El Marco Modérateur

3579 votes

  • Café Quinquin

    Jean-Louis Lafon

    7/10 Dans le quartier populaire de Moulins, à Lille, un incendie détruit des habitations ainsi qu’une institution locale, le Café Quinquin. Des familles déshéritées se retrouvent dans la rue, sans toit ni perspective de relogement rapide. Alors on se met à parler. Parfois à raison, parfois à tort. On ressasse l’insalubrité endémique de la zone, même si le bailleur avait été rappelé à l’ordre. On évoque ces étranges ombres croisées dans la pénombre, la veille du drame. On met en cause un possible trafic des compteurs d’électricité. Nul ne détient la vérité avec certitude. Mais peut-être que la découverte d’un cadavre fera jaillir les évidences…

    Premier ouvrage de Jean-Louis Lafon paru chez Ravet-Anceau, ce Café Quinquin est un très agréable roman. La plume de l’auteur est élégante, très plaisante à lire, et l’on plonge sans retenue dans ce microcosme que constitue le secteur de Lille-Moulins. Ses divers habitants sont dépeints avec beaucoup d’humanité, depuis les locataires en grande difficulté pécuniaire jusqu’aux travailleurs sociaux, en passant par quelques hommes d’affaires peu scrupuleux. Le combat social de Jean-Louis Lafon y est total et sincère. Le tableau qui est fait des personnages compose d’ailleurs la qualité essentielle de ce livre : malgré quelques traits parfois un peu épais, l’aspect sociologique de ce drame est une réussite. On se souviendra par exemple longtemps de Camamber, ainsi surnommé en raison de l’odeur qu’il répand, fieffé buveur, au comportement magmatique, et s’exprimant en ch’ti. La catastrophe viendra mettre en relief les embarras de la population et, dans le même temps, une formidable solidarité locale. L’intrigue policière est en soi intéressante, sans pour autant être remarquable ; on devine assez vite qui sont les coupables, ou tout du moins dans quel groupe ils se situent.

    L’objectif de Jean-Louis Lafon est atteint : croquer un drame social avec une histoire policière en arrière-plan. Voilà un roman engagé très réussi, peuplé d’êtres humains dessinés avec une évidente affection, et bien écrit.

    13/01/2013 à 18:39

  • Dans la nuit de Hong-Kong

    Paul Naomi

    7/10 Lian, lycéenne de Hong-Kong, milite au sein d’un groupe secret de hackers, surnommé « 04.06 » en référence aux événements de la place Tiananmen. Leurs objectifs : combattre les injustices, lutter contre la corruption et mettre à jour les pratiques de certains groupes capitalistes. Quand Lian ainsi qu’une amie découvrent sur une plage le cadavre d’une jeune inconnue, c’est le début d’une traque où bien des masques vont tomber.

    Premier ouvrage de la série consacrée à Komiko – le pseudonyme de Lian au sein du 04.06 – et écrite par Naomi Paul, cette Nuit de Hong-Kong s’appuie sur tous les éléments nécessaires à un succès critique et public. Les divers protagonistes, notamment ceux du groupuscule d’informaticiens, sont facilement identifiables, et leur quête, implacable, les rend immédiatement attachants. Ils constituent autant de personnalités, diverses et sympathiques, pour lesquelles les jeunes lecteurs nourrissent de la sympathie. L’ennemi de cet épisode est assez classique : un éminent homme d’affaires, abusant de la jeunesse locale comme d’un vulgaire bétail afin qu’il travaille dans ses usines, quitte à l’y faire mourir. Mais au-delà de ce ressort scénaristique attendu, Naomi Paul tire son épingle du jeu grâce à des rebondissements très efficaces et une mise en scène judicieuse d’apparences et de faux-semblants. De multiples personnages y dévoileront des identités inattendues, déplaisantes ou héroïques, au gré des épreuves imposées.

    Voilà une série qui se présente sous les meilleurs auspices. Des héros toniques et investis, une plume alerte, et une aventure où le divertissement pur côtoie de justes réflexions quant à la maltraitance humaine. On ne peut que souhaiter retrouver ces mêmes qualités dans les futurs ouvrages de Naomi Paul.

