El Marco Modérateur

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  • Dehors les chiens

    Michaël Mention

    9/10 1866. Alors que le soleil torréfie la Californie, Crimson Dyke, agent de l’United States Secret Service, parcourt les États de l’ouest à la recherche de faux-monnayeurs qu’il arrête. Il en vient à découvrir l’existence, par pur hasard, d’un cadavre éventré de manière barbare, avant de comprendre que le tueur n’en est pas à son coup d’essai. Dans un pays qui panse encore les plaies de la guerre civile, il va devoir affronter des spectres multiples et assoiffés de sang, de justice ou d’argent.

    Michaël Mention est un auteur remarquable qui semble s’épanouir en changeant constamment de registre. Depuis Le Rhume du pingouin en 2008, il a signé un thriller fantastique (Unter Blechkoller), des polars historiques (de La Voix secrète à sa trilogie anglaise), des opus proches du documentaire (Fils de Sam et Jeudi noir), un livre inspiré de la vie de Miles David (Manhattan chaos), ou encore une diatribe musclée contre l’industrie chimique (De Mort lente), et voilà qu’il nous revient, pour notre plus grand plaisir… avec un western. On est aussitôt happé par le style de l’auteur, si caractéristique, avec ses phrases sèches, l’utilisation d’onomatopées et de lettres capitales, et un ton empreint d’une grande puissance littéraire. Dans le même temps, le cadre est exploité à la perfection, avec ce Far West enténébré, violent comme aux âges primitifs, perclus de lésions après la guerre de Sécession, et encore en butte aux Indiens. Crimson Dyke, en enquêteur, se révèle instantanément intriguant et efficace, amplement capable de tenir la distance sur plusieurs ouvrages si l’écrivain décidait d’en faire le protagoniste d’une série. Le récit est jalonné de personnages remarquables de noirceur, depuis les terribles Seasons Brothers, quatre tueurs à gages redoutables, jusqu’à Benedict Ross, montagne de graisse et de machiavélisme. L’intrigue est également formidable, multipliant les fausses pistes jusqu’à sa résolution, mémorable et pourtant si évidente. Signalons aussi que Michaël Mention est tellement talentueux qu’il est capable d’insérer des références à la musique du vingtième siècle ou d’évoquer le trauma lié à l’oreille de Dyke alors que sous d’autres plumes, le résultat aurait tout bonnement été raté voire grotesque.

    Voilà un roman puisant son titre dans un extrait de la bible et qui, tour à tour, saisit, séduit, instruit, fait frissonner, émeut et, au final, remue autant les tripes que l’âme. Un excellent livre de la part de Michaël Mention, encore un de plus.

    18/02/2021 à 07:04 14

  • Démolition

    Nada

    9/10 Cordélia est une star du cinéma porno qui meurt dans un snuff movie, ce genre de films dans lesquels les protagonistes agonisent sous les yeux des spectateurs après avoir enduré mille souffrances. Verlaine, un des plus ardents fans de Cordélia, tombe sur cet ultime spectacle et décide de la venger. Se joint à lui Vulcain, son acolyte, pour une terrible équipée de sang et de rédemption au cours de laquelle tous deux croiseront Van Gogh, un policier qui leur ressemble tant.

