3583 votes
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Opération Offshore
Jean-Claude Bartoll, Renaud Garreta
3/10 Retour de Najah Cruz, en réalité Isabel Mendoza, quelque part à la frontière entre le Cabinda et le Congo, et je retrouve les mêmes défauts que dans le précédent tome : une tueuse qui échappe on ne sait pas comment à des rafales d’arme automatique lourde, fait ensuite des katas dans la forêt en récitant du Sun Tzu, sauve in extremis les rescapés d’un crash sans même défriser son brushing, se déguise en nonne et pète des faces, se sort encore une fois de situations impossibles… Même vaporisée par une explosion sur une plateforme pétrolière, elle se retrouve à la flotte au milieu des flammes et trouve le moyen de secourir quelqu’un. C’est bien simple : à ce niveau-là, Rambo et Jason Bourne, ce sont deux gentils écoliers au nez humide à côté. Et je ne parle pas des allers-retours incessants sur le globe, parfois sans grand intérêt, de l’intrigue démoulée d’un film avec Steven Seagal et de poncifs alignés comme les grains d’un chapelet. J’ai encore quelques autres tomes à portée de main, alors je vais continuer encore un peu, mais cet opus en est presque navrant.
27/11/2021 à 17:39 2
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Le Mystère du cimetière
1/10 ... ou l'étrange disparition du pasteur Dobson, descendu dans la tombe de Joseph Burns que l'on vient tout juste d'enterrer, afin d'honorer son ultime requête : laisser tomber une boule en un point "A". Mais cette disparition, même mystérieuse, ne fait que s'amplifier avec l'apparition d'un dénommé Bell venu demander une rançon à la fille du disparu.
J'ai beau adorer l'oeuvre du sieur Lovecraft, là, j'ai été très négativement étonné. Une histoire beaucoup trop courte, et inutilement découpée en douze chapitres que ne font que souligner cette concision qui prend des allures de pastiche. Car c'est là que le bât blesse : tout ça m'a paru complètement invraisemblable. Un modus operandi pour l'enlèvement capillotracté à un point que ça en devient grotesque (ça ne doit pas être tous les jours que la volonté d'un homme soit que l'on dépose dans sa tombe une boule en un point marqué "A"...). Cette histoire partait déjà fort mal... Et que dire du fait que l'enquêteur trouve justement la bonne boutique et au bon moment où les conspirateurs échangent librement à propos de cette histoire ? De Bell qui laisse tomber les clefs de la geôle et que récupère le reclus ? Que la cellule de ce dernier est "magnifiquement éclairée" (un captif, qui plus est à qui on en veut, on le laisse dans le noir, non ?) ? Que Dobson parvient à faire un double avec la cire des bougies (Bell ne s'est donc pas demandé si Dobson n'avait pas profité de sa bévue ?) ? Que Dobson passe "le jour suivant à limer des clés pour les adapter à la serrure", mais avec quoi les a-t-il limées ? Avec les ongles de ses orteils ? Et que dire de l'absence (même pas partielle, non, totale !) de mobile, ou d'explication à ce sujet des frangins quant à ce stratagème si alambiqué ? Et puis Dobson, pour en revenir à lui, puisqu'il était si haï, personne n'était au courant de cette inimitié si agressive ? Personne non plus n'avait pensé à fouiller cette fichue tombe puisque Dobson y était entré sans en sortir ? Et que dire du final à l'eau de rose, si téléphonée que ça en devient pathétique ?
Non, là, désolé, ça n'est pas parce que j'apprécie beaucoup un écrivain qu'à titre personnel, je vais en être réduit à applaudir un texte qui, lu, dure une petite dizaine de minutes, et, factuellement, ne compte même pas mille cinq cents mots, et qui, surtout, aligne autant de non-sens et d'absurdités. A mon avis, à oublier au plus vite.26/11/2021 à 20:06 1
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Dans l'oeil du cauchemar
8/10 Le navire « Stornoway » est toujours de l’autre côté de la brèche : de curieux phénomènes astronomiques, une île inconnue, une végétation inédite, des insectes aberrants, etc. Nos héros expéditionnaires sont aux prises avec des créatures du même genre que celle qui avait agressé Adamson à Londres : une belle bataille en l’occurrence, digne d’anciens films de SF, et toujours magnifiquement soulignée par cette esthétique presque photographique. Le rythme est plus rapide que dans le précédent opus et se clôt sur des questions quant à ce que peut bien être la bestiole qui a attaqué Adamson et dont on vient de retrouver une patte.
