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Petite discussion avec une momie
9/10 Après un repas copieux et bien arrosé, le narrateur est convié par un ami, le docteur Ponnonner, de le rejoindre, lui et deux autres individus, à assister à l’ouverture du sarcophage contenant une momie. Et notre assistance décide de faire parcourir de l’électricité dans le corps de la momie, embaumée cinq mille ans auparavant, la ramenant ainsi à ce qui ressemble à la vie. Dès lors, les contemporains vont se mettre à discuter avec la momie, et notamment évoquer les différences entre leurs cultures. Un postulat certes fantastique (au sens littéraire du terme), mais estampillé d’humour et, en parallèle, de gravité, puisque la comparaison entre les époques et les civilisations va déboucher sur un final en deux temps. Le premier, vu crument, peut sembler raciste. Mais celui qui suit offre une vision bien différente, très nuancée et presque émouvante, où Edgar Allan Poe, avec une solennité presque subite, fait opter le narrateur pour un choix inattendu et humainement très fort. Une belle leçon d’humanité, sans pour autant se faire moralisatrice.
08/08/2020 à 23:09 1
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La Barrique d'Amontillado
6/10 Une nouvelle intéressante, racontant la vengeance d’un homme envers le malheureux Fortunato, entraînant ce dernier, sous ouvert d’une expertise d’une pipe d’amontillado, vers un sinistre destin. Une belle écriture, des références multiples (franc-maçonnerie, alcoolisme, cette « nitre » dont je ne connaissais que l’appellation « salpêtre », etc.), pour un final intéressant. Hélas, mille fois hélas, j’ai lu ce texte après « Le Chat noir », écrit trois ans plus tôt, à mes yeux beaucoup mieux ciselé, plus ambitieux, plus anxiogène et prenant, et qui se paie en outre le luxe de bénéficier d’une chute, certes connue, mais autrement plus frappante et mémorable. De là à dire que cette « Barrique d’Amontillado » est une version light – et pourtant postérieure – au « Chat noir », presque son brouillon, son échauffement, il n’y a qu’un pas que j’accomplis sans scrupule.
08/08/2020 à 23:07
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Le Signal
7/10 J’ai tout d’abord été séduit par « l’objet » que constitue ce livre (avec cette couverture en relief et cette dominante noire des pages, tout ça est vraiment magnifique), en plus de m’offrir un bon gros pavé et de renouer avec l’univers de l’auteur. La mise en place est classique, typiquement américaine dans le style et chez les personnages, et les deux épigraphes (Stephen King et Lovecraft) signifient bien où souhaite nous emmener Maxime Chattam. Et très vite, les phénomènes inexpliqués s’accumulent : un épouvantail tueur, des disparitions glauques, des chauves-souris qui s’écrasent au sol sans raison apparente, des voix hurlantes sur les ondes de la radio, un immonde ballet de lames de rasoirs, des légendes amérindiennes avec le Wendigo, les sorcières de Salem, etc. Un véritable feu d’artifice de pistes. Mais j’ai parfois trouvé le temps un peu long, en raison de personnages trop caricaturaux, peu fouillés, ou réduits à une expression narrative minimaliste. Et quand les explications ont commencé à tomber (à partir du soixantième chapitre environ), je suis resté un peu de marbre. OK, c’est intéressant et plutôt original, mais je n’ai pas été emporté. Que l’on soit d’accord : j’aime beaucoup le fantastique, là n’est pas la question. Mais ici, je ne saurais dire trop pourquoi, j’ai eu du mal à être totalement happé par la résolution. En outre, malgré pas mal de scènes mémorables et parfois flippantes dès lors que l’on se prend au jeu, la multitude des clins d’œil de l’écrivain a fini par passer, à mes yeux, parfois plus pour des picorages ou des emprunts qu’à de réels hommages (même si je ne prête évidemment aucune mauvaise intention à Maxime Chattam). En général, les albums musicaux de reprises me laissent dubitatif : je préfère les œuvres originales, ou alors les compositions des artistes « repreneurs » eux-mêmes : ici, c’est un peu ce même effet qui s’est produit sur moi. Et puis, j’ai également trouvé que le titre téléphonait un peu trop la résolution, alors que « La Brèche », employée vers la fin du roman, aurait été à mon avis plus neutre. Malgré tout, et c’est très paradoxal, je n’ai pas vraiment boudé mon plaisir de lecture et ai passé, dans l’ensemble, des moments assez agréables, d’autant que j’ai trouvé, pour une fois, que l’écrivain s’était délesté de ses envolées lyriques sur le monde, la civilisation et l’homme. Je tâcherai, à l’avenir, de me trouver d’autres romans de M. Chattam que je n’aurais pas encore lus, et ça sera avec plaisir.
