El Marco Modérateur

3314 votes

  • Pièces détachées

    Phoebe Morgan

    8/10 Corinne et Dominique Hawes ont presque tout pour être heureux. Couple uni, il leur manque néanmoins la pierre angulaire pour parfaire leur existence : un enfant. Trois FIV, mais rien ne se produit. C’est alors que Corinne commence à recevoir, en pièces détachées, des éléments qui constituaient la maison de poupée qu’elle adorait lorsqu’elle était gamine. Dans le même temps, sa sœur, Ashley, reçoit des coups de fil anonymes sans qu’aucune voix ne se manifeste à l’autre bout de la ligne. Serait-ce dû aux hypothétiques liaisons de son homme, James ? Progressivement, un sombre piège va se refermer sur les deux femmes.

    Ce Pièces détachées est le premier ouvrage de Phoebe Morgan à être traduit en France. Le lecteur savoure, dès les premiers chapitres, la construction du roman, qui alterne les points de vue de Corinne et d’Ashley, et où finit par percer la voix d’une gamine, inconnue, narrant sa propre histoire et ses tourments dans des confessions écrites en caractères italiques. Les personnages sont tous bien campés, notamment Corinne, travaillant dans une galerie d’art et n’ayant que de faibles moyens, encore endeuillée par la mort de son père il y a presque un an et meurtrie par les échecs successifs des FIV, ainsi qu’Ashley, mère de trois enfants et dont les revenus de son époux permettent à sa famille un train de vie fort confortable, même si elle est minée par la hantise que James puisse avoir une ou plusieurs maîtresses. Phoebe Morgan instaure progressivement une ambiance lourde et angoissante, puisque des éléments plus inquiétants que de simples morceaux de la maison de poupée vont être portés à l’attention de Corinne, comme un cadavre de lapin sur la voiture ou la sépulture de son père souillée d’un adjectif injurieux. Ici, point de grandes scènes pyrotechniques, de fusillades, de passages mémorables ou cinématographiés, seulement l’habile charpente d’un roman à suspense brillamment construit, avec beaucoup de tact et de crédibilité, qui n’est pas sans rappeler les ouvrages d’illustres écrivains comme Mary Higgins Clark. Au final, même si le déroulé de l’intrigue ainsi que le mobile du tourmenteur sont assez classiques, on n’en demeure pas moins pris par l’efficacité du récit, le talent narratif de Phoebe Morgan, et son final, ouvert et anxiogène, qui détonne dans le paysage de ce type de littérature.

    Un livre présentant un suspense de haute volée, à la structure irréprochable et sans le moindre temps mort : pas étonnant que B.A. Paris l’ait adoré.

    06/05/2021 à 07:04 2

  • Santa Muerte

    Gabino Iglesias

    7/10 Fernando, dit « Nando », est un dealer travaillant pour Guillermo. Mais un jour, il est enlevé par des inconnus qui le conduisent à un endroit où se trouve Nestor, un ami de Fernando. Nestor a déjà été férocement torturé, et c’est à son exécution, animale, auquel le kidnappé est obligé d’assister. Les bourreaux ont un message clair : que Guillermo cède sa place de leader local du trafic de drogue au profit de ces membres de la Salvatrucha. Fernando n’a rien d’un héros intrépide ni d’un vengeur au courage démesuré, aussi va-t-il hésiter à prendre les armes pour punir l’assassinat de son copain. Et si la Santa Muerte pouvait lui accorder une forme de salut en échange de quelques prières ?

