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Rattrape-le !
9/10 « Mon fiancé a disparu » : c’est ainsi que Lily Stevens, dix-huit ans, signale à la police locale que son compagnon, Peter Cutchin, également le futur père du bébé qu’elle porte, n’a pas donné signe de vie depuis plus d’une semaine. Dans ce village de l’Arkansas, le fait qu’elle soit la fille du pasteur de la congrégation pentecôtiste ne vient pas arranger les choses, et tout le monde s’imagine que le jeune homme a tout simplement taillé la route avec une autre femme plutôt que de conduire sa promise à l’autel du mariage. Tout le monde, sauf Lily. Et elle est encore loin d’imaginer ce vers quoi elle avance à grands pas.
Jake Hinkson nous a déjà régalés avec des ouvrages comme L’Enfer de Church Street, Sans lendemain ou Au Nom du bien, alors c’est un doux euphémisme que de dire que l’on attendait ce livre avec beaucoup d’espérances. Et c’est également un euphémisme que de dire que ce roman est vraiment très bon. L’auteur est hanté par deux obsessions, la religion et le crime, et ce roman noir illustre parfaitement cette hantise. On y retrouve une bourgade de l’Arkansas, scellée autour d’un temple et de son pasteur, le père de Lily, et tous les petits vices typiques de l’Amérique profonde et des microcosmes sclérosés : les petits secrets, la peur du qu’en-dira-t-on, mais aussi les hypocrisies. Il faut dire que ce que nous montre Jake Hinkson n’est guère reluisant : des adultes à qui l’on a caché les adultères dont ils sont le fruit, de mesquines convoitises, une religion érigée au rang de ciment sociétal mais bafouée à la moindre occasion, etc. Ici, Lily Stevens constitue un personnage remarquable : jeune et enceinte, elle va devoir se battre afin de comprendre ce qui est arrivé à Peter. Ce combat, solitaire si elle n’avait pas été aidée dans cette lutte par Allan, un colosse homosexuel veillant sur son père grabataire, va également lui permettre d’ouvrir les yeux sur son propre assujettissement : en se frottant à des êtres malsains et criminels (Chance et Eli), elle va prendre conscience de son isolement, des mensonges qui blessent Conway, de certains mensonges de la religion mais aussi de sa propre condition de femme. Et ça n’est qu’au terme de cette quête, où elle côtoiera des trafiquants de drogue, des proxénètes, des experts en décapitation et des proches qui, par leur duplicité, sont tout aussi criminels, qu’elle recouvrera sa liberté et son indépendance.
Un ouvrage de Jake Hinkson au moins aussi efficace et réussi que les précédents, tirant à boulet rouge sur les artifices et les sournoiseries d’une société confite dans ses certitudes mais où le pus continue de se développer sous le vernis des apparences et de la bien-pensance. Un régal de noirceur.01/06/2023 à 06:52 8
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La Peine du bourreau
8/10 Thompson, gouverneur du Texas, a trente-quatre ans et il hésite : doit-il gracier le détenu Ed 0451 ? Il ne reste à ce condamné à mort que quatre heures avant l’injection léthale. Pour affiner son opinion, il fait appel à McCoy, bourreau de l’Etat, afin d’obtenir son expertise. Le compte à rebours est lancé, mais Thompson ignore que cette nuit sera moralement l’une des plus pénibles de son existence.
Estelle Tharreau nous a déjà régalés avec des ouvrages remarqués comme De la terre dans la bouche, Mon Ombre assassine, Les Eaux noires ou encore Il était une fois la guerre. Ce livre panache le roman noir et le thriller, sans oublier une magnifique étude psychologique. Voilà donc le gouverneur Thompson en proie au doute : que doit-il décider d’Ed 0451 ? Celui-ci a commis cinq meurtres et à l’extérieur de la prison, les défenseurs de la peine capitale comme ses pourfendeurs s’agitent et sont prêts à s’affronter. McCoy détient une partie de la vérité : si Ed est un assassin multirécidiviste ayant accepté de mourir, il n’est pas le tueur psychopathe que l’on pense. Ses victimes ? Un juge sans cœur ayant condamné à mort tant d’individus sans que cela ne lui pose le moindre problème déontologique, un avocat sans scrupule, une femme ayant épousé une brute psychopathe afin de faire parler d’elle, etc. Parallèlement, McCoy se livre : il a côtoyé des monstres qui méritaient amplement leur sort autant que des malheureux broyés par la machine judiciaire, sans véritable différenciation, avec le sentiment du devoir accompli mais avec une éthique qui a fini par s’effriter avant de tomber en morceau. On pouvait craindre un énième livre sur la peine de mort – le sujet demeure passionné et passionnant –, n’apportant aucun regard critique ni originalité dans ce débat, mais ça serait mal connaître Estelle Tharreau. Le propos est remarquable d’intelligence, d’objectivité, d’humanité et de rigueur. Les divers exemples, probablement inspirés de faits réels, autant que les multiples détails et autres éléments documentaires constellant son histoire ont permis à l’auteure de produire un brillant réquisitoire contre ce châtiment extrême sans jamais tomber dans les poncifs du genre. De nombreux passages resteront longtemps en mémoire, intelligemment mis en scène et interprétés avec tact et miséricorde, ainsi que le portrait d’Ed, ayant décidé de prendre les armes pour abattre de son Remington 870 les créatures prétendument vertueuses mais en réalité bien plus nuisibles que celles qu’elles combattaient. Et il y a ce final, habile et au moins aussi ingénieux que le reste du roman.
