021 à 07:07 5

  • Abominables bonshommes des neiges

    R. L. Stine

    7/10 Orpheline de père et de mère, Jane Forest a quitté Chicago pour aller vivre dans le nord avec sa jeune tante, Anna, dans un village montagneux envahi par la neige, Sherpia. Là-bas, elle y découvre une communauté resserrée et vivant dans l’inquiétude d’un effrayant bonhomme de neige qui serait une sorte d’ogre local, au point que les habitants confectionnent tous un bonhomme de neige devant chez eux, comme un talisman. Anna se souvient d’une comptine dont elle ne se rappelle que l’entame et qui pourrait être la clef de cette histoire. Un pitch assez atypique dans la bibliographie de R. L. Stine, une ambiance aimablement anxiogène, des personnages qui dissimule des secrets (l’original barbu et son loup vivant à l’écart du village), de l’inexplicable et un suspense bien mené de bout en bout. Même si je ne suis pas fan de la littérature mettant en scène de la magie, cet opus est fort agréable à suivre, original et prenant. Je regrette juste deux points : la toute dernière ligne, là où l’on attend le twist final de l’auteur, semble avant tout fondé sur une tentative d’humour qu’une volonté d’être un réel rebondissement, ce qui m’a un peu déçu. Et il y a la fin du chapitre 25, clin d’œil géant à une réplique culte du cinéma, mais qui est tellement connue que l’effet, bien involontaire, n’a pas été chez moi le bon : autant j’ai adhéré à ce rebondissement, autant la manière de le mettre en scène m’a davantage fait rire et quitter les rails du récit qu’autre chose.

    17/03/2021 à 17:59 1

  • Les Mafieuses

    Pascale Dietrich

    8/10 Léon Acampora, l’un des grands parrains de la mafia grenobloise, vient de tomber dans le coma après de longues années de lutte contre Alzheimer. Il a deux filles, Dina, qui travaille dans une ONG, et Alessia, qui poursuit en quelque sorte l’œuvre de son père en utilisant une pharmacie comme paravent afin de vendre de la drogue. Mais avant de tomber gravement malade, Léon a trouvé la force d’écrire une lettre qui parvient à Michèle, son épouse : cette dernière apprend qu’il a mis un contrat sur sa tête afin qu’elle le rejoigne vite dans l’au-delà, à moins que ça ne soit pour la punir de ses infidélités. Dès lors, Dina et Alessia vont tout faire pour empêcher ce mystérieux tuer à gages d’honorer son engagement.

    De Pascale Dietrich, on connaissait déjà Le Homard, Le Congélateur ou Une Île bien tranquille, et on la retrouve ici avec cet opus concis (environ cent quatre-vingts pages) et enlevé. Grâce à sa plume énergique et son style rythmé, on plonge aussitôt dans le vif du sujet avec la découverte des trois femmes qui animent ce récit. Il y a donc Dina, œuvrant dans une ONG humanitaire, mais dont le rôle se résume à étudier des projets plutôt qu’à aider concrètement les nécessiteux, côtoyant au passage des collègues qui abusent de leur situation. Alessia règne sur le trafic local de drogue, usant de codes dans son officine pour délivrer des stupéfiants et toujours prête à briser la concurrence. Michèle, la mère, a surtout subi toute sa vie la présence de son mafieux d’époux et, quand ce dernier est sur le point de passer l’arme à gauche, voilà qu’en apparaît une autre, d’arme, mais cette fois-ci braquée sur elle par un tueur à gages mandaté par son mari et dont tout le monde ignore l’identité. La situation semble inextricable ? Si l’on ajoute à cela le flirt de Dina avec un champion du monde de la crème glacée, Alessia aux prises avec d’autres trafiquants aux dents rayant le parquet, Michèle devant fuir la menace, des gangsters dans des EHPAD et des femmes de mafieux dont on vient solliciter le soutien, le tableau final sera à coup sûr croquignolet. Jamais Pascale Dietrich ne se prend réellement au sérieux, disséminant quelques touches d’un humour salvateur, ce qui n’empêche nullement un suspense indéniable et même quelques scènes assez sanglantes (comme Alessia coupant avec un sécateur un orteil de son père plongé dans le coma). Certains passages sont assez téléphonés – comme l’identité de cet énigmatique assassin – mais l’ouvrage avance à toute allure, n’engendrant jamais la morosité, et offrant, une fois n’est pas coutume, la première place à des femmes qui prennent le dessus sur la gent masculine, quitte à faire couler le sang ou défendre leurs semblables suite à un dilemme impossible.

    Un roman percutant, de prime abord très distractif, mais qui recèle, sous son vernis purement délassant, un ton résolument acide.

    16/03/2021 à 06:59 3

  • Dans l'oeil du cyclone

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    7/10 Les sentiments (dont la culpabilité de l’adultère et l’amour) et le défoulement du sport composent l’amorce de cet épisode qui est un peu plus calme que les précédents, même s’il y a des moments violents (où ce sont d’ailleurs les êtres humains qui s’entretuent principalement, en amputent d’autres par nécessité, ou se suicident). Les tout derniers moments font réapparaître un personnage de la série et augurent donc un huitième tome qui pourrait se montrer plus musclé.

    15/03/2021 à 17:07 2

  • Eliminer Vassili Zaïtsev

    Herik Hanna, Ramon Rosanas

    7/10 Automne 1942. Les Etats-Unis s’apprêtent à rentrer en guerre tandis que les tractations se poursuivent entre les divers belligérants. A Blackpool, un sniper tue un colonel anglais en galante compagnie avec sa secrétaire : ce tireur d’élite s’appelle Vassili Grigorievitch Zaïtsev, un soldat russe. Un beau combat entre cet arbalétrier et le major Thorvald notamment, dans la furie des bombardements et autres fusillades musclées. Un court texte explique que ce sniper soviétique a réellement existé, au même titre que Thorvald, leur lutte ayant inspiré le « Stalingrad » de Jean-Jacques Annaud.

    14/03/2021 à 18:47 1

  • Genocidal Organ tome 2

    Gatô Asô, Itoh Project

    5/10 John Paul est un Américain qualifié de « touriste des génocides », abominable voyeur des charniers du monde entier, raison pour laquelle le gouvernement des Etats-Unis en fait la cible de son escouade chargée d’éliminer des criminels de guerre. En réalité, il est plus qu’un simple spectateur : c’est un agitateur. L’équipe se rend à Prague pour essayer de lui mettre la main dessus. Un opus que j’ai trouvé similaire au précédent, dans ses qualités comme dans ses défauts, et parmi ces derniers, un scénario un peu simpliste, un graphisme trop aseptisé qui hésite constamment entre le manga et la BD, un début assez mou (il faut attendre la scène de filature pour que ça bouge un peu, et encore, elle commence au bout de quatre-vingts pages environ et est assez mollassonne). Seuls surnagent vaguement les hallucinations du héros en rapport avec la mort de sa mère, la référence à la tombe de Kafka, la relation gentillette avec Lucia et un final un peu plus dynamique que le reste du manga, parce que l’ensemble est vraiment fadasse et soporifique.

    14/03/2021 à 08:18 1