El Marco Modérateur

3277 votes

  • Inflammation

    Eric Maneval

    9/10 Liz vient de disparaître dans ce qui ressemble à un accident automobile. Elle laisse un époux éploré, Jean, ainsi que deux enfants, Lucie et Clément. Mais quelque chose ne tourne pas rond : dans le village où habite la famille, de sombres nuages s’amoncellent. Liz est-elle réellement décédée ? Et quels secrets a-t-elle emportés avec elle ?

    Voilà un roman singulièrement noir, signé Eric Maneval. Il est assez court (deux cents pages), et tous les mots et péripéties y sont comptés. Pourtant, il est impossible, une fois le dernier chapitre achevé, de ne pas ressentir un immense frisson en même temps que l’impression tenace d’avoir vu défiler une étonnante abondance d’événements. Tout commence comme un simple fait divers, puis on bascule lentement mais sûrement vers une littérature particulièrement sombre. De multiples éléments se télescopent : des amis qui ne correspondent peut-être pas à l’image qu’ils donnent, des locataires réunis en une étrange communauté, un mystérieux laboratoire situé en Belgique, le père génétique de Lucie qui réapparait via une émissaire au comportement énigmatique, une confectionneuse de confitures, un homme que Jean surnomme « le Révérend », etc. Un véritable magma de personnalités obscures, qui bouillonne comme un plat mijote, paisiblement et graduellement. Le lecteur sera immanquablement séduit par la plume d’Eric Maneval, à la fois sèche et paradoxalement fertile en émotions suscitées, jusqu’au final. De nombreuses clefs sont offertes dans les ultimes pages, mais il sera impossible de ne pas tomber dans un incroyable vertige de noirceur, en même temps que la majeure partie des personnages présents dans ce livre.

    Un ouvrage qui sidère par sa simplicité et son efficacité, sur fond de tragédie familiale, expériences médicales et quête de rédemption. Une Inflammation qui excite les cœurs, les tripes et les âmes, sans que l’on cherche, une fois n’est pas coutume, à en trouver le remède.

    12/03/2018 à 18:20 6

  • Les Lamentations de Jeremiah

    Teri White

    7/10 … ou l’étrange histoire d’amitié entre deux tueurs à gage. D’un côté, Max Trueblood, assassin vieillissant, de grande classe, avec une belle déontologie et soucieux de son aspect physique et de l’entretien de son corps. De l’autre, Jeremiah Donahue, jeune chien fou, spécialiste des vols de voitures et de l’utilisation des explosifs. Le second, afin de pouvoir se faire un nom et grimper dans les échelons de la criminalité, se propose de tuer le premier après un contrat, mais une curieuse affection va naître entre les deux hommes. Une histoire-miroir, puisque la différence entre ces deux individus se double de la relation entre deux policiers Aaron, sur le point de prendre sa retraite, et Cody, son second. Pas mal d’humour dans les dialogues et les situations, et le récit classique d’une adversité qui se commue lentement en inclination, voire une relation de père spirituel à fils allégorique. Des scènes d’action simples, mises en scène en quelques traits de plume, et des descriptions psychologiques faites sous une forme sèche et subtile, laissant le lecteur réaliser lui-même les traits d’union nécessaires et remplir les blancs volontairement laissés. La scène finale, humoristique, démontre le talent de Teri White à agencer les non-dits : ce qui est de prime abord un moment de gentille rigolade laisse augurer d’un futur épilogue funeste, avec une gravité et une austérité que chacun pourra concevoir, imaginer et circonstancier à son bon vouloir. Probablement rien de très novateur dans ce roman, pas de quoi déraciner un peuplier avec une cuillère à pamplemousse, mais un bien agréable moment de lecture autant qu’un hommage aux romans noirs d’antan. A titre d’information, ce livre a été librement adapté au cinéma en 1992 sous le titre « Max et Jérémie » avec Philippe Noiret, Christophe Lambert et Jean-Pierre Marielle.