    13/01/2013 à 18:34

  • Mystère à la citadelle

    Roselyne Bertin

    7/10 Ravissant petit polar, Mystère à la citadelle apportera sans nul doute bien du plaisir aux jeunes, tout autant grâce à la plume expérimentée de Roselyne Bertin qu’aux divers messages apportés avec intelligence par cet opus, notamment à propos de la camaraderie.

    13/01/2013 à 18:28

  • Sale temps pour le pays

    Michaël Mention

    8/10 1976. Alors que l’Angleterre est tourmentée par des conflits divers, un tueur en série particulièrement épouvantable sévit. Parmi les policiers qui le traquent, deux agents : George Knox et Mark Burstyn. Il faudra des années et bien des drames pour que la chasse s’achève.

    Inspiré de de faits réels, cette histoire est d’autant plus saisissante. Michaël Mention, à qui l’on doit déjà La Voix secrète et Maison fondée en 1959, fait preuve une fois de plus d’un remarquable talent de narrateur. L’histoire est particulièrement prenante, et l’on bascule avec une facilité déconcertante dans une nation terrorisée par cet assassin insaisissable, en même temps que l’on est rudoyé par le climat de l’époque, avec les heurts politiques, économiques et raciaux. Le récit est dynamique, avec des chapitres courts et énergiques, une écriture brûlante, des dialogues qui font mouche, et quelques clins d’œil amusants semés par l’auteur. Les personnages prennent rapidement vie, avec leurs passions, les drames qu’ils subissent, leurs errances. Tout sonne juste dans ce roman, ce qui amplifie davantage la puissance ténébreuse de ce criminel que tous ces policiers vont pourchasser durant de longues années.

    Avec une belle économie de moyens à laquelle s’allie un exceptionnel travail de documentation, Michaël Mention est parvenu autant à croquer une histoire effrayante qu’une période troublée. Voilà décidément un auteur avec lequel il faudra compter à l’avenir.

    09/01/2013 à 17:14 4

  • L'Appel du sang

    Sylvain Cordurié, Laci

    9/10 Tout le monde croyait le célèbre limier Sherlock Holmes mort. Cependant, il est encore bien en vie mais a décidé de demeurer caché pour se protéger des sbires de Moriarty. Alors qu'il compte vivre paisiblement à Londres, lui et son frère Mycroft sont agressés par des vampires. Rapidement, Sherlock va devoir reprendre du service...

    Créé par Arthur Conan Doyle et officiellement décédé dans la nouvelle Son dernier coup d'archet, Sherlock Holmes revit ici sous la forme d'un personnage de bande dessinée, et dans une ambiance fantastique. Le thème du vampire est habilement utilisé, et c'est ainsi une inquiétante galerie de personnages aux crocs prononcés qui apparaissent. Le scénario signé Sylvain Cordurié exploite les éléments inhérents au genre, mais se permet d'en jouer grâce à d'habiles jeux de pouvoirs entre plusieurs équipes de vampires. Par ailleurs, le dessin de Laci sert le récit grâce à des atmosphères glauques et menaçantes. Les lieux et expressions des personnages sont parfaitement rendus, et l'action ne manque pas, au gré d'une intrigue savamment bâtie. Et quand la dernière page arrive, la tension est si forte que le lecteur, avide de connaître la suite, ne pourra que se ruer sur Morts et vifs.

    Une bande dessinée époustouflante, où suspense et fantastique s'enchâssent avec maestria.

    09/01/2013 à 17:10 1

  • Morts et vifs

    Sylvain Cordurié, Laci

    9/10 L’Appel du sang s’achevait sur un événement haletant, tandis que Sherlock Holmes s’opposait à une bande de vampires. Les premières images de cette suite rassurent le lecteur : le détective privé est vivant. Mais il est loin d’en avoir fini avec ces monstres…

    Deuxième et dernier ouvrage de la série, cet Appel du sang constitue une habile et saisissante conclusion à ce diptyque. Le personnage créé par Arthur Conan Doyle est toujours aussi étincelant, et ses déductions et tours de passe-passe font merveille. Par ailleurs, Sylvain Cordurié, scénariste, ne s’est pas contenté de réchauffer le vieux thème des vampires. Il y a une véritable intrigue, riche et savoureuse, avec des flash-backs de bon aloi et des scènes judicieusement trouvées. Les dessins de Laci sont de purs bijoux, pour les décors, l’expressivité des personnages ainsi que les scènes d’action, dantesques.

