El Marco Modérateur

3273 votes

  • Dernier tour de manège

    Jean-Paul Nozière

    8/10 Dans les parages de Bocagna, entre Bourgogne et Franche-Comté, un déséquilibré mutile des chevaux et agresse leurs propriétaires. Louise Brocoin et Sakun Sen, deux individus récupérant des créances pour des tiers, découvrent ainsi, au cours de l’une de leurs « missions », une femme bâillonnée et sa jument massacrée. Il faudra l’intervention du brave adjudant Patrick Gannori pour y voir un peu plus clair dans cette affaire.

    Jean-Paul Nozière signe ici un très bon roman noir. L’ambiance rurale est parfaitement restituée, les décors vivent sous sa plume, et les multiples personnages qui peuplent ce livre sont d’une belle épaisseur humaine. Jugez plutôt : Louise, femme désirable et gironde, dont la fille a été enlevée par son géniteur ; Sakun dit le Viet, mastard testant les religions les unes après les autres ; Patrick, dont le paternel est un haut gradé de la gendarmerie, qui a des velléités littéraires et qui brûle d’amour pour Louise. Ajoutez à ce trio atypique un gourou spirite et un criminel obsédé par son épouse, les mutilations sur les animaux et les plans singuliers pour atteindre l’immortalité, et vous obtenez une palette très colorée de protagonistes. Le style de Jean-Paul Nozière alterne adroitement les moments de tension et les portraits psychologiques de ses personnages, sans oublier des touches d’un humour salvateur. L’intrigue est également bien conçue, riche et originale, ne s’achevant qu’à l’ultime page, voire à l’ultime ligne.

    Dernier tour de manège est donc un pur régal, jouant sur les codes du roman noir tout en se jouant d’eux. Une réussite supplémentaire à porter au crédit de l’auteur du Silence des morts, Je vais tuer mon papa et Cocktail Molotov.

    02/10/2011 à 18:43

  • Le Portrait du mal

    Graham Masterton

    7/10 Une étrange dynastie s'en prend à des innocents dont on retrouve ensuite les corps, massacrés. Qui sont ces êtres qui semblent en quête d'un secret inavouable ? Et quel est le rapport avec ce tableau en pleine décrépitude ? Vincent Pearson, l'actuel propriétaire de l'œuvre, découvrira la teneur du projet de ces monstres.

    Graham Masterton fait partie de ces très célèbres auteurs d'horreur, au même titre que Stephen King et Dean Koontz. Ce Portrait du Mal est une habile variation sur le thème de l'œuvre maudite et de l'éternité, dont Oscar Wilde, avec son Portrait de Dorian Gray, fut le génial pionnier. D'entrée de jeu, on prend en plein visage le style de l'écrivain, si doué pour générer des frissons au lecteur avec des ambiances glauques et des éruptions de violences sordides. Les personnages ont suffisamment d'épaisseur pour tenir la distance, et Graham Masterton a ménagé des rebondissements, certes attendus, mais bienvenus pour maintenir l'attention. Si le cœur de la machination ourdie par les Gray est assez vite révélée – la description des cadavres ne laisse guère de doute à ce sujet, l'auteur a su imaginer des situations brillantes et atypiques, comme cette course effrénée à travers les tableaux dans les derniers moments, ou encore la condition finale de Vincent Pearson.

    Hommage à l'histoire d'Oscar Wilde dont il se démarque par quelques judicieuses trouvailles, ce roman réserve son lot d'angoisses horrifiques, d'événements macabres et de phénomènes inquiétants pour largement contenter les amateurs du genre.

    21/09/2011 à 12:48 2

  • Natural Enemies

    Julius Horwitz

    8/10 Paul Steward est l’éditeur new-yorkais d’une revue spécialisée dans les articles scientifiques. Trois enfants, une femme, une maison dans le Connecticut, une entreprise qui marche bien. Des signes extérieurs de bonheur. Des leurres. Car aujourd'hui, Paul Steward va se suicider et entraîner dans la mort sa famille. Pourquoi, alors que tout semblait être si prospère pour lui ? C'est ce qu'il explique dans ce récit.