    Nada avait déjà marqué les esprits avec Hécatombe, un ouvrage dur et haletant. Autant le dire d'entrée de jeu : en noirceur, Démolition lui est bien supérieur. Exactions multiples, scènes de sexe particulièrement trash, violences décrites par le menu, coprophagie, pédophilie, inceste : Nada est décidément un auteur qui se permet de dépeindre bien des horreurs que nombre de ses pairs laissent dans l'ombre. Si ce roman est d'une incroyable férocité, l'aspect poétique qui s'en dégage paradoxalement est très fort : la langue est emprunte d'une prose élégante, et le choix des noms des protagonistes – Verlaine, Vulcain, Van Gogh – mettent en relief ce constitutif. Ce trio est incroyablement marquant : des anciens légionnaires devenus mercenaires, ogres brutaux en des terres inhospitalières, des homosexuels sachant préserver leur amitié par la chasteté, et un policier dévoré par la maladie, enclin à tous les excès, cherchant le rachat de ses fautes dans une dernière mission aux accents religieux. D'autres individus peuplent ce livre éprouvant, où le noir est une couleur, comme ces bourreaux d'enfants, organisateurs de parties fines où le sexe appelle le sang, vedettes du show-business perverties, politiciens laissant libre cours à leur perversion, et autres êtres cauchemardesques. Au fil du livre, la vendetta impulsée par Verlaine massacrera sans scrupules, fera éclater des trafics sans nom, brutalisera la morale, et balaiera bien des certitudes quant à l'humanisme de la société. Le récit est féroce, implacable, heurtera à n'en pas douter bien des âmes sensibles, jusqu'à l'écœurement, et s'achèvera au bout de trois-cents pages dans un chaos de sentiments et d'émotions lapidés.

    Démolition est une œuvre exigeante et singulière, à mille lieues des productions littéraires habituelles. Nada ne s'est plié à aucune règle – morale ou commerciale – en signant cet écrit intransigeant, aussi dérangeant que monstrueux. En écho à la barbarie de nombreux passages, vient l'éclat poétique de ces trois (anti)héros que sont Verlaine, Vulcain et Van Gogh, cette trinité d'individus liés par une initiale et une quête communes. Si le titre semble de prime abord bien lapidaire et passe-partout, il renvoie parfaitement à la lente entreprise de destruction de ces êtres qui se consument au fil des pages, jusqu'au stade terminal de leurs possibilités physiques et morales. Hécatombe, puis Démolition : il y a bien un fil conducteur dans l'œuvre de Nada, et cette nouvelle réussite littéraire, à la fois amère et éclatante, ne peut, le souhaite-t-on, qu'en appeler d'autres.

    02/05/2011 à 19:12 2

  • Denjin N tome 1

    Kazu Inabe, Yuu Kuraishi

    9/10 Nasu a tout du pauvre type : son métier à la supérette est purement alimentaire, son existence plate comme une plaque de marbre, on dit même de lui que « c’est pas vraiment une lumière, il n’a pas fini le lycée ». Son père a quitté le domicile familial en ne laissant que des dettes, sa mère a sombré dans l’alcoolisme, et sa maigre paye passe dans le remboursement des traites autant que des frais médicaux. Il ne trouve finalement son seul plaisir qu’auprès de Misaki Kanzaki, une jeune et belle chanteuse type K-pop, qu’il suit grâce à son masque de réalité virtuelle, et sur laquelle il a craqué le jour où elle lui a tendu un mouchoir alors qu’il venait de se faire molester par de petites brutes. Mais un jour banal, alors qu’il porte ce fameux masque, il parvient à avoir l’emprise sur le réseau électrique de toute la ville ainsi que sur les systèmes qui utilisent cette énergie, et il en « profite » pour assassiner son patron…
    Un premier tome sacrément nerveux et intéressant, singulier dans le fond comme dans la forme – très beau graphisme, une esthétique forte et tendue, des visages très expressifs et une violence mémorable soulignée avec éclat –, ou comment un loser intégral devient un pur tueur en série psychopathe pour servir celle qu’il aime en secret. Un premier tome tonitruant et qui pose, en filigrane, de justes questionnements sur notre assujettissement à l’électricité et au tout-numérique. Evidemment, je vais poursuivre cette excellente série, une traque au « Denjin », ce que l’un des personnages traduit par « électrhumain ».

    08/07/2023 à 22:05 2

  • Denjin N tome 2

    Kazu Inabe, Yuu Kuraishi

    9/10 Après avoir pris le contrôle de tout ce qui est électrique et numérique, Nasu, devenu « électrhumain », continue son jeu de massacre. « Il se passe quelque chose de grave dans cette ville… », dit l’un des protagonistes : doux euphémisme à mesure que les corps tombent. Misaki Tanzaki demeure l’obsession de ce tueur en série d’un genre nouveau. Un graphisme excellent servant un scénario de tout premier ordre, avec beaucoup de scènes hautement cinématographiques et très réussies (cf. l’assaut de la police et la prise de contrôle meurtrière de leur hélicoptère ou la prise d’otage de la jeune chanteuse pour forcer le prédateur numérique à se montrer et dont plusieurs épisodes sont sacrément inattendus, par exemple). Une véritable réussite pour une série hautement addictive dont le souffle demeure pour le moment intact. Vivement la suite !