29/07/2020 à 23:37 8
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Fight Club
8/10 … ou comment un Américain moyen, fréquentant les réunions de parole et atteint de graves troubles du sommeil, en vient à faire la rencontre avec Tyler Durden, un individu incandescent et branché activisme, dans une longue descente aux enfers. Le film, c’est-à-dire son adaptation cinématographique, je l’ai vue une fois, il y a déjà pas mal de temps, et je n’en ai gardé que des souvenirs lointains, ce qui n’aura été que bénéfique pour me plonger dans ce livre. Une histoire complètement foutraque, littéralement déjantée, où le narrateur va basculer dans l’univers timbré de Durden, des recettes d’explosifs à la saponification en passant par des plats assez spéciaux, sans parler, bien évidemment, de la création du (voire des) fight club, où tout un chacun peut ainsi pleinement s’exprimer et se libérer de lui-même. Si j’ai été moyennement séduit par la prose de Chuck Palahniuk, j’ai été en revanche séduit par ce récit apocalyptique, dur et intransigeant, ménageant des moments forts ainsi que des rebondissements (le lien narrateur – Durden, révélé assez tard, et surtout la scène finale qui fleure bon la paranoïa, le complotisme, et une potentielle suite). Une lecture âpre et exigeante, qui ne s’offre pas mais se conquiert, pour une véritable expérience littéraire hallucinée.
28/07/2020 à 23:13 3
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Fausse note
8/10 Par qui et pourquoi Henri Martinet, violoniste amateur, a-t-il été empoisonné ? Sur le principe, c’est assez simple : il était avec ses trois musiciens de camarades, et c’est avec eux qu’il a bu du champagne et mangé du framboisier avant de mourir. Sauf que le cyanure que l’on a retrouvé dans son estomac n’était ni dans la boisson ni dans la nourriture. Se pose alors la question du « comment ? », et c’est Yann Gray, policier, qui doit démêler les fils de cette intrigue.
Un opus extrait de la série consacrée à Yann Gray qui présente la particularité, en fonction des opus, de s’adresser à la jeunesse ou aux adultes : ici, c’est plutôt pour des collégiens. Je découvre la plume d’Yves Hughes, et cette lecture a été un régal. C’est rythmé et dynamique, avec un ton alerte et humoristique : flanqué de sa galeriste de compagne, d’un garnement pas piqué des hannetons et de la grand-mère Mamounette qui s’est mise en tête de tester toutes les pâtisseries parisiennes proposant des chaussons aux pommes, notre limier est cerné. Mais il se peut que les théories policières de Mamounettes, inspirées d’Agatha Christie ou d’Umberto Eco, parfois tirées par les cheveux, parfois malignes, lui soient utiles… ou pas. Une histoire rondement menée, plus que plaisante, et où la technique du tueur – même si elle a déjà été exploitée auparavant, mais je n’en dirai pas plus – demeure surprenante, et il en va de même pour le mobile. Bref, une très agréable lecture.28/07/2020 à 23:12 3
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Avant l'Enfant-Minuit
Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann
6/10 Changement de décor pour nos gamins, avec cette neige poisseuse. Des moments très visuels, comme avec cette araignée et la personne vers laquelle elle se dirige. Pas mal d’action dans ce décor typiquement montagnard, c’est indéniable, mais cette fin du deuxième cycle n’apporte pas beaucoup de réponses aux questions que je me pose. C’est enlevé, ça se laisse vraiment bien lire, mais je me sens un peu comme un teckel dans une salle cylindrique à qui on a dit qu’il y avait des croquettes dans un coin.