    Second ouvrage de Julius Horwitz à avoir été traduit en français après Journal d'une fille de Harlem, il décrit, à partir de six heures du matin, l'ultime journée de ce citoyen américain si commun. Histoire narrée à la première personne, ce livre est particulièrement original, tant par le sujet que par sa forme. Julius Horwitz brosse, au gré des rencontres du protagoniste, l'existence à la fois si florissante en apparence et pourtant si futile de Paul Steward. Il rencontrera sa secrétaire, un fidèle ami rescapé des camps de concentration, des prostituées, ainsi que son épouse et ses enfants. Au gré de ces dialogues et réflexions, le lecteur touche rapidement du doigt les faux-semblants d'un parcours sentimental, professionnel et psychologique finalement vide, seulement camouflé par les atours de la normalité. Paul Steward n'est pas un homme heureux : son travail ne le comble pas, sa femme, en proie aux dépressions répétitives et profondes, ne lui apporte aucun secours, et il a brisé les ponts sans s'en rendre compte avec sa progéniture. Alors, que lui reste-t-il ? Rien. Julius Horwitz parvient à un véritable tour de force : mettre en relief les absurdités de la vie d'un homme lambda, avec ses joies chimériques, ses impasses amoureuses, ses incongruités existentielles. Le lecteur trouvera probablement des échos de cette destinée erronée dans son propre vécu, ce qui atteste de la puissance narrative de Julius Horwitz : trouver, sous le vernis des conventions et des codes sociaux, ces petites pierres d'achoppement sur lesquelles n'importe qui pourra un jour ou l'autre glisser et tomber bas, très bas.

    Voilà un roman sans effusion de sang ni scène choc. Semblable à une rivière, lente et sinueuse, l'histoire se déploie de manière calme et apaisée, pour aboutir au drame, inéluctable. Il s'agit d'une tragédie moderne, très crédible et marquante, qui interrogera chacun sur sa place dans la société, avec des préceptes forts et bien sentis quant aux relations à autrui, à la famille et au couple.

    11/09/2011 à 12:14

  • Marcq ou crève !

    Philippe Govart

    9/10 Le corps d'une jeune et jolie femme est retrouvé sur un terrain vague. Deux policiers vont être, à la suite l'un de l'autre, sur l'affaire : Schryve, un être détruit du point de vue humain et grand alcoolique, puis Leroy, un jeune loup plein de ressources. Ils ne ressortiront pas indemnes de cette histoire.

    Après Bondues sans confession, voici le second ouvrage de Philippe Govart à sortir chez Ravet-Anceau. En apparence classique, cette enquête criminelle est un pur régal. La plume de l'auteur mérite les plus amples compliments : tour à tour nerveuse, acide, cocasse, déchirante, elle est d'une immense efficacité. Par ailleurs, l'intrigue est un véritable modèle du genre et se décline en trois parties : d'abord Schryve qui va recueillir les premiers éléments et passer juste à côté d'un élément vital, puis Leroy, et enfin les deux enquêteurs ensemble. Le récit ménage de nombreux rebondissements au gré des personnages rencontrés, inquiétants, savoureux ou dissimulant d'amples arpents de vérité. Deux points, au-delà de la mécanique si bien huilée, retiennent l'attention : le rythme et le final. À mesure que le lecteur avale les pages, il aura l'impression que les découvertes d'informations – souvent inattendues – s'accélèreront, et ce jusqu'à la conclusion du livre. Car il y a une fin, et quelle fin ! Une issue imprévisible, à la fois monstrueuse et poignante, qui prend tout autant aux tripes qu'à l'intellect. Un point final qui résonne également comme un impressionnant point d'exclamation.