    30/10/2023 à 23:34 4

  • Denjin N tome 3

    Kazu Inabe, Yuu Kuraishi

    9/10 Ce qui devait arriver arriva : Nasu n’a pas été véritablement mis d’état de nuire, et c’est sous la forme d’une poupée mécanisée qu’il personnalise rapidement qu’il réapparaît. Encore une fois, un graphisme remarquable, un scénario en béton, un suspense haletant et des images fortes (comme ce carnage provoqué par Nasu pour que sa bien-aimée se montre enfin) tandis que le monstre semble avoir définitivement perdu toute bienveillance. Vivement le quatrième et dernier tome de cette série au top !

    09/11/2023 à 18:52 1

  • Dernier appel pour les vivants

    Peter Farris

    9/10 Hobe Hicklin est sorti de prison, mais ses vieux démons n’en demeurent pas moins voraces, et voilà qu’il s’en va braquer une banque, tuant l’une des employées, et part avec le jeune Charlie Colquitt comme otage. Pour ce membre de la Fraternité Aryenne, s’ensuit une longue cavale au cours de laquelle il croisera la route de son mentor, Leonard Lipscomb, dit « le Prédicateur ». Et beaucoup de morts, de sang, de douleurs, et peut-être, une forme de rédemption.

    Ce Dernier appel pour les vivants de Peter Harris saisit d’entrée de jeu par son ton rauque, sa plume noire et son incroyable maîtrise, au point que l’on est désarçonné par le fait qu’il ne s’agissait que du premier ouvrage de cet écrivain. Un style très carré, où, par exemple, les préparatifs du braquage et le hold-up qui suit font immanquablement penser à une scène d’un long-métrage, chorégraphiée et filmée avec beaucoup d’habileté. Mais les qualités de l’auteur ne s’arrêtent pas là : au gré de ces quelque trois cents pages, l’on découvre des personnages âpres et d’une rare profondeur humaine, dans leurs élans d’expiation comme dans leurs tourments. Hicklin a appris la dure loi de la complicité avec les néonazis dans les diverses prisons qu’il a fréquentées, s’est mué en un individu redoutable et redouté, avant d’être adoubé et presque adopté par Lipscomb, son gourou. Dans le même temps, Charlie Colquitt compose un personnage plus falot : indifférent à la gent féminine, d’une rare fadeur, lié à sa mama comme le petit garçon qu’il n’a jamais cessé d’être, et passionné de modélisme et de fusées miniatures. Il y a également Hummingbird, toxico un brin nymphomane, le shérif Tommy Lang qui cherche à racheter ses péchés et sa vie sans réel sens, et quelques autres protagonistes particulièrement soignés. L’intrigue est certes classique, mais Peter Harris possède un sens rare de la narration, du visuel et de la percussion littéraire, avec des scènes sacrément marquantes, comme la rencontre avec les membres de l’Eglise de l’Agneau sacré et des Miracles, dans une chapelle saturée de serpents, le piège – dans tous les sens du terme – dans lequel tombe Lipscomb, ou encore le final où émerge, avec beaucoup de tact, une forme certaine de communion humaine et d’espérance.

    Un roman d’une immense noirceur, fort et serré comme un café d’exception, qui brûle l’estomac et qui marque les esprits, et qui donne également envie de boire les autres nectars de l’auteur, Le Diable en personne et Les Mangeurs d’argile.

