El Marco Modérateur

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  • L'Oeil de Caïn

    Mig, Hervé Richez

    6/10 Da Nang, 30 janvier 1968. Le soldat Lawry est encore désorienté par son don de voyance, à la fois un cadeau et une malédiction. Ce deuxième opus est beaucoup moins violent et saignant que le précédent, s’attardant – à juste titre – sur l’aversion croissante du peuple américain pour cette guerre autant que les dégâts sur les blessés et mutilés. Sam tâchera de protéger son frère, Nathan, à propos duquel il a eu une sordide vision et découvrira un éphémère amour auprès de la dénommée Mary. Moins d’action et plus de sentiments, ce qui n’est pas pour me déplaire.

    14/05/2023 à 18:52 2

  • L'Odeur fantôme

    Maurice Renard

    6/10 Mathias Stork mène une petite vie tranquille à Monaco dans son appartement, son seul hobby étant le casino, jusqu’à ce qu’il sente une étrange odeur à plusieurs reprises. Est-il devenu fou ? A-t-il une maladie de l’odorat ?
    Une nouvelle sympathique, sans plus, dans laquelle le commissaire Jérôme n’intervient que dans les derniers instants pour confondre un criminel deux ans exactement après que ce dernier a commis un terrible forfait. Un agréable moment de lecture, mais probablement pas mémorable.

    14/05/2023 à 18:50 2

  • La Nuit des oubliés

    Christian Grenier

    9/10 La policière surnommée Logicielle est confrontée à une histoire singulière. Une jeune femme a été retrouvée morte dans le Périgord, empoisonnée. Fait étrange : la défunte avait en sa possession le numéro de portable de l’enquêtrice alors que cette dernière ne la connaissait pas. Autre fait étonnant : l’ADN de la victime n’est pas tout à fait celui d’un être humain. Une histoire qui va faire remonter Logicielle vers un terrible complot.

    Christian Grenier, en auteur expérimenté, nous offre ici un roman destiné à la jeunesse de haute volée, au moins aussi réussi que les précédents. Faisant partie de la série consacrée à Logicielle, cet opus nous plonge d’entrée de jeu dans cette histoire détonante, menée à un rythme excellent jusqu’au dénouement. On y retrouve les personnages récurrents de la saga ainsi que quelques clins d’œil à d’anciens romans, même s’il n’est pas nécessaire de les avoir lus au préalable pour apprécier au mieux ce livre. Rapidement, les éléments surprenants abondent : une drogue rare, un mystérieux SUV, le ministère de l’Intérieur fébrile, une communauté lovée sur elle-même, d’énigmatiques propriétaires des lieux, des enfants faisant furieusement penser à ceux des films Le Village des damnées (la référence est pleinement assumée), etc. Christian Grenier nous propose un ouvrage dense, au suspense efficace et aux rebondissements nombreux. Mais là où il fait très fort, c’est qu’au-delà de l’aspect policier et distractif, il insère de belles réflexions sur des thèmes aussi variés que l’eugénisme, le génie génétique, le transhumanisme, la surpopulation, le rôle des lanceurs d’alerte, l’écologie, ou encore le poids des grandes entreprises capitalistes. Un tour de force en la matière : le récit allie ainsi le côté distrayant et une nette forme d’engagement citoyen, où le sombre alterne avec un humour bienvenu.

    Un écrit particulièrement accompli, bien loin des clichés du genre, et présentant plusieurs dimensions de lecture. Un succès littéraire tel que c’en est à se demander s’il ne s’agit pas tout bonnement du meilleur livre de l’écrivain.

    12/05/2023 à 06:58 2

  • Il était une fois la guerre

    Estelle Tharreau

    9/10 Le Shonga, un Etat de l’Afrique moulu par la guerre civile. Sébastien Braqui va y servir quatre fois dans le domaine de la logistique en conduisant des véhicules. Un militaire qui sera aux premiers rangs de la violence et de la folie, des maux qui vont le déliter graduellement jusqu’à lui faire perdre pied. Une déchéance qui va également toucher sa femme et sa fille et dont nul ne sortira indemne.