    Alors qu'il ne s'agit « que » d'un deuxième ouvrage, Marcq ou crève ! proclame sans difficulté le très grand talent de Philippe Govart. Astucieux et retors, implacable et émouvant, ce livre mérite nettement de figurer dans la bibliothèque de tout amateur de polars rugueux. Pour l'anecdote, on notera un élégant clin d'œil à Maxime Gillio et Virginie Valmain puisqu'y apparaît brièvement l'héroïne des Disparus de l'A16.

    11/09/2011 à 12:11

  • La Voix secrète

    Michaël Mention

    8/10 Au milieu des années 1830, le criminel Pierre-François Lacenaire attend son exécution dans son cachot. Il profite du temps qui lui reste pour achever ses mémoires et ainsi envoyer ses ultimes crachats à la face de la société. Dans le même temps, des enfants sont agressés et décapités, et l'on retrouve dans Paris les morceaux de leurs dépouilles. En ces temps politiquement troublés, un policier décide qu'inviter Lacenaire à participer à l'enquête peut être un bon moyen de démasquer le tueur en série, d'autant que ce dernier semble s'inspirer des méfaits de Lacenaire...

    Les Éditions du Fantascope publient deux romans de Michaël Mention à la même date, Maison fondée en 1959 et cette Voix secrète. Dans ce dernier ouvrage, captivant, le lecteur se passionne rapidement pour les deux histoires qui s'enchevêtrent : celle de Pierre-François Lacenaire, assassin honni, qui voue une haine profonde à la société qui l'a vu naître, et celle concernant le mystérieux « Coupeur de têtes ». La langue de l'auteur est admirable, subtil mélange de poésie et d'un naturalisme assourdissant. Les lieux et ambiances sont parfaitement retranscrits, avec cette capitale aux parfums méphitiques, traversée de conflits politiques et fourmillant de mille maux, à tel point que sa population ressemble parfois à une faune. Le roman est bien court – à peine plus de deux cents pages – et se lit à la fois facilement et rapidement. Malgré le caractère subversif de Lacenaire, le lecteur finit presque par ressentir pour lui de la sympathie – ou tout du moins à ne pas l'exécrer comme le laissaient pourtant augurer ses forfaits de sang. Parallèlement, l'enquête policière est brillamment menée, et permet d'explorer une étonnante galerie de personnages, depuis les écorcheurs qui sillonnent la ville jusqu'aux policiers en passant par les autres protagonistes, la plupart issus des couches populaires. Les meurtres se multiplient, les fausses pistes également, et il faut attendre l'avant-dernier chapitre pour comprendre les motivations profondes de ces ruisseaux de sang. Indéniablement, Michaël Mention dispose d'un talent rare de conteur ; en plus d'avoir bâti une intrigue adroite, il sait fixer un physique, un lieu, une atmosphère, avec une économie de mots judicieusement choisis.

    Ce polar historique au climat ténébreux est un véritable régal. À la fois sulfureux et distrayant, bien documenté et fictif, diabolique et réjouissant, il scelle de manière indiscutable l'entrée dans l'univers de la littérature policière d’un auteur de talent qui est reçu... avec mention.

    31/08/2011 à 13:13 7

  • Les ignobles du bordelais

    François Darnaudet

    8/10 Parce qu'un journaliste vient de se faire tuer avec une batte de base-ball et qu'un vieux copain l'appelle à l'aide, Gabriel Lecouvreur – alias le Poulpe – file vers Bordeaux. Sur sa route vers la justice, il va croiser des journalistes mal intentionnés, des royalistes de tous bords, des agents des Renseignements Généraux en butte avec le céphalopode, et bien d'autres périls.