    28/01/2021 à 07:07 4

  • Derniers sacrements

    M. J. Arlidge

    9/10 Kassandra Alicja Marta Wojcek, dite Kassie, n’a que quinze ans mais elle vit déjà une terrible épreuve : elle est capable, après avoir regardé quelqu’un, de savoir quand et comment cette personne va mourir. Un fardeau épouvantable, et qui vient récemment de se matérialiser à nouveau : elle a percuté Jacob Jones, adjoint au procureur, dans une rue et elle sait déjà qu’il va périr d’une façon atroce. Il va en effet être la victime d’un ignoble tueur en série qui va se mettre à tourner autour de l’adolescente. Le psychologue Adam Brandt pourra-t-il l’aider à survivre à ce prédateur ? Mais en a-t-elle seulement envie ?

    De M. J. Ardlige, on connaît déjà l’excellente série consacrée à Helen Grace, et c’est avec appétit que l’on se rue sur cet opus, un one shot de quelque cinq-cents-soixante pages. Lorsque l’on analyse le pitch, on semble avoir déjà vu ou lu nombre des éléments présentés. Un tueur en série qui se rapproche de l’héroïne, un don presque surnaturel qui se commue en malédiction, etc. Cependant, c’est oublier que l’auteur est passé maître dans les thrillers. D’entrée de jeu, on retrouve le tempo échevelé qui constitue l’une des signatures de M. J. Ardlige, avec des chapitres extrêmement courts et enlevés (cent-cinquante-et-un). Le suspense est habilement entretenu au gré de ce récit fort et efficace, très cinématographique sans pour autant tomber dans les travers du genre, sans la moindre fusillade abracadabrante ni effet téléphoné. Kassie, consommatrice de drogue depuis l’âge de ses onze ans, vivant avec sa mère très pieuse et attachée à sa grand-mère atteinte de sénilité, est aussitôt sympathique avec ce talent si particulier, proche de la médiumnité, incapable de vivre avec cette aptitude qui la ronge puisqu’elle ne peut rien faire pour venir en aide aux victimes, leur sort étant déjà scellé. Dans le même temps, Adam compose un psychologue très attachant, vivant en couple avec Faith, une peintre enceinte. Sans rien divulguer, M. J. Ardlige se distingue de bien d’autres avec sa propension à proposer un récit fougueux, sans le moindre temps mort, alternant les points de vue entre les divers protagonistes. Loin de n’être qu’un remarquable rythmicien, il propose également de belles envolées humaines, poignantes et marquantes, qui toucheront notamment Adam, avec des passages d’une rare densité émouvante. Et il y a ce final, remarquable, inattendu, mémorable, achevant de faire de cet opus un immense moment de lecture, allant bien au-delà du simple livre distractif.

    Un écrivain déjà reconnu pour sa maîtrise du suspense, et qui a l’audace de quitter sa zone de confort pour nous offrir un roman tout aussi brillant que les précédents : non seulement le geste est à applaudir, mais le résultat est un pur coup de maître.

    01/06/2021 à 07:05 7

  • Détonations tome 1

    Tsutomu Takahashi

    9/10 Le jeune Satoru rend visite à son voisin, Genji Segawa, un vieux monsieur qui dit à qui veut l’entendre qu’il est un ancien yakuza, et il lui indique qu’il est en phase terminale. Le moribond lui fait une proposition : cinq millions de yens (un peu plus de trente-mille euros) s’il accepte de le tuer. Mais après avoir rempli sa part du contrat, Satoru va commencer une nouvelle existence, pleine de fureur et de violence, notamment après avoir rendu visite à de très sales types pour qui la brutalité est le seul moyen de s’exprimer…
    Je découvre ici ce manga très réussi dont j’ai déjà apprécié d’autres œuvres de l’auteur (notamment la série « NeuN » dont on retrouve ici le graphisme si caractéristique). Un ton dur, une esthétique magnifiquement travaillée, des émotions subtilement dépeintes (par exemple lors de la fracassante sortie de la séquestration de notre héros, aidé en cela par la jeune femme à qui il fait une belle promesse de voyage). Un ouvrage particulièrement long pour ce type de format (environ 300 pages), mais pas le moindre temps mort et une noirceur constante. Une mise en scène brillante – presque une chorégraphie – pour un scénario haletant.