    Premier ouvrage de Gabino Iglesias, ce court roman (environ cent quatre-vingts pages) saisit d’entrée de jeu par son ton : noir, brutal, mais non dénué de touches d’un humour à froid salvateur. Ecrit à la première personne, on découvre Fernando, petit intermédiaire qui assiste à la mise à mort d’un camarade avant de devoir se faire le porteur d’une menace à l’attention de son patron. Un pitch certes classique, mais qui s’oriente assez vite vers une intrigue folle où se mêle santeria, une touche de vaudou et des règlements de comptes musclés, sans compter la présence de nombreux personnages croustillants et épicés. On trouve ainsi un sicaire russe qui dissimule ses réelles activités derrière la couverture de simple pépiniériste, un autre assassin qui a tout de la diva et prend un réel plaisir à abattre ses cibles, sans compter Indio, le principal méchant du récit, d’où émanent de puissantes ondes méphistophéliques. Gabino Iglesias nous sert une recette sacrément relevée, passant au blender des individus très cinématographiques, au point que nombre de critiques ont noté le fait que ce roman pourrait être adapté par Quentin Tarantino. Cependant, au-delà de l’alignement de ces protagonistes typiquement badass, il y a quelques temps morts et autres passages pas nécessaires tandis que l’intrigue pure passe au second plan de ce chapelet de personnages tordus et marquants, sans compter un épilogue trop abrupt et, avec le recul, une sous-exploitation de cette idée de la Santa Muerte, pourtant alléchante et atypique.

    Un livre pimenté et distractif, original dans le propos et sanglant à souhait, dont on regrette pourtant le manque de chair et, finalement, son côté certes délassant mais guère mémorable.

    04/05/2021 à 07:08 3

  • Dragon Head tome 5

    Minetaro Mochizuki

    6/10 Le manga commence avec cette scène d’hélicoptère déjà bien amorcée dans l’opus précédent. Un ouvrage bien loin du chaos des tomes antérieurs, avec Ako en première ligne de l’histoire et qui va se rendre dans la ferme isolée d’une femme âgée. Des pans du passé apparaissent, avec notamment quelques scènes d’un tsunami dantesque. Un tome donc un cran en dessous des autres, un peu plus mou et bavard, mais qui prend de la vitesse sur le final, avec la découverte d’un jeune homme au crâne couturé ; un début d’explication au titre de la série ?

    02/05/2021 à 08:13 1

  • Charisma tome 3

    Taisei Nishizaki, Fuyuki Shindo, Tsutomu Yashioji

    8/10 Le séminaire se poursuit, Reiko est approchée par l’une des adeptes les plus ferventes du Messie, Mayama, tandis que ce dernier surveille ses potentiels futurs séides avec des caméras, mais avec une attention toute particulière pour Reiko qu’il assimile, physiquement et psychiquement, à sa défunte mère. Le gourou va même manœuvrer pour faire en sorte que le couple de Reiko implose. L’apparition finale d’un personnage nommé Takeishi, là pour lutter contre les dérives sectaires, apportera, je l’espère, un quatrième et dernier tome très intéressant, au moins autant que les précédents.

    01/05/2021 à 08:28 1

  • Syndrome 1866 tome 3

    Naoyuki Ochiai

    8/10 Hikaru assassinée de sa main armée et Risa comme témoin puis complice, la situation devient aussitôt épineuse pour Miroku… qui assassine aussitôt Risa. Il cherche à camoufler ses traces tandis que la police commence à enquêter. La noirceur ainsi que la nervosité augmentent, d’autant que la police vient justement d’essayer de joindre Miroku… mais pourquoi ? Notre apprenti tueur en vient à se demander s’il ne perd pas progressivement la raison et succombe à la paranoïa. Un opus différent des deux précédents, davantage tendu, et l’on en vient – presque – à éprouver une forme d’empathie pour cet homme alors qu’il est tout de même un meurtrier. Vraiment bon.

    30/04/2021 à 21:27 1

  • Akumetsu tome 4

    Yoshiaki Tabata, Yûki Yogo

    6/10 Un opus de nouveau saturé de bruit et de fureur, et la croisade justicière d’Akumetsu commence à être plébiscitée par les témoins qui scandent à présent son nom. C’est bourrin, rassasié de testostérone, avec quelques clins d’œil humoristiques et autres références à la culture japonaise, avec autant de coups de griffe sur la cupidité de certains individus qu’il n’y a d’incendies, bastons, courses-poursuites et autres fusillades dans cet opus. Akumetsu, quelque part entre le badass de service, le superhéros et le messie vengeur, capable de poser un ultimatum au premier ministre lui-même, s’impose une fois de plus dans ce manga décontracté et divertissant, même si ce dernier est objectivement superflu et, disons-le carrément, hautement dispensable.