Un ouvrage court et mémorable, jalonné de personnages en proie à l’incertitude, transmettant leurs légitimes perplexités et scrupules aux lecteurs. Estelle Tharreau nous offre ainsi le magnifique instantané d’une société malmenée par ses contradictions. C’est à la fois palpitant et corrosif.31/05/2023 à 06:46 4
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Rendez-vous avec le tueur
6/10 En sortant du lycée, Chantal Frugier, professeur de lettres, disparaît subitement. Comprenant qu’il ne s’agit pas d’une fugue, son époux contacte la police et a comme interlocuteur l’inspecteur Franck Dumontel. Ce dernier ne croit pas qu’il s’agisse d’un crime mais lorsqu'on retrouve le cadavre d’une prostituée ressemblant à la disparue, Dumontel revoit son jugement. Mais n’est-ce pas trop tard ?
Voici donc le deuxième tome de la série Meurtres en Limousin, avec toujours Franck Linol à l’écriture. On retrouve rapidement la patte de l’écrivain : le ton y est à la fois drôle et désabusé, le récit démontrant sans mal son amour pour Limoges et sa région, avec une belle collection de références littéraires et musicales qui parsèment le récit. L’histoire est assez simple, presque élémentaire, et si l’auteur nous gratifie de jolies cartes postales envoyées du Limousin, ayant trait à sa géographie, son histoire, la nourriture ou encore le vin, l’ensemble peine complètement à convaincre. En effet, le livre est particulièrement court et les pistes s’avèrent trop peu nombreuses pour que nos petites cellules grises aient le temps d’être mises à contribution. Parallèlement, certains passages sont trop allongés, comme des boissons excessivement diluées, sans que les détours et autres digressions de Franck Linol n’apportent quoi que ce soit au récit. De même, le dénouement, même s’il est crédible, n’est pas vraiment à la hauteur des attentes que l’on plaçait en lui : abrupt malgré les quelques pages saturées de tension qui le précèdent, assez commun, il peine vraiment à rallier à lui le lectorat qui espérait un beau rebondissement, une trouvaille scénaristique ou, tout bonnement, un chemin de traverse loin des axes déjà empruntés si souvent par d’autres écrivains.
Un petit polar laconique et sympathique mais qui ne renouvelle nullement le genre, offrant néanmoins un agréable moment d’une lecture où la décontraction et le sombre côtoient malheureusement quelques poncifs du genre.30/05/2023 à 06:51 3
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H
Philippe Francq, Jean Van Hamme
7/10 Un dénommé Larsen est démasqué à l’aéroport d’Amsterdam avant d’être tué à la machette. Alors qu’il organisait un gala, Largo Winch retrouve la tête de cet homme dans un plat qui leur est servi. Une fusillade suit rapidement. Une entame prenante et efficace même si je regrette toujours des dialogues parfois un peu longuets. Action, voyage, un bateau qui explose, exotisme, un zeste d’érotisme : une BD globalement distrayante. « Le prochain épisode risque d’être pas mal gratiné », dit l’un des personnages en toute fin de ce cinquième opus : espérons que ça soit vrai.
29/05/2023 à 19:19 1
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Monkey Peak tome 1
Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka
6/10 Mont Shirabi. Un groupe d’une quarantaine de Japonais appartenant à la même entreprise de médicaments (les laboratoires Fujitani) font une excursion vers le sommet afin de forger une cohésion de groupe. Quand quelqu’un évoque le « Pic du singe démoniaque » avec un énorme nombre de morts, on en plaisante presque. Mais quand une sorte d’immense singe armé d’une machette laisse en pleine nuit des cadavres massacrés dans son sillage, l’ambiance tourne à l’horrifique.
Pièges, cavalcades dans les montagnes et sur les falaises, milieu naturellement hostile, (tentatives de) survie, tensions multiples entre les survivants : tous les ingrédients du genre sont là, et c’est heureux. Après, même si c’est plutôt pas mal mené, ça reste assez classique pour le moment, d’autant que le graphisme n’est pas non plus très travaillé. Bref, un slasher digne de ses semblables mais sans beaucoup d’originalité.29/05/2023 à 19:16 1
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Ascension tome 4
8/10 Raccrochage direct aux derniers événements du tome précédent : la dépouille d’Masao Ônishi redescend de la montagne dans une civière. Buntaro n’en a pas fini avec l’alpinisme : il s’entraîne à faire de longs séjours dans des congélateurs à très basse température et se prépare à une nouvelle ascension particulièrement périlleuse. Une esthétique toujours aussi remarquable et mémorable, une histoire originale et prenante, pour ce quatrième tome que je découvre longtemps après avoir achevé le précédent (en décembre 2021). Un pur régal graphique et scénaristique !
27/05/2023 à 17:29 2
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Btooom ! tome 6
6/10 Himiko, Ryota et Kiyoshi sont toujours sur leur île à affronter les autres combattants. Ça commence par une course effrénée pour être le premier à récupérer le matériel parachuté d’un avion et ça se poursuit illico avec de nouveaux combats. Un tome fidèle à l’esprit de la série, et c’est justement ce fait que je finis par reprocher : une structure invariable d’un opus à l’autre, guère de surprises scénaristiques pour le moment, des adversaires plutôt interchangeables si l’on met de côté leurs armes qui sont les seