El Marco Modérateur

3233 votes

  • Créance de Sang

    Michael Connelly

    9/10 Un très bon thriller, avec une idée de base ultra-intéressante, et bien rythmé.

    29/03/2006 à 19:11 2

  • Crim' au Cap

    Bernard Deloupy

    9/10 N’importe quel lecteur peut avouer avec sincérité que certaines séries littéraires finissent par tourner en rond, s’essouffler, s’épuiser. Ce quatrième roman des aventures de Garri Gasiglia est probablement le plus abouti : la richesse comique de l’auteur en vient presque à souligner, comme dans un clair-obscur, l’aspect dramatique du propos évoqué. Assurément, un coup de maître.

    11/12/2011 à 18:31

  • Crime Tattoo

    Christophe Miraucourt

    9/10 Antoine a à peine le temps de courir après une jeune femme ayant oublié son portable dans l’atelier de tatouage de son père que le cours du temps s’emballe. La dénommée Pauline est enlevée par des inconnus et une bombe souffle la boutique, causant la mort du tatoueur. A peine arrivé à l’hôpital, Antoine découvre que des individus en veulent à sa vie.

    De Christophe Miraucourt, on connaît déjà les bons Ce que je n'aurais pas dû voir et Surgi du passé. Avec ce troisième opus paru chez Rageot, il poursuit sa route dans la littérature policière pour les jeunes. « Il poursuit sa route » ? Doux euphémisme, car ce Crime Tattoo est assurément son meilleur ouvrage. L’écriture est devenue encore plus tendue et nerveuse, les scènes d’action et rebondissements palpitent au gré des quelque cent-cinquante pages du livre. Pas un seul temps mort. Un remarquable cocktail de suspense et de fièvre, au dosage millimétré, pour un rendu vraiment enthousiasmant, au point que Christophe Miraucourt pourrait largement en apprendre à certains écrivains pour adultes. Tous les éléments sont là : le complot, la traque, des personnages tantôt attachants (Antoine et Pauline) tantôt inquiétants (les deux sbires lancés sur leur trace, le Balafré et Mister Stéroïde), des moments particulièrement visuels et une intrigue savamment élaborée et novatrice où s’enchevêtrent techniques de tatouage et nanotechnologies. Si l’on voulait vraiment faire la fine bouche, on pourrait éventuellement reprocher à l’auteur le coup du lien psychique entre le père et le fils établi par les tatouages siamois, peu crédible certes mais qui donne surtout lieu à quelques raccourcis scénaristiques un peu inutiles. Mais l’on se montre d’autant plus exigeant que le plat présenté est réussi.

    Avec ce roman vif et excitant, Christophe Miraucourt devient indéniablement l’un des jeunes auteurs de romans policiers pour la jeunesse les plus intéressants.

    24/12/2015 à 08:54

  • Ctrl+Alt+Suppr Saison 2

    Bertrand Puard

    9/10 Le combat de Zéphyr, Selma et Lisa n’est pas fini. Le Sokaramé, un petit pays africain, est aux mains d’Oscar-Amédée Chance, et il est en train d’ériger un data center dans un massif montagneux. En réalité, cette opération cache des travaux pour y créer un écrin pour Ananta, une intelligence artificielle d’une incroyable efficacité, et potentiellement capable de bouleverser le monde grâce aux désinformations qu’elle produit et propage, mais aussi apte à prendre le propre contrôle de sa destinée.

    Après le remarquable Ctrl+Alt+Suppr, Bertrand Puard revient avec ce dernier épisode de ce diptyque. On est aussitôt plongé dans une ambiance délicieusement anxiogène avec ce chapitre montrant une cérémonie proche du vaudou, d’une grande qualité stylistique et décrite avec maestria. Par la suite, l’ouvrage réunit ce qui se fait de mieux dans le domaine de la littérature jeunesse : des accents à la James Bond, des passages proches de la saga CHERUB, mais également un excellent clin d’œil à une autre série de l’auteur, à savoir L’Archipel. Mais ainsi dit, cette description ne rend pas hommage au foisonnement scénaristique de ce roman : un dictateur dépeint avec beaucoup de nuances, sa propre fille qui en vient à vouloir le détrôner, des flashbacks remontant jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, des deepfakes d’un incroyable réalisme construites par cette machiavélique intelligence artificielle, des Présidents français, américain et russe ressemblant à s’y méprendre (hum hum…) aux actuels, de belles leçons de géopolitique, sans compter quelques chapitres à la première personne où l’on explore la psyché de Marie-Rose, l’une des filles du tyran, mais aussi celle d’Ananta… Un magnifique bouquet de scènes d’un formidable réalisme, ne tombant jamais dans le cliché, et se payant même le luxe de s’adresser autant aux jeunes qu’à des lecteurs plus matures.