    30/04/2021 à 10:01 1

  • Les Abattus

    Noëlle Renaude

    9/10 Le narrateur n’a pas eu une vie paisible. Une enfance difficile, un père qui s’est éclipsé, un frère gangster, un beau-père puis une demi-sœur, après quoi les événements se déchaînent tout autour de lui : les voisins du dessus sont égorgés, son frère cadet s’illustre dans un braquage avec trente millions de francs à la clef, des malfrats en Peugeot 504 qui lui tournent autour… Une série de coïncidences malheureuses ? Est-il la victime de ces enchaînements meurtriers ? Leur auteur, peut-être ?

    Noëlle Renaude s’est illustrée en tant que dramaturge dans le théâtre avant de livrer ce premier roman en 2020. Dès les premières pages, on comprend que le style de l’écrivaine est unique : des phrases longues, sans le moindre discours direct ni tirets cadratins, une frénésie de virgules qui hachent les phrases, un discours indirect volontairement chaotique. Si le lecteur est, de prime abord, décontenancé, il trouvera bien rapidement une véritable énergie derrière ce récit sciemment déconstruit, érigé en trois parties (respectivement « Les vivants », « Les morts » et « Les fantômes), où l’on suit, chronologiquement, la ligne de vie de notre « héros ». Un individu lambda, dont la singularité tient dans les êtres fracassés qu’il va côtoyer et les drames qui vont soit l’entourer soit le percuter. L’univers de Noëlle Renaude n’est pas sans rappeler l’œuvre de Georges Simenon, avec des personnages croqués à pleines dents, dépeints au vitriol, et dont les interactions sont souvent croustillantes. On se plaît à suivre la route du narrateur, entre amours éconduites, destinée fade, métiers exercés sans passion, tandis que tout autour de lui, se mettent à tomber les morts. Il faudra une crémation pour que les cendres parlent et que la vérité éclate enfin. Une sacrée prouesse de la part de l’écrivaine, où le trente-troisième chapitre livre les clefs de l’intrigue, revenant avec intelligence sur les faits antérieurs, et contraignant – avec joie – le lecteur à se repasser l’ensemble de l’histoire.

    Un ouvrage particulièrement réussi, noir et serré, où la désorganisation apparente des mots souligne la trajectoire brisée des existences qu’elle décrit.

    28/04/2021 à 07:44 7

  • Pour un instant d'éternité

    Gilles Legardinier

    8/10 Alors que s’ouvre l’Exposition universelle de Paris, Vincent Cavel et ses camarades ont un emploi bien particulier : créer chez de riches clients des passages secrets afin qu’y soient dissimulés leurs trésors et secrets. Le travail ne manque pas, mais une menace se précise : on cherche à tuer les compagnons de Vincent, par empoisonnement, en les écrasant ou en les poignardant. Qui cherche ainsi à annihiler ces hommes, et pourquoi ? La réponse se trouve sous terre, et à des siècles de là…