26/11/2021 à 17:40 1
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Dead Tube tome 5
Touta Kitakawa, Mikoto Yamaguchi
6/10 Les trois femmes se retrouvent prises au piège avec le guerrier du dimanche, qui avoue un sacré penchant pour le sexe, tandis que les quatre hommes sont à l’extérieur, de nuit, dans la forêt. Mais la tuerie va se poursuivre également dans le chalet qui semblait pourtant être une place forte. Pas mal de rebondissements et, même si l’ensemble n’est pas spécialement original, il est sympa à lire et divertissant, notamment avec ce final qui, pour le coup, est vraiment inattendu. En revanche, les scènes de sexe, mais peut-être est-ce un jalon de ce type de manga, sont inutiles.
25/11/2021 à 19:36 1
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Hacking, braquage et rébellion
8/10 Robin Hood est un ado de douze ans. Petit mais sportif, il pratique avec le même talent l’informatique que le tir à l’arc. La ville, Locksley, où il habite avec son père, Ardagh, et son demi-frère, John, est tombé sous la coupe de mafieux, avec à leur tête Guy Gisborne. Ce dernier a été, en des temps reculés, l’un des meilleurs amis d’Ardagh et de Marjorie Kovacevic, tous les trois ayant fondé un empire commercial avant que le père de Robin ne se désintéresse de ces considérations capitalistes. Mais voilà que les événements se mettent à s’acharner sur la famille Hood : une tentative de fraude aux bulletins de notes qui tourne court pour Robin, des mots déplacés d’Ardagh à propos de Gisborne qui le conduisent en prison, et une fuite du collégien dans la forêt de Sherwood auprès d’autres opprimés. Le début d’une rébellion ?
Inutile de présenter Robert Muchamore : on lui doit, entre autres, les célébrissimes série CHERUB et Henderson’s Boys. Voilà qu’il entreprend une nouvelle saga (quatre tomes ont déjà paru outre-Manche), débutant avec ce Hacking, braquage et rébellion. Les fans de l’auteur seront assurément séduits : les personnages sont habilement campés, d’autant que la forêt de Sherwood recèle de nombreux protagonistes croustillants et que l’on aura indéniablement plaisir à suivre. L’action est également bien présente, entre courses-poursuites, braquages informatiques de distributeurs de billets, combats à l’arc et autres échauffourées bien senties. C’est aussi l’occasion pour Robert Muchamore, sous couvert de littérature destinée à la jeunesse, de décocher quelques piques bien senties et jamais inutiles quant au mercantilisme, la fidélité aux siens, le sens de la famille, le militantisme, sans oublier des notes d’un humour salvateur, notamment dans les dialogues entre adolescents et certaines scènes (Guy Gisborne reçoit tout de même l’un des traits de Robin dans les testicules).
Voilà une entame très réussie pour cette nouvelle série. Il fallait tout le toupet, mais surtout tout le talent de Robert Muchamore pour reprendre le héros légendaire anglais ainsi que son univers et les transposer dans un contexte contemporain. Lorsqu’en outre, l’essai est réussi, on ne peut qu’applaudir vivement tout en piaffant d’impatience à propos du deuxième tome, Piracy, Paintballs & Zebras.25/11/2021 à 07:07 4
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Dead Tube tome 4
Touta Kitakawa, Mikoto Yamaguchi
6/10 Nos onze protagonistes commencent à amasser des armes sur cette île de Rock River pour affronter leur adversaire, dans un huis clos typique des ambiances de slashers. Et ça tombe bien, parce que Crazy Lascar, ce psychopathe vêtu comme un raton laveur, attaque presque d’entrée de jeu alors que deux des aventuriers tournaient une sextape. Une ambiance oscillant entre du Agatha Christie (avec les tentatives pour savoir si l’assassin ne serait pas l’un des jeunes gens) et « Scary Movie », avec à peine un peu de sexe. Cela ne réinvente pas le genre, mais ça demeure plaisant à lire.