    16/09/2023 à 18:52 2

  • Diablo Corp.

    Ludovic Roubaudi

    9/10 Bienvenue à Ouang Schock ! En ce milieu de vingt-et-unième siècle, cette ville est l'une des plus insalubres et criminelles qui soient. L'époque est dédiée à l'image, télévision ou jeux vidéo. Pas de pitié, pas de salut. Chaos, violence, drames. Un des cercles de l'Enfer. Même les policiers peuvent vendre des informations aux grands médias pour arrondir leurs fins de mois. En cette année 2049, on retrouve les corps de trois gamins qui étaient férus de jeux vidéo. Dans le même temps, des attentats ensanglantent la cité. Y a-t-il un lien ? Le flic Wayne Cassidy est mis sur l'enquête. Pas de quartier, pas de remords, il faut passer à l'acte et remuer la fange qui étouffe Ouang Schock. Quitte à se couvrir les mains d'hémoglobine. Quitte à déranger les plus hautes sphères de la ville.

    Second opus des chroniques de Ouang Schock après Carotides Blues, ce roman poursuit l'objectif littéraire souhaité par Ludovic Roubaudi : la description d'une ville crépusculaire et glauque. A cet égard, cette dernière fait quasiment office de personnage principal, avec ses us et coutumes, règles, détails économiques et descriptions d'outre-tombe. On baigne en plein cauchemar éveillé, quelque part sur le fil du rasoir entre Babylone et Gotham City. D'ailleurs, un blog permet d'expliquer le fonctionnement de Ouang Schock et offre la possibilité aux internautes de participer à cette aventure, offrant donc une interactivité bien plus étoffée que celle de Level 26 où le lecteur demeure un simple spectateur. L'intrigue est très originale et soignée, avec une piste très intéressante, exploitée avec maestria par Ludovic Roubaudi. La langue est rêche, presque sauvage, et l'on bascule d'un chapitre au suivant au gré de divers points de vue (celui de Wayne Cassidy, des informations fournies par les médias, les références sociologiques à la cité, etc.). Les personnages sont tous sombres, au point qu'il est absolument impossible d'en parler comme de héros. Traumatisés, en butte à un territoire qui leur échappe, ils sont à l'image de Ouang Schock : enténébrés. Clef de voûte humaine de cet édifice littéraire, Cassidy est particulièrement marquant, ancien champion des combats sans règles et dont la femme est devenue un légume humain.

    A n'en pas douter, Diablo Corp. est un ouvrage majeur, aussi inquiétant que mémorable. Ludovic Roubaudi a réussi un coup de maître : créer une série inoubliable à l'ambiance pénétrante. Il ne reste plus qu'à espérer des suites de la même tenue !

    28/03/2010 à 12:38

  • Différentes Saisons

    Stephen King

    9/10 Quatre nouvelles absolument superbes, à lire et à relire sans modération !

    08/03/2006 à 12:37

  • Dino

    Nick Tosches

    9/10 Un ouvrage documentaire puissant et profond, reconstituant avec panache le destin d’une star du cinéma et de la chanson qui n’en a jamais manqué. A la fois décontracté, enjoué et charmeur, ce remarquable homme de scène aura traversé une époque troublée, marquée par l’influence de la politique, du fric et de la mafia. Nick Tosches, dans ce récit saturé d’anecdotes et d’événements croustillants, aura réussi à croquer le portrait d’un être sans commune mesure, aphoriste et nonchalant, qui se sera lentement lassé de ses propres succès et de sa propre image. Un travail de documentation inouï, et au final, une remarquable et vibrante épitaphe apposée sur la tombe d’une star déchue.

    20/03/2013 à 17:01

  • Disputes et disparitions

    Marcus Sedgwick

    9/10 Un premier tome que j’ai adoré, quelque part entre les univers de Tim Burton et d’Emma Kennedy. C’est sacrément drôle et barré, avec une collection de personnages fantasques et gothiques, des relations interpersonnelles hilarantes, et à la clef une intrigue qui n’est pas anecdotique (l’eau qui monte dans le château sans que personne ne puisse en sortir, et les disparitions successives des servantes à cause d’un monstre énigmatique). Je tâcherai d’être de l’aventure pour d’autres épisodes.