    Bertrand Puard nous avait régalé avec le premier opus de cette série, le second se montre presque plus réussi, ce qui constitue en soi un exploit. Un livre à la fois distractif, instructif et, qui sait, prophétique.

    19/08/2021 à 08:07 1

  • Cuba libre

    Nick Stone

    9/10 Eldon Burns se fait assassiner dans une salle de boxe, une balle dans chaque œil. L’arme du crime est le Colt d’Abe Watson, un policier décédé qui avait été enterré avec cette arme dans son cercueil. Joe Liston demande de l’aide à son ancien collègue Max Mingus, mais il est aussitôt tué d’une balle en pleine tête. Mingus se décide alors à mener l’enquête, une investigation qui le mènera jusque sur une mystérieuse île cubaine.

    Troisième et dernier ouvrage consacré à Max Mingus après Tonton Clarinette et Voodoo Land, Nick Stone signe ici les adieux du personnage qu’il a créé. Le style est toujours aussi remarquable, avec une plume efficace et puissante. Au gré des nombreuses pages du livre, le lecteur sera baladé avec régal, depuis une sordide histoire d’infidélité jusqu’à la piste d’une ancienne militante des droits civiques en passant par l’ombre angoissante d’un jeune tueur au bec-de-lièvre appelé Osso. Et comme on pouvait s’y attendre, le roman sera également l’occasion de retrouver Salomon Boukman, génie du crime, pratiquant du vaudou et ayant noué une relation très étrange avec Mingus. Nick Stone excelle dans la description de ses personnages, leur conférant une densité humaine incroyable ; au gré de cette histoire dédaléenne, il va les pousser dans leurs ultimes retranchements psychologiques, jusqu’à la rupture, jusqu’à l’aliénation.

    Ce triptyque qui se clôt avec cet ouvrage est assurément l’un des meilleurs qui soit. Nick Stone a amplement démontré l’étendue de son talent, et ce final de Max Mingus ne fait que confirmer cette affirmation. Une lecture impérative, envoûtante et hautement addictive, pour quiconque prétend aimer la littérature policière.

    27/05/2016 à 17:33 9

  • Dans la vallée du soleil

    Andy Davidson

    9/10 Travis Stillwell parcourt le Texas avec son camping-car. D’aspect étrange – le teint maladif, le visage en partie couvert de bandelettes, taciturne – il finit par arriver au Sundowner Inn, un motel tenu par Annabelle Gaskin, une jeune femme qui y vit avec son fils de dix ans, Sandy. Travis va se faire engager par Annabelle pour les travaux du quotidien, mais il n’a pas fini de lutter contre ses démons. Oh non…