24/11/2021 à 17:04 1
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Nuisible tome 1
7/10 Ryôichi Takasago se voit dans une barque, au-dessus du corps flottant d’une jeune et belle femme… qui se transforme en monstre carnivore… et se réveille en plein cours. Ce lycéen fait ce rêve récurrent depuis une dizaine de jours. Mais tout s’emballe : un chien assailli par des fourmis tandis que ces dernières semblent se propager en ville, une lycéenne, Kikuko Munakata, qui ressemble à s’y méprendre à celle que Ryôichi a vue dans ses songes, un camionneur tué par des bestioles dans son bahut, cette mystérieuse lycéenne capable de humer les phéromones, etc. Un graphisme épuré qui joue sur les nuances, des traits simples mais profonds, une ambiance délétère qui se pose lentement mais habilement, et une étrange Kikuko, monstrueuse au sens premier du terme, qui révèle vite ses dons de tueuse. Pour le moment, un tome qui intrigue et allèche, en espérant que les deux suivants seront du même acabit mais proposeront également quelques rebondissements au niveau du scénario.
22/11/2021 à 17:47
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Les Disparus de Cornouaille
Jean-Luc Istin, Jacques Lamontagne
7/10 La famille de Ronan le forgeron disparaît au cours d’une nuit d’orage, et le corps du pater familias est retrouvé, la cage thoracique béante, ouverte à la serpe. Gwenc’hlan et son fidèle Taran mènent l’enquête, et apprennent que d’autres disparitions ont eu lieu dernièrement dans la région. Les Saxons sont d’abord soupçonnés avant qu’une créature monstrueuse ne soit suspectée. L’ombre du « Nom de la rose » réapparaît avec cette forte connivence maître – élève, avec une ambiance assez lourde, opaque et anxiogène, tandis que l’on suit l’investigation de Gwenc’hlan qui pense à des démons kidnappant des humains. Une esthétique très réussie, un fort suspense : déjà hâte d’attaquer les opus suivants, les deux derniers de la série.
21/11/2021 à 18:35 1
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Le Bateau de Thésée tome 1
8/10 Ce tome commence avec l’explication du paradoxe qui donne son titre à l’ouvrage (en gros, un objet, ici le bateau de Thésée, est-il encore neuf si ses divers éléments constitutifs ont tous été remplacés les uns après les autres ?). Le jeune Shin Tamura est en couple avec Yuki qui attend leur premier enfant. Shin a tout pour être heureux, sauf qu’il est le fils d’un meurtrier. Jadis, ce dernier a été jugé coupable d’un empoisonnement massif dans le village d’Oto Usu ayant touché trente-neuf personnes et provoqué la mort de vingt-et-une d’entre elles. Miné dans son enfance par cette tragédie, Shin a aujourd’hui la douleur de perdre Yuki, décédée après avoir accouché. Alors qu’il espère pouvoir garder son enfant, Shin veut s’assurer que son paternel n’est finalement pas innocent. Il se rend au village maudit où un étrange brouillard. En en sortant, il porte aide à une jeune femme qui s’avère être sa sœur et rencontre au commissariat… son propre père. En effet : Shin a fait un bond en arrière dans le temps. Il va alors tenter de modifier les événements passés, notamment en sauvant ces premières personnes victimes d’empoisonnements sur lesquelles enquêtait son père avant la tragédie. Un premier tome fort prenant, avec un graphisme intéressant et une intrigue, même si elle repose sur une idée déjà vue ou déjà lue, bien réinterprétée et efficace. D’ailleurs, ce tome se termine de façon intrigante avec cette pièce d’identité découverte par le père de Shin et qui porte, comme année finale de validité, 2020. Un suspense et une intelligence que j’espère retrouver dans les tomes ultérieurs.