    11/03/2018 à 17:46 3

  • Psycho-Pass tome 2

    Midori Goto, Natsuo Sai

    6/10 Comme dans le premier tome, une ambiance intéressante et prenante, propre et esthétiquement léchée, mais qui n’apporte pas à mes yeux suffisamment de questions ni de réponses au cours de la série. Les passages dans le mouroir sont efficaces, au même titre que les ultimes scènes, à propos de cette intolérance au super blé, l’existence de cette mystérieuse Sybille, et ces vieillards qui semblent partager un terrible secret, mais je trouve que l’ensemble pâtit d’un manque de rythme, en plus d’un traitement graphique trop sur la retenue.

    11/03/2018 à 17:45

  • Golden Kamui 1

    Satoru Noda

    8/10 Un manga passionnant, ou les aventures d’un soldat trompe-la-mort qui s’en va à la recherche d’un trésor sur les terres de la tribu des Aïnous sur l’île d’Hokkaido. Beaucoup d’action, une bonne psychologie, une quête des prisonniers tatoués dont les dessins présents sur leur peau permettraient de conduire au butin, une belle incursion historique, culinaire et spirituelle dans le monde des Aïnous, et des scènes marquantes, comme le combat contre l’ours ou la relation avec ce roi de l’évasion. Je serai probablement au rendez-vous du deuxième tome.

    11/03/2018 à 17:44 1

  • Déréglée

    Craig Johnson

    8/10 Une autre nouvelle bien sympathique de Craig Johnson, agréable à lire de bout en bout, avec la rencontre étrange entre Walt Longmire et une autostoppeuse passionnée de musique, et au passé récent pour le moins trouble. Ce sont encore une fois les sentiments qui l’emportent dans cette très courte histoire, loin de tout retournement de situation, effet spécieux ou chute finale, avec une empathie remarquable de la part du shérif envers cette jeune femme perdue. Il va faire preuve d’un altruisme et d’une humanité remarquables, un comportement élégant et chevaleresque qui, au même titre que les mots apaisés et généreux de Craig Johnson, dominent ce récit.

    11/03/2018 à 17:43 4

  • Coeurs en fuite

    Agnès Laroche

    8/10 Alex et Jade s’aiment, mais leurs familles respectives ont déjà eu maille à partir. Le père d’Alex est un mafieux, surnommé « L’Intouchable », que le papa de Jade a déjà tenté de faire tomber avant de se faire sévèrement agresser au couteau. Les deux adolescents décident de partir ensemble, et ils montent une habile machination : créer de toutes pièces un faux kidnapping et s’enfuir avec l’argent de la rançon. Mais rien ne va se passer comme prévu.

    D’Agnès Laroche, nous avons déjà beaucoup apprécié Murder Party, Le Fantôme de Sarah Fisher ou Tu vas payer. A chaque fois, des ambiances et des trames différentes, mais un point commun indéniable : le succès. C’est également le cas ici. D’entrée de jeu, le lecteur est pris par l’histoire, sobre et bien menée, qui restitue avec intelligence et retenue l’amour entre Alex et Jade, deux lycéens fort crédibles pour lesquels on ne peut que nourrir de la sympathie et de l’empathie. L’histoire est également bien troussée, avec son lot de rebondissements. L’enlèvement conspiré est habilement construit, et, on s’en doute vite, des événements non prévus vont venir contrarier la cavale des deux épris vers les Philippines. Le style est très agréable, faisant bien ressortir les personnalités des uns et des autres, et la psychologie des protagonistes adroitement analysée. Le roman panache le sentimental et le policier au gré des péripéties, et jamais le suspense ne retombe.

    Une énième réussite de la part d’Agnès Laroche dont on ne peut que louer le talent littéraire et la constance.

    21/02/2018 à 18:24 2

  • Le Songe de l'astronome

    Thierry Bourcy, François-Henri Soulié

    8/10 Prague, en 1601. L’Empereur Rodolphe II de Habsbourg organise une fastueuse célébration à laquelle sont conviées diverses personnes, dont Tycho Brahé. Ce dernier, astronome controversé, va présenter sa version du cosmos. Mais il meurt dans d’étranges circonstances, et le décès concomitant d’une lingère, ayant probablement goûté au même liquide que lui, ne laisse que peu de doute : il s’agit d’un empoisonnement. Mais par qui ? Et pourquoi ?