    Impossible d’en dire plus quant à ce livre inclassable signé Andy Davidson. Est-ce un roman noir ? Assurément, et l’on a même rarement eu entre les mains un ouvrage aussi enténébré. Un thriller ? Oui, également, tant certains passages vont effrayer certains lecteurs. Une touche de fantastique ? C’est fort possible. On découvre au gré de ce récit époustouflant des personnages d’une rare densité humaine, fracassés, meurtris, saturés de conflits intérieurs et de tentatives de rédemption. Annabelle a perdu son mari, Sandy vit dans sa bulle sans la moindre figure masculine tutélaire, et Travis compose un protagoniste stupéfiant. Andy Davidson a volontairement déstructuré son histoire, brisant le traditionnel fil chronologique, nous donnant à voir dans la seconde partie de son œuvre des flashbacks morcelés quant au passé du jeune homme, faisant longuement douter le lectorat quant à ses intentions. Il y a du sang, et même beaucoup d’hémoglobine, les cadavres tombant les uns après les autres, sans qu’il soit pour autant évident de dire si Travis est un pur tueur en série ou la victime de Rue, une femme ayant pris possession de son corps et de son âme. Dans le même temps, les rangers du Texas sont sur la piste du prédateur, et l’on gardera longtemps en tête Reader, officier moralement mutilé par la mort de son enfant, désabusé, pugnace et malin, dont la trajectoire va vite croiser celle du prédateur. Andy Davidson multiplie à l’envi les non-dits, les propos ambivalents, les descriptions fantasmagoriques, les passages enténébrés, et sa plume est en soi une pure merveille : travaillée, sombre, gorgée de fureur mais aussi de sentiments contradictoires. Certains chapitres sont remarquables : les dernières pages panachent l’effroi, la tension et l’émotion, le final réservant même des phrases particulièrement poignantes au sein de ce parc d’attractions.

    Un véritable brûlot que cette Vallée du soleil. Un roman singulier et mémorable, si puissant et brillant qu’il tatoue son empreinte littéraire dans nos rétines et âmes, échappant à toute classification traditionnelle. Son aspect volontairement trouble et troublé pourra rebuter quelques lecteurs tandis que les autres ne pourront qu’être ensorcelés par ce style et cette histoire prodigieux de talent.

    02/10/2023 à 06:53 6

  • Dans le grand bain

    Jean-Hugues Oppel

    9/10 Un grand moment de frissons, moins polar que roman à suspense. On ne peut s'empêcher de penser à l'œuvre de Peter Benchley et à l'adaptation cinématographique de Steven Spielberg, « Les dents de la mer ». C'est concis – toute l'action ne dure dans le livre guère plus d'une petite trentaine de minutes, et la plume de Jean-Hugues Oppel est exemplaire, allant à l'essentiel tout en étant poétique. Une intrigue au cordeau pour un classique de la littérature jeunesse.

    17/10/2011 à 17:18

  • Dans les eaux du Grand Nord

    Ian McGuire

    9/10 Patrick Sumner a été chirurgien de l’armée britannique avant qu’une série d’événements ne l’oblige à changer de vie et prendre un peu de large, au sens figuré comme au propre. Soi-disant pour laisser le temps d’une histoire d’héritage se régler, il embarque à bord du Volunteer, un baleinier qui s’en va vers les eaux du grand nord. Mais le diable peut prendre bien des visages, y compris celui d’un harponneur terrifiant, en la personne de Henry Drax.

    Avec ce premier roman, Ian McGuire subjugue autant qu’il terrifie. Sa plume est magnifique, sublime, et l’on en vient à lire et relire certains passages tant ils sont sublimes. Le lecteur est empoigné dès le début de l’histoire, et quand le récit s’achève, il ne peut être qu’époumoné par tant de maîtrise. Tous les passages sont absolument remarquables, sans le moindre temps mort. Les personnages sont également incroyables d’(in)humanité et de densité. Sumner, en ancien praticien, désarçonné par la récente révolte à Delhi, adepte du laudanum. Brownlee, capitaine à la réputation de poissard dès qu’il conduit un navire. Otto, le marin philosophe et réceptacle de visions. Et bien sûr Henry Drax, bête à peine humaine, force de la nature, capable des pires exactions, aussi dangereux que machiavélique. Un psychopathe inouï, qui marquera durablement les esprits des lecteurs. D’ailleurs, nombre de scènes sont mémorables : celles de pêche à la baleine bien évidemment, mais aussi de chasse au phoque, à l’ours, ou encore la rencontre avec les requins, si voraces qu’ils en viennent à dévorer leurs propres organes dès qu’ils jaillissent de leurs flancs éventrés. On retiendra ce moment, quelque part entre la grâce et l’abîme, où Sumner soigne la plaie du bourreau du mousse, Joseph Hannah, et y décèle un élément ahurissant. Et ce cauchemar éveillé se poursuivra, loin des flots empressés, du ventre immonde du bateau et du froid hiémal, jusque sur la glace, dans les mâchoires de la banquise, et au côté des Yaks.