28/07/2020 à 08:28
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Le Sphinx
9/10 Une nouvelle où le narrateur, aux côtés d’un ami dans sa propriété proche de l’Hudson, sensible aux augures, voit un animal monstrueux, de taille colossale, et voit en son apparition un triste présage alors que le choléra sévit à New York. Je m’arrête là dans la description de cette histoire (particulièrement lapidaire, même pour une nouvelle), car sa chute est à mes yeux extraordinaire. Un mélange d’humour, de finesse d’observation et de résolution d’énigme d’une grande maestria. C’en est même tellement fin et, en fonction de son intime façon d’interpréter ce final, qu’elle pourra presque ressembler à un pastiche de roman à énigme façon Sherlock Holmes. Bref, un court et intense moment de bonheur en ce qui me concerne, ou l’art de faire très court et infiniment percutant !
28/07/2020 à 08:25
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Détective Conan Tome 81
7/10 La suite et fin de l’intrigue inachevée du tome précédent, simple et pertinente. Puis un homme mort dans un bar, qui a surtout retenu mon attention avec la manière dont le criminel s’est débrouillé pour tuer sa victime, de façon très adroite. Puis un crime dans une salle de bain qui rebondit sur une mort dans des toilettes avec une simple mais astucieuse démonstration de physique à la clef. En bref, rien de révolutionnaire ni d’inoubliable, mais amplement de quoi passer un bon moment de lecture et de sollicitation de nos cellules grises.
28/07/2020 à 08:24 1
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Baptism - Tome 04
8/10 Quatrième et dernier tome d’une série que j’ai adoré. Il débute par la confrontation entre Sakura et ce journaliste, et la « fausse » gamine n’a pas dit son dernier mot. Pas mal de rebondissements, entre accidents provoqués ratés et retour du docteur Murakami, crises de démence et hallucinations, sans compter ce redoutable twist final, encore une fois très en avance sur son temps (cet opus date de 1976), et qui aurait pu inspirer de bien nombreux films comme romans. Bref, une conclusion forte (même si certains lecteurs pourront être déroutés par ce choix de Kazuo Umezu), pour une série qui l’est tout autant.
28/07/2020 à 08:23
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Avant la chute
7/10 Onze personnes embarquent à bord d’un jet privé depuis l’île de Vineyard. Principalement deux familles avec leurs enfants, plus l’équipage, un garde du corps et un invité de dernière minute, Scott Burroughs, un artiste sur le retour. Seize minutes plus tard, l’avion s’écrase en mer. Seuls le peintre et JJ Bateman, âgé de quatre ans et héritant ainsi d’une véritable fortune, survivent miraculeusement. Mais quel aura été la part de l’accident, de la machination ou du hasard dans ce crash ?
Dépeint comme un thriller dès la première de couverture de la version poche, ce roman de Noah Hawley saisit l’attention dès les premières pages. L’écriture est très agréable, le style également, et l’on se passionne vite pour le décor planté par l’auteur, celui des minutes et circonstances précédent le décollage. Par la suite, l’ouvrage étonne : son aspect policier semble s’éloigner au profit de l’étude psychologique des divers protagonistes. Certains retiennent nettement l’attention, comme Scott, peintre raté ayant décidé d’abandonner ses vieux démons pour essayer de croquer un peu de gloire, Bill Cunningham, journaliste sans scrupule de la chaîne d’information ALC et prêt à toutes les bassesses, ou encore Gil Baruch, le garde du corps. De belles tranches de vie, assurément, que Noah Hawley rend d’autant plus poignantes qu’elles se sont unies, au dernier moment, dans une même tragédie. Mais, malgré ces qualités indéniables, le temps est un peu long pour l’amateur de thrillers. Et puis, arrive la trois-cent-quatre-vingt-douzième page, qui rebat les cartes de l’intrigue en injectant une dose salvatrice et dynamisante dans le récit, mais qui n’est que de courte durée. La suite du livre, encore une fois très bien écrite, demeure dans la droite ligne de son entame : un drame, vif et mordant, rendu très humain par cette description chorale des événements, mais qui n’atterrit jamais sur le tarmac tant attendu du thriller.
