El Marco Modérateur

3231 votes

  • Aux Armes défuntes

    Pierre Hanot

    9/10 Assurément, Aux armes défuntes fait partie de ces ouvrages quasiment inclassables, quelque part entre le journal de guerre, le roman noir, le récit de science-fiction déjanté et l’exercice de style littéraire, et ce serait pour le moins évident de dire qu’il ne plaira pas à tout le monde. Pierre Hanot a signé une œuvre exigeante, bien loin de celles qui se laissent apprivoiser sereinement. C’est audacieux, troublant, parfois gênant. Une composition qui marque durablement les esprits à défaut de vouloir les séduire.

    14/05/2012 à 17:30

  • Mauvais sangs

    Sarah Cohen-Scali

    9/10 Un peu moins de cent pages, avec une écriture aérée. Le calcul est rapide : la lecture le sera tout autant, aussi véloce que le sont les chutes des nouvelles. Un tour de force littéraire qui magnifie ce recueil devenu un classique de la littérature jeunesse.

    07/05/2012 à 19:39

  • Le Dernier assassin

    Barry Eisler

    6/10 Parce qu'il sait désormais qu'il est père d'un petit Koichiro, né de l'union avec la belle Midori, le tueur John Rain cherche à se racheter une conduite et épouser une nouvelle existence. Mais pour préserver la vie de sa famille, il doit exécuter un contrat, personnel cette fois-ci : l'attendent de terribles yakuzas ainsi que les membres de triades chinoises.

    Cet épisode de la série consacrée à John Rain et écrite par Barry Eisler ravira les amateurs. On retrouve l'assassin à gages, toujours aussi efficace dans ses missions et prompt au combat tactique. Pour l'aider dans cette guerre intime, viennent à son secours la magnifique Delilah, l'agente du Mossad au charme vénéneux, et Dox, sniper à la gouaille colorée. L'action est toujours omniprésente, virile et prenante, avec quelques touches d'un humour bienvenu, rappelant certains écrits de Chris Ryan. L'intrigue s'insère bien dans le fil de la saga, et le lecteur sera heureux de voir John Rain douter face à ses responsabilités de père, entrevoir un autre avenir, et croiser le fer sans aucun autre but que de défendre les siens. Certaines scènes sont assurément marquantes, comme l'affrontement contre les sumos ou l'attaque du club, remplissant amplement les objectifs distractifs du roman. On ne peut dès lors que regretter quelques personnages manquant de profondeur ou altérés par des clichés, et certaines situations trop téléphonées pour être crédibles.

    Le dernier assassin est donc un ouvrage pleinement orienté vers la satisfaction de lecteurs à la recherche d'action hollywoodienne. À cet égard, le roman est une réussite. Néanmoins, les écueils propres à ce genre littéraire – invraisemblances et manque de profondeur des protagonistes – ternissent le tableau.

    07/05/2012 à 19:38

  • Karl

    Martial Caroff

    8/10 Dans le 9-4 (traduisez Val-de-Marne), Karl, Mo et Tony sont des amis inséparables. Suite à un fait de délinquance, ils font la rencontre, au commissariat, de Ronan, enfant de policier, puis de Layla, fille d’un couple bourgeois ayant réussi dans le milieu de l’art. Mais on n’échappe pas comme ça à la loi de la banlieue. Pour des motifs variés et conjugués, ces cinq adolescents vont connaître quatre-vingt-cinq heures de cauchemar.

    Premier roman du triptyque intitulé Trilogie noire écrit par Martial Caroff, cet ouvrage est une pure réussite. Destiné à un public plutôt lycéen sans que les adultes ne soient pour autant écartés du lectorat potentiel, le livre saisit rapidement par la justesse de son ton. Aussi lointain des clichés d’une certaine enfance complètement barbare comme de ceux décrivant ces quartiers avec un angélisme béat, l’auteur parvient à faire évoluer ses personnages avec intelligence. On y croise des ados brisés par la vie, soumis au doute et à la volonté de rédemption, ainsi que d’autres devenus des criminels en puissance, pervertis par l’appât du gain facile et la volonté de copier des jeunes ayant réussi grâce à des commerces peu avouables. C’est en quelque sorte, sans moralisation ni dénigrement systématiques, un portrait fidèle d’une jeunesse ordinaire de banlieue.
    Dans ce cadre, les cinq personnages principaux vont subir une série d’événements imprévisibles, et devenir les jouets d’un destin violent et sanglant. Trafics, appétits de vengeance, amitiés passées sous silence pour parvenir à se faire un nom, etc. Selon une mécanique adroite et efficace, tels les rouages d’une machine infernale, les individus vont devoir faire des choix : s’aider ou se détruire. Les barres de métal, couteaux et armes à feu vont jaillir. Parce que l’on menace l’intégrité physique de Layla. Parce que l’on soupçonne Mo d’avoir fait disparaître l’argent d’un vol. Parce que l’organisation criminelle de la cité a décidé de se débarrasser des gêneurs. Et quand éclate la violence, Martial Caroff rompt avec le langage habituel des ouvrages destinés à la jeunesse : c’est réel, sauvage, barbare.

    Avec cette entrée en matière, voilà une trilogie qui s’annonce sous les meilleurs auspices. Le deuxième tome est annoncé pour l’automne, et l’extrait présent en fin de roman fait déjà saliver. Il ne faut pas se fier au dessin de la couverture que certains pourraient juger un peu trop sage, ou du moins en décalage avec la teneur de l’opus : Martial Caroff concilie la dureté du roman noir à une photographie sans concession d’une cité actuelle.

    17/04/2012 à 18:58

  • Da Vinci Code

    Dan Brown

    7/10 Lu il y a un bail. J'en garde, comme beaucoup, le souvenir d'un livre à la fois prenant, érudit et atypique, ayant lancé une "mode" littéraire, mais parfois un peu présomptueux, hollywoodien.

    16/04/2012 à 18:00 1

  • La Mort dans les bois

    Tana French

    8/10 En Irlande, alors qu'ils jouaient dans les bois, trois enfants disparaissent. Un seul d'entre eux en ressortira, mais amnésique. Vingt ans plus tard, devenu inspecteur de police, le survivant est confronté à un nouveau drame dans la forêt : une gamine est retrouvée morte, le crâne fracassé. Y a-t-il un lien entre les deux affaires ? Pour le savoir, Rob va devoir laisser revenir les fantômes du passé.

    Tana French dispose d'une plume captivante, dont les effets se produisent dès le prologue ; entièrement écrit à la première personne, le récit devient rapidement prenant. Les pistes s'avèrent nombreuses car la zone où a été découvert le corps accueille un site archéologique sur lequel doit être bientôt bâtie une autoroute. Le meurtre, sauvage, est-il l'œuvre d'un détraqué ? D'un opposant au projet de construction ? D'un adepte de sacrifices tels qu'ils avaient lieu en ce lieu consacré ? Pour résoudre cette énigme, Rob et son équipe ne seront pas de trop. On remarque d'ailleurs que Tana French a réalisé une histoire très crédible, avec des personnages présentant de réelles profondeurs humaines, en proie aux doutes ou aux erreurs, et c'est même probablement la grande force de ce roman. Tout y sonne juste, des réactions des protagonistes à leurs dialogues en passant par les situations, et l'auteur dispose d'une rare palette de mots, pourtant simples mais efficaces, pour rendre ces instants plausibles et humains. Le livre est pourtant assez épais, mais on n'y sent aucune longueur. Le dénouement est bien trouvé, et, à l'instar de l'ensemble du livre, vraisemblable : il n'y a pas d'événement alambiqué, de rebondissement saugrenu. L'enquête menée par Rob et ses collègues est une véritable réussite puisqu'ils vont lentement agencer les pièces du puzzle et mettre en lumière des personnalités et comportement écœurants.

    De manière sobre et minutieuse, les policiers de Tana French vont ordonner le chaos, pour notre plus grand plaisir. Un opus attrayant et solide, bien sombre, même si la fin risque de frustrer quelques lecteurs.

    14/04/2012 à 11:05 1

  • Spiral

    Paul Halter

    8/10 Quand Mélanie part pour Dinard où l’attend son oncle Jerry, Quentin se sent patraque. Dans cette lande bretonne isolée, sans moyen de communication moderne, Mélanie correspond par courrier avec son amoureux. Mais là-bas, un assassin rôde, un étrangleur qui a déjà plusieurs victimes à son actif. Et que dire de cette pièce isolée tout en haut d’un escalier effrayant où un meurtre en chambre close semble pourtant impossible ?

    L’auteur des très bons Tigre borgne, La Septième hypothèse ou encore de La Nuit du Minotaure arrive chez Rageot dans la collection Thriller. On retrouve le style de Paul Halter : écriture fine et élégante, personnages nombreux et ambigus, et une ambiance particulièrement menaçante. Cet écrivain, en quelques phrases, sait dépeindre un lieu trouble où l’on se doute de l’arrivée imminente d’un drame. Sa plume sert ici une intrigue mise à la portée des jeunes (collégiens et lycéens) et qui saura également satisfaire les adultes, avec notamment une belle mise en relief des tendres relations entre Mélanie et Quentin.
    Usurpation d’identité, tueur en série, une murder party qui tourne mal, un meurtre en chambre close, des rebondissements abondants, des chapitres courts qui s’achèvent sur des cliffhangers bien sentis, le tout dans le décor spectral d’une maison abandonnée sur les récifs bretons. Tous les éléments pour accaparer l’attention du lecteur sont là, et employés de manière efficace. Le suspense est savoureux, et ce n’est que dans les ultimes pages que Paul Halter lève le voile sur l’identité du tueur et ses motivations. Une bien belle réussite.

    Les trois premiers ouvrages à sortir dans cette nouvelle collection étaient Décollage immédiat de Fabien Clavel et Les Voleurs de têtes d’Hervé Jubert, ainsi que Spiral. Ce dernier opus constitue certainement le plus cérébral des trois. Une œuvre maîtresse, où Paul Halter accroît son aura de grand auteur français, en plus d’ajouter une nouvelle corde à son arc : la possibilité presque naturelle de s’adresser à des lecteurs plus jeunes.

    14/04/2012 à 11:02

  • Mission 13 - Le clan Aramov

    Robert Muchamore

    8/10 Ryan Sharma rejoint enfin les rangs de CHERUB, une agence gouvernementale composée d’espions adolescents, aux talents physiques et intellectuels prononcés. Première mission : devenir l’ami d’un geek de son âge, qui n’est autre que le membre d’une famille mafieuse du Kirghizstan, et ainsi livrer à ses employeurs de précieuses informations quant aux trafics en cours. Parallèlement, Fu Ning apprend que son père adoptif a été arrêté. Elle s’enfuit en compagnie de sa mère, mais des criminels sont sur leurs traces.

    CHERUB se régénère : après une première série lancée par Robert Muchamore et comptant douze opus, elle réapparaît désormais avec une nouvelle recrue, Ryan Sharma. Le ton est rapidement donné : c’est nerveux, intelligent, et sacrément efficace. À peine les entraînements sont-ils finis que Ryan doit apprendre la loi du terrain, faite de stratagèmes, de manœuvres et de coups plus ou moins vicieux. Indéniablement, les jeunes lecteurs auxquels se destine cette série sauront apprécier l’écriture fougueuse, les enchaînements habiles ainsi que les situations emplies d’action et de suspense. C’est aussi au niveau de l’identification qu’ils trouveront leur bonheur : les héros sont des ados attachants, particulièrement doués en combat et en ingénieux, et procurent ainsi de bons moments de détente littéraire.
    Même si les lecteurs visés sont jeunes, certains passages sont parfois violents, comme lors des séances de torture physique ou psychologique, sans que cela ne puisse néanmoins les rebuter. Face à la mafia, aux trafiquants d’êtres humains ou lors des épreuves de sélection au sein de CHERUB, Robert Muchamore sait maintenir un suspense constant tout en imaginant une intrigue solide qui tient ses promesses. Tout au plus peut-on reprocher quelques longueurs quelquefois inutiles dans la dernière partie du roman qui freinent la nervosité de l’ensemble.

    Ce nouveau départ pour la série CHERUB, tant appréciée du point de vue critique que public, est une réussite : panache, savoir-faire, originalité, tout se conjugue pour en faire une suite qui saura combler les attentes des aficionados.

    04/04/2012 à 17:33 2

  • Clair de Lune

    Jeffery Deaver

    7/10 À New York, deux personnes semblent avoir été assassinées par un mystérieux individu. Les points communs : le tueur a fait en sorte que ses victimes aient eu le temps de souffrir, et un pendule est découvert sur chaque lieu du crime. La police fait appel au criminologue Lincoln Rhyme pour résoudre cette affaire. Parallèlement, Amelia Sachs, la compagne et équipière de Lincoln, entame en solo une enquête qui porte sur des policiers corrompus.

    Écrit par Jeffery Deaver, ce Clair de lune témoigne des atouts majeurs de la série consacrée à Rhyme et Sachs. Écriture fluide et nerveuse, suspense au cordeau, intrigue complexe et maîtrisée, exploitation savante des méthodes scientifiques de la police, tout concourt à renouveler la magie des opus précédents. L’enquêteur Lincoln Rhyme, malgré sa tétraplégie, est toujours aussi vif et brillant, et ses techniques d’investigation et de déduction en font un personnage véritablement singulier dans la littérature policière. De plus, Jeffery Deaver inaugure un personnage nouveau, Kathryn Dance, analyste capable de détecter les mensonges de ses semblables grâce à sa lecture si aiguë du langage corporel, et que l’on retrouve dans une nouvelle série amorcée par La belle endormie.
    Ce roman pourrait donc être une réussite totale si l’on ne déplorait chez l’auteur une volonté de multiplier les rebondissements, notamment quant au tueur en série, à son identité et ses motivations profondes. Certes, elles sont astucieuses et maintiennent l’attention du lecteur, mais elles finissent presque par lasser, tant leur surabondance apparaît artificielle, voire factice.

    Pour conclure, Clair de lune est assurément un thriller efficace et à la hauteur des espérances des lecteurs fans de Jeffery Deaver, mais qui aurait peut-être gagné à être moins sophistiqué dans sa construction, et ainsi être plus crédible.

    04/04/2012 à 17:26 2

  • Voleurs à la douzaine

    Donald Westlake

    7/10 Imaginez-vous un voleur qui arrive en plein cambriolage et devient un otage ? Ce même voleur à qui un ancien détenu devenu artiste propose un casse pour faire grimper la cote de ses œuvres ? Ou encore un cheval en guise de cible pour un enlèvement ? Non ? Eh bien, c’est que vous ne connaissez pas encore Dortmunder…

    Personnage fétiche de Donald Westlake, que l’on retrouve par exemple dans Bonne conduite, Pierre qui roule ou Les Sentiers du désastre, Dortmunder est l’archétype du personnage à qui il arrive des aventures pour le moins cocasses. Voleur volé, voire volé voleur, un peu à la manière de l’arroseur arrosé, il vit dans ce recueil des péripéties drôles et toujours surprenantes. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les dialogues, et l’on rit de bon cœur à de multiples reprises. Par ailleurs, c’est aussi l’occasion de découvrir une palette de personnages – complices de Dortmunder ou simples connaissances – très amusants. Cependant, il ne s’agit pas d’une simple démonstration désopilante, car les intrigues sont également réussies. Tel un leitmotiv, quasiment chacune des nouvelles qui composent ce livre comporte des rebondissements, et le final se ponctue d’une surprise enthousiasmante.

    Court, enlevé, séduisant, ce recueil d’historiettes est une petite perle. Certaines d’entre elles sont certes moins efficaces que d’autres, mais l’ensemble propose assurément un très agréable moment de décontraction.

    02/04/2012 à 18:35 2

  • Maléfices

    Maxime Chattam

    8/10 Une intrigue à mon goût plus originale que celles des précédents opus, et qui m'a captivé.

    29/03/2012 à 19:27 1

  • L'Âme du Mal

    Maxime Chattam

    8/10 Un thriller très efficace, qui vient habilement jouer sur les plates-bandes des auteurs anglo-saxons.

    29/03/2012 à 19:26

  • In Tenebris

    Maxime Chattam

    7/10 Parfois un peu trop "américanisé" à mon goût, mais un scénario, une tenue et une plume très efficaces.

    29/03/2012 à 19:24

  • La mort des rêves

    Do Raze

    9/10 Dans un futur proche, les hommes sont devenus conscients d’un fait incroyable : toutes les nuits, ils font le Rêve qui décrit avec une précision chirurgicale la manière dont ils périront. Même s’ils sont incapables de se l’expliquer, le phénomène est notoirement connu, et chacun sait comment il périra. Mais cette prédestination, érigée en dogme sociétal, est mise à mal quand Alexandre Grand est tué par balles par sa compagne alors qu’il devait succomber à une embolie pulmonaire. Le policier Samuel Ferret est mis sur l’enquête. Et si ces Rêves n’étaient pas aussi incontestables qu’on ne le prétendait ?

    Premier ouvrage de Do Raze et récompensé par le Prix du premier roman du festival de Beaune, cette Mort des rêves part d’un postulat unique, et qui montre bien l’imagination débordante de l’écrivaine : une société complètement conditionnée par des songes élevés à un rang cultuel, et qui annihile donc toute autonomie, toute liberté. Cependant, le trépas d’Alexandre Grand, si différent de celui représenté dans son Rêve, semble montrer le contraire. Affabulation de la victime ? Possibilité réelle de détourner le destin ? Simple erreur dans l’ordonnancement des événements ? Manipulation ? Il faudra à Samuel Ferret faire preuve de détermination et de sang-froid pour comprendre le fin mot de cette intrigue.
    On a parfois bien du mal à croire qu’il s’agit là d’un premier ouvrage : l’écriture est magistrale, le suspense savamment dosé, et les espérances apportées par le scénario sont largement comblées. Quelque part entre le roman fantastique et le policier, l’auteur a su créer, de manière concise et très adroite, un univers envoûtant, parallèle, et pourtant diablement crédible. Les personnages sont d’une grande densité, avec une mention spéciale pour Samuel Ferret, issu d’une famille brisée par la naissance d’un enfant trisomique, et douloureusement attaché à ce frère handicapé. Les mots, choisis avec goût et employés avec parcimonie, cognent, éblouissent, traumatisent, interrogent le lecteur. L’histoire se déploie patiemment, avec maestria, nourrissant de nombreuses réflexions quant à la liberté et au déterminisme des humains que nous sommes. Les intrigues se mêlent, se bousculent, se télescopent, et l’épilogue – ou plus exactement les épilogues – interviennent comme de puissants points d’exclamation autant que finaux à cette histoire sans précédent.

    Do Raze a signé un ouvrage policier de tout premier ordre. Vertigineux, aussi enivrant que troublant, il marquera sans conteste les esprits par son propos, sa noirceur et son audace. Un coup de maître.

    28/03/2012 à 19:17

  • L'attaque du casino de Malo

    Bernard Thilie

    7/10 Dans ce récit court et qui n’a pas d’autre vocation que distraire, on assiste aux péripéties de trois gaillards, chacun étant immédiatement reconnaissable grâce à des personnalités bien distinctes. D’ailleurs, les autres protagonistes sont tout aussi désopilants, de Nez Rouge à Adrien, sans oublier les femmes et les autres vieillards qui constituent autant de petites pépites. Parfois, certaines scènes sont exagérées et quelques répliques sont issues d’un stylo à la plume un peu épaisse, mais on pardonne volontiers ces modiques travers à l’auteur, dont on salue sincèrement l’originalité et l’humour.

    Au sein d’une série de livres dont on a programmé la lecture, il arrive parfois que l’on veuille s’offrir une pause. Si, entre des romans trop sombres à votre goût, des ouvrages à énigmes abusivement complexes ou des thrillers échevelés, vous souhaitez vous offrir une récréation, comme on se délecte d’un bon vin pour se refaire le palais entre deux mets, glissez-y un ouvrage de Bernard Thilie : il offrira à coup sûr un réjouissant interlude !

    21/03/2012 à 19:34

  • Seules dans la nuit

    Brigitte Aubert, Gisèle Cavali

    6/10 Alicia, une enfant, ainsi que sa mère sont kidnappées par des hommes au beau milieu de la nuit et emmenées de force dans une camionnette. Grâce à un subterfuge, Alicia parvient à s’enfuir et se terre dans une station-service. Carole, une jeune fille qui pensait pouvoir profiter de ce week-end sans ses parents, découvre la fugitive, mais ignore encore que les criminels ne comptent pas laisser s’échapper ainsi leur proie…

    Brigitte Aubert et Gisèle Cavali signent dans la collection Heure noire chez Rageot un nouvel opus destiné à la jeunesse après Panique aux urgences. Très court, sans le moindre temps mort, le récit exploite avec brio le thème de la fuite. Le vocabulaire est simple sans jamais être simpliste, les situations décrites avec intelligence, et les lecteurs trouveront sans peine chez Carole et Alicia des personnages auxquels s’attacher et s’identifier. Les épisodes s’enchaînent avec efficacité, et l’on ne voit pas passer le temps aux côtés des deux fuyardes. L’humour est également bien présent, et de nombreuses réflexions d’Alicia prêtent à sourire.
    Cependant, l’intrigue n’est pas en soi inoubliable. Lorsque l’on apprend les raisons de la poursuite menée par les gangsters, il n’y a aucun choc : le sujet est classique, voire trop, et son traitement, ou plus exactement sa mise en valeur, n’en apparaît que d’autant plus faible. Il y avait peut-être à ce niveau quelque chose à creuser afin de rendre le roman encore plus palpitant.

    Néanmoins, ne perdons pas de vue que le titre s’adresse à de jeunes lecteurs. À défaut de proposer une histoire singulière, Brigitte Aubert et Gisèle Cavali livrent un ouvrage vif et enthousiasmant, où, en définitive, le scénario n’est qu’un prétexte pour déployer une narration énergique et pleine de suspense, qui ravira à coup sûr le lectorat visé.

    21/03/2012 à 19:33

  • Le crépuscule des guignols

    Chrysostome Gourio

    8/10 Une bande de partisans d’Heidegger vient massacrer la famille d’Arthur. Il n’en faut pas moins pour cet homme, retiré dans les vignes, pour revenir vers les chemins de la philosophie appliquée à coups de flingues. Car avant de devenir un individu rangé, il avait mis hors d’état de nuire des êtres pour qui une certaine vision de la sagesse rime avec exécution des opposants. Avec un petit gang de compères, Arthur va revenir à Paris pour régler des comptes et en finir une bonne fois pour toutes avec ces parias.

    Après Le Dolmen des dieux, Chrysostome Gourio signe un nouvel opus enthousiasmant chez l’éditeur Baleine. Le ton est immédiatement donné : les phrases sont hachées, à peu près autant que les corps percutés par les rafales d’armes automatiques qui tombent en grand nombre dans ce roman, et des alinéas entêtants viennent appuyer ce rythme cadencé. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les répliques, et des clins d’œil à Marin Ledun ainsi qu’à la série du Poulpe, à travers l’intervention de Pedro, célèbre comparse de l’enquêteur libertaire, ne pourront qu’amuser les lecteurs. Les scènes d’action pétaradantes émaillent presque chaque chapitre, à faire passer la série des Rambo pour des avatars édulcorés de Bonne nuit les petits.
    Ce qui est le plus frappant, au-delà de cette énergie narrative, c’est le postulat de départ, dont Chrysostome Gourio ne se dépare jamais : faire entrer la philosophie dans un roman de ce type. Les théories se confrontent, toujours amplifiées par le prisme de la débauche de déflagrations, et chaque protagoniste possède ainsi sa propre résonance idéologique. C’était sacrément gonflé, et l’auteur maintient la barre jusqu’à la fin, au gré d’un jeu de massacre jubilatoire, invoquant au passage des doctrines qu’il met en relief sans pour autant rendre l’exercice pesant ou trop démonstratif.

    Ce Crépuscule des guignols, qui fait probablement écho au titre premier du film Les Tontons flingueurs, à savoir Le Terminus des prétentieux, s’apparente à une sorte de défi : mêler la rigueur de l’exposé philosophique à l’apparente décontraction d’un livre où les armes parlent presque autant que les personnages. Pari osé, mais pari gagné. On ressort de cet opus à la fois enchanté par les talents de l’écrivain, son audace scénaristique, et dans le même temps, son impertinence et sa désinvolture. Voilà un crépuscule tel que l’on aimerait en voir plus souvent dans le panorama littéraire.

    21/03/2012 à 19:32 1

  • La Nuit du vigile

    Matz

    7/10 À la Résidence, Pierre officie en tant que vigile. Il a des collègues, un chef nommé Lherbier, et une vie assez monotone. Plus exactement, sa vie professionnelle se montre lassante. Entre la surveillance d’un immeuble peuplé de gens qui ne lui adressent pas la parole, les cambriolages que son équipe de gardiens commet parfois elle-même et les petits trafics des caves, Pierre a envie de gagner de l’argent. Peu importe les moyens.

    Unique roman d’Alexis Nolent, par ailleurs scénariste de bandes dessinées sous le pseudonyme de Matz, ce livre était sorti en 1993 sous le titre Résidence surveillée, et est publié aujourd’hui dans une version entièrement revue par l’auteur. Ce récit particulièrement singulier l’est à plusieurs titres. Le style d’Alexis Nolent est épuré, sans louvoiement ni description psychologique ou géographique. Les chapitres sont très courts, présentés de manière aérée, si bien que l’on dévore le livre très rapidement. Par ailleurs, l’écrivain se refuse tout jugement : les personnages sont seulement décrits dans leurs mouvements et paroles, et cette sobriété alliée à la concision de l’ouvrage donne parfois une impression de manque, voire de vacuité. Néanmoins, l’intérêt et l’objectif de l’auteur sont ailleurs : il décrit des existences sans passer par le filtre de l’explicatif, tel un zoologue examinant scientifiquement ses sujets.
    Au fil des pages, on observe les divers personnages, sans empathie ni dégoût, dans leurs errements, leurs appétences de vie ou leurs troubles. Il est d’ailleurs très difficile de savoir comment le récit va s’achever, et ce jusque dans les dernières pages. On se doute qu’une trame aussi noire ne peut déboucher que sur la mort, mais sans en connaître par avance les dispositions. Et le roman s’achève pourtant à la manière dont il avait commencé : de manière simple, froide et glaçante.

    Alexis Nolent a trouvé un ton étonnant pour écrire son ouvrage : de manière naturaliste. C’est presque la description d’un fait divers et de ses origines que le lecteur aura sous les yeux. Au final, une écriture qui fait écho à une histoire dépouillée. L’auteur fait assurément partie de ceux dont on aimerait beaucoup lire d’autres productions.

    12/03/2012 à 17:50 1

  • Décollage immédiat

    Fabien Clavel

    8/10 Lana Blum, adolescente rebelle, reçoit un coup de fil de sa mère, hôtesse de l’air, qui lui ordonne de quitter l’appartement où elle se trouve. Au même instant, un inconnu pénètre dans l’habitat. Qui est cet homme à l’allure si patibulaire, et que veut-il ? Lana fuit alors vers l’aéroport où l’attend une consigne indiquée par sa maman. Rapidement aidé par Creep, un hacker particulièrement doué, la jeune fille ne comprend pas encore qu’elle vient de mettre le doigt dans un rouage complexe qui pourrait bien lui coûter la vie.

    Fabien Clavel signe un roman pour adolescents particulièrement efficace. Dès le deuxième chapitre, on bascule dans l’action et le suspense, et ces deux filons ne s’épuisent à aucun moment dans le récit. Les personnages principaux, Lana et Creep, sont attachants, et les jeunes qui liront cette histoire ne pourront que s’identifier à eux. Sur un rythme effréné, d’un pays à l’autre, avec presque à chaque fois l’avion comme moyen de transport, on suit avec un intérêt soutenu les périples du duo d’enquêteurs improvisés, obligés, pour sauver leur vie et secourir la mère de l’un d’eux, de se lancer dans une aventure dont les enjeux les dépassent. Les cénacles politiques et de pouvoir constituent autant de périls mortels, et les chapitres distillent habilement les éléments d’une intrigue qui ne trouve son explication définitive et complète que dans les ultimes pages. Rebondissements, poursuites, manipulations et autres ressorts du genre foisonnent : indéniablement, Fabien Clavel a su écrire une histoire énergique, servie par une plume concise et visuelle. Malgré quelques facilités scénaristiques, plus imputables à l’âge du lectorat visé qu’à autre chose, ce Décollage immédiat est assurément un très bon ouvrage, mêlant habilement espionnage, aventure, thriller, où sont également abordés intelligemment des enjeux politiques et sanitaires.

    Au même moment, paraissent dans cette naissante collection de thrillers chez Rageot, dirigée par Guillaume Lebeau, deux autres ouvrages : Les Voleurs de tête d’Hervé Jubert et Spiral de Paul Halter. Suivront, par salve de trois, d’autres parutions les 6 juin et 10 octobre prochains, dont certaines seront signées Philippe Le Roy, Laurent Queyssi ou Marin Ledun. On ne peut déjà que s’impatienter !

    06/03/2012 à 18:06

  • Les voleurs de têtes

    Hervé Jubert

    7/10 Billie Bird. Collégienne à Paris. Un look bariolé, un frère appelé Séraphin. En apparence, une existence banale. Sauf que son père est un cambrioleur de haute voltige, habitué aux grandes œuvres d’art, et ne volant ces dernières qu’à des individus que la morale réprouve. Billie Bird apprend qu’il vient d’être enlevé. La rançon ? Récupérer les têtes d’une fontaine issue du Palais d’été et symbolisant des signes zodiacaux chinois. Et la voilà partie sur les routes, à bord de son destrier mécanique préféré, un combi Volkswagen surnommé Vagabonde.

    Rageot inaugure une nouvelle série de thrillers destinés à la jeunesse, dont les trois premiers livres sont Décollage immédiat de Fabien Clavel, Spiral de Paul Halter et cet ouvrage. D’entrée de jeu, le ton est donné : c’est vif, espiègle, et très rythmé. Billie est une jeune fille malicieuse, intelligente et déterminée, à laquelle les lecteurs n’auront aucun mal à s’identifier. Elle sera aidée dans sa tâche par son frère, une adorable tête à claques, ainsi que par Octave, un étudiant qui louait l’un des appartements possédé par son père. L’écriture est directe, sans le moindre temps mort, et l’on se retrouve rapidement embarqué sur les routes aux côtés de ce trio de voleurs pas si amateurs que cela. L’humour est omniprésent, dans les répliques comme dans les situations, et de nombreuses scènes sont vraiment cocasses, comme par exemple les circonstances dans lesquelles la première tête est récupérée. Hervé Jubert connaît son public, sait de quelle manière il peut capter son attention, et surtout ne plus jamais la lâcher. Les chapitres sont courts, l’auteur va à l’essentiel, et l’opus se termine à une grande vitesse sans que l’on ait vu le temps passer. Quelques passages sont un peu tirés par les cheveux et certains ressorts apparaissent faciles, mais il serait difficile pour les jeunes lecteurs de bouder leur plaisir eu égard à l’efficacité de ce tome.

    L’ouvrage se termine sur une phrase qui appelle une suite. Ce sera chose faite en juin 2012 avec Le Gang du serpent, deuxième roman de la trilogie composée par Hervé Jubert. Espérons qu’il sera à la hauteur de celui-ci : parfois téléphoné certes, mais bien nerveux et enjoué, s’approchant plus du livre d’aventures que du récit policier.

    06/03/2012 à 18:05