    Ce livre de Ian McGuire se situe bien au-delà de la littérature. C’est une expérience. Celle du Mal à l’état pur. Des hommes tourmentés et mauvais, bien plus prédateurs que les animaux qu’ils pourchassent. De la vie en communauté, avec des conditions d’hygiène et d’amoralité telles qu’elles ont rarement été aussi férocement retranscrites. Comme si le Moby Dick écrit par Herman Melville et Au-delà des ténèbres de Joseph Conrad avaient fusionné. Un immense coup de cœur pour ce roman qui, n’en doutons pas, fera date.

    07/11/2017 à 20:14 10

  • Dans les griffes de la Mafia

    Nicolas Trenti

    9/10 Autant j’avais été très déçu par un précédent Escape Game (« Le Piège de Moriarty »), autant celui-ci m’a vraiment emballé, et cela n’a bien évidemment strictement rien à voir avec l’identité de son auteur. J’ai, en effet, trouvé ici une véritable interactivité avec le livre, très chouettement imaginé, bâti et illustré, avec un nombre suffisant d’énigmes et de pistes à exploiter pour s’occuper une heure, voire plus. Car maintenant que j’ai bouclé le périple, je vais me relancer dedans pour en saisir les chemins alternatifs et autres éléments qui m’ont échappé. Sincèrement, beaucoup de devinettes, de possibilités, et même des choix absurdes dans lesquels je me suis lancé, juste pour les tester et voir s’ils avaient été envisagés par son auteur (les choix « VOPI » et « TOCE », par exemple, et plus exactement les résultats obtenus, m’ont bien fait rire). Et c’est ça qui est vraiment génial avec ce livre-jeu : son champ des possibles. Même avec, finalement, assez peu de pages et d’éléments en main, il y a largement de quoi s’occuper grâce aux divers outils, actions et interactions envisageable, mêmes les plus folles et les plus idiotes. J’ai vraiment passé un excellent moment, tout autant de lecture que de réflexion, et je vais tâcher de soumettre ce livre à mes élèves collégiens pour voir leur façon de se dépatouiller avec les problèmes, comment ils vont appréhender les règles (les combinaisons notamment), et voir s’ils parviennent à s’immerger dans cet univers ludique et de raisonnements. A titre personnel, je n’ai pas obtenu les cinq étoiles (saletés de clefs que j’ai mal utilisées au départ, et saletés de panneau électrique qui m’a résisté). Il me reste également à voir la version numérique de ce livre-jeu. Vraiment, une réussite totale pour un concept très bien pensé, huilé et prenant !

    16/12/2018 à 18:29 7

  • Dans tes rêves

    Johan Heliot

    9/10 Cassy est une "onirospy", à savoir qu’elle peut pénétrer les rêves de chacun pour en percer les secrets. Sous la férule d’Edgar, le chef du Sanctuaire où sont regroupés tous ces onirospies, elle use de ce don pour le bien de la société. Mais quelque chose ne tourne pas rond. Certains onirospies sont transformés en zombis après une plongée. Des agents troubles apparaissent dans le sillon d’Edgar. Les signes troublants se multiplient. Et si Cassy était au centre d’un vaste complot ?

    Après Dans la peau d’une autre, Johan Heliot signe ce second thriller pour la jeunesse chez Rageot. Une nouvelle réussite. Le style est très visuel, fort, et c’est un véritable régal que de suivre la quête de Cassy. L’auteur a construit une intrigue serrée, aussi nerveuse que remuante, car au-delà de l’aspect fantastique du scénario, tout est fait pour que le lecteur ressente de la vraisemblance. Et indéniablement, on croit à cette histoire. Parent proche du film Inception par l’ambiance comme le propos, ce roman constitue un excellent moment de lecture. Il se montre aussi distractif qu’instructif, car Johan Heliot évoque des thèmes forts comme le libre arbitre, la manipulation ou les mesures à prendre pour protéger les démocraties.

    Voici un ouvrage éclatant, où l’intelligence du sujet et l’inventivité de l’intrigue sont amplifiés par le savoir-faire littéraire de Johan Heliot. Un ouvrage aussi captivant dans la forme que salutaire dans son contenu.