    En alliant leurs plumes expérimentées, Thierry Bourcy et François-Henri Soulié signent un roman à suspense de grande qualité. D’entrée de jeu, le lecteur est plongé dans l’ambiance, l’époque ainsi que les mœurs. Des personnages étranges, parfois équivoques ou interlopes, hantent les couloirs du château : Tycho Brahe, scientifique dont les calculs oscillent entre une vision héliocentrique et géocentrique de l’espace, l’alchimiste Michael Maier, l’inquisiteur Robert Bellarmin, le peintre Bartholomeus Spranger , etc. Des personnages historiques, rendus ici avec beaucoup de crédibilité et de densité, sans jamais que la peinture de leurs faits, gestes, et pensées ne tourne à la stérile démonstration érudite. Le récit tourne rapidement au whodunit dans la meilleure des traditions, avec le capitaine Josef Kassov comme enquêteur, qui saura interpréter dans un éclair de génie les propos tenus par un nain affamé de concupiscence pour dénouer cette intrigue. S’y mêlent querelles de cours, lutte de pouvoirs, concurrence d’artistes (sans être physiquement là, Le Caravage va jouer un rôle important dans l’histoire avec la présence de l’une de ses toiles, dantesque et ahurissante), chantages et autres hostilités humaines. Le prologue, avec la noyade accidentelle d’un garçonnet, vingt-cinq ans plus tôt, aura-t-il d’ailleurs son importance dans le récit ? Si tout y est parfait, du tableau de l’époque au suspense maintenu jusqu’au bout, on pourra juste regretter une résolution un peu abrupte, qui ne laisse pas le temps au lecteur de s’y préparer et qui est un peu tirée par les cheveux. Néanmoins, mis à part ce petit défaut, ce livre est un petit délice de bout en bout, assurant sans le moindre mal une lecture à la fois distractive, originale et instructive.

    21/02/2018 à 18:21 4

  • Un vieux truc indien

    Craig Johnson

    9/10 Une histoire brève et piquante mettant en scène le shérif Longmire et son copain indien Lonnie Little Bird, arrivant dans un restaurant après un braquage. Comme à chaque fois, beaucoup d’intelligence et d’humanité de la part de Craig Johnson, une écriture impeccable et généreuse, et ici une sacrée dose d’humour quand est révélée, dans les toutes dernières lignes, la manière dont Lonnie parvient à résoudre en partie l’enquête. Dans le même temps, un sacré ixième degré quant aux poncifs du genre sur la sagesse amérindienne et la préscience, qui explose dans cette chute hilarante et brillante !

    18/02/2018 à 17:28 6

  • La Créature gluante

    R. L. Stine

    4/10 Un opus qui ne m’a vraiment pas emballé, ou comment un gamin découvre que sa professeure couve des œufs géants d’où naissent des créatures qui peuvent physiquement se transformer quand elles mangent leurs propres œufs. Voilà voilà… Bien évidemment, chacun ses goûts, mais ce genre de récits ne fait pas partie des miens. J’ai suivi l’histoire afin de ne pas avoir de remords, mais j’avoue avoir été vite indifférent à tout cela. Je retrouve la patte R.L. Stine, c’est indéniable, mais sans véritable charme scénaristique, et je ne parle pas de la scène finale, tellement téléphonée que ça en devient gênant.

    18/02/2018 à 17:26 2

  • Museum tome 1

    Ryosuke Tomoe

    9/10 Un premier opus nerveux et sombre, au scénario intelligemment bâti, et où émerge la figure effrayante de ce tueur en série portant un masque de grenouille. Beaucoup de violence, une belle enquête policière avec ces cadavres mis en scène, tous étant d’anciens jurés à un procès où le tueur d’un enfant a été condamné avant qu’il ne se suicide en prison. Un graphisme absolument génial (quelle finesse et quelle justesse dans les expressions des visages, notamment !) pour un ensemble glauque et enténébré, avec un final prenant, avec la rencontre avec ce psychopathe atypique qui en révèle énormément en à peine quelques mots sur sa trajectoire meurtrière et les raisons de sa croisade artistique. Un régal glaçant de bout en bout !