    Voilà une bande dessinée qui ravira, à coup sûr. Les aspects policier et fantastique s’y côtoient avec bonheur, achevant une série certes courte, mais enlevée, efficace, et originale.

    09/01/2013 à 17:09 1

  • Lys, morne plaine

    Philippe Declerck

    9/10 Lille, septembre 1980. À l’occasion d’un enterrement, l’inspecteur Macquart se souvient. Une affaire ancienne, datant de la fin 1963. Un cadavre découvert en forêt, non loin de Merville. Un homme abattu au fusil de chasse, le visage massacré à l’aide d’une pierre. Un fantôme surgi du passé encore mal cautérisé de la Seconde Guerre mondiale. Une réapparition qui avait réactivé de sombres tourments. L’affaire criminelle la plus douloureuse pour Macquart.

    Après L’Écorcheur des Flandres, Le Réseau Flandres et Triple meurtre à Hazebrouck, Philippe Declerck poursuit chez Ravet-Anceau avec ce nouveau roman. L’action et le décor sont immédiatement mis en place, et les chapitres s’enchaînent à un rythme soutenu, offrant leur lot de situations captivantes, de rebondissements prenants et de personnages interlopes. Presque vingt années après la guerre, bien des rancœurs subsistent, des drames que l’on pensait ensevelis ressurgissent, déchaînant la violence. Bien loin des écrits stéréotypés et autres histoires percluses de bons sentiments, Philippe Declerck évoque des circonstances atroces, des comportements immondes, où la Libération est l’occasion de se refaire une virginité, de faire oublier ses propres lâchetés, de célébrer cette délivrance en maltraitant des boucs-émissaires. Une page d’histoire sordide où le bien et le mal peinent à être différenciés. L’intrigue, très réaliste, accapare littéralement le lecteur, jusqu’aux ultimes révélations, qui sont aussi assourdissantes que sombres. Les deux policiers Macquart et Stordeur composent un habile duo de limiers, et les personnalités de tous les protagonistes sont rendues avec habileté et crédibilité.

    Roman après roman, Philippe Declerck affirme son talent et rend ses ouvrages encore plus efficaces. Ténébreux et poignant, celui-ci est très probablement le meilleur. Un véritable petit bijou de noirceur littéraire, autant pour passer un excellent moment de lecture que pour oser regarder en face des instants volontairement négligés de notre propre histoire nationale.

    09/01/2013 à 17:04

  • Saint-Omer paranoïa

    Bénédicte Boullet-Bocquet

    6/10 Karl Keller, lieutenant de police, vit toujours sur le fil du rasoir, aussi son supérieur lui a-t-il intimé l’ordre de suivre une thérapie auprès d’une psychiatre. Mais cette dernière disparaît subitement. Des cadavres commencent à fleurir aux alentours de Saint-Omer. Et que dire de cette adolescente qui dit voir dans des rêves les victimes succomber ?

    Après Dans les brumes de Saint-Omer, Bénédicte Boullet poursuit sa série chez Ravet-Anceau consacrée au policier Keller. Sa plume est efficace, les personnages sont rendus avec crédibilité, et les trois personnes citées en début d’ouvrage, un policier et deux docteurs, accréditent cette vraisemblance. Dans ses actes, John Michael Shadow constitue un tueur en série particulièrement machiavélique, expert en informatique, prêt à toutes les abjections, et poussé à accomplir une œuvre de destruction aux accents à la fois artistiques et hautement symboliques. L’ensemble se lit à la fois facilement et rapidement, et on en regrette d’autant certains clichés émaillant le récit, en particulier quant à la personnalité de l’assassin, qui est finalement une combinaison de divers tueurs en série de fiction, avec à la clef un fort sentiment de déjà lu. Ce qui est encore plus dommage, c’est la manière trop rapide dont Bénédicte Boullet évacue l’idée de la jeune fille aux songes, à la page soixante-huit. En deux lignes, le mystère s’évapore instantanément, avortant un thème qui était pourtant prometteur.