18/11/2021 à 18:25 1
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La Sacrifiée du Vercors
9/10 10 septembre 1944. Georges Duroy, « officier traitant et commissaire de police près le délégué général à l’épuration », se rend dans le Vercors, sous une chaleur accablante, afin de récupérer Sarah Ehrlich, accusée d’intelligence avec l’ennemi nazi. C’est aussi ce jour-là que l’on découvre le corps de la jeune Marie Valette. Tondue, violée, assassinée. Parce que l’acte est ignoble, Duroy décide d’enquêter, avec la journaliste américaine Judith Ashton à ses côtés. Il semblerait, ici comme ailleurs, que nul n’en ait vraiment fini avec la guerre.
François Médéline signe ici un roman d’une rare noirceur. Court (quelque cent-quatre-vingts pages), il n’en est pas moins d’une rare densité humaine. Le style de l’auteur de Tuer Jupiter saisit aussitôt : phrases sombres, écriture poétique, stylé haché. Le lecteur ne pourra se réjouir que de cette plume enténébrée, faisant écho à une intrigue à la fois sulfureuse et désenchantée. Georges Duroy, en enquêteur, séduit sur-le-champ : patient, soumis au vertige, sensible au charme sauvage de la reporter, il doit ménager les consciences locales et, tout à la fois, châtier les collabos tout en évitant les lynchages injustes. Marie Valette est d’ailleurs une victime bien symbolique : en ces temps troublés, où la légitime envie de revanche sur l’occupant côtoie une violence animale et, parfois, le besoin de se recoudre une virginité, on n’apprendra que dans les ultimes pages les raisons qui ont entraîné son supplice. Solidement documenté, ce roman de François Médéline – dont on apprend dans les explications de l’auteur qu’il est inspiré par la propre histoire de sa famille – est un pur bijou qui trouve son intérêt encore davantage dans la peinture des psychologies et de l’ambiance délétère de l’époque que dans l’intrigue, finalement assez simple. Et c’est d’ailleurs toute la maestria de l’écrivain de pouvoir proposer un récit d’une telle force autour d’un scénario au dénouement si aisément devinable. On se souviendra longtemps, très longtemps même, de cette histoire se mêlant à celle qui s’écrit avec une majuscule, où déambulent des protagonistes torturés par les contradictions de cette période traversée de conflits politiques, des boucs émissaires si évidents (ici, les Italiens et la famille Fucilla ainsi que Marie Valette), avec une scène de quasi exécution publique qui marquera durablement les esprits.18/11/2021 à 06:03 5
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Ascension tome 2
8/10 Buntarô fait la rencontre de Keito Hara, fan de grimpe solo et à vue, sans assurance et visiblement encore plus féru d’escalade extrême que lui. Les rumeurs disent que Buntarô a autrefois poussé un camarade au suicide. Un sauvetage et le club a de gros soucis administratifs avant qu’une épreuve nouvelle n’apparaisse : le Mont Akadake à 2899 mètres d’altitude. Une esthétique toujours aussi sublime, de la profondeur dans la psychologie par rapport à cette discipline solitaire. Ce tome est un petit bonheur.
17/11/2021 à 18:31 1
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Ascension tome 1
8/10 Au lycée Yokosuka Kita voit arriver un nouvel élève : Buntarô Mori. Il semble se moquer de tout, voire être apathique. Sur le toit de l’établissement, il fait la connaissance de Miyamoto, fan d’escalade, et réussit même un bel exploit en escaladant seul et sans assistance l’immeuble. Le début d’une vocation ? Le Mont Takatori, juste à côté, va permettre à Buntarô de s’investir pleinement dans sa nouvelle passion. Un graphisme mature et très réussi pour un scénario original. Je me suis laissé prendre par le suspense autant que par la psychologie, avec notamment cette épreuve sur un mur d’escalade pleine de tension. Je sens que je vais continuer cette série.
16/11/2021 à 20:13 1
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L'Escalier du Diable
8/10 Jane Hawk, ancienne inspectrice au FBI, dont le mari s’est soi-disant suicidé, lutte encore contre les Arcadiens afin de mettre un terme à leur cabale et sauver Travis, son fils. Deux jumeaux écrivains, Sanjay et Tanuja, s’apprêtent à devenir les proies des comploteurs tandis que Jane s’intéresse à Simon Hendrickson dont le demi-frère, Booth, est lié aux Arcadiens. Il faudra à la jeune femme déployer des trésors de pugnacité, quitte à plonger dans « L’Escalier du diable » et y découvrir de sinistres rituels.
Après Dark Web et La Chambre des murmures, voici donc le troisième ouvrage de la série consacrée à Jane Hawk. Même si c’est conseillé afin de ne rien perdre du sel des enchaînements et de la chronologie des faits, cet opus peut tout à fait se lire indépendamment des précédents. On (re)trouve donc le personnage de Jane, femme résolue à combattre ces conspirateurs ayant décidé de contrôler le monde via les nanotechnologies, soumettant certains individus figurant sur la « liste Hamlet » en raison de leurs idées et attitudes. Dean Koontz, principalement connu pour ses romans fantastiques et d’horreur, s’oriente ici davantage vers le thriller, même si la présence de ces nanotechnologies et autres instruments d’hypnose et de conditionnement viennent brouiller la ligne de démarcation entre ces deux étiquettes. Le rythme imposé par l’auteur est ici échevelé, presque infernal, avec de très courts chapitres (parfois inférieurs à une page), permettant une alternance entre les points de vue des divers protagonistes. Jane Hawk impressionne par son charisme, sa foi en la recherche de la vérité, son abnégation, et cette passionnée de piano autant que virtuose dans la pratique de cet instrument, séduit du début à la fin de l’histoire. Le récit entremêle habilement complotisme, nouvelles technologies, contrôle des individus via des envoûtements purement scientifiques, et l’on se plaît à côtoyer quelques personnages bien sentis, comme la mère Hendrickson, véritable gourou machiavélique, ou Cornell Jasperson, collapsologue millionnaire s’étant fait bâtir un bunker dans la perspective d’un effondrement civilisationnel. Ce que Jane et ses camarades découvriront au fond d’une grotte, en bas de cet escalier du diable qui prête son sobriquet à ce livre, offrira autant de moments de pure angoisse qu’une forme de tremplin saturé de suspense vers le tome suivant, La Porte interdite.
Un thriller hollywoodien dans la plus pure tradition, et au sens positif du terme, avec fusillades, courses-poursuites, grosses cylindrées et scénario idéal pour se divertir. Dean Koontz a concocté un très habile cocktail, frappé et délicieux, à consommer sans modération. Erudit, l’auteur n’en oublie pas quelques jolies références littéraires (de L'Orange mécanique d’Anthony Burgess à la série consacrée à Nero Wolfe de Rex Stout en passant par Le Tour d'écrou de Henry James).16/11/2021 à 07:09 2
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Pression fatale
7/10 Niederkaltenkirchen, un village tranquille d’Allemagne. Le commissaire Franz Eberhofer se voit confier une nouvelle mission : le très respectable juge Moratschek vient de condamner le Dr Küstner, un criminel à côté duquel Hannibal Lecter passerait presque pour un philanthrope. Menaces de mort au tribunal après la sentence, suivies d’une évasion : le magistrat sait que le monstre va rapidement essayer de s’en prendre à lui. Eberhofer va alors devoir le protéger, mais rien ne peut se passer simplement dans ce village bavarois.