    18/02/2018 à 17:25

  • Cavaliers de l’orage

    Chris Anthem

    7/10 Dans une voiture, un étrange trio rejoint le Sud de la France. Vincent, Agnès et Clara. Trois psychopathes meurtriers, égrenant dans leur sillage toute une série de cadavres anéantis. Leur route finira par rejoindre celle de Malone, ancien douanier, désormais tenancier d’une auberge au bord d’un lac, et qui est également un tueur.

    Chris Anthem signe ici un roman qui ne pourra que plaire à celles et ceux qui avaient apprécié Terreur terminus. On y retrouve la plume si particulière de l’auteur, délicieusement trempée dans le sang, et d’où vont jaillir de nombreuses scènes de violence. Le prologue met immédiatement dans l’ambiance : Malone va torturer puis tuer une automobiliste qui a eu le malheur de conduire avec le portable à l’oreille. Parallèlement, Vincent, Agnès et Clara constituent une très inquiétante meute. Vincent et Agnès sont jumeaux et partagent ce goût pour la destruction calculée d’autrui, en plus d’apprécier faire des photographies de leurs victimes. Le frère ne crache pas non plus sur quelques amours nécrophiles. Et la rencontre entre ces entités sera… originale. Car Chris Anthem, s’il joue sur les codes du genre, est également capable de se jouer d’eux. En effet, aussi monstrueux que soient ses personnages, l’auteur leur fait vivre une aventure et des péripéties différentes, notamment lors de la rencontre finale. Des passages intéressants et inattendus, toujours autant surchargés en hémoglobine, et qui font écho à la curieuse relation qui va naître entre le trinôme de jeunes assassins et Catherine, rousse quadragénaire abandonnée sur une aire d’autoroute par son époux. Un choix scénaristique hautement louable, qui permet à cet opus ensanglanté de gagner sa propre identité tout en faisant immensément plaisir aux amateurs de lecture gore et décomplexée !

    07/02/2018 à 16:42 4

  • Le Train fantôme

    Agnès Laroche

    7/10 Alors qu’il pénètre dans Wonderland, une grande fête foraine, avec cinq de ses amis, Mortimer doit museler ses peurs et affronter diverses attractions. Mais il se pourrait que Wonderland soit plus dangereuse que prévu, avec la disparition de l’un de ses camarades.

    Cet opus issu des livres consacrés à Mortimer Mort-de-peur et écrit par Agnès Laroche continue d’alimenter intelligemment le feu de cette série. Le récit est rapide et espiègle, au même titre que son héros. Environ quatre-vingts pages, vite avalées, où défilent les animations typiques d’une fête foraine. C’est avec un plaisir évident et total que le lecteur, assurément jeune, va partager les émotions mêlées vécues par les gamins, depuis un train fantôme jusqu’à une inquiétante voyante en passant par un élévateur ultrarapide. Des moments qui ne pourront que parler au lectorat, et l’entraîner dans des frayeurs légitimes. L’aspect policier n’arrive qu’assez tard dans le récit, et l’écrivaine emploie cette carte avec beaucoup de retenue et de crédibilité, avec la disparition inexpliquée de l’un des mômes.

    Un agréable roman pour la jeunesse, vif et entraînant, avec de justes illustrations signées par Julien Castanié. Autant de bonhommie et d’une louable candeur ne peuvent que réveiller en nous notre esprit d’enfant.

    07/02/2018 à 16:37 1

  • Rêver

    Franck Thilliez

    9/10 J’ai été transporté du début à la fin par cet opus. Une intrigue – ou plus exactement, deux intrigues – qui se côtoient, se superposent puis s’enchevêtrent dans les ultimes chapitres. Une histoire sacrément étudiée par Franck Thilliez (les rêves, les troubles du sommeil, etc.), servie par une langue certes simple, mais qui sert la cadence du récit plutôt que le desservir par des formulations ampoulées de mauvais aloi. Ce qui me sidère, c’est que ce livre est constituée d’une pléiade de moments, d’événements ou de personnages, dont chacun est en soi une graine, une piste pour un ouvrage indépendant : depuis l’histoire de l’écrivain jusqu’à cette vengeance terrifiante, de ce Freddy à l’accident de voiture, de la narcolepsie d’Abigaël à cet étrange livre « La quatrième porte » … Finalement, le seul reproche que je pourrais trouver à ce roman, c’est presque cet excès d’histoires et de complexités : l’auteur, brillantissime, conserve sa ligne directrice, son point d’arrivée et son cheminement littéraire comme chronologique, mais l’accumulation de situations incroyables, de protagonistes atypiques et de procédés parfois vus ailleurs (il y a du Harlan Coben dans le chapitre 83, je trouve, sans parler du film « Memento ») m’a parfois fait tiquer. Néanmoins, pour résumer mon sentiment au sortir de ce bouquin, je reprendrai volontiers deux titres de Franck Thilliez, juste pour leur valeur et leur sens : « Puzzle » et « Vertige ».

    04/02/2018 à 18:24 9

  • Les grandes fêtes

    Craig Johnson

    8/10 Une nouvelle prenante, efficace et très amusante, qui me fait penser à une bonne blague, ou plus exactement à la manière idoine de la raconter : un décor et des personnages bien plantés, on se demande au départ où veut nous emmener l’écrivain, une histoire très habilement menée avec ce qu’il faut de doutes et d’incertitudes dans notre petite tête, et une chute bien amenée et inattendue, en plus d’être drôle. Un nouveau régal de malice, d’humanité et d’humour, en plus de donner envie d’en savoir plus sur la religion juive.

    04/02/2018 à 18:22 6

  • Death's Choice tome 1

    G. O., Tatsuhiko

    7/10 Un bon petit manga, qui conjugue suspense et humour, avec de justes remarques quant à la popularité factice, l’impact des réseaux sociaux, le harcèlement et les relations si particulières entre des élèves. Un petit jeu de massacre intéressant, sans jamais pour autant renouveler le genre, mais qui tient habilement la route et s’achève sur une nouvelle série de votes, cette fois-ci via une urne.

    04/02/2018 à 18:21

  • Sombre vallée

    Thomas Willmann

    9/10 Dix-neuvième siècle, dans un village isolé des Alpes, tenu sous la coupe du vieux Brenner et de ses fils. Un homme arrive. Il s'appelle Greider. Un peintre. Un inconnu. Il s’installe chez une veuve et sa fille, et souhaite passer l’hiver qui se présente à croquer les paysages locaux. Ce sont bientôt les enfants de Brenner qui meurent les uns après les autres.

    Avec cette ébauche de résumé, il n’est guère besoin d’être un grand clerc pour reconnaître les ambiances et scénarios propres à certains westerns. De L’Homme des hautes plaines à Pale Rider en passant par nombre d’autres films, notamment de Sergio Leone, tout le monde voit déjà venir les passages obligés, voire les clichés : la communauté retirée, le magnat et sa famille autocratique, le horsain venu appliquer avec ardeur une vengeance, etc. Lorsque l’on lit ce Sombre vallée de Thomas Willmann, c’est indéniable, ces poncifs se produisent. Mais avec quel régal. Ce livre est en soi un paradoxe : le fond est connu, mais c’est ici la forme qui l’emporte. Un véritable festin de mots et de maux. Une écriture remarquable pour décrire ces paysages esseulés et enneigés. Le village recroquevillé sur lui-même, ses croyances ancestrales et ses propres couardises, assumées comme un élément de son ADN. La mainmise d’une dynastie cruelle et impitoyable, ayant élevé le droit de cuissage et des grossesses forcées au rang de dogme. Il faut attendre le quatorzième chapitre de ce récit et sa soixantaine de pages pour comprendre les origines exactes de l’immense rancœur de Greider à l’encontre des Brenner, avec un magnifique et terrifiant télescopage de deux époques pour un mal commun. Des scènes d’une violence brute surgissent de ce passage, mettant en exergue la bestialité des hommes, avec notamment ce gamin capable de trouver l’idée de briser physiquement un de ses congénères à coups de fléau, un prêtre se prêter à la terrible redite de la crucifixion, et des conseils zélés de cette meute de psychopathes quant à l’emplacement exact des clous à enfoncer dans une chair humaine pour s’assurer une correcte stabilité.