    26/03/2014 à 17:55

  • Danse de mort

    Lincoln Child, Douglas Preston

    9/10 Très bon opus selon moi, toujours aussi agréable à lire, avec une forte tension, des personnages variés et bien campés, et une fin qui ne peut que donner envie de lire la suite, Le Livre des Trépassés.

    18/07/2009 à 11:25 2

  • Danse Macabre

    Stephen King

    9/10 Un régal que ces nouvelles, troublantes et effrayantes !

    10/05/2009 à 19:59 1

  • Date limite

    Duane Swierczynski

    9/10 Mickey Wade est un homme qui conclut sa trentaine sur une vie sans fadeur. Installé dans un quartier malsain de Philadelphie, cet ancien journaliste n’a pas vraiment d’avenir. Son grand-père vit dans un état végétatif, son père a été assassiné dans un bar, ça n’est donc pas sa famille qui pourra lui accorder de l’aide. Et c’est un curieux hasard qui lui fait prendre des pilules dont il se méprend sur les effets : il peut à présent voyager dans le passé ! Après les doutes, il comprend qu’il peut en tirer avantage et cheminer dans l’histoire de sa famille. Mais on ne peut ainsi circuler dans les événements antérieurs sans chambouler le cours de l’histoire.

    Après The Blonde et A toute allure, Duane Swierczynski s’essaie au roman fantastique tout en conservant une puissante fibre policière, et le résultat est détonnant. Il a remporté un Anthony Award pour cet ouvrage, et cette distinction est amplement méritée. Le sujet est archiconnu, rabâché au cinéma comme en littérature, et on voyait mal comment l’auteur allait pouvoir s’en sortir. Il y parvient largement grâce à une intrigue serrée, construite de manière diabolique, et une écriture excellente. Tous les personnages sont convaincants, les scènes se succèdent et en viennent à se superposer puisque, nécessairement, des interactions se produisent entre les deux époques. C’est alors un véritable régal que de suivre Mickey tenter de modifier le présent par ses actes effectués dans le passé, observer les répercussions, et essayer d’imaginer les incidences occasionnées par ses péripéties. On savoure alors cet enchevêtrement des cycles et la construction infernale du roman, car Duane Swierczynski a bâti une structure implacable où Mickey devient le propre jouet de ses agissements.

    Livre remarquable tant dans son intrigue que dans son traitement, ce Date limite s’apparente à un délicieux millefeuille dont on se délecte de chacune des tranches et strates, car son agencement en fait fatalement une pièce pluridimensionnelle. Un petit joyau.

    04/08/2014 à 14:19 3

  • De mal à personne

    Odile Bouhier

    9/10 Lyon, 1920. Un riche industriel, Firmin Dutard, vient d’être poignardé à mort. Deux personnages vont être mis sur l’enquête : le professeur Salacan, qui donne des cours de science criminelle dans le monde entier, et le commissaire Kolvair. Première constatation : le meurtrier est de la taille d’un enfant.

    Deuxième ouvrage de la série consacrée à Salacan et Kolvair après Le Sang des bistanclaques, ce roman est d’une singulière profondeur. Odile Bouhier a brossé des personnages convaincants et crédibles, comme le policier Kolvair, amputé d’une jambe suite à la Première Guerre mondiale, cocaïnomane et amoureux d’une belle aliéniste. Il y a également une belle galerie d’autres protagonistes, souvent traumatisés par le récent conflit, qui errent, défigurés au sens physique ou moral, violentés et violents, victimes ou coupables de trafics. Même si Salacan n’entre que plus tard dans le cœur de l’investigation, ce livre permet aussi de voir les balbutiements de la criminalistique, discipline naissante qui va néanmoins mettre en lumière de nombreux indices dans cette enquête. Avec une cadence effrénée (pour à peine plus de deux-cents pages, l’opus compte soixante-trois chapitres), les épisodes se succèdent, les rebondissements affluent, et c’est vraiment essoufflé que l’on parvient à l’épilogue où se mêlent noirceur et espérance.

    Roman à la puissante charge historique, il n’oublie pas pour autant d’être brillamment construit et écrit. Valant tout à la fois pour son intrigue ténébreuse que pour sa peinture de portraits édifiants, voilà un livre décidément remarquable. A noter que le troisième ouvrage de cette saga, La nuit, in extremis, est paru en avril 2013 et sorti en poche chez 10/18 le 4 septembre.