Après Choucroute maudite et Bretzel Blues, voici le troisième tome de la série consacrée à Franz Eberhofer. D’entrée de jeu, le ton est donné : Rita Falk va plus faire fonctionner nos zygomatiques que nos petites cellules grises. La scène où il est question d’un supposé mariage forcé entre Turcs d’une même famille pose les jalons d’un récit cocasse qu’il est impossible de prendre au sérieux. Notre brave policier, encore tout en joie d’avoir reçu une nouvelle étoile en argent sur son uniforme, va donc devoir affronter ce Dr Küstner et protéger le juge, quitte à se servir de ce dernier comme d’un appât. Les dialogues sont croustillants, les situations le sont tout autant, et il est sacrément plaisant de découvrir une écrivaine qui ose l’humour et la décontraction sans pour autant tomber dans le grivois et la parodie scolaire. Notre protagoniste est entouré de personnages également savoureux, du Papa, fan des Beatles et amateur de joints, à la Mémé, sourde et grande cuisinière qui prépare des plats à tomber pour Franz et dont certaines recettes figurent à la fin de l’ouvrage. Certes, l’intrigue policière passe très nettement au second plan, et ce traitement pourra décevoir quelques lecteurs, mais cette dérision qui pulse d’un bout à l’autre de cet opus est on ne peut plus salvateur, au point que l’on quitte notre enquêteur à regret, même si les dernières lignes annoncent clairement la suite, avec la mort d’un gradé peu sympathique, dont on lira l’histoire dans Grießnockerlaffäre, pas encore traduit en France.
Un roman qui n’engendre pas la mélancolie, jubilatoire tout en demeurant élégant et assez addictif : on en redemande.15/11/2021 à 07:11 2
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Opération Spitsberg
9/10 Londres, 1913. Deux hommes viennent rendre visite à Sir Henry Adamson : deux mois plut tôt, des morutiers anglais ont découvert, non loin du Spitsberg, une « porte » qui pourrait mener vers un monde parallèle. Adamson accepte aussitôt, et les ennuis commencent : son ami Benford est assassiné par une créature hideuse. Direction ensuite l’Ecosse et un bateau, le « Stornoway », pour se rendre vers cette aberration. Un premier tome très étonnant : une ambiance à la Lovecraft, lourde et très prenante, avec une note fantastique bien marquée, soulignée par les expériences des hommes pour voir ce qu’il y a de l’autre côté de cette « porte » (lapin et caméra). Mais même si le rythme aurait pu être un tantinet plus élevé, j’ai été particulièrement séduit par l’esthétique, presque photographique : c’est tout simplement sublime. Avec un tel graphisme, on pourrait me lire la recette du haggis que ça me passionnerait encore. Même Winston Churchill y apparaît plus vrai que nature.
14/11/2021 à 13:40 1
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Rubedo, l'oeuvre au rouge
8/10 Napoléon essaie de retrouver chez des prostituées la sensation qu’il a éprouvée en embrassant Asiamar, en vain, tandis que ce dernier / cette dernière doit prouver aux autres alchimistes qu’il est encore fidèle à ses engagements bien qu’il ait épargné Napoléon, avant de se décider à le retrouver du côté de Moscou pour en finir.
Un cocktail toujours aussi détonnant de phénomènes occultes, de combats, d’érotisme, de magie, avec des passages que d’aucuns (c’était mon sentiment à la lecture du premier opus avant de m’y habituer et d’être séduit) jugeront WTF (le singe géant qui joue d’un instrument à cordes, Napoléon qui projette un laser depuis l’abeille qui est greffée sur son ventre, la présence d’un zeppelin, une version apocalyptique du général Hiver, etc.). C’est prenant et furieusement audacieux, avec une esthétique ensorcelante, et je m’en vais me ruer sur le quatrième et dernier tome.13/11/2021 à 18:26 1
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La Pierre de Gaëldenn
6/10 La Pierre de Gaëldenn permettrait de retrouver l’emplacement du galion dans les cales duquel se trouveraient d’incroyables richesses. Mais le capitaine Hannibal Mériadec est toujours retenu avec ses hommes, c’est dame Elween, la belle créature elfique, qui va se charger de les libérer, et la quête va pouvoir reprendre de plus belle. Arts martiaux, créatures spectrales, magie, malédiction : un cocktail assez audacieux mais qui, à défaut de me surprendre ou de me marquer durablement, est plaisant et distractif.