    Un récit glacé et glaçant, qui joue sur les codes traditionnels du western pour mieux les faire exploser par le truchement d’une langue marmoréenne. Une histoire quasiment privée de tout dialogue, uniquement fondée sur des descriptions remarquables de ces panoramas hiémaux et de ces personnages atypiques, où serpente, au milieu de la lâcheté des uns, la fureur des survivants. Un roman dont on n’a pas fini de mesurer l’insondable noirceur.

    24/01/2018 à 20:03 4

  • Jumelles en détresse

    Christian Grenier

    7/10 Hercule, sympathique chat policier, apprend la disparition de deux siamoises jumelles. Accompagné de Siam, sœur des matous, il décide de mener l’enquête.

    En grand connaisseur de la littérature policière pour les jeunes, Christian Grenier sait bâtir une intrigue et la mener jusqu’à son épilogue. Ici, au même titre qu’avec les autres opus de cette série, ce roman séduit de bout en bout. Le langage est simple mais efficace, et l’on ne peut qu’être séduit par la personnalité de Hercule, félidé espiègle et têtu. Hercule va rencontrer d’autres chats assez patibulaires, au moins de prime abord, et découvrir un inquiétant trafic d’animaux. Les pages défilent rapidement et aisément, et l’on ne perd pas une miette des rebondissements de ce livre malicieux et vif, comme l’est le héros. Un bouquin agréable, facile à lire, distrayant en diable, et qui permet de passer quelques délicieuses dizaines de minutes de distraction.

    24/01/2018 à 19:59 2

  • Les Secrets de la pierre d’Égypte

    Dan Metcalf

    8/10 Terreur ! Quelqu’un s’est introduit dans le British Museum. Rapidement, Lottie Lipton, aidée de son grand-oncle Bert et de George, factotum, se lancent dans une enquête afin de retrouver un mystérieux trident.

    Au même titre que La Malédiction du chat du Caire, Dan Metcalf réjouit avec ce livre-jeu très prenant. L’intrigue reste assez simple mais efficace, et les diverses énigmes mises en travers du chemin du trio de limiers sont attachantes. D’ailleurs, l’ensemble se situe un cran au-dessus de ce que l’on a pu trouver dans l’autre opus des aventures de l’espiègle Lottie. En effet, les devinettes sont un peu plus originales et excitantes, avec des codes secrets à décrypter. D’autre part, on prend plaisir à voir cette fine équipe affronter Bloomsbury Bill, un redoutable malfaiteur. Et c’est ainsi une bien fière Lottie qui, inspirée par l’inspecteur Blade, un officier qui signe des histoires policières dans le magazine Enquêtes et Mystères, saura venir à bout de cette intrigue.

    Un concept toujours aussi intéressant, avec cet écrin constitué non seulement du roman, mais aussi d’un carnet de notes et d’un crayon, permettant ainsi aux jeunes lecteurs de prendre part à la résolution des différents problèmes. Un délicieux petit régal.

    24/01/2018 à 19:54 2

  • Photos de malheur

    R. L. Stine

    6/10 Une suite intéressante à « Dangereuses photos », même si cet opus tient plus, à mes yeux, de la redite ou de la réinterprétation que de la réelle suite. Toujours un ton et une écriture efficaces, mais, comme pour Mamboo, l’effet de surprise n’existait plus véritablement pour moi. Néanmoins, cela se laisse lire avec plaisir, jusqu’à la chute, qui n’en est pas vraiment une, ou alors qui appelle un troisième roman quant à cet appareil photo maudit.

    21/01/2018 à 18:18 1

  • Une Etude en rose

    Mark Gatiss, Jay, Steven Moffat

    7/10 Une relecture sympathique et enlevée de l’œuvre d’Arthur Conan Doyle, qui correspond ici, plan pour plan, au téléfilm de la récente série télévisée. Pas mal d’humour, un Sherlock Holmes toujours aussi brillant, asocial et délirant, et la liaison amicale naissante entre lui et le docteur Watson. Une sombre et impénétrable histoire de suicides par empoisonnement qui ne résistera pas à la sagacité du célèbre locataire de Baker Street. Un régal pour les fans de la série, peut-être un peu moins pour les autres, tandis qu’à la fin de cet opus naît l’ombre inquiétante du terrible ennemi de Sherlock, à savoir Moriarty.

    21/01/2018 à 18:17 1