    23/04/2016 à 11:17

  • Dix Petits Nègres

    Agatha Christie

    9/10 Honte à moi, je n’avais jamais lu ce chef-d’œuvre de la littérature policière, mais il n’est jamais trop tard pour combler ses lacunes. Une écriture sèche, dédiée uniquement aux faits et à la paranoïa grandissante dans l’île, et une intrigue qui se dévore jusqu’à l’épilogue. Une remarquable idée d’Agatha Christie, exploitée de manière brillante. Et dire que cet ouvrage date de 1939…

    11/05/2014 à 18:40 3

  • Dolores Claiborne

    Stephen King

    9/10 Excellent roman où la psychologie l'emporte sur les autres éléments. Un régal, très habilement porté à l'écran !

    10/05/2009 à 19:55 1

  • Double assassinat dans la rue Morgue

    Edgar Allan Poe

    9/10 Lu quand j'étais au collège, mais j'en ai gardé un excellent souvenir. Une référence !

    04/07/2009 à 15:01 3

  • Duo fatal

    Patrick S. Vast

    9/10 Geneviève est l’assistante du dentiste Francis Lesigne, à Lambersart. Parce qu’elle compte déménager à Grasse et suivre son nouvel amoureux, rencontré sur Internet, la cinquantenaire apprend au docteur qu’elle doit le quitter. Francis ne parvient pas à l’admettre, au point de droguer cette femme et l’enfermer dans l’abri antiatomique aménagé dans la maison. Le début d’une étrange relation…

    Après Potions amères et Passé double, voici le troisième roman de Patrick S. Vast aux éditions du Chat Moiré qu’il a fondées. De ses autres romans, tous réussis, comme La Veuve de Béthune, Boulogne stress ou Angoisse à louer, on a conservé de bien bons souvenirs de l’écriture de l’auteur et de sa manière si particulière de bâtir des intrigues ; ce roman ne déroge pas à la règle. Une écriture sèche et simple, sans finasserie ni effet futile, l’histoire s’impose rapidement et sans la moindre anicroche. Tout y est efficace, crédible, presque palpable : tout s’y déroule comme dans un fait divers, plausible et tragiquement humain. Les personnages sont également à l’avenant. Francis, déboussolé par le départ de son assistante après trente ans de collaboration qui, sans toutefois parler d’amour au sens premier, a graduellement tissé entre eux une liaison très particulière. Geneviève, dépassée par les événements, séquestrée, mais qui va finir par nourrir des sentiments contradictoires pour cet homme qui, finalement, ne lui veut que du bien. Norbert, le compagnon de l’assistante, qui va connaître un large spectre de sentiments au gré du récit. Georges, l’ancien commissaire de police, alcoolique, dont l’épouse va très mal, et qui est obsédé par un tueur en série encore en fuite ayant assassiné cinq femmes. Géo, un saxophoniste aveugle, témoin à sa façon, et qui nourrit un profond attachement pour sa chatte (un clin d’œil au nom de la maison d’édition ?). Deux camarades de Francis, suffisamment pugnaces pour mettre de côté leur amitié pour le docteur et se poser de légitimes questions quant à la disparition de Geneviève. Et une fois le décor, la situation et les protagonistes posés, tout décolle très rapidement : des chapitres qui s’enchaînent à merveille, de nombreux rebondissements, des twists fameux, et un final en plusieurs étapes, comme une rafale d’arme automatique. Un régal de bout en bout. A la lecture du résumé, on aurait pu s’attendre à une énième histoire de captivité, avec son lot de sévices, d’horreurs et d’événements sombres. Mais Patrick S. Vast a bien trop de tact et d’expérience pour tomber dans les clichés : celui qui débute son ouvrage avec une dédicace à William Irish exploite des ressorts humains parfaitement adaptés, élémentaires et pourtant lumineux.

    Une nouvelle réussite pour cet auteur qui ne cesse de nous réjouir, notamment avec ce grand roman où il n’est finalement question que d’amour et d’amitié, avec des lectures inattendues de ces deux sentiments. C’en est même à se demander s’il ne s’agit pas là du meilleur roman de Patrick S. Vast.

    03/06/2019 à 17:05 5

  • Echos

    Richard Matheson

    9/10 Un très bon thriller. Un vrai régal grâce à une maîtrise de l'auteur qui évite les clichés et prend le lecteur aux tripes avec cette histoire. Un classique des livres de poche !

    17/07/2005 à 16:41

  • Efface-moi !

    Christophe Guillaumot

    9/10 Gaspard Maltazar, seize ans, travaille encore aux côtés du capitaine Ruben Arcega au Bureau des affaires non résolues de Toulouse. Une élève de terminale lui demande s’il peut enquêter sur la disparition de Candice Bergson, évaporée dix ans plus tôt, alors qu’elle n’avait que quinze ans. Tout porte à croire qu’elle a été enlevée par celui que l’on surnommait « L’Effaceur », un tueur en série qui marquait les emplacements de ses crimes par des croix rouges avant d’emporter ses proies dans les égouts. Le prédateur croupit toujours en prison, mais il est déjà en train de songer à son évasion.

    Après l’excellent Un Morceau de toi, Christophe Guillaumot nous revient avec ce deuxième opus de la série du Bureau des affaires non résolues. On y retrouve instantanément le style de l’auteur, très fort et prenant, pour une intrigue qui ne l’est pas moins. Un serial killer défiguré par sa mère qui lui a aplati le visage sur une plancha pourrait être à l’origine de cette étrange disparition, et voilà notre binôme de nouveau sur une enquête brûlante. Le texte est une fois de plus efficace, sans réel temps mort, et le romancier creuse le sillon des relations que Gaspard entretient avec sa bande de copains, ses amours également, et on se félicite de voir ainsi grandir et s’affiner ce protagoniste que l’on se plairait à recroiser dans de prochaines investigations. L’Effaceur compose un personnage particulièrement sombre, adepte du chalumeau et des séquestrations souterraines, et Christophe Guillaumot, ancien commandant de police, connaît tous les rouages de la « grande maison » sans jamais que cette démonstration n’en devienne pesante. Et s’il y a bien un point, comme pour Un Morceau de toi, qui séduit et retient l’attention, c’est le ton du récit : dur et mature, au point qu’il plaira sans le moindre mal aux jeunes comme à des lecteurs plus âgés. A cet égard, l’épilogue est édifiant : ce dénouement, alerte, dévoile une histoire sordide et marquante, une conclusion qui n’aurait nullement déparé dans un authentique roman noir.

    Une nouvelle réussite de la part de Christophe Guillaumot, dont ce dernier ouvrage séduira autant adolescents et adultes. Vivement le prochain !

    28/03/2024 à 06:56 2

  • Enfermé.e

    Jacques Saussey

    9/10 Virginie naît garçon. Un trauma pour cet être qui ne parvient pas à s’assumer avec son pénis et ce que sa famille attend de lui. Alors elle va tout faire pour faire refluer cette identité sexuelle qu’elle n’a jamais désirée, quitte à devenir le jouet de monstres qui ne peuvent supporter un individu si différent d’eux.