12/11/2021 à 20:16 1
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Le Mystère du cercle rouge
7/10 La collection André Renard est en vente à l’Hôtel Drouot. Cet ancien diplomate, enrichi subitement par le décès d’un riche oncle, a fait l’acquisition de nombreuses toiles de maîtres, mais celle qui déchaîne les passions, c’est une malheureuse croûte sans titre ni auteur, qui tombe finalement pour cinq cent mille francs ! Le commissaire Labart, présent dans la salle, est dubitatif, mais il l’est encore davantage quand l’acheteur, un Japonais, est aussitôt retrouvé mort tandis que le tableau a disparu. L’ombre de Théodore Rouma, cambrioleur aimable et avateur d’Arsène Lupin, n’est guère loin…
Au programme de cette nouvelle joliment troussée : une histoire d’espionnage, un enlèvement, un amateur de courses hippiques, un mystérieux « code Z », un ministre des affaires aux abois, et pas mal de manipulations, pièges et autres usurpations d’identité. Le héros, Rouma, est bien sympathique dans son rôle de justicier détestant le sang ainsi que les armes à feu. Si l’ensemble est très agréable à lire et à suivre, je regrette en revanche que ce fameux Rouma n’apparaisse (sous sa véritable identité) que trop peu, et que son personnage soit trop proche de celui d’Arsène Lupin, ratant donc un peu le coche d’une forme d’originalité.11/11/2021 à 07:41 1
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Dragon Head tome 10
7/10 Après les grandes révélations du précédent opus (l’avant-dernier de la série), je craignais que celui-ci ne soit assez plat, voire stérile, et ce n’est effectivement pas sur le filon des divulgations que l’auteur fonde cet ultime tome, avec encore de nombreuses catastrophes et autres convulsions liées à ce type de récit. Une fin donc un peu attendue, un cran en-dessous du précédent où le cœur de la machination nous était dévoilé, mais cet épilogue, chaotique, n’en oublie pas une forme d’optimisme puisque c’est avec le mot « beauté » qu’il se conclut.
09/11/2021 à 20:24 1
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La Commedia des Ratés
8/10 Antoine Polsinelli mène une existence sans frasque ni épice, et il croise un jour le chemin d’un vieux copain, Dario Trengoni. Malheureusement, ce dernier est retrouvé assassiné par du neuf millimètres. Dario laisse à Antoine un héritage imprévu : quatre hectares de vigne dans sa ville natale. Presque à contrecœur, il se rend sur place, se doutant que ces piètres arpents ne vont pouvoir produire que de la piquette. Mais ces ceps vont donner lieu à des péripéties inattendues et intéresser des individus fort malintentionnés.
Il s’agit du troisième tome de la série consacrée à Antoine Andrieux signée Tonino Benacquista. Après le milieu ferroviaire (La Maldonne des sleepings), celui de l’art contemporain (Trois carrés rouges sur fond noir), et avant celui de la nuit (Les Morsures de l’aube), nous voici plongé dans l’univers du vin. On retrouve avec plaisir l’écriture si caractéristique de l’auteur, comme on revoit un bon camarade après une longue absence, et on se délecte de son humour et de sa gouaille typiques. Certains passages constituent de purs moments de bonheur (comme la description de ce qu’est la banlieue parisienne, en un seul paragraphe à lire et à relire à l’envi, ou encore la méthode si surprenante pour caler la cuisson des pâtes en se fondant sur le timing des émissions télévisées). L’intrigue est savoureuse et, en cent-cinquante pages environ, tout y est, sans ellipses abusives ni temps morts. Notre Antoine quittera la France pour ce village de l’Italie et sera amené à croiser des personnages croustillants, presque inénarrables, comme de véritables gangsters, depuis ces mafieux qui jouent délibérément la carte du poncif à ces « banquiers du Vatican » à peine plus recommandables, en passant par un aveugle dont le rôle va se montrer déterminant. Mais que vient faire le Vatican dans cette histoire, vous demandez-vous ? Peut-être que ces vignes, de prime abord insignifiantes et destinées à ne produire que de la vinasse bas de gamme, peuvent être à l’origine d’un miracle et, de ce fait, un placement particulièrement attractif pour des bandits comme pour des êtres à peine moins vénaux que les anciens Marchands du Temple.
Un opus où l’humour le dispute au noir avec beaucoup de fantaisie et de talent, où Tonino Benacquista part d’un scénario fort original pour nous offrir un récit à la hauteur de son talent.09/11/2021 à 07:15 3