    Gilles Legardinier, à qui l’on doit des polars (L’Exil des anges, Nous étions les hommes ou Le Premier miracle), mais aussi des ouvrages feel-good(Demain j’arrête !, Complètement cramé !, ou J’ai encore menti !), signe ici un pur roman d’aventures. Se déroulant lors du dix-neuvième siècle finissant, l’auteur livre un très réussi hommage à Jules Verne et consorts. Partant d’un pitch très intéressant (les passages secrets, qu’ils soient utilisés comme des coffres-forts ou des chambres de panique), Gilles Legardinier happe l’attention du lecteur du début à la fin. Les clefs du succès ? Des chapitres courts et souvent finis par un cliffhanger habile, des personnages très humains et qui attirent l’empathie, et une belle plongée historique et géographique. Le style, épuré, permet une lecture agréable et déliée, et les protagonistes, plus particulièrement la bande de Vincent, n’est composée que d’individus sympathiques. Nous avons Vincent et son frère cadet, Pierre, ainsi qu’Eustasio, le peintre qui vit une idylle avec une comtesse italienne, le menuisier Konrad et Henri, dit « Le Clou », qui sert principalement de messager. Le cadre de l’Exposition universelle est adroitement exploité, nous permettant de nous imprégner de cette ambiance si particulière, sans jamais que la balade ne soit pesante ou trop érudite. Nos héros vont devoir affronter un ennemi bien retors après avoir envisagé diverses hypothèses quant aux raisons pour lesquelles on leur en veut. Esotérisme, expéditions dans les souterrains parisiens, alchimie, illusionnisme (avec cette figure presque paternelle qu’a constitué le grand Houdini pour Vincent), Templiers, souvenirs des Croisades, etc. : un bel éventail de sujets passionnants qui ravira les lecteurs.

    Même si la teneur du grand secret, révélée dans les ultimes pages, pourra éventuellement décevoir, on se régale d’un bout à l’autre de ce récit, épique et humain, d’autant que la bibliographie finale, les explications de Gilles Legardinier quant à la genèse de ce livre, et les faits réels cités éclairent l’ensemble d’un éclat particulier. Un opus entraînant et de grande qualité.

    26/04/2021 à 07:57 4

  • Le Coma des Mortels

    Maxime Chattam

    7/10 … ou comment le pauvre Pierre, visiblement frappé à la fois par la crise du trentenaire ainsi qu’une étrange malédiction qui massacre, les uns après les autres, ses proches, en vient à nous narrer ses malheurs. Une histoire vraiment singulière, où je n’ai pas retrouvé le style habituel de Maxime Chattam (ce qui est bien évidemment voulu), et qui, dans un premier temps, m’a très agréablement surpris : que l’auteur cherche ainsi, même momentanément, une nouvelle voix (voire une nouvelle voie) littéraire, ne peut être que louée. Pas mal d’humour, notamment dans certaines réparties qui claquent, d’autres bien absurdes (dans l’appel téléphonique à double sens avec le pizzaiolo, par exemple), et dans les situations (dans le zoo, évidemment). Dans le même temps, pas mal d’ingéniosité et d’inventivité dans les « activités » des divers protagonistes (je ne saurais expliquer pourquoi, je trouve du Boris Vian chez Antoine avec sa spécialité de retrouver les propriétaires d’objets perdus, ou chez Pierre avec ses déboires amoureux et ses « pêches téléphoniques »). Parallèlement, j’avais deviné son « code » disséminé dans son récit (mais je n’ai pas essayé de le décrypter au fur et à mesure histoire de me conserver la surprise finale), beaucoup trop flagrant à mon avis. De même, l’histoire est sympa à lire mais ne révolutionne pas fondamentalement les codes du genre. Autant j’avais adoré son « Que ta volonté soit faite », autant cet opus m’a semblé un petit cran en dessous du point de vue de l’inventivité comme de la narration. Et puis, au final, quand je vais dans une brasserie, ce n’est pas trop pour déguster de la gastronomie moléculaire, de même que je ne vais pas choisir une traditionnelle blanquette de veau si je me rends dans un grand restaurant : tout ça pour dire que j’apprécie Maxime Chattam quand il verse dans le thriller hollywoodien, mais en définitive moins quand il s’écarte du sillon qu’il a su (avec le talent qu’on lui reconnaît) tracer.