Noah Hawley livre un opus soigné et réussi, mais dont l’étiquette « thriller » paraît usurpée. Une frustration comparable au fait de prendre un avion qui, malgré d’excellentes conditions de vol, ne vous emmène pas à la destination prévue.20/07/2020 à 10:35 1
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Portés disparus
8/10 Sans le moindre avertissement, un avion vient s’écraser au beau milieu de la ville de Kelton, sur la maison occupée par Doug et sa famille. Jarli Durras, le génial inventeur de cette application pour téléphone portable capable de repérer les mensonges dans la voix d’un humain, est sur place lors du crash. Détail étonnant : si la maison est vide (ce qui est tant mieux), l’avion l’est également. Dans ce cas, qu’est-ce qui a provoqué cet accident ? D’ailleurs, est-ce que c’en est vraiment un ?
Après le très réussi L’Appli vérité, Jack Heath, à qui l’on doit aussi le remarquable Mange tes morts, nous revient avec ce deuxième opus des « Chroniques de Kelton ». Le tempo y est remarquable, alerte et sans le moindre temps mort, et le lecteur est d’entrée de jeu pris par la cadence imposée par l’écrivain. Les rebondissements s’enchaînent alors rapidement, et nos deux protagonistes – Jarli et Bess – vont avoir la surprise de découvrir que leur camarade Doug n’est peut-être pas celui qu’il prétend, et que le terrible Viper – le sordide personnage auquel ils ont été confrontés dans l’opus précédent – pourrait à nouveau être derrière toute cette histoire. Les moments de suspense et de tension ne manquent pas, et ce deuxième ouvrage de la série semble même encore plus vif que L’Appli vérité, probablement parce que le décor et les personnages ont déjà été plantés. On retiendra ici que l’intrigue est assez riche et fertile en surprises, avec de nombreux passages mémorables, comme l’altercation avec les deux individus surnommés « Détecteur » et « Ramasseur », l’affrontement dans l’usine de la ville, ou encore dans le container.
Jack Heath continue de nous régaler avec cet ouvrage dynamique et fécond en retournements de situation. De quoi donner envie de se ruer sur le troisième opus, prévu fin août chez nous.20/07/2020 à 10:30 4
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Une nouvelle amie
5/10 … ou comment Christine et David, mariés chacun de leur côté, en viennent à nouer une idylle adultérine, avant que David ne se résolve à avouer à sa nouvelle compagne une inclination singulière : se grimer (avec talent) en femme. Une nouvelle curieuse, assez agréable à lire et fort courte, où plane une curieuse ambiance, presque badine et insouciante, et à la chute, étrange paradoxe, à la fois téléphonée par un geste précédent de la jeune femme, et en même temps inattendue. En fait, ce qui m’a dérangé au final, c’est que cette chute m’a semblé arriver comme un cheveu sur la soupe, voire comme une grosse perruque au beau milieu du potage. Et c’est ce choix scénaristique de feue Ruth Rendell, à la fois brusque et très saugrenu du point de vue psychologique (malgré une ébauche de justification au début du texte) qui m’a profondément déçu.
17/07/2020 à 22:59
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Hell Blade tome 1
7/10 Un tueur en série, que la police surnomme « Jack l’Eventreur », sévit à Londres et multiplie les crimes sanglants. Pour couvrir le meurtre de sa mère par son épouse Susan, le policier Roy décide de faire passer cet homicide pour celui du monstre. Sauf que Susan va encore tuer, et que le « véritable » tueur en série ne compte pas la laisser ainsi faire. Un manga surprenant par son pitch (prenant comme postulat que Jack l’Eventreur n’a pas précédemment existé, puisque l’action se déroule de nos jours), tandis que son identité bascule très rapidement vers le fantastique. Pas mal d’action avec des combats chouettement chorégraphiés et du sang, pour une relecture surnaturelle et contemporaine du célèbre assassin de Whitechapel.