    22/09/2014 à 18:53

  • De sang-froid

    Truman Capote

    9/10 Une oeuvre majeure de la littérature, ou la déchéance de deux jeunes paumés devenus des assassins sanguinaires. Un travail journalistique très consciencieux, axé également sur la genèse de ce duo de tueurs ainsi que sur leur psychologie, et un portrait acerbe de la société américaine.

    03/10/2009 à 15:43 5

  • Death Note tome 1

    Tsugumi Ōba , Takeshi Obata

    9/10 Un manga détonnant où se brassent le roman à énigme, le suspense et le fantastique. Un duel à distance épique entre deux limiers, un dieu de la mort matérialisé avec juste ce qu’il faut pour le rendre inquiétant, un livre magique aux multiples facettes et à l’emploi déconcertant, pour ce premier ouvrage de la série. Je serai assurément au rendez-vous des suivants.

    28/06/2015 à 17:18 3

  • Death Note tome 2

    Tsugumi Ōba , Takeshi Obata

    9/10 Une série toujours aussi prenante. Même si l’effet de surprise s’est nécessairement émoussé, ce Death Note continue d’hypnotiser. Une réalisation particulièrement intelligente, des dessins secs et captivants, et une histoire addictive.

    29/07/2015 à 09:04 2

  • Death Note tome 3

    Tsugumi Ōba , Takeshi Obata

    9/10 J’ai un peu perdu le fil de l’histoire, puisque j’avais lu le précédent tome il y a déjà pas mal de temps, mais j’ai retrouvé avec délectation cet univers, notamment ses personnages (Light/Kira, le curieux L, et le monstre Ryuuku). C’est toujours aussi bien dessiné et scénaristiquement original et malicieux, avec toujours cette touche d’humour décalé chez la créature (qui, d’entrée de jeu, s’époumone à chercher les caméras de surveillance tout en mourant d’envie de manger des pommes). La partie de cache-cache entre Light et L devient sacrément piquante. L’opus se conclue sur l’existence de cette jeune fille et d’un « second Kira » qui relance sans peine le suspense et l’intérêt de la série. Vraiment bluffant de complexité et d’intelligence, même s’il faut absolument suivre le fil de l’intrigue sur tous les tomes pour en saisir la saveur.

    25/04/2020 à 16:39 1

  • Dehors les chiens

    Michaël Mention

    9/10 1866. Alors que le soleil torréfie la Californie, Crimson Dyke, agent de l’United States Secret Service, parcourt les États de l’ouest à la recherche de faux-monnayeurs qu’il arrête. Il en vient à découvrir l’existence, par pur hasard, d’un cadavre éventré de manière barbare, avant de comprendre que le tueur n’en est pas à son coup d’essai. Dans un pays qui panse encore les plaies de la guerre civile, il va devoir affronter des spectres multiples et assoiffés de sang, de justice ou d’argent.

    Michaël Mention est un auteur remarquable qui semble s’épanouir en changeant constamment de registre. Depuis Le Rhume du pingouin en 2008, il a signé un thriller fantastique (Unter Blechkoller), des polars historiques (de La Voix secrète à sa trilogie anglaise), des opus proches du documentaire (Fils de Sam et Jeudi noir), un livre inspiré de la vie de Miles David (Manhattan chaos), ou encore une diatribe musclée contre l’industrie chimique (De Mort lente), et voilà qu’il nous revient, pour notre plus grand plaisir… avec un western. On est aussitôt happé par le style de l’auteur, si caractéristique, avec ses phrases sèches, l’utilisation d’onomatopées et de lettres capitales, et un ton empreint d’une grande puissance littéraire. Dans le même temps, le cadre est exploité à la perfection, avec ce Far West enténébré, violent comme aux âges primitifs, perclus de lésions après la guerre de Sécession, et encore en butte aux Indiens. Crimson Dyke, en enquêteur, se révèle instantanément intriguant et efficace, amplement capable de tenir la distance sur plusieurs ouvrages si l’écrivain décidait d’en faire le protagoniste d’une série. Le récit est jalonné de personnages remarquables de noirceur, depuis les terribles Seasons Brothers, quatre tueurs à gages redoutables, jusqu’à Benedict Ross, montagne de graisse et de machiavélisme. L’intrigue est également formidable, multipliant les fausses pistes jusqu’à sa résolution, mémorable et pourtant si évidente. Signalons aussi que Michaël Mention est tellement talentueux qu’il est capable d’insérer des références à la musique du vingtième siècle ou d’évoquer le trauma lié à l’oreille de Dyke alors que sous d’autres plumes, le résultat aurait tout bonnement été raté voire grotesque.

