Dodger

516 votes

  • L'Année du lion

    Deon Meyer

    10/10 Dans L’Année du Lion, on retrouve avec jubilation le savoir-faire de Deon Meyer en tant que maître du suspense. Les scènes d’action sont légion et mettent le feu aux pages qui défilent à toute vitesse. Le rythme reste soutenu de bout en bout. Si le cadre du récit est post-apocalyptique (on y revient dans un instant), la technique du roman reste celle d’un thriller. Avec des mystères à résoudre, des secrets à dévoiler, du danger, des ennemis, des trafics, des armes et des crimes.

    Oui, mais ce n’est pas tout. C’est loin d’être tout, à vrai dire. Si L’Année du Lion est aussi fort, aussi percutant, aussi grandiose, c’est que Deon Meyer exploite pleinement son idée de départ post-apocalyptique pour développer ensuite un très large faisceau d’idées, de problématiques et d’interrogations en tous genres. Acharné à bousculer son lecteur et à le faire réfléchir entre deux montées d’adrénaline, le romancier sud-africain multiplie alors les questionnements politiques, économiques, sociologiques, éthiques ou religieux, en recourant à un large panel de personnages.

    L’Année du Lion est un torrent de lave littéraire, un bouillonnement de suspense et d’intelligence dont l’épaisseur est tout sauf un obstacle. J’ai freiné des quatre fers pour ne pas le terminer, celui-ci – tout en brûlant de connaître le fin mot de l’histoire… que Deon Meyer nous offre dans un twist qui a largement divisé les lecteurs, exaspérant certains, enchantant d’autres.
    Je fais partie, comme vous l’imaginez, des enchantés.

    04/06/2021 à 10:08 5

  • L'Ange rouge

    François Médéline

    4/10 Médéline assume jusqu’au bout la spirale sombre de son histoire, lui offrant un dénouement violent et explosif, et un final tout en contraste émotionnel, assez réussi.
    Mais c'est bien là le seul positif que je peux retenir de ce roman (avec le personnage de Mamy, et l'utilisation intéressante du décor lyonnais choisi par l'auteur). Parce que, pour le reste, je n'ai vraiment pas aimé.

    Pour faire polar, Médéline recourt au style élusif. Phrases très courtes, grammaire minimaliste, reprises martelées des pronoms personnels (« elle fait ci. Elle dit ça. Elle sort. Elle revient. ») Ellroy pour les nuls, en quelque sorte.
    Ça peut faire écriture, à condition d’avoir le sens du rythme. Médéline en manque. Au lieu d’être percutant, c’est lancinant, limite chiant. Au moins c’est rapide à lire. Mais pour le plaisir du verbe, on repassera.
    Ah oui, parce qu'apparemment, selon Médéline en tout cas, pour faire viril, faut coller des « pédés » et des « fellations » partout. C’est un genre. Pas le mien.

    Sur le fond, ça sent le réchauffé à tous les étages, à coup d'inspiration mal digérée et de recyclage sans génie. On a droit au flic solitaire, ancien cocaïnomane, aux méthodes de voyou, toujours sur le fil, et entouré d'adjoints tout aussi déglingués. Des flics vulgaires et bas du front, qui voient des « homos » partout (et dans leur bouche, ça sonne tout de suite suspect, limite dérangeant).
    Sans parler de la psy plus ou moins donneuse de leçons, qui vient ajouter d'autres poncifs à ceux qui plombent déjà le roman. Et du tueur en série, dont le profil est tellement vu et revu que même les scénaristes hollywoodiens en mal d’inspiration refuseraient de s’abaisser à un truc pareil – même pour ébaucher une fausse piste. Et on ajoute des symboles religieux bien lourdingues, déjà vus déjà lus qui plus est.

    Bref, ce genre de polar poisseux, brutal et grossier, ce n'est pas (plus ?) mon truc. Mais comme il a ses amateurs, je vous laisse juge !

    04/06/2021 à 09:57 3

  • Impact

    Olivier Norek

    8/10 Trois.
    Deux.
    Un.
    Impact.
    DANS TA GUEULE.

    Voici une autre manière de résumer le nouveau polar d’Olivier Norek.
    D’ailleurs, je dis polar, mais le terme, aussi générique soit-il, convient-il réellement pour ce roman ?