    Estelle Tharreau, l’auteure à qui l’on doit notamment De la terre à la bouche, Mon Ombre assassine et La Peine du bourreau nous offre ici un livre inclassable. Il a la densité d’un roman noir, le côté haletant du thriller, et aussi l’aspect émotionnel de la littérature blanche. On y suit le parcours de Sébastien Braqui, jeune militaire, dont le mental va lentement s’éroder sous les coups de boutoir du conflit auquel il va participer. Sur place, il va tout connaître : la brutalité de la belligérance, les enfants-soldats – dont ce Momar Dembé dont l’existence va le hanter –, la souffrance des populations touchées. Parallèlement, il va éprouver au plus profond de ses chairs et de son âme la couardise des élites politiques, leur invraisemblable inconstance, l’infidélité des masses qui vont soutenir leurs troupes puis les vouer aux gémonies au gré des événements, et la dislocation de sa famille. Sa femme, Claire, et sa gamine, Virginie, ne connaîtront que rarement ce spectre qu’est devenu leur époux et papa souvent absent, appelé sur le champ de bataille, meurtri par le syndrome de stress post-traumatique, sombrant dans l’alcool et la drogue, purgé par sa hiérarchie qui préfère progressivement des guerriers plus aseptisés. Le Mal qui est né sur ces terres de latérite s’y est développé avant de devenir une tumeur insatiable et invincible, aura même des répercussions létales et monstrueuses sur le territoire français, une atrocité que l’on découvre, éberlué, dans le dernier chapitre. Estelle Tharreau nous propose un roman singulier, mémorable et d’une rare intensité psychologique, bien loin des poncifs du genre, proposant un bel hommage aux vétérans – quels que soient les affrontements auxquels ils ont participé – tout en apportant un éclairage lucide et d’une sidérante justesse quant aux conséquences de la cruauté, créature tyrannique se nourrissant de ses propres ravages.

    On savait déjà qu’Estelle Tharreau était talentueuse, son dernier vient confirmer notre sentiment. Mieux : il la classe parmi les écrivains dont il faut nécessairement guetter la sortie des prochaines œuvres littéraires comme une vigie surveille l’arrivée des renforts.

    11/05/2023 à 07:04 5

  • Les Aveux

    John Wainwright

    9/10 Rogate-on-Sands, une ville balnéaire sans histoire de quatre cent mille âmes. Herbert Grantley y travaille comme pharmacien, mais s’il se rend au commissariat, c’est pour une tout autre raison : il vient avouer le meurtre par empoisonnement de son épouse, Norah, un an plus tôt. Tout y est clair, circonstancié, transparent : il a bel et bien tué sa femme. Cependant, sous le velours de cette confession trop propre et spontanée, l’inspecteur-chef Lyle comprend qu’il y a quelque chose qui cloche.

    De John Wainwright, on a déjà beaucoup aimé, entre autres, les excellents Bois de justice et Une Confession. L’auteur, expert des dialogues qui claquent, des atmosphères chargées de suspicion et de textes à la fois forts et minimalistes, nous offre un roman du même acabit. Ses mots sont simples, accessibles, sans véritables envolées littéraires, mais le charme opère, un peu à la manière de ce qu’écrivait Georges Simenon : sa plume a beau être élémentaire, elle recèle un puissant venin. On apprend lentement à connaître ce brave Herbert, si calme, si posé, amateur de musique classique et de littérature, jouissant de son temps libre dans un petit bureau dont il refuse l’accès à son épouse. Dans le même temps, il dévoile la lente désagrégation de son couple dont il rend en partie responsable Norah. Cette femme, aimée trop vite et trop tôt, fréquente des milieux féministes, n’apprécie que la musique futile, s’avère être une mère sans instinct protecteur, se montre trop liée à ses parents, a des appétits de rupture sans avoir le courage d’aller au bout de ses velléités. Trop heureux de pouvoir vivre seul dans son petit confort égoïste et débonnaire après ce mariage qui n’a été qu’une erreur, Herbert a mûri l’idée de se débarrasser de sa conjointe en optant pour l’aconit. Mais tout ceci est-il aussi authentique qu’il ne le dit ? D’une manière particulièrement fine et crédible, John Wainwright lève le voile sur une terrible mystification. Deux cent vingt pages seulement, mais quel régal ! Des réparties remarquables de vraisemblance, un récit en apparence commun mais qui va révéler une duperie assourdissante, et un excellent rebondissement qui vient pimenter un texte d’une magnifique tenue. On se souviendra longtemps de ces échanges et de cette ambiance qui rappelleront nécessairement le film Garde à vue (normal, il s’agit d’une adaptation d’A table ! du même auteur), ainsi que de la virtuosité de l’ensemble.