    Un livre s’apparente parfois à une partie de poker menteur, où le bluff permet de maintenir un suspense appréciable. Dans le cas présent, en plus de quelques poncifs, Bénédicte Boullet abat trop vite certaines de ses cartes. C’est d’autant plus regrettable que son roman était endiablé et prenant.

    20/12/2012 à 18:59

  • Les mauvais joueurs

    Hervé Jubert

    8/10 La série Vagabonde s’achève donc de fort belle manière, avec énergie et malice. Indéniablement, les jeunes lecteurs auxquels cette courte saga s’adresse refermeront l’ultime page avec un léger pincement au cœur. Billie Bird, en voleuse espiègle et désopilante, fera partie de ces personnages mémorables avec lesquels il est si facile de passer plusieurs heures d’une lecture divertissante.

    20/12/2012 à 18:59

  • Soleil noir

    Robert Muchamore

    6/10 La crédibilité n’est assurément pas le point fort de ce roman. Mais son efficacité, son humour ainsi que sa brièveté en font un livre que les jeunes dévoreront avant même qu’ils ne se rendent compte de son invraisemblance, ce qui, en soi, constitue un sacré tour de force de la part de Robert Muchamore.

    20/12/2012 à 18:58 1

  • Le voyageur du passé

    Paul Halter

    8/10 Au mois de novembre 1955, un homme apparait sur le trottoir, à la sortie d’un théâtre, complètement hébété, et finit tué par une rame du métro. Cette mort pourrait sembler purement accidentelle si certains éléments ne venaient éveiller la curiosité, comme son accoutrement, très daté, ainsi que divers effets retrouvés sur son cadavre, dont une lettre adressée à son nom et datée de 1905. Cet inconnu aurait-il voyagé dans le temps ? Situation pour le moins étrange pour l’inspecteur Hurst et son ami le docteur Twist, qui n’est que le préambule à bien d’autres mystères…

    Dernier ouvrage en date issue de la série consacrée aux enquêtes du docteur Twist, ce Voyageur du passé séduit immédiatement, et c’est toujours avec un indéfectible plaisir que l’on retrouve l’univers de Paul Halter : une langue délicieusement surannée, élégante et prenante, des ambiances à la Agatha Christie croquées avec un talent rare, et une intrigue jouissive. Le lecteur a de nouveau droit à une énigme en chambre close, même si celle-ci n’est indubitablement pas la meilleure de l’auteur, mais Paul Halter la compense sans mal avec de nouvelles trouvailles scénaristiques, à travers une sombre histoire de représailles, étalée sur plusieurs décennies, et qui, magie littéraire propre à l’écrivain, parvient toujours à surprendre et renouveler le genre.

    Rares sont les auteurs à être aussi constants dans la qualité de leurs productions et, paradoxalement, originaux dans la construction d’ouvrages ayant pourtant tant de points communs. Assurément, ce nouvel opus de Paul Halter est une véritable réussite, autant au niveau de l’histoire que de sa narration, et qui offre une relecture tonitruante de l’adage qui veut que la vengeance est un plat qui se mange froid.

    20/12/2012 à 18:58

  • L'Origine du mal

    Gilles Haumont

    7/10 Dans un futur proche, un terrible virus mutant anéantit la population du continent nord-américain. Est aussitôt créée l’INGEN, l’International Genetic Agency, une organisation ayant pour vocation de veiller au bon déroulement des recherches en matière de génie génétique. Parmi ses nouvelles recrues se trouvent Guillaume Beaumont, un jeune Français au talent indéniable, et deux de ses amis. Une série d’éliminations ciblées va venir décimer les rangs des élites de l’INGEN. Guillaume est alors chargé d’enquêter et mettre à nu le complot ainsi que ses instigateurs.

    Gilles Haumont signe un premier roman riche et ambitieux. Le style s’impose rapidement de lui-même : la langue de l’auteur est belle, très agréable à lire, les divers personnages rapidement mis en scène, le tout au gré de scènes passionnantes. Le lecteur est aussitôt plongé dans les débats houleux entre les divers courants de pensée concernant l’évolution et la génétique. Les assertions y sont nombreuses et passionnantes, intelligemment présentées, vulgarisées sans pour autant être simplificatrices. De même, des notions religieuses et géopolitiques viennent enrichir le récit. Gilles Haumont sait indéniablement planter un décor, y faire s’ébattre des protagonistes denses et crédibles, et leur faire mener une investigation captivante.
    Le seul véritable reproche que l’on pourrait lui adresser concerne la construction de l’ouvrage. Schématiquement, on assiste à une enquête, certes captivante, puis vient la découverte du territoire nord-américain, qui fera obligatoirement penser à Je suis une légende de Richard Matheson. Succède alors une série de scènes faisant furieusement penser à du Agatha Christie, et ensuite une autre courte partie où l’ésotérique et le scientifique s’entremêlent. L’ensemble se lit avec délectation, il s’agit d’une évidence, mais cette succession de genres peut déstabiliser, voire décevoir.

    Entre thriller, livre fantastique, roman d’aventures et roman à énigme, Gilles Haumont a conçu un premier ouvrage singulier, à la fois distractif et instructif, qu’il est bien difficile de lâcher, même si sa structure hétérogène pourra éventuellement dépiter.

    12/12/2012 à 17:25 1

  • Sauve-toi Nora !

    Agnès Laroche

    8/10 Félix, adolescent, aime passer du temps avec son oncle Jacques, spirite improvisé, dans sa roulotte. Un jour, alors que Jacques est en consultation, Félix entend une voix dans sa tête qui crie « Sauve-toi, sauve-toi Nora ! ». Ce phénomène extralucide lui viendrait-il de son grand-père, voyant avéré ? Quand il apprend que la personne qui venait consulter son oncle a une petite-fille effectivement prénommée Nora, le jeune homme se doute que le danger est réel. Mais comment parvenir à faire admettre aux autres un tel prodige ?

    Après Le Fantôme de Sarah Fisher et Murder Party, Agnès Laroche revient chez Rageot avec ce nouvel opus de très grande tenue. Le postulat est très original, et la suite donnée par l’auteur est intelligemment menée. Félix est convaincant en jeune judoka aussi courageux qu’inexpérimenté face au danger. Les diverses péripéties sont bien construites, et l’ensemble permet de passer un très bon moment de frissons. Agnès Laroche sait manier les émotions de ses personnages, les rendre immédiatement attachants et crédibles. D’ailleurs, alors que l’idée de départ pouvait n’être qu’un simple prétexte pour un canevas policier plus classique, la lecture du roman ainsi que sa conclusion démentent cette crainte : tout y est habile, efficace et prenant.

    Agnès Laroche compte donc parmi ces auteurs de grand talent, qui savent imaginer des récits captivants et atypiques. L’occasion de se replonger dans sa bibliographie ou de découvrir la prose de cette dame si ingénieuse.

    12/12/2012 à 17:22

  • Le Bourreau de Portland

    Michel Montheillet

    8/10 Ce Bourreau de Portland constitue donc une relecture avantageuse du livre de Maxime Chattam. Indéniablement servie par le talent d’illustrateur de Michel Montheillet, cette bande dessinée offre une nouvelle perspective, un angle d’attaque à la fois différent, autonome et complémentaire de la bibliographie si riche de Maxime Chattam. Une réussite tant artistique que scénaristique que l’on a hâte de retrouver dans les autres épisodes.

    26/11/2012 à 15:20 1

  • Fiasco

    Nada

    8/10 Une dizaine de personnages, tous rongés par les contradictions, les frustrations, et d’implicites envies de mort. Une galerie d’individus perdus dans notre société de consommation. Des environnements interlopes autour desquels gravitent des sentiments contradictoires qui ne demandent qu’à s’exprimer. Le chaos est proche. La mort rôde. Le sang va couler. Et nul ne pourra stopper cette lente autodestruction.

    Après Démolition et Hécatombe, Nada poursuit son immersion dans les ténèbres. Rapidement, le ton est donné, celui que l’on attendait de l’écrivain : c’est hard. Les scènes de sexe sont crûes, et décrivent parfois pendant des pages entières les relations, qu’elles soient hétérosexuelles ou homosexuelles. Rien n’est suggéré dans les actes, tout est limpide, d’une manière presque naturaliste. D’ailleurs, la puissance d’évocation de Nada est illimitée : l’auteur ne s’interdit absolument rien, et n’épargne pas son lectorat. En ce sens, il est très probablement le plus radical du genre.
    Dans cet ouvrage, il dresse le portrait d’une dizaine de protagonistes qui vont, à un moment ou un autre, entrer en collision. Entre eux. Entre leurs appétits de vie. Entre leurs convoitises de mort. Prisonnier passionné de slam. Tueurs de bobos. Photographe rongé par son art. Consommateurs de drogue prêts à tout pour obtenir un shoot. Petits bourgeois porteurs de bonne conscience mais corrodés par des vices innommables. On sait rapidement que tout ce système va exploser, voire imploser, et que les éclats seront mortels. Indéniablement, Nada fait mal. Très mal. À la tête. Aux tripes. À tous ces organes de l’organisme humain auxquels son opus s’adresse. Si l’on peut regretter que l’ensemble ne soit pas toujours ramassé autour d’une seule intrigue centrale, telle une colonne vertébrale scénaristique, l’histoire retournera certainement le lecteur, si celui-ci a eu l’estomac suffisamment solide pour aller au bout.

    Fiasco s’apparente à une partie de billard américain. Les personnages sont regroupés, puis le joueur éclate cette formation avec une boule unique. Les billes vont ensuite se caramboler, sortir du tapis, disparaître dans les trous. Un désordre sanglant et monstrueux, désespéré, aussi dérangeant qu’unique. Un grand hurlement littéraire.

    26/11/2012 à 15:14

  • L'Assassin impossible

    Laurent Chabin

    7/10 Rebecca et trois de ses amis partent en vacances au pied des Rocheuses, où les attend M. Larsen, un vieil ami des parents de Rebecca. Sur place, la beauté des paysages ainsi que les multiples activités prévues saisissent les adolescents. Mais la réjouissance tourne rapidement au désastre : Larsen est agressé dans la forêt, et son corps disparaît, ne laissant sur place qu’une traînée de sang. Puis ce sont les craintes de rôdeurs mal intentionnés qui viennent hanter le quatuor.

    Auteur de plus de soixante-dix romans, Laurent Chabin intègre à présent la collection Heure Noire de Rageot, avec cet ouvrage paru originellement en 1997. L’auteur plonge presque immédiatement le lecteur dans l’ambiance des montagnes isolées, grâce à un décor splendide rapidement planté et une ambiance qui va vite tourner à l’effrayant. Les protagonistes, dépeints en quelques phrases, s’apprêtent à vivre une bien angoissante aventure, perdus aux confins du monde. Un corps qui s’évapore dans les bois, des personnages inquiétants à qui ils prêtent de sombres desseins, un agresseur qui entre comme il veut dans un chalet fermé, voilà quelques-uns des signes qui vont plonger les héros dans la terreur. L’intrigue ménage un habile rebondissement dans le dernier chapitre, et, même si l’intrigue en soi n’est pas exceptionnelle, elle regorge de délicieux instants de peur. Laurent Chabin sait habilement décrire des situations où le suspense saisit aux tripes, usant de ressorts stylistiques et descriptifs efficaces.

    Cet Assassin impossible constitue un bien agréable roman pour les jeunes qui passeront de bons moments de frousse tout en essayant de saisir les ficelles du scénario. Un ouvrage de qualité où le froid des lieux décrits contraste avec la fièvre qui ne cessera de monter chez les lecteurs.

    26/11/2012 à 15:09

  • La Nuit Interdite

    Thierry Serfaty

    9/10 Vénéneux, instructif sans être bavard, saisissant, cette première pierre de l’édifice de la série consacrée à la Pyramide mentale est une véritable réussite.

    26/11/2012 à 15:08 1

  • Le bal de l'Equarrisseur

    Guillaume Prévost

    9/10 Voilà un opus bien né et d’une rare efficacité. En plus d’être culturellement enrichissant, il se montre diablement original et marquant. C’est donc avec fébrilité que l’on se ruera tout naturellement sur le troisième livre de la série, à savoir Le Quadrille des maudits.

    12/11/2012 à 15:30 2

  • Interception

    Marin Ledun

    9/10 Valentine est épileptique, et son état semble empirer. Pire : elle est désormais la proie de cauchemars récurrents et effrayants. Ses parents décident de lui faire intégrer un lycée-clinique expérimental. Mais sur place, l’adolescente se rend compte que sa guérison ne fait pas nécessairement partie des objectifs des médecins.

    Écrivain reconnu en littérature pour adultes, Marin Ledun a également composé des œuvres pour les jeunes, comme Un cri dans la forêt et Luz. Il signe ici un ouvrage qui paraît dans la collection Thriller de chez Rageot, et la magie opère immédiatement. Le style est attisé, sec, brutal. Les chapitres se dévorent à toute allure, et le roman est bâti de manière très intelligente. Mais au-delà de la forme, remarquable, c’est l’histoire qui stupéfie. Une fille, sujette à l’épilepsie, et qui peut ainsi accéder à un monde parallèle, semblable à un dédale ponctué de portes, derrière lesquelles se trouvent des univers possibles et contrôlés par des spectres ainsi qu’un bien étrange personnage. Le pari était osé : proposer aux lecteurs – jeunes – un récit d’une originalité inouïe, servie par une plume incendiaire et incendiée. Et ce défi est amplement réussi. Tout, dans ce livre, est accrocheur et percutant. Il est d’ailleurs bien difficile d’évoquer le contenu de cet opus sans dévoiler certaines situations qui ne manqueront pas de surprendre, quel que soit l’âge de celles et ceux qui le liront.

    Dans cette collection naissante, nous avions, entre autres, le percutant Blackzone de Philip Le Roy, le cérébral Spiral de Paul Halter, et l’engagé et lyrique Dernier ours de Charlotte Bousquet. Nous avons désormais cet inclassable livre survolté de Marin Ledun, qui achève de faire de cet auteur, s’il en fallait encore une preuve, l’un des meilleurs de sa génération.

    06/11/2012 à 15:16 2

  • Taxiphobie

    Michel Honaker

    8/10 Jaryl Andrup est un raider. Son métier : faire de l’argent en bourse, quitte à user de moyens brutaux, sans la moindre déontologie. Sa vie est opulente. Mais tout déraille lorsque sa voiture de sport entre en collision avec un taxi. Rapidement, Jaryl se sent épié, voire menacé. Il semblerait que tous les taxis de la ville se soient ligués contre lui…

    Auteur à succès, Michel Honaker n’en finit pas de régaler ses fans, à savoir les jeunes. Dans ce court roman, dont la concision pourrait presque le faire ressembler à une nouvelle, l’ambiance est rapidement posée. L’action et le suspense sont omniprésents, et ce jusqu’au final qui se déroule dans les ultimes pages. La plume de l’auteur fait, une fois de plus, des merveilles, allant à l’essentiel, de manière nerveuse et imparable, pour littéralement scotcher le lecteur. L’ensemble se lit à très grande vitesse, et l’on passe un excellent moment, que l’on soit jeune ou adulte. Ce qui est aussi édifiant dans cet ouvrage, c’est l’apparente simplicité avec laquelle Michel Honaker sait rendre crédible une ambiance paranoïaque. Tout s’enchaîne de manière fluide et plausible. Un tour de force.
    Ce qui est également judicieux, c’est le choix de l’écrivain quant au protagoniste principal. Souvent, la littérature jeunesse met en scène des personnages sympathiques, et immédiatement attachants, auxquels on peut s’identifier. Jaryl Andrup est au contraire machiavélique, sournois, odieux. L’engrenage dans lequel il va lentement entrer fait cependant que l’on éprouve de l’empathie pour lui, voire de la sympathie.

    Une fois de plus, Michel Honaker écrit avec une justesse et une efficacité folles. Un roman d’une simplicité redoutable, qui ne pourra que plaire aux lecteurs, indépendamment de leur âge.

    06/11/2012 à 15:12