    Voilà un roman monstrueux, boulet de canon littéraire qui ne ressemble à aucun autre et qui broie les tripes. Le postulat de départ est, en soi, déconcertant : ou comment un jeune garçon, ébranlé par un sexe défini arbitrairement par la Nature, en vient à choisir, selon son libre arbitre, de s’orienter vers une enveloppe charnelle féminine. Sur trois époques, ce livre sidère d’un bout à l’autre. L’enfance du môme, déjà brutalisée par les jugements péremptoires d’un père peu compréhensif, et surtout démuni face à la spécificité de son fils, et surtout par ses camarades de classe, véritable meute sauvage. Puis vient la prison suite à un cambriolage qui tourne mal, et les horreurs que va subir Virginie dans sa geôle : les moqueries, les viols, individuels ou collectifs, les actes de violences, les humiliations, à la limite de l’indicible. Et enfin ce poste au sein du Centre, auprès de personnes âgées, plus un mouroir où, là encore, son corps fera autant fantasmer que provoquer le dégoût. Des scènes puissantes, enragées, où le glacial alterne avec le magmatique, à ne pas mettre entre toutes les mains. Jacques Saussey ne verse pas dans la férocité gratuite, ni dans le voyeurisme de mauvais aloi : il lâche juste sa protagoniste, inspirée de l’histoire véridique de sa nièce Aurore comme il l’explique dans sa postface, dans la jungle humaine. Celle qui observe, juge et punit, dès lors que la proie, le bouc-émissaire, l’être atypique ou discordant, au sein d’une soi-disant communauté homogène des âmes, en vient à dérouter les défenseurs zélés d’une morale douteuse. Des mots forts, acides, épinglant des maux insondables, puisque Virginie se trouve verrouillée dans un corps et une identité sexuelle qu’elle n’a jamais désirés. Et il y a ces ultimes chapitres, ardents, bestiaux, où la victime devient prédatrice pour venger le calvaire et la mort d’une amie, elle aussi victime des souillures humaines.

    Un roman farouche, indéniablement original, et clivant, tout autant en raison du sujet choisi que de son traitement, sidérant de cruauté. Et si des lecteurs, légitimement, n’adhéreront pas à son contenu, nul ne pourra contester à Jacques Saussey son engagement humain, sa plume explosive et sa radicalité littéraire. Certains peineront à achever cet opus brûlant, d’autres le fermeront à regret : inutile de vous dire que nous faisons incontestablement partie de ces derniers.

    26/04/2020 à 08:26 8

  • Enfers.com

    Julia Tommas

    9/10 Lorsque l'inspecteur Yoshiro pénètre dans un appartement de la Douzième Rue de New York, c'est pour y découvrir un habitat sans cadavre ni sang. Le locataire était un pédophile qui a disparu. Au fur et à mesure de son enquête, le policier se rend compte que quelqu'un semble avoir décidé de rendre la justice contre ceux qui s'en sont pris à des enfants. Il lui faudra toute l'aide de la neuropsychiatre Lisa Cavalcante pour comprendre les motivations du prédateur, d'autant que ce dernier n'en est qu'au début de ses crimes...

    Après Brain Damage, Julia Tommas signe une suite très réussie. Le récit est particulièrement bien écrit, et le lecteur aura la joie de découvrir des univers très différents et parfaitement documentés : les états de conscience minimale, la cartographie du cerveau, l'autisme, Internet, etc. Ce thriller ressemble à ce qu'auraient pu écrire d'autres plumes émérites du roman policier comme Jeffery Deaver ou Olivier Descosse, avec des connaissances médicales qui rappelleront probablement les récits de Thierry Serfaty, tout en conservant son identité propre. Divisé en quatre-vingt-six chapitres courts et haletants, Enfers.com est un remarquable opus, à la fois prenant et effrayant, donnant à voir les plus sombres pans de l'âme humaine sans pour autant tomber dans le piège du voyeurisme. Les deux héros de l'enquête, Kenji Yoshiro et Lisa Cavalcante, sont très bien campés, le premier encore traumatisé par le sanglant enlèvement dont il fut jadis la victime, et la seconde se mettant en danger pour prouver qu'une patiente n'est pas le légume dépeint par certains membres de sa famille. Le lecteur passera de scènes d'une grande tension psychologique à des moments de pur suspense, avec un final remarquable dans le ventre de New York.

    Enfers.com est donc un ouvrage admirable, maîtrisé de bout en bout par Julia Tommas dont l'imagination et le talent ne font que se confirmer. Après Brain Damage, il n'y a plus qu'à espérer un troisième livre de la même tenue, car l'habileté de Julia Tommas n'a strictement rien à envier à celle des rois du thriller.

    09/04/2010 à 09:17