    Un roman exceptionnel de maestria, où les apparences peuvent dissimuler de terribles artifices.

    10/05/2023 à 06:57 7

  • Jeu de peaux

    Anouk Shutterberg

    7/10 Juliano Rizzoni, célèbre et richissime artiste, a dernièrement peint les dos de dix personnalités selon le rituel japonais du tatouage irezumi. Or, il se trouve que toutes ces peaux encrées sont découvertes chez Sotheby’s Paris, accompagnées d’un accord desdits porteurs des œuvres qui consentent à une vente aux enchères. Est-ce un coup tordu de l’artiste ? Des commanditaires de ces peintures ? La manigance d’un psychopathe ? Le commissaire Stéphane Jourdain et son équipière l’inspectrice Lucie Bunevial se mettent à enquêter…

    Ce premier roman de Anouk Shutterberg séduit dès les premiers chapitres par l’originalité de son pitch et sa plume alerte. On découvre ainsi deux limiers assez originaux, entre Jourdain, particulièrement intelligent, gouailleur et meneur d’hommes, et sa partenaire, Lucie, au physique détonnant et n’ayant jamais achevé ses études artistiques. Le milieu de la jet set, de la peinture et des grands capitaines d’industrie sont plutôt bien rendus même si quelques clichés, peut-être inhérents à ce type de portraits, émaillent les descriptions. Passé le premier tiers de l’ouvrage, le rythme s’intensifie avec des rebondissements savoureux et des trajectoires scénaristiques inattendues. Sans jamais verser dans le gore, l’écrivaine nous donne à voir de sacrés supplices et autres tortures férocement barbares, le décor allant des Etats-Unis à la Serbie en passant bien évidemment par la France. Nos deux enquêteurs ne sont pas au bout de leurs surprises et c’est surtout Lucie qui va tirer son épingle du jeu et lever le voile sur une machination surprenante et savoureuse, aux allures de chasse mondiale au trésor. Anouk Shutterberg gâte son lectorat et on lui pardonne quelques défauts – comme un final un peu abrupt et des longueurs superflues dans les portraits de ces porteurs de peaux, avec une indulgence d’autant plus nécessaire qu’il s’agit là de son premier livre.

    Un thriller original et séduisant, qui donne vraiment envie de voir ce que Bestial peut offrir, sachant qu’il met également en scène le commissaire Jourdain.

    09/05/2023 à 06:51 5

  • L’Affaire de la maison bleue

    Maurice Renard

    4/10 Transi de froid, esseulé, égaré, le narrateur rejoint après une séance de chasse « La Maison Bleue », une auberge, et le lendemain, on annonce avoir découvert le cadavre de l’un de ses pensionnaires. La simple observation des vêtements de la victime suffira au commissaire Jérôme pour déterminer l’identité des coupables.
    Une nouvelle sympathique, qui repose uniquement sur les talents d’observation et de déduction de l’enquêteur, mais l’ensemble est vraiment trop court, sans que le suspense ait eu le temps d’être tissé, et la résolution en devient presque téléphonée, l’examen réalisé par le policier n’étant pas non d’une extraordinaire originalité. En somme : bof.

    08/05/2023 à 18:10 3

  • Les Guerriers du silence

    Pierre Bordage

    7/10 Une œuvre de SF difficile à résumer tant elle est dense et riche, et que je ne suis pas un spécialiste ni un fan du genre (mais on m’a offert ce roman, alors je n’ai pas refusé l’obstacle). Un ouvrage costaud (637 pages dans la version poche que j’ai obtenue) et une histoire parfois dédaléenne, mais posant de justes éclairages et questionnements sur des thématiques intemporelles comme le fanatisme religieux, le contrôle et ses manières peu légales et légitimes de l’exercer, etc. Parfois quelques écueils comme un côté sentimentaliste et naïf un peu trop appuyé à propos des sentiments de certains protagonistes, et puisqu’on parle de cela, un nombre parfois trop important et artificiel de personnages car ne faisant qu’une apparition trop brève ou ne réapparaissant que beaucoup plus tard. Bref, à la base, la SF n’est pas trop ma came, mais là, impossible de nier le talent de l’auteur (dans le fond comme dans la forme) ni de reconnaître les évidentes qualités de ce beau pavé. Pas certain du tout en revanche que je sois au rendez-vous des autres tomes de la série que celui-ci inaugure.

    06/05/2023 à 18:01 3

  • Survivor's Club tome 1

    Anajiro, Aoisei

    8/10 Collège Shiroiwa : les sept survivants de l’explosion d’une bombe se réunissent trois ans après la tragédie. L’œuvre d’un terroriste ? Non : la vengeance d’un élève constamment harcelé, Hijiri Nakagoshi, qui s’est fait sauter en plein cours. Vingt-sept morts, des amputés, des blessés. Et si l’un des survivants avait aidé Hijiri en lui fournissant la bombe ? Dans le même temps, la dénommée Serizawa prend sa classe en otage, essayant ainsi de faire le procès de ses harceleurs.
    Une esthétique classique mais très efficace, un ton sacrément dur (les scènes de l’empilement des prothèses sur la table et du carnage après la déflagration sont mémorables), où l’enquête sur l’acte passé et l’actuel, en cours, s’entremêlent à merveille, avec une évidente dénonciation du harcèlement et de ses conséquences. C’est brut, fort et intelligent.

    04/05/2023 à 20:01 1

  • Fire Power T.1

    Robert Kirkman, Chris Samnee

    7/10 Un expéditeur, Owen Johnson, perdu dans des montagnes enneigées et qui parvient à rejoindre le « Temple du poing enflammé ». Un mélange dynamique d’arts martiaux, de magie, de quête initiatique, avec quelques sacrés moments de baston, notamment dans le final (incendié). Un grand moment de plaisir !

    02/05/2023 à 20:38 3

  • Le Noël d'Agatha

    Marion Chesney

    7/10 "C’est ainsi que l’inspecteur Bill Wong [...] apprit qu’Agatha Raisin avait tué Len Leech avec un pudding de Noël.", est-il écrit à la fin de la première partie de ce récit. Si Agatha est très vite disculpée de cette mort, tout n'est pas pour autant résolu. Une histoire sympathique, bien menée, avec quelques moments bien cocasses et une atmosphère oscillant entre celle des livres d'Agatha Christie et de la série Barnaby. Pas mémorable ni indispensable, mais au moins un bon moment d'une lecture purement distractive.

    01/05/2023 à 11:46 3

  • Zaya tome 1

    Jean-David Morvan, Huang Jia Wei

    5/10 Une sculptrice qui maîtrise un indélicat, un étrange sniper qui fait feu sur le véhicule d’une famille, une main balancée dans un collecteur de déchets : une entame très particulière, autant que le graphisme à la Enki Bilal. Les allers-retours entre les scènes de ces diverses planètes, le fait que l’histoire ne soit pas plus directement et immédiatement plantée m’a fait tiquer et j’ai plusieurs fois failli abandonner, sans compter des bavardages longuets et des discours presque abscons. Ce n’est clairement pas ma came.

    01/05/2023 à 08:30 2

  • L'éternité ne suffit pas

    Pierre-Mony Chan, Jean-Luc Sala

    6/10 Voilà nos héros faits prisonniers par des Medjaÿs (je ne connaissais pas cette troupe ni son aspect historique). On voyage pas mal dans cet opus, de l’Ethiopie au Vatican en passant par Mossoul (Irak). Un tome cohérent avec les précédents : décontracté et plutôt enjoué, aux teintes très particulières (presque un dessin animé), avec sa dose d’action bienvenue (notamment dans le dernier tiers, avec les soldats et le robot quadrupède). C’est gentillet et divertissant, agréablement vain, mais ça se laisse lire sans problème.

    29/04/2023 à 18:00 2

  • La Proie des louves

    François Boucq, Alexandro Jodorowsky

    9/10 Deux brutes essaient d’empêcher la pendaison de leur frère mais le bourreau (une femme, en l’occurrence, aperçue à la fin de l’opus précédent) ne les laisse pas faire, aider par Bouncer, qui va également découvrir que cette dame est également une dominatrice sexuelle. L’Indien tuant avec des spécimens de serpent corail est de retour. Lord Diablo également. Un chouette festin pour les porcs. De redoutables tueurs mexicains, dont l’un utilisant avec maestria une « boleadoras ». Clark Cooper dans une dernière chevauchée survoltée en ville. Comme les précédents tomes, ça déglingue les codes du western tout en les exploitant intelligemment, le tout au gré de magnifiques graphismes. Je suis fan !

    29/04/2023 à 17:59 3

  • La Cinquième Victime

    Franck Linol

    7/10 Un sexagénaire vient d’être retrouvé assassiné au lieu-dit Chez Lucas, dans le Limousin. Mais le malheureux n’a pas été que tué : il a également été crucifié et châtré. Pour mener l’enquête, les policiers Dumontel et Marval, des gens du cru, qui vont devoir exhumer une saloperie vieille de plusieurs décennies.

    Initialement paru aux Editions Geste en 2010, ce roman de Franck Linol vient d’être réédité en poche chez J’ai lu. L’occasion de (re)découvrir ce premier livre de l’auteur qui inaugurait par la même occasion sa série « Meurtres en Limousin ». Un petit plaisir de littérature. On y retrouve la plume de l’auteur, généreuse, fort agréable, sachant prendre son temps pour dépeindre un village, une ruelle, un paysage, tous issus de son Limousin natal. Franck Linol aime cette région, nous la fait découvrir du point de vue historique, géographique, gastronomique, et son personnage Franck Dumontel est lui-même solidement ancré dans cette belle province. Œnologue amateur, ancienne épée de la police (il a tout de même contribué à l’arrestation de Guy Georges), c’est aujourd’hui un flic hédoniste qui ne porte que très rarement son arme de service, tente de renouer avec sa femme et parcourt sa région natale au volant de sa Golf en écoutant du bon vieux rock. L’intrigue policière est assez traditionnelle, se calquant sur le principe un peu éculé du crime sordide commis bien des années auparavant et à propos duquel un individu s’est érigé en vengeur. Ce n’est donc pas au niveau du scénario que Franck Linol va nous surprendre, tant il est vrai que l’écrivain va ici se contenter de multiplier les événements si attendus qu’ils en deviennent presque téléphonés. En revanche, il y a dans sa prose une forme de nonchalance et de relâchement qui conviennent parfaitement à ce type de récit. Un rythme décontracté vient alors bercer le lecteur qui, même conscient de la maigreur de cette fiction et de ses faiblesses, ne s’en laisse pas moins emporter par le flux décomplexé et débonnaire de ce récit qui ne cherche pas à se démarquer des codes du genre mais plutôt à les réinterpréter.

    Un roman au canevas policier très classique mais qui se rachète au niveau de la forme par une décontraction apaisante et bienvenue. La plume de Franck Linol sert à merveille ce format court et cette histoire rurale. Une porte d’entrée intéressante vers l’univers de l’auteur et de ses personnages.

    28/04/2023 à 08:16 4

  • Les Affamés tome 2

    Kunitaro Tomoyasu

    8/10 Trois mois se sont écoulés depuis le précédent tome, et Wataru poursuit son entreprise : faire se reproduire des êtres humains pour les fournir en pâture aux zombies, ce qu’il appelle « augmenter nos ressources alimentaires ». Mais tandis que sa fille Umi grandit jusqu’à s’épanouir en une belle jeune femme, le comportement de Kazu, prévu d’être le reproducteur, devient de plus en plus pressant et concupiscent. Une fois de plus, un très chouette opus qui va là où les autres ouvrages traitant des morts-vivants ne sont jamais allés, c’est-à-dire loin des créatures grondantes et voraces, avec un beau traitement psychologique, des tourments moraux à la chaîne pour Wataru. Même Kazu devient sacrément intéressant, passant du statut de puceau pornographe à celui de quinquagénaire tendant à s’émouvoir et à s’éprendre d’Umi. Un très bon manga, touchant et intelligent, je tâcherai d’être au rendez-vous du troisième et dernier tome.

    25/04/2023 à 08:27 2

  • Elle a tellement changé

    Patricia Lyfoung

    6/10 Le côté magique se creuse avec la découverte de ce bélier doré qui pourrait être le porteur de la fameuse toison d’or traquée par Jason. Un tome beaucoup plus dynamique que le précédent (ça n’était pas bien difficile) avec quelques chouettes vues sur Notre-Dame de Paris, mais le côté amourettes est trop prégnant par rapport au reste, je trouve, et je peux comprendre que la scénariste et dessinatrice visait ainsi un lectorat particulier.

    25/04/2023 à 08:25 2

  • Le Monument au mort

    Alexis Ragougneau

    7/10 Dixième anniversaire de l'armistice. On célèbre le sacrifice d'André Cottard, dit "Dédé". Le rituel discours du maire, proche ami du défunt, magnifie la mémoire du héros local. Sauf que le fils connaît la vérité, et elle est bien différente...
    Une bien belle nouvelle d'une toute petite douzaine de pages, juste, malheureusement crédible et très joliment écrite, portant sur les réelles conditions du décès de Dédé. Un agréable moment de lecture, avec un final où le titre prend une tournure symbolique particulière.

    23/04/2023 à 16:54 2

  • La Tombe

    Howard Phillips Lovecraft

    8/10 ... ou comment Jervas Dudley en vient à être intrigué, attiré, hypnotisé puis possédé par une tombe, lui qui est à présent retenu dans un asile psychiatrique. Toujours la plume extraordinaire de Lovecraft, cette ambiance puissante, lourde et anxiogène, et une attraction pour cet objet sépulcral qui va tourner à la pure aliénation. C'est à la fois typique de l'œuvre de l'écrivain et - seul reproche personnel et donc très subjectif - le final avec le majordome et sa découverte en devient presque attendu. Il n'empêche, voilà une fois de plus une très bonne nouvelle !

    16/04/2023 à 21:06 4

  • La Chose sur le seuil

    Howard Phillips Lovecraft

    9/10 "Il est vrai que j’ai logé six balles dans la tête de mon meilleur ami, et pourtant j’espère montrer par le présent récit que je ne suis pas son meurtrier." Ou comment le narrateur, Dan Upton, nous conte son amitié avec Edward Derby avant de voir ce dernier se transformer au contact de sa femme, Anesath Waite, basculant dans une folie inquiétante et terrifiante au point que le narrateur s'est senti obligé, répondant à une supplique de son vieux camarade, de l'abattre.
    Je ne me lasse définitivement pas de la prose si érudite de Lovecraft, ne découvrant cette nouvelle que dernièrement. Un ton résolument fantastique, une plume presque possédée, une mécanique imparable, et une plongée dans les tréfonds d'une pure aliénation, jusqu'à la description finale du cadavre. Une excellente histoire, typique de l'œuvre de l'écrivain, ciselée et délicieusement toxique, nouant des iens avec d'autres de ses ouvrages (cf. les références à Innsmouth et à Edgar Allan Poe). Une écriture recherchée et irréprochable de qualité pour une histoire d'une rare efficacité et intemporelle.

    16/04/2023 à 18:20 3