    24/04/2021 à 08:06 6

  • Souhaits dangereux

    R. L. Stine

    6/10 La jeune Sam Piaf (« Byrd », dans la version originale) est victime de harcèlement de la part de Judith Woodstock, aussi Sam finit-elle par souhaiter bien du mal à sa tortionnaire. Et lorsqu’elle tombe, bien par hasard, sur Clarissa, « la femme Cristal », qui lui propose d’exaucer trois de ses vœux, on se doute que la situation va vite déraper. De R. L. Stine, on connaît les gimmicks : écriture simple et accessible, chapitres, courts, cliffhangers à la fin de (presque) chacun d’entre eux, et un scénario apte à créer de gentillettes sueurs froides aux têtes blondes à qui il destine ses écrits. Ici, le pitch est assez élémentaire, avec des souhaits à exaucer qui vont se retourner contre la demandeuse. L’auteur sait néanmoins tirer profit de sa créativité pour imaginer des retournements de situation à propos de ces vœux et créer quelques sympathiques rebondissements ainsi qu’une ambiance agréablement anxiogène pour Sam qui finit par hésiter quant à ses demandes et à leur formulation. Un opus qui ne comptera certainement pas parmi mes préférés, mais qui tient plaisamment la route et offre un bon moment de lecture distractive. En revanche, le final, où l’on s’attend au coutumier twist de l’écrivain, est ici assez téléphoné et prévisible, même si je ne doute pas que les jeunes lecteurs le trouveront malgré tout réussi et, pour ainsi dire, nécessaire, comme on honore convenablement une sorte de commande, ici littéraire.

    23/04/2021 à 08:26 2

  • La Main gauche du Führer

    Maza, Richard D. Nolane

    8/10 Après l’Europe, cet opus commence du côté de l’Antarctique à la recherche d’une météorite tombée là il y a dix mille ans. La prothèse pour remplacer le bras d’Hitler déchiqueté au cours d’un attentat apparaît enfin. C’est toujours un « régal » que de croiser des personnages de la galaxie nazie dans ces opus, et là, c’est Leni Riefenstahl qui apparaît en train de filmer un discours du Führer à Nuremberg. Des images fortes (comme ces avions dessinant une croix gammée dans le ciel) pour un final très intrigant autour de ce métal carotté dans la glace de l’Antarctique. Même s’il y a un peu moins d’action que dans les tomes précédents, ça demeure une série forte et prenante.

    22/04/2021 à 18:29 1

  • Au-delà des ombres

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Aaricia morte, Thorgal n’est plus que l’ombre de lui-même, loque humaine muette que l’on retrouve dans une taverne, et c’est un vieillard qui le sauve d’une mort imminente. On lui révèle alors que sa femme est encore en vie. Notre héros est ainsi remis en selle et en grande forme, prêt à parcourir un décor de bayou peuplé de dinosaures, de créatures retorses et d’épreuves. Un opus semblable au précédent, tant par le style graphique que par le souffle d’aventures qui l’agite, sans temps mort, et avec une chouette incursion dans le monde des morts qui sera d’ailleurs fatale à l’un des protagonistes, avec une probable référence aux Moires antiques.

    22/04/2021 à 07:58 2

  • La Galère noire

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Quatrième tome de la série. Thorgal Aegirsson et Aaricia vivent heureux dans un village ; lui y travaille aux champs et est apprécié, elle est enceinte. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, sauf que Shaniah, dont les avances sont repoussées par Thorgal, le dénonce sous un prétexte fallacieux. Il devient alors le jouet du prince Véronar, un immonde poussah avant, au terme d’une cavale, de se transformer, bien malgré lui, en galérien. Un souffle qui ne faiblit pas, un graphisme que je trouvais dépassé mais qui, au fil des albums, me plaît de plus en plus, pour une ambiance cette fois-ci typiquement antique et romaine (références directes aux jeux du cirque, aux galères avec le traditionnel hortator, etc.), pour une bande dessinée qui se conclut de manière tragique avec une sinistre annonce pour notre héros avant un duel presque tiré d’un western.