    C'est déjà la deux-cent-soixante-douzième enquête de Gabriel. Le temps passe mais le personnage demeure: le Poulpe est toujours aussi sympathique et continue de régaler le lecteur avec ses investigations menées dans les milieux interlopes d'une humanité tombée bien bas. François Darnaudet-Malvy situe l'intrigue dans une région qu'il connaît bien et maîtrise les rouages d'un suspense très habilement distillé. Les adversaires de Gabriel sont nombreux et retors, et l'histoire se montre plus complexe que prévue. On découvre des politiciens aux desseins écœurants et prêts aux pires coups bas pour parvenir à leur fin : le complot ourdi n'est pas sans évoquer de sinistres réminiscences historiques comme les affaires Dreyfus, Salengro ou Mandel. Si l'action se suit avec plaisir et réserve des rebondissements – dont quelques-uns n'intervenant que dans les ultimes pages –, il faut également noter que la cabale est assez percutante, car bien conçue et dramatiquement crédible. François Darnaudet-Malvy s'est nettement documenté et prouve la plausibilité d’une sombre histoire imaginée par d’infâmes conjurateurs.

    Les ignobles du Bordelais est donc une très bonne cuvée du Poulpe, vraisemblable et prenante, laissant transparaître une nation qui n'en a pas fini avec ses vieux démons antisémites.

    27/08/2011 à 18:47 1

  • Le carré des papillons

    Guy Goutierre

    8/10 Dans les années 1950, un terrible drame secoue le village de Saint-Saulve, situé dans le département du Nord : une fillette est tuée et son corps jeté dans un puits. À l'époque, Jacques Larive, alors enfant, suit la détresse des villageois et leur colère qui les poussera d'ailleurs à lyncher un simple suspect. Il faudra une lettre, une simple lettre, reçue par Larive devenu commissaire de police des décennies plus tard, pour comprendre toute l'histoire.

    Après Une bombe sur la Grand-Place, Guy Goutierre signe son second roman policier chez l'éditeur Ravet-Anceau. Ce qui frappe d'entrée de jeu dans ce récit poignant, c'est sa structure : la première moitié décrit au travers des yeux de Jacques Larive la disparition puis la découverte du corps de la victime, la seconde est une missive apportant l'ultime éclairage quant aux tenants et aboutissants de l'affaire. Ce choix narratif est très ingénieux, en plus d'être singulier, et offre de bien belles pages de pure émotion, puisque Jacques Larive offre un témoignage particulièrement poignant. Guy Goutierre a une plume élégante et touchante, permettant de décrire avec une rare humanité une large palette de sentiments. De cette narration à la première personne, on bascule ensuite dans un exposé des faits formulé par un autre personnage. C'est de cet entrelacs de points de vue que jaillira la vérité, à la fois douloureuse et inattendue. À cet égard, peut-être pourra-t-on regretter qu'il était impossible de deviner le cœur de l'histoire et qu'elle soit révélée de cette manière, mais le talent de Guy Goutierre et la construction atypique de l'intrigue compensent sans mal cette faiblesse, bien subjective.

    Au final, on passe un très agréable moment grâce à ce roman, riche en rebondissements, et surtout déchirant. Une réussite littéraire qui doit tout autant à son aspect policier qu'à la crédibilité de ses protagonistes.

    13/08/2011 à 20:13

  • La Stratégie des ombres

    Jean-Paul Le Denmat

    6/10 Un homme qui tire sur la foule puis se suicide. Un visage ensanglanté découvert dans la forêt. Un mystérieux centre d'expérimentations, peuplé de personnages portant des noms sibyllins. Max Carel, un médecin plutôt couard. Ludovic Le Maoût, un policier amputé d'un pied suite à un accident dont il ne se souvient pas plus que de son enfance. Les routes de Carel et Le Maoût vont se croiser pour plonger vers un secret que certains veulent à tout prix protéger, quitte à sacrifier bien des vies.