    Certes, tout commence par du suspense en bonne et due forme. Un enlèvement, une demande de rançon, des flics et une psy qui enquêtent…
    Certes, on retrouve (avec plaisir) l’efficacité effarante du style de Norek, son sens du rythme, sa manière de camper vite et bien des personnages solides sans perdre de temps en circonvolutions interminables.
    Certes, on le découvre très à l’aise dans un registre où ce sont plutôt les auteurs américains qui s’illustrent, à savoir le roman de procès ; le dernier quart du livre réserve en effet une scène de prétoire de haute volée, brillante, lyrique et survoltée.
    Certes, j’ai été happé par ce livre et, comme presque tous les autres romans de l’ancien policier, je n’ai presque rien pu faire d’autre que le lire à toute vitesse et le terminer toutes affaires cessantes.

    Mais Impact est tout de même bien plus que cela. Disons plutôt qu’Olivier Norek, avec une grande intelligence et une maîtrise remarquable de son outil de travail, utilise les moyens du suspense pour développer un roman décidé à capturer l’air du temps. Un roman intelligent, furieux, et très engagé. Un livre en colère, un livre de colère, un roman intraitable sur l’état catastrophique du monde, bardé de chiffres, de données précises, d’informations détaillées, d’éléments de preuve susceptibles de donner de violentes poussées d’urticaires aux climatosceptiques et autres exploiteurs de tous bords.

    C’est un réquisitoire impitoyable contre le plus vaste crime contre l’humanité qui soit, puisqu’il affecte toutes et tous et menace notre survie, à plus ou moins court terme – voire carrément très court terme, si l’on croit les analyses alarmistes que développe Olivier Norek. Et qui nous questionne, nous tous, sur ce que faisons, pouvons faire (ou pas) pour essayer de changer les choses.
    Simple et clair dans son propos, porté par son efficacité narrative et son énergie de polar, il met à la portée de tous les lecteurs un grand nombre d’éléments de réflexion complexes sur l'un des sujets les plus importants auxquels nous devrions tous réfléchir : la survie de notre planète - et la nôtre, de fait.

    04/06/2021 à 09:46 5

  • La République des faibles

    Gwenaël Bulteau

    9/10 Avec ce polar historique ancré à Lyon, dont la géographie et la sociologie de l’époque sont rendues avec précision et acuité, Gwenaël Bulteau frappe un grand coup pour son premier roman. Son suspense, il l’installe dans une ville nerveuse, sombre, déchirée, à l’image de la France de l’époque, tiraillée de violentes contradictions politiques, sociales, économiques. Le décor est saisissant, et pourtant, jamais déployé avec ostentation. Le tableau est toujours juste, et a le bon goût de ne pas prendre toute la place.
    Bulteau s'appuie aussi sur des personnages remarquables. Flics, voyous, témoins, simples passants, bourgeois, tous jouent des partitions subtiles et complexes, dont les variations ne cessent de surprendre, suivant les tours et détours d’une intrigue remarquablement dense et tourmentée, de bout en bout. Les zones d’ombre sont légion, les bonnes volontés se heurtent à la nécessité de faire parler la force, la menace et la brutalité pour obtenir des résultats.
    Et puis il y a la langue. Le style. Pas d’approximation chez Gwenaël Bulteau, on sent dès ce premier roman qu’il possède une véritable voix, et qu’il en use avec une belle maîtrise. Il tient son rythme sans jamais flancher, joue des registres de langue en évitant les clichés ; et si son roman laisse autant de traces en mémoire, la puissance des images suggérées par son écriture y est pour beaucoup.
    Un coup d'essai extrêmement brillant, qui ouvre la porte à une série dont j'ai hâte de découvrir les prochains épisodes.

    04/06/2021 à 09:37 13

  • Le Jour où Kennedy n'est pas mort

    R. J. Ellory

    8/10 En annulant l'assassinat de Kennedy le 22 novembre 1963, Ellory trouve une solution brillante pour détricoter le mythe quasi intouchable qui entoure le président américain depuis sa mort tragique. De ce fait, ce roman n'est pas tant une uchronie (la modification du cours de l'Histoire n'est qu'un prétexte, pas le sujet du livre) qu'une analyse fouillée et froide d'un personnage fascinant, nimbé d'innombrables zones d'ombre qui en disent beaucoup sur les coulisses de la politique américaine.
    Pour ce faire, Ellory passe par la bande et, fidèle à ses habitudes, focalise sur un personnage principal contrasté, pas héroïque pour un dollar, dont l'évolution fastidieuse amène l'enquête à obéir à une logique d'économie réaliste : à la manière d’un Wallander sous la plume de Mankell, Mitch avance à petits pas, rencontre beaucoup d’obstacles, peine à trouver des soutiens, des infos et des indices. Une stratégie narrative qui permet de distiller son propos, presque mine de rien, et de lever en douceur le voile sur le système Kennedy.
    Ce roman est en tout cas une nouvelle grande réussite à mettre à l’actif d’un romancier qui, pour être prolifique, reste toujours d’une pertinence à l’épreuve des balles (lui). Et un écrivain de formidable talent, dont le style à la fois riche et fluide est un régal constant de lecture.

    04/06/2021 à 09:31 3

  • Désert noir

    Adrien Pauchet

    8/10 Désert noir est avant tout un formidable polar. Rythmé, intense, qui explose lors de scènes d’action (l’assaut du 36 Quai des Orfèvres, mes amis, c’est du grand art) au suspense irrespirable. Et c’est du noir de chez noir, suant de violence et de désespoir, hanté de personnages complexes et déterminés à aller jusqu’au bout de leurs choix et de leurs erreurs.
    Si ce n’était que cela, ce serait déjà très bien. En artificier prêt à prendre des risques pour que le feu d’artifice éblouisse, Adrien Pauchet pimente sa matière première avec une pincée d’échappée, un courant d’air surnaturel qui désincarcère l’intrigue de sa composante policière pour ouvrir des portes fascinantes sur une certaine idée de l’au-delà. Transformant Désert noir en roman bouleversant sur le manque, la douleur de l’absence, les blessures impossibles à cicatriser des deuils déchirants.
    Une belle expérience de lecture, intensive et poignante, qui imprègne la mémoire de ses images vertigineuses et de ses tourments.

    04/06/2021 à 09:21 4

  • Huit crimes parfaits

    Peter Swanson

    6/10 Quand on se place sous le patronage de grandes références du genre policier, le danger est toujours de ne pas se montrer à la hauteur, même quand on le fait avec humour.
    Quand, en plus, on s’aventure sur le terrain à haut risque du fantasme du crime parfait, la pente s’avère souvent irrémédiablement glissante, et emporte l’auteur impudent dans un dérapage plus ou moins contrôlable qui a toutes les chances de s’achever par un crash, au minimum une sortie de route.
    Voilà le piège dans lequel Peter Swanson est tombé avec Huit crimes parfaits, sans toutefois s’écrabouiller complètement au fond du ravin, son roman faisant jouer quelques qualités pour éviter la catastrophe : un démarrage réussi, des personnages bien campés, et des connaissances solides sur son sujet (ce qui était tout de même la moindre des choses).
    Peter Swanson déploie beaucoup d’efforts, assez visibles, pour tresser de nœuds serrés une intrigue qui, à force, passe d’élaborée à alambiquée, et d’alambiquée à artificielle. Le style, classique et un peu fastidieux, n’aide pas, il faut le reconnaître.
    On s’amuse, tout de même, à essayer de deviner les chausse-trapes, à soupçonner tous les personnages à tour de rôle… pour, finalement, aboutir à une révélation qui, pour être bien racontée, déçoit un peu par son manque de relief, voire sa prévisibilité. Et amène à une conclusion carrément décevante. J'ai même relu les dernières pages en pensant avoir manqué quelque chose - mais non.
    Une lecture assez plaisante dans l'ensemble, mais vite oubliée.

    04/06/2021 à 09:18 4

  • Wilma la vampire

    Chrysostome Gourio

    7/10 Nous voici de retour dans le cimetière de Rufus le fantôme ! Trois ans plus tard, les lieux sont toujours aussi vivants et animés. Nous les redécouvrons cette fois par les yeux d’une petite vampire, Wilma, jolie héroïne d'un roman d’aventure trépidant, qui nous emmène visiter les Enfers (rien que ça !) à fond de train – au rythme du rock métal dont la puissance brute et la vitalité rebelle nourrissent l’esprit du récit.
    Un nouveau roman pour enfants (à partir de neuf ans), cocasse et délicieux.

    04/06/2021 à 09:09 1

  • Rufus le fantôme

    Chrysostome Gourio

    8/10 Une histoire très originale, joliment fantastique mais pas horrifique (rien de traumatisant pour les chères têtes blondes), extrêmement prenante et bien menée. Engagée, également, avec beaucoup d’intelligence. En effet, Chrysostome Gourio introduit en finesse les concepts de grève, de lutte sociale et d’oppression du travail capitaliste. Rien que ça, oui !
    Pour faire passer un sujet aussi ambitieux pour de jeunes lecteurs, tout a été mis en œuvre avec brio et beaucoup d’humour. Le ton de Chrysostome Gourio fait aussi merveille, émaillé de nombreux jeux de mots hilarants et de dialogues tournés à la perfection.
    Mené à un rythme d’enfer (forcément), Rufus le fantôme est en outre illustré avec grand talent par Églantine Ceulemans, dont le dessin pétillant et vivant – c’est un comble ! – anime le joli petit monde de Rufus.

    04/06/2021 à 09:03 1

  • Wendigo

    Chrysostome Gourio

    9/10 Après son pétillant "Rufus le fantôme" adressé aux plus jeunes lecteurs, Chrysostome Gourio change de braquet et ouvre en grand les portes de son imaginaire, pour un roman à grand spectacle qui dépense sans compter.
    Fin connaisseur de fantastique, il brasse ses nombreuses inspirations, qui vont de Lovecraft à Hellboy en passant par La Ligue des Gentlemen extraordinaires (pour n’en citer que trois), et s’en empare de manière totalement décomplexée, avec une jubilation manifeste – et contagieuse.
    Depuis son prologue impressionnant et sans jamais faiblir, Wendigo développe une énergie narrative irrésistible, alternant de grands moments de suspense et d’action avec des scènes de dialogues intenses et d’autres, plus réflexives, explicatives mais jamais ennuyeuses.
    Mêlant légendes indiennes ancestrales, aventure débridée et récit d’action échevelé, le tout saupoudré d’humour pour faire passer le tout, une superbe réussite !

    03/06/2021 à 07:48 3

  • Toucher le noir

    Ouvrage collectif

    8/10 Après "Écouter le noir" et "Regarder le noir", voici le troisième recueil de nouvelles dirigé par l'excellent Yvan Fauth, dans la très belle série consacrée aux cinq sens.
    Les dix nouvelles rassemblées ici forment un ensemble incroyablement homogène, tout en proposant chacune une vision singulière, à la fois différente des autres et représentative de l'univers de leurs auteurs.

    Ce qui est amusant de prime abord, c'est de chercher comment chaque écrivain a entrepris d'honorer le sujet du recueil. Certains se sont efforcés d'intégrer l'expression "toucher le noir" dans leur texte, d'autres ont pris le thème imposé au pied de la lettre, d'autres encore ont davantage travaillé de manière métaphorique.
    Aucune méthode n'est moins bonne que les autres, et au bout du compte, tous les textes ont leur propre intérêt, leur propre intelligence et leur propre force.

    Gros coup de cœur en ce qui me concerne pour la nouvelle de Michaël Mention, et gros bravo aussi à Maud Mayeras, ainsi qu'au duo Thilliez-Scalese pour leur texte en auto-reverse (les lecteurs comprendront). Mais tous les autres, chacun dans leur genre, sont à la hauteur du projet.

    Certains de ces textes me hanteront longtemps, preuve que quelques pages suffisent à marquer l'imaginaire. Une nouvelle réussie est un petit monde qui a autant de force et de légitimité littéraire (plus, parfois) qu'un long roman.
    Les auteurs de "Toucher le noir" l'ont bien compris et rendent, tous ensemble, un merveilleux hommage à la forme brève. Un formidable accomplissement, à partager sans réserve.

    03/06/2021 à 07:31 4

  • Gramercy Park

    Christian Cailleaux, Timothée De Fombelle

    7/10 Si je ne suis pas très fan des dessins de Christian Cailleaux, le scénario de Timothée de Fombelle (qui est, hors cette B.D., mon chouchou absolu de tous les temps) m'a séduit, par son apparente nonchalance, son texte dépouillé, sa manière de se plier aux codes du genre pour mieux filer vers une fin aussi surprenante qu'implacable. Fombelle fait d'une histoire de vengeance familière une quête profonde et intime, balançant jusqu'au bout entre cruauté et rédemption. Pour une première tentative en bande dessinée, c'est un joli coup d'essai.

    16/09/2020 à 08:38 3

  • Chine, retiens ton souffle

    Qiu Xiaolong

    7/10 Plus affûté que jamais sous ses dehors aimables, Qiu Xiaolong continue de décrypter sans concession la Chine moderne, en s'intéressant cette fois à ses dérives anti-écologiques et à la pollution qui écrase ses villes, avec les problèmes de santé publique que cela implique. La double intrigue qu'il imagine donne une nouvelle fois la part belle à son formidable inspecteur Chen, jamais assez soucieux de son image ou de la sauvegarde de son avenir politique lorsqu'il s'agit de faire triompher la vérité. Un personnage incorruptible d'une grande finesse, poète à ses heures perdues, dont l'éducation, l'empathie et l'intelligence servent de contrepoints délicats à la corruption ou aux manœuvres bassement politiciennes avec lesquelles il doit souvent composer.
    Un polar passionnant, d'une lecture très fluide comme toujours chez Qiu. On connaît la recette mais on en redemande sans hésiter !

    27/11/2018 à 23:03 5

  • Évasion

    Benjamin Whitmer

    6/10 Bon sang que c'est noir, noir, noir... Je ne peux pas être surpris, j'avais lu "Pike", le premier roman de Whitmer, qui frappait déjà fort dans ce registre. Crasseux, désespéré, moche : les ingrédients sont à nouveau réunis dans cette histoire d'évasion de prison qui tourne mal, forcément. Le suspense à ce sujet n'est pas forcément ce qui préoccupe le plus le lecteur, l'intérêt réside dans les personnages, dans le portrait de leurs âmes perdues, et dans le style sans concession du romancier. C'est brut, direct comme un uppercut en pleine gueule, du genre qui t'enfonce le nez jusqu'au cerveau.
    Alors, oui, je reconnais que c'est réussi, mais je ne peux pas pour autant noter haut ce roman qui m'a épuisé, assommé, presque dégoûté par tant de noirceur. Il y a quelques années, je supportais volontiers ce genre d'expérience extrême. Plus maintenant. Conséquence de l'âge ou du fait d'être papa, allez savoir...
    Donc, objectivement, c'est bien fait, bien mené, assumé. Subjectivement, il faut aimer se faire mal et se confronter à ce que l'humain peut produire de pire. Pas pour tout le monde, quoi.

    27/11/2018 à 22:55 9

  • La guerre est une ruse

    Frédéric Paulin

    8/10 Ce premier tome d'une série annoncée frappe fort d'entrée ! Impeccablement documenté, Frédéric Paulin nous plonge dans l'Algérie aux portes de la guerre civile dans les années 1990, et surtout nous donne les clefs pour comprendre comment ce pays en est arrivé là, tiraillé entre les militaires au pouvoir et refusant de lâcher ce dernier, les islamistes portés vers les plus hautes fonctions par le suffrage universel, et les politiques français continuant à tenter de tirer les ficelles dans l'ombre, incapables de renoncer à garder la main sur la destinée de leur ancienne colonie.
    Le sujet est dense, complexe ; les acteurs qui l'animent, nombreux et tous bardés de zones d'ombre. Pour garder le cap, Paulin s'appuie sur un style efficace, une puissance narrative qui déroule le récit sans temps mort et avec une grande clarté. Comme le dit Hoel, il faut être un tant soit peu motivé par le propos, mais si on s'intéresse à la marche du monde, "La Guerre est une ruse" est une belle pierre déposée sur le mur du thriller géopolitique, genre à la mode en ce moment - et pour cause...
    J'attends donc la suite avec autant d'impatience que de curiosité !

    27/11/2018 à 22:46 8

  • Les Fils de la poussière

    Arnaldur Indridason

    8/10 Oh bah tiens, voilà une bonne surprise. De la part d'Indridason, en 2018 ? Avec son premier roman qui n'avait jamais été traduit en français ? Ben oui, justement, à cause de ça. Pourquoi ne pas avoir fait paraître ce livre plus tôt ? J'avoue, c'est un peu un mystère pour moi, car ce premier livre de la superstar islandaise tient carrément la route, sans déparer avec le reste des enquêtes d'Erlendur, qui fait donc ici une première apparition convaincante. L'histoire est émouvante, les personnages sont déjà bien campés, le récit est mené avec maîtrise. Loin d'être un fond de tiroir insignifiant, "Les Fils de la poussière" mérite largement le coup d'oeil, que vous soyez fan ou pas d'Indridason.

    27/11/2018 à 22:40 12

  • J'irai tuer pour vous

    Henri Loevenbruck

    9/10 Après son immersion bouleversante dans le monde des motards ("Nous rêvions tous de liberté"), Henri Loevenbruck change à nouveau radicalement de registre en abordant le genre du thriller géopolitique. Côté thriller pur, il sait faire, rien à redire. Dynamiques, proportionnés avec soin, les chapitres s'enchaînent avec énergie et fluidité, sans temps fort mais sans précipitation non plus.
    Côté géopolitique, Loevenbruck a puissamment travaillé son sujet - véridique, puisque son héros, renommé Marc Masson pour les besoins de la fiction et les obligations de la confidentialité, a véritablement existé. L'immersion dans les années 1985-88 est totale, détaillée, passionnante - les nombreux attentats en France, les otages au Liban, la cohabitation à partir de 1986... On découvre les dessous crasseux de la politique politicienne (ah, le personnage de Charles Pasqua, quel régal ! On le retrouve tel qu'il était, sans aucun doute, tout comme Mitterrand, Chirac, Roland Dumas, entre autres acteurs réels de cette époque qui jouent leur propre rôle dans le roman.) On en apprend aussi beaucoup sur le fonctionnement des services secrets, de la DGSE, avec un souci du détail qui évoque par exemple la série "Le Bureau des Légendes". On apprécie, enfin, l'éducation militaire, stratégique, mais aussi humaine d'un héros profondément attachant, jusque dans ses accès de violence incontrôlable.
    Bref, la sauce prend à la perfection, et Loevenbruck signe l'un de ses plus grands livres, minutieux, sensible, à l'écoute du monde. Une réussite d'une grande maturité, de la part d'un auteur qui n'a pas fini de nous étonner.

    27/11/2018 à 22:31 18

  • L'Essence du Mal

    Luca D'Andrea

    8/10 Lu à retardement, à l'occasion de sa sortie en poche, ce premier roman de Luca D'Andrea m'a agréablement surpris. Le décor montagnard est exploité avec beaucoup de brio, aussi bien ses paysages sauvages et mortels que ses habitants rugueux, recroquevillés sur leurs secrets. L'écrivain italien prend son temps, nous confronte à l'obsession de son héros - un personnage d'une profonde humanité en dépit de ses idées fixes, dont j'ai aimé les relations avec sa fille, sa femme ou son beau-père. D'Andrea prend le risque vers la fin d'ouvrir la porte à l'irrationnel, mais en laissant au lecteur le choix de l'inviter franchement ou non - un choix aussi risqué que malin et, à mon avis, parfaitement maîtrisé. Vraiment une belle découverte pour moi.

    27/11/2018 à 22:19 10

  • Après la chute

    Dennis Lehane

    6/10 Certes, ce n'est pas du grand Lehane - difficile d'imaginer qu'il refera un jour mieux que la trilogie Coughlin, sans parler de tout ce qui a précédé. Certes, le début laisse perplexe, avec cette héroïne partant à la dérive qu'on a déjà vue chez d'autres, souvent en mieux. Certes, le milieu du roman interpelle encore plus, avec une histoire d'amour tellement gentillette qu'on commence à croire l'ami Dennis perdu pour la cause. Et puis, soudain, virage à 180°. Ce qui ressemblait à un thriller psychologique assez moyen - une énième déclinaison dans la veine des "Apparences" ou de la "Fille du train" - bascule soudain vers tout à fait autre chose. Le récit se muscle, l'action s'invite, le polar mute. La fin est beaucoup plus intéressante, surprenante.
    Alors, certes, ce n'est pas du grand Lehane. Mais ce n'est pas si mauvais que ça en a l'air de prime abord, même si on est forcément exigeant avec un auteur dont on a adoré et admiré tant de livres. Comme il semble accaparé par Hollywood, je ne suis pas sûr qu'on retrouve un jour le romancier à la hauteur de nos attentes, mais bon... Ce roman bancal peut laisser vaguement espérer que ce soit le cas. (Oui, je suis un éternel optimiste.)

    27/11/2018 à 00:08 5

  • Pension complète

    Jacky Schwartzmann

    8/10 La synthèse parfaite des deux précédents romans de Jacky Schwartzmann : de "Mauvais coûts", le romancier réitère l'acuité du regard social, son mordant, son ironie délicieuse, son sens des formules qui claquent, son humour bien sûr ; de "Demain c'est loin", il garde l'efficacité du récit, son énergie et son suspense. Toutes ces qualités mêlées donnent une comédie noire, hilarante et désenchantée, insolente et furieuse, joyeusement irrévérencieuse. Un régal de lecture qui se dévore en un rien de temps et réjouit durablement !

    26/11/2018 à 23:39 13