    21/04/2021 à 08:20 3

  • Les Trois Vieillards du pays d'Aran

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Un décor bien bucolique après les mers et les glaces des deux précédents opus : une forêt où Thorgal et Aaricia semblent promis à un avenir radieux. Ils tombent sur un nain, Jadawin, qui les conduit à un château où Aaricia parvient à réaliser un exploit (jolie variation sur le thème du Nœud Gordien) et à devenir reine de la contrée, mais tout cela ressemble davantage à un piège qu’à un privilège… Troisième opus de la série, qui panache croyances vikings, épreuves, tentations d’immortalité et autres péripéties dignes de la mythologie grecque. Un ton décontracté tout en préservant du punch, bref, une bande dessinée qui se lit vite et qui procure un bon moment de distraction.

    20/04/2021 à 18:20 3

  • L'Île des mers gelées

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    7/10 Aaricia, pourtant promise à Thorgal, est enlevée par des aigles, mais la tentative de récupération en bateau tourne à l’échec : Thorgal et ses compagnons de fortune sont attaqués, avant de ne devoir leur salut qu’à une peuplade de type inuit qui va les conduire vers une étrange mine. Deuxième opus de la série, je ne m’en lasse toujours pas : le rythme est fluide, l’intérêt constant. De belles références (la scène d’hallucination de Thorgal qui mélange le péché originel de la Bible et le mythe d’Eurydice et d’Orphée, version glaciaire), même si certains passages auraient peut-être gagné à viser une forme de crédibilité (le filet tiré et déployé grâce aux flèches, et les aigles largueurs de bombes), tandis que cet opus se clôt sur une note ouvertement SF.

    20/04/2021 à 08:05 2

  • Dragon Head tome 4

    Minetaro Mochizuki

    7/10 De la pluie, un hélicoptère qui passe : Ako et Teru sont capables de se satisfaire de peu une fois hors du souterrain, mais le chaos qu’ils découvrent dans la ville, la tentative de viol que subit Ako, la violence des survivants font qu’ils déchantent très vite. Toujours une belle réussite, tant esthétique que scénaristique, dans cet épisode plein de bruit et de fureur, où le côté anxiogène des précédents huis clos est remplacé par une forme d’action pure.

    19/04/2021 à 07:55

  • Heads tome 2

    Keigo Higashino, Motoro Mase

    7/10 Jun-ichi Naruse continue d’avoir des hallucinations. « Syndrome de stress post-traumatique », qu’on lui dit à l’hôpital, ou des changements d’humeur transitoires, mais ces explications ne le satisfont pas, et il penche plutôt pour une sorte de possession. Les recherches sur le donneur s’accentuent et notre héros reçoit une lettre lui indiquant qu’une journaliste aurait trouvé des informations à ce sujet. Le portrait du donneur, Tokio Sekiya, commence à émerger et le suspense est savamment entretenu, à un rythme volontairement lent mais prenant. J’aurais peut-être préféré que les auteurs creusent davantage une piste expliquant les problèmes de Jun-ichi (médicale ? surnaturelle ? autre ?) mais peut-être est-ce prématuré à ce stade de la série.

    17/04/2021 à 08:27 1

  • Détective Conan Tome 83

    Gosho Aoyama

    6/10 Suite et fin de l’enquête inachevée dans le précédent opus : une résolution intéressante où il est notamment question… de tomates et de sel. Ensuite, une femme est étranglée après qu’un auteur de romances, Hiura Keigo, se soit mis à proposer un étrange pacte à des éditeurs : qu’ils mangent le plus possible, et leur surpoids lié à ce repas déterminera l’ordre dans lequel ils recevront ses manuscrits. Le pitch est intéressant, la résolution beaucoup moins : l’identité du tueur est évidente, son mobile presque banal, et la méthode employée pour déplacer le cadavre déjà lue dans d’autres opus. Puis une histoire de code et de trafic de drogue : c’est gentillet, mais pas de quoi ovaliser un ballon de foot. Enfin, c’est un homme poignardé dans un parc aquatique, une histoire qui sera conclue dans le manga suivant. Bref, en résumé, un ouvrage sympathique, certes, mais à mes yeux un cran en dessous de la production globale de Gosho Aoyama qui nous a habitué à mieux.