    Le lecteur plonge rapidement dans l'ambiance trépidante de ce roman, avec un prologue violent et visuel. Puis les chapitres – nombreux et très courts – s'enchaînent à toute allure. Indéniablement, Jean-Paul Le Denmat dispose d'une plume racée et efficace, qui sait parfaitement retranscrire les scènes d'action. Le roman, malgré sa taille assez conséquente, se lit plutôt rapidement, notamment grâce à cette écriture bouillonnante, et l'on bascule d'un mystère à un autre avec des questions en tête, toujours plus nombreuses à mesure que l'on progresse dans le récit. Qui sont ces tueurs surentraînés ? Quel secret dissimulent-ils ? Que cache ce terrible foyer ?
    Si le style de Jean-Paul Le Denmat emprunte sans conteste à ceux d'illustres pairs comme Jean-Christophe Grangé ou Olivier Descosse, il ne parvient toutefois pas à atteindre le niveau de ces prédécesseurs, notamment en raison d'un double écueil : complexité excessive et vacuité partielle de l'intrigue. Les protagonistes apparaissent souvent très – voire trop – nombreux, parfois sans nécessité, et le lecteur pourra se perdre dans cette galerie de personnages dont certains vont jusqu'à endosser quatre identités différentes que l'on découvre au fur et à mesure. Parallèlement, alors que la structure du récit et sa forme sont particulièrement détonantes – rythmique des chapitres, scènes d'actions très bien chorégraphiées et style impeccable, on ne pourra que regretter que l'intrigue en elle-même soit finalement assez classique. Elle donne lieu à un complot peu innovant, que n'importe quel lecteur aura déjà pu voir ailleurs, avec des rebondissements qui se laissent parfois aisément deviner alors qu'ils auraient dû être de véritables catalyseurs. Du déjà lu, en somme.

    Si le titre du roman est ambitieux et l'élocution de Jean-Paul Le Denmat très réussie, l'intrigue ne convainc pas. Une étincelle d'originalité aurait pu enflammer ce matériau prometteur, mais la détonation n'a jamais lieu. Reste que le livre se laisse lire avec intérêt et permet d'espérer d'autres ouvrages plus réussis, si l'écrivain parvient à se démarquer de ses références littéraires et proposer un scénario plus original.

    07/08/2011 à 17:57

  • Les Doigts rouges

    Marc Villard

    7/10 Un bon petit polar, brodant une intrigue intéressante sur des thèmes habituels de la littérature jeunesse : famille, amitié, enfance, ainsi que fausses apparences. Ça se lit en cinq minutes seulement et ne s'adresse qu'aux plus jeunes lecteurs – la plupart des adultes peuvent donc passer leur chemin – mais ça permet de passer un bon moment en plus de proposer un suspense intéressant à des enfants.

    30/07/2011 à 18:56 2

  • Aladdin et le crime de la bibliothèque

    Corinne Bouchard, Pierre Mezinski

    5/10 Une histoire assez simple et des personnages sympathiques, mais je regrette un ensemble un peu convenu et une intrigue au final banale. Une petite déception en ce qui me concerne.

    30/07/2011 à 18:55

  • Crim' Sur la Côte

    Bernard Deloupy

    8/10 Un homme crucifié tête en bas par les carreaux d'une arbalète en plein Nice. Le Président de la République enlevé. La menace terroriste et la guerre entre les religions planent sur la planète quand un prétendu message audiovisuel du kidnappé envahit les télévisions pour annoncer que l'heure n'est plus aux dissuasions contre l'Iran mais à la riposte. Entre allumés de Dieu, barbouzes, militaires et autres partisans de l'hécatombe, il faudra bien de la patience et du panache à Garri Gasiglia pour empêcher la Terre de virer à l'anchoïade.

    Troisième enquête du célèbre détective privé niçois après Crim' sur la Prom' et Crim' sous le tram', ce Crim' sur la Côte ravit d'entrée de jeu le lecteur. On retrouve le style si typique de Bernard Deloupy : des chapitres courts et bien cadencés, des lieux très variés qui se succèdent, et une structure intelligemment agencée. Les divers endroits visités, principalement le sud-est de la France mais aussi le Vatican, Paris et même l'Iran, sont dépeints avec bonheur, et les divers cercles du pouvoir – armée, espionnage, religion – semblent crédibles. La plume de Bernard Deloupy est toujours aussi alerte, gorgée d'humour, et le personnage central qu'est Garri Gasiglia est en soi un petit enchantement littéraire. Délicieusement attiré par la ripaille et les festins qu'offre le terroir, amoureux de la terre méditerranéenne, chantre de l'hédonisme et fiévreux partisan des plaisirs terrestres, il offre un contrepoint harmonieux au sérieux des événements décrits dans le livre. L'ensemble est assez court – à peine plus de deux-cents pages – et se lit rapidement, procurant de bien agréables heures d'une lecture détendante et décomplexée. S'il est bien un point qui retient l'attention tout au long du récit, c'est justement cette apparente contradiction entre la gravité de l'intrigue et son traitement. Des ordres religieux en lutte depuis les Croisades, des services secrets sur les dents, des escouades prêtes à en découdre avec l'ennemi, et un monde sur le point d'être désintégré dans un immense champignon atomique... Et au milieu de tout cela, Garri Gasiglia, trublion sagace, distribuant les coups au même rythme que les formules colorées, désamorçant une situation qui semblait dévolue à un énième James Bond. C'est tout le talent de Bernard Deloupy : parvenir à établir un équilibre entre sérieux et gaillardise, suspense et légèreté, vraisemblance et fantaisie.

    Crim' sur la Côte est donc un opus à nouveau réussi de la série consacrée à Garri Gasiglia. Tout en visitant des thèmes sensibles – conflit des cultes et danger nucléaire, Bernard Deloupy réussit le pari fou de livrer un ouvrage qui conjugue avec adresse nervosité et verve. Un véritable plaisir que l'on a hâte de retrouver dans la quatrième enquête du détective niçois, Crim' au Cap.

    26/07/2011 à 18:44

  • Le Secret de l'Abbaye

    Brigitte Aubert

    7/10 Quelques longueurs à mon goût, mais un style inimitable avec pas mal d'humour, et une enquête très divertissante !

    22/07/2011 à 14:25

  • Il va venir

    Marcus Malte

    8/10 Un très bon roman pour la jeunesse, court et prenant. Triple unité – de lieu, de temps et d'action – avec ce qu'il faut de tension pour passer un agréable moment. La plume de Marcus Malte est vive, adaptée à la fois au lectorat visé et aux personnages mis en scène, et l'ensemble se lit avec plaisir. Ce fut mon premier livre de l'auteur, qui plus est issu de sa bibliographie destinée à la jeunesse, et je ne doute pas un seul instant que j'en lirai d'autres de lui dans un avenir proche.

    13/07/2011 à 18:42 1

  • Je mourrai pas gibier

    Guillaume Guéraud

    9/10 Une œuvre dure et cruelle, ou comment un jeune homme bascule dans la folie meurtrière au sein d'un village parce qu'on s'en est pris à un pauvre bougre sans défense. Une écriture au cordeau, sèche et noire, pour une histoire crédible et terriblement humaine. Un livre pour les jeunes, certes, mais pas n'importe lesquels : certaines scènes sont très dures. Un roman ayant reçu le prix Sorcières 2007 à juste raison.

    13/07/2011 à 18:41 1

  • Au seuil de l'abîme

    Hake Talbot

    8/10 Un roman percutant, présentant de nombreuses intrigues dans le même récit. Pour les fans de John Dickson Carr et autres spécialistes de l'ésotérisme, une petite perle méconnue à découvrir d'urgence.

    13/07/2011 à 18:39

  • Périgord noir

    Élie Robert-Nicoud

    9/10 Un homme hanté par les mauvais traitements infligés par son frère et prêt à se porter au secours d'un garçonnet. Un mari qui retombe étrangement amoureux de son épouse. Un enfant qui vient dire qu'il a été témoin d'un meurtre... et s'adresse en fait au meurtrier. Des histoires sombres et terriblement humaines. Bienvenue dans le Périgord de Louis Sanders.