17/07/2020 à 22:58 1
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Kurosagi - Livraison de cadavres tome 6
7/10 Une entreprise concurrente (Corpopost) vient défier nos héros sur leur terrain de prédilection, à savoir cette espèce de curieux commerces autour des cadavres, mais cette concurrence pourrait bien se retourner contre leurs rivaux. Puis un cadavre tombé du plafond donnant lieu à une rencontre pour le moins brûlante, et des meurtres de prostituées près d’une immense tour. Des intrigues un peu plus classiques que dans les opus précédents, mais ça n’en demeure pas moins très réussi et efficace, d’autant que ce découpage en courtes histoires sert à mon avis à merveille le tempo.
17/07/2020 à 22:57 1
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Le Démon de la perversité
9/10 Une nouvelle terriblement marquante, qui commence par l’analyse du narrateur méditant le cas de ce qu’il appelle « le démon de la perversité », à savoir cette puissante et implacable inclination de l’être humain à aller vers l’anomal, l’illégal, voire l’autodestruction. Il passe en revue des notions riches comme la religion, le suicide, la phrénologie, et ce n’est que vers la fin que l’on apprend que le narrateur est également concerné par les penchants criminels, qu’il y a cédé par avarice, et qu’il va à son tour tomber sous l’emprise de cette pulsion. C’est un récit très riche et dense (à ne s’y forer un passage qu’au coupe-coupe au beau milieu de cette jungle de notions), exigeant, et dont la fin (où il est question d’une certaine forme de « liberté ») appelle nécessairement le lecteur à la réflexion.
17/07/2020 à 22:56
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Ombre
7/10 Le récit à la première personne d’un homme, Oinos, qui a vu le monde s’effondrer en raison de la peste. Reclus dans une maison avec des amis, tentant de jouer les bravaches pour contrer leur peur, ces individus vont voir se profiler une ombre dont les paroles vont les glacer. Une chute insolite et fameuse, et c’est principalement elle qui aura retenu mon attention (ainsi que l’écriture, un véritable festin littéraire), car les contextes géographique (la Grèce) et historique (l’année 794) m’ont un peu déboussolé, ne faisant référence à aucun élément connu de ma part, ni rien apporté à la nouvelle.
17/07/2020 à 22:54
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Le Locataire
7/10 … ou comment Elie Nagéar, trentenaire professionnellement raté et au physique médiocre, en vient à se cacher dans la pension tenue par la mère de sa compagne, à Charleroi, après avoir tué un commerçant et volé son pécule. On retrouve la plume si particulière du génialissime auteur belge, Georges Simenon, avec tout ce qu’elle véhicule : rongée jusqu’à l’os, et ne conservant que cette substantifique moelle qui caractérise son style épuré. Ici, c’est Elie qui retient l’attention : esthétiquement passable, toujours couvert de sueur, capable d’être démonté par un simple torticolis et en proie à des crises de déprime au point de geindre comme un enfant, il a manqué un contrat juteux ayant trait à des tapis, et a été pris d’une folie meurtrière en massacrant avec pas loin d’une vingtaine de coups avec une clef anglaise sa proie. Une série de paradoxes émotionnels et psychologiques, comme quoi l’écrivain est doué pour dépeindre avec simplicité des âmes et situations que ne le sont pas. L’ambiance est toujours aussi pesante et lourde de suspicions, notamment dans la pension, avec quelques trahisons à la clef, jusqu’à l’épilogue, intéressant. Néanmoins, après avoir lu pas mal d’ouvrages du grand monsieur, j’ai trouvé celui-ci un peu moins prenant, symbolique, mémorable : il manque un je ne sais quoi dans l’histoire ou la peinture morale des autres protagonistes pour rester définitivement gravé dans mon esprit. Une bonne lecture néanmoins, pour cet écrivain qui demeure l’un de mes préférés.
17/07/2020 à 08:29
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Ulysse
8/10 … ou l’incroyable épopée d’Ulysse, retranscrite ici par Hélène Montardre. Tous les grands événements de son existence y sont narrés : sa rencontre avec Pénélope, lorsqu’il singe la folie, le Cheval de Troie, les Lotophages, Polyphème, l’outre des vents, Calypso, les chants des sirènes, Charybde et Scylla, le retour en Ithaque, quand son chien puis sa nourrice le reconnaissent malgré les oripeaux d’un vieillard sans le sou, l’épreuve de l’arc et la reconquête de son identité, de son trône et du cœur de son épouse. Encore une fois avec les livres de cette collection, j’ai passé un très bon moment de lecture, où les épisodes foisonnent, mettant en relief l’intelligence et l’imagination des auteurs de l’Odyssée. Hélène Montardre colle parfaitement au texte originel et à l’immense légende née de ce récit, la concision ne faisant que mettre en relief la densité humaine, littéraire et aventureuse de cette destinée hors du commun, ainsi que les protagonistes incroyables et inoubliables de ces péripéties. Un grand moment de littérature, rendant hommage avec réflexion et efficacité à un pan mémorable de la mythologie grecque. En outre, le langage s’adapte à la cognition des jeunes lecteurs auxquels se destine en priorité cet ouvrage, mais les adultes peuvent bien évidemment embarquer avec l’astucieux et roublard Ulysse, au gré des mers et des influences des dieux.
17/07/2020 à 08:29
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Ligeia
8/10 … ou la très étrange destinée du narrateur qui tombe follement amoureux de Ligeia. Une beauté surnaturelle, brune à s’en damner, à la voix profonde et ensorcelante, et dont l’instruction dépasse l’entendement humain. Mais elle finit par mourir. Le veuf se réfugie dans une abbaye, s’adonne à l’opium, se lamente de la perte de l’être aimé, et finit par épouser lady Rowena Trevanion de Tremaine, « à la blonde chevelure et aux yeux bleus ». Sauf qu’elle finit à son tour par tomber gravement malade…
Une nouvelle fantastique envoûtante, à mi-chemin entre la littérature blanche et le fantastique, où la plume d’Edgar Allan Poe excelle, notamment dans les descriptions physiques – parfois un peu longues à mon goût, néanmoins, - et les tourments de narrateur endeuillé. Le côté surnaturel surgit véritablement lors de la maladie de sa seconde épouse, et dans les dernières scènes décrivant les ultimes moments de la jeune femme dans ce monde – mais est-ce réellement le cas ? Les toutes dernières lignes, à force de côtoyer l’univers de l’écrivain, ne sont pas particulièrement surprenantes, mais elles ont tout de même un fort effet, panachant l’émotion et l’inexplicable. Un autre versant du deuil et de l’affliction que ceux proposés dans « Eléonora », « Bérénice » et « Morella », sachant que ces quatre nouvelles forment à mes yeux un tétraptyque (à ce stade de mes lectures d’Edgar Allan Poe, mais il y en a peut-être d’autres ?).17/07/2020 à 08:28
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Le Système du docteur Goudron et du professeur Plume
9/10 Alors en déplacement dans le sud de la France, le narrateur décide de visiter un hôpital psychiatrique dont il avait entendu parler. Introduit sur place par le directeur, M. Maillard, ce dernier lui explique son « système de la douceur », à savoir le refus de toute violence sur les aliénés et un principe de liberté pour eux, désormais révolu. Mais l’hospice réserve encore de sacrées surprises…
J’avais lu cet opus quand j’étais collégien, et je me souvenais vaguement de la fin, et uniquement de celle-ci. Malgré tout, à cette relecture ; le charme a de nouveau opéré. Je me suis laissé embarquer par ce récit gentiment bouffon, et, aux côtés du narrateur, j’ai été hameçonné par l’histoire, son excentricité, le comportement pour le moins biscornue des convives, et la plume, à la fois inquiétante et posant une ambiance singulière et décalée d’Edgar Allan Poe. Et puis il y a ce final, certes un peu téléphoné, mais qui est toujours aussi saisissant et détonant. Il n’y a pas à douter de deux points : c’est une histoire très forte et qui n’a certainement pas perdu de sa puissance d’impact malgré les ans. Et je suis également persuadé qu’il a dû inspirer des auteurs et des scénaristes du cinéma, car c’est un véritable festin d’imagination et d’impertinence.17/07/2020 à 08:27