    16/04/2021 à 08:35 1

  • Syndrome 1866 tome 2

    Naoyuki Ochiai

    7/10 Miroku Tachi est toujours malmené par ses doutes et autres scrupules à passer à l’acte. Il se doute qu’Hikaru, sa grande tentatrice, est « soutenue » par des proxénètes criminels, probablement des yakuzas. Désormais, il se prépare à réaliser un crime parfait. Le sang coule enfin, donnant un élan salvateur tout autant à la série qu’à mon appétit de lecture à son égard. Un tome qui puise, comme dans le précédent, sa force dans la vraisemblance des ressorts psychiques et de la crédibilité de l’ensemble, davantage que sur la nervosité et l’action. Rasséréné, je vais tâcher de me procurer les opus suivants.

    16/04/2021 à 08:22 2

  • Derniers mètres jusqu'au cimetière

    Antti Tuomainen

    7/10 Mauvaise passe pour Jaako Mikael Kaunismaa : il vient d’apprendre, suite à un examen médical demandé après divers malaises, qu’on est en train de l’empoisonner. Pire : l’intoxication en est à un tel stade qu’il va bientôt mourir. Sauf que Jaako n’est pas un homme très important : Finlandais ayant érigé avec son épouse, Taina, une entreprise cultivant le matsutaké, un champignon, il ne voit guère de raison pour que l’on en vienne à attenter à sa vie. Et quand il rentre chez lui, c’est pour trouver sa femme en plein ébat sexuel avec l’un de leurs employés. Il y a comme ça des jours où il vaudrait mieux rester couché. Alors, quitte à mourir, Jaako va essayer de comprendre qui l’a assassiné.

    Après La Dernière Pluie, Sombre est mon coeur et Aussi noir que ton mensonge, voici le quatrième ouvrage d’Antti Tuomainen, un roman à suspense très léger et décontracté, qui contraste fortement avec le point de vue – il s’agit d’un ouvrage narré à la première personne – d’un individu qui se sait condamné. On est rapidement pris par le style de l’écrivain, frais et alerte, qui voit s’abattre tant de mauvaises nouvelles sur le coin de sa figure en si peu de temps. Car en plus de sa mort annoncée et l’adultère de sa chère et tendre, il voit que son entreprise est concurrencée par une rivale menée par un dénommé Asko et ses deux sbires – Juhani et Juhana – au risque de lui faire perdre sa clientèle japonaise. A aucun moment le récit d’Antti Tuomainen n’engendre la mélancolie ni ne tombe dans la gaudriole, et c’est sur cette ligne de crète ténue, ce mince fil du rasoir entre humour et drame que l’auteur nous fait suivre l’enquête de Jaako. Un individu plutôt banal de prime abord, très humain, luttant contre ses rondeurs et faisant de son mieux pour sa société de myciculture. Il en viendra notamment à croiser un policier au flair salvateur, se battre avec Juhani et Juhana – ces deux scènes de confrontation sont exemplaires d’humour absurde, presque des anthologies de pastiches – ou encore mener un double discours, en s’exprimant en anglais à un auditoire de Japonais tout en lâchant de croustillantes vérités à Taina en finnois.

    Antti Tuomainen se perd parfois dans quelques circonvolutions inutiles sur la culture du matsutaké ou dans les monologues intérieurs de notre mort en devenir, mais le livre séduit, indéniablement, par son approche amusante sans pour autant échouer dans le burlesque, d’autant que le final réserve quelques surprises quant à l’identité de l’empoisonneur. Le roman idéal pour passer un bon moment d’une lecture décomplexée entre deux thrillers nerveux et sanglants.

    14/04/2021 à 23:22 2