    L'auteur a signé des romans remarquables pour les adultes (par exemple, Passe-temps pour les âmes ignobles) comme pour les jeunes (Monsieur Marval est mort ou Victime Delta). Ici, dans cette collection où des écrivains reconnus ont signé des recueils de nouvelles (Brigitte Aubert, Jean-Paul Nozière, Armand Cabasson ou Colin Thibert pour ne citer qu'eux), c'est au tour de Louis Sanders de relever le défi des histoires courtes destinées à un jeune public. Le romancier s'illustre encore une fois en prenant le Périgord comme décor de ses intrigues. On retrouve donc le cadre géographique qu'il affectionne tant, mais aussi son style : peu de dialogues, des descriptions psychologiques léchées et surtout un sens rare de l'observation. Tous les personnages, des principaux aux secondaires, sont particulièrement bien décrits, crédibles, et le lecteur ne pourra qu'être impressionné par la manière si intime et affectueuse qu'a Louis Sanders de les peindre. Au fil de ces six nouvelles, on explore avec plaisir le genre noir, s'ancrant dans un réalisme placide, en suivant le fil rouge que constituent ces existences en apparence anodines et pourtant riches en enseignements. Il n'y a pas d'effusion de sang, d'action spectaculaire, de sempiternel tueur en série tapi dans l'ombre : tout est plausible, comme chuchoté tel un murmure glacé. L'aspect policier des récits s'épaissit à mesure que l'on progresse dans le recueil, jusqu'à livrer de véritables pépites de noirceur.

    Louis Sanders ravit une fois de plus ses lecteurs. Une griffe très personnelle, des destins paisibles qui dissimulent sous leurs contours sereins des fêlures et des malheurs. Une peinture naturaliste de microcosmes humains où le drame n'est jamais loin, embusqué à quelques mots de là.

    04/07/2011 à 16:06

  • Noires sont les ailes de mon ange

    Lewis Elliott Chaze

    8/10 Tim est un jeune évadé de prison. Sa route croise celle de Virginia, une femme aussi magnifique qu'énigmatique. Ils s'éprennent l'un de l'autre et décident de braquer un fourgon blindé. Ce sera pour eux l'étincelle qui embrasera leur union et les conduira aux enfers.

    Sur le thème classique et néanmoins porteur de la femme fatale, Elliott Chaze a créé un roman noir particulièrement captivant. L'ensemble est court et certains passages sont également concis, conférant au récit une allure soutenue. L'auteur sait parfaitement décrire les failles et les tourments humains, les plongeant dans des ambiances à la fois crédibles et sombres. Chaque personnage a ses zones d'ombre, son passé équivoque, ses sinistres appétits. L'histoire est très bien imaginée, et le lecteur suit l'inévitable déchéance des deux protagonistes. Sans la moindre scène échevelée, avec une retenue qui sied à la crédibilité de l'histoire, Elliott Chaze a bâti un scénario implacable, aussi obscur que la longue nuit qui guette Tim et Virginia. En fait, Noires sont les ailes de mon ange est un classique, écrit en 1953 et adapté au cinéma par Jean-Pierre Mocky sous le titre « Il gèle en enfer ». Le voir ainsi réédité est l'occasion de découvrir un livre méconnu mais très efficace, qui constitue l'un de ces petits joyaux que l'on ne se lasse pas de mirer.

    29/06/2011 à 17:15 1

  • Les Teutons flingueurs

    Stéphane Geffray

    7/10 Quand il apprend en ouvrant son journal qu'un pensionnat destiné à héberger des orphelins est sur le point d'être fermé dans le Lubéron, balançant ses jeunes locataires dans la rue, le sang de Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, ne fait qu'un tour. Ce qu'il découvre sur place sera encore plus abominable que prévu : des nervis semblent encore accrochés aux terribles rêves du nazisme.