    Voilà un roman puisant son titre dans un extrait de la bible et qui, tour à tour, saisit, séduit, instruit, fait frissonner, émeut et, au final, remue autant les tripes que l’âme. Un excellent livre de la part de Michaël Mention, encore un de plus.

    18/02/2021 à 07:04 14

  • Démolition

    Nada

    9/10 Cordélia est une star du cinéma porno qui meurt dans un snuff movie, ce genre de films dans lesquels les protagonistes agonisent sous les yeux des spectateurs après avoir enduré mille souffrances. Verlaine, un des plus ardents fans de Cordélia, tombe sur cet ultime spectacle et décide de la venger. Se joint à lui Vulcain, son acolyte, pour une terrible équipée de sang et de rédemption au cours de laquelle tous deux croiseront Van Gogh, un policier qui leur ressemble tant.

    Nada avait déjà marqué les esprits avec Hécatombe, un ouvrage dur et haletant. Autant le dire d'entrée de jeu : en noirceur, Démolition lui est bien supérieur. Exactions multiples, scènes de sexe particulièrement trash, violences décrites par le menu, coprophagie, pédophilie, inceste : Nada est décidément un auteur qui se permet de dépeindre bien des horreurs que nombre de ses pairs laissent dans l'ombre. Si ce roman est d'une incroyable férocité, l'aspect poétique qui s'en dégage paradoxalement est très fort : la langue est emprunte d'une prose élégante, et le choix des noms des protagonistes – Verlaine, Vulcain, Van Gogh – mettent en relief ce constitutif. Ce trio est incroyablement marquant : des anciens légionnaires devenus mercenaires, ogres brutaux en des terres inhospitalières, des homosexuels sachant préserver leur amitié par la chasteté, et un policier dévoré par la maladie, enclin à tous les excès, cherchant le rachat de ses fautes dans une dernière mission aux accents religieux. D'autres individus peuplent ce livre éprouvant, où le noir est une couleur, comme ces bourreaux d'enfants, organisateurs de parties fines où le sexe appelle le sang, vedettes du show-business perverties, politiciens laissant libre cours à leur perversion, et autres êtres cauchemardesques. Au fil du livre, la vendetta impulsée par Verlaine massacrera sans scrupules, fera éclater des trafics sans nom, brutalisera la morale, et balaiera bien des certitudes quant à l'humanisme de la société. Le récit est féroce, implacable, heurtera à n'en pas douter bien des âmes sensibles, jusqu'à l'écœurement, et s'achèvera au bout de trois-cents pages dans un chaos de sentiments et d'émotions lapidés.

    Démolition est une œuvre exigeante et singulière, à mille lieues des productions littéraires habituelles. Nada ne s'est plié à aucune règle – morale ou commerciale – en signant cet écrit intransigeant, aussi dérangeant que monstrueux. En écho à la barbarie de nombreux passages, vient l'éclat poétique de ces trois (anti)héros que sont Verlaine, Vulcain et Van Gogh, cette trinité d'individus liés par une initiale et une quête communes. Si le titre semble de prime abord bien lapidaire et passe-partout, il renvoie parfaitement à la lente entreprise de destruction de ces êtres qui se consument au fil des pages, jusqu'au stade terminal de leurs possibilités physiques et morales. Hécatombe, puis Démolition : il y a bien un fil conducteur dans l'œuvre de Nada, et cette nouvelle réussite littéraire, à la fois amère et éclatante, ne peut, le souhaite-t-on, qu'en appeler d'autres.

    02/05/2011 à 19:12 2