    Cent-quarante-neuvième enquête du Poulpe, Les Teutons Flingueurs est placé sous la plume de Stéphane Geffray. Comme à l'accoutumée, le célèbre céphalopode se retrouve aux prises avec des personnages hideux, et il lui faudra toute sa fougue pour mettre à bas les projets de ses adversaires. Le roman s'ouvre sur la scène du suicide forcé d'un trader, histoire qui réapparaîtra par la suite dans l'intrigue. Le ton est alerte, l'humour bien présent, et il est toujours aussi plaisant de suivre Gabriel dans une nouvelle investigation. Ici, les ennemis sont clairement et rapidement identifiés : les nazis ainsi que leurs avatars contemporains. Pire : ces engeances doublent leur idéologie nauséabonde de pratiques criminelles diverses. On l'aura compris, la subtilité n'est pas la préoccupation première de Stéphane Geffray. Néanmoins, au-delà de ce trait un peu forcé, le lecteur voit Gabriel Lecouvreur se montrer particulièrement ému par l'une des femmes qu'il vient secourir, et bien moins leste que d'habitude. Par ailleurs, il en vient à se poser des questions de possible paternité en voyant s'ébattre ces jeunes orphelins. C'est toute la dynamique de cette série : respecter un cahier des charges tout en offrant à l'auteur du moment la possibilité d'imprimer des inflexions au personnage. Et là, dans ce combat contre la descendance spirituelle d'Adolf Hitler, le Poulpe s'en donne à cœur joie : poursuites, castagnes, explosions, fusillades... L'action ne manque pas, au point de permettre au lecteur d'atteindre une certaine catharsis : il est jouissif de voir Gabriel dessouder du brigand, du tortionnaire, du malfaisant.

    Même s'il ne constitue pas l'un des meilleurs opus de la série, Les Teutons flingueurs compose un agréable moment de lecture, sans le moindre complexe, au style visuel indéniable. À noter pour l'anecdote que le titre est un jeu de mots sur un film dialogué par Michel Audiard, comme le sont d'autres épisodes de la série du Poulpe tels Ataxie pour Hazebrouck de Serge Turbé ou Un singe en Isère de Marin Ledun.

    22/06/2011 à 17:09 1

  • Les pendus de la forêt de Mormal

    Mylène André

    8/10 Un cadavre découvert dans un relais de chasse par un enfant, et c'est tout un univers qui implose. Rancœurs, coupables trop évidents, sanctions judiciaires injustifiées, criminels en fuite... Il faudra au commissaire Lesauvage déployer des trésors de sagacité pour découvrir l'épicentre du drame.

    Premier roman de Mylène André, Les pendus de la forêt de Mormal constitue une remarquable entrée de la part de son auteur dans les jardins de la littérature policière. L'intrigue est prenante, et les rebondissements s'enchaînent sur la fin à une vitesse soutenue. Les chapitres courts alternent avec bonheur, offrant de multiples points de vue sur l'enquête, et l'on découvre une intéressante palette de protagonistes. Le commissaire Lesauvage est, à cet égard, un personnage attachant que l'on aimerait recroiser dans d'autres ouvrages de Mylène André : séducteur en diable grâce à un physique irrésistible, grand fumeur de joints, il détonne dans un domaine où beaucoup d'écrivains se plaisent à imaginer des personnages parfaits et lisses jusqu'à l'écœurement. Les lieux sont intelligemment décrits, et la plume de l'auteur rend honneur à la région de son enfance. D'ailleurs, s'il y a bien une qualité, parmi tant d'autres, qui mérite d'être célébrée, c'est la langue de Mylène André. Les dialogues sont assez rares, et ce fait est admirablement compensé par des descriptions géographiques et psychologiques de grande qualité. À chaque paragraphe, le lecteur gourmand de belles lettres découvrira des formules pertinentes, des expressions qui font mouche et des mots touchants.

    Les pendus de la forêt de Mormal est donc une réussite indéniable qui doit tout autant à l'histoire qu'au verbe qui la porte. Il n'y a plus qu'à espérer d'autres livres de cette tenue de la part de Mylène André.

    15/06/2011 à 17:42

  • Panique aux urgences

    Brigitte Aubert, Gisèle Cavali

    7/10 Un roman à l'intrigue simple mais efficace, avec Brigitte Aubert et Gisèle Cavali qui se mettent à la perfection dans la peau d'un adolescent, avec suspense et humour à la clef. Un bon moment de lecture distrayante.

    06/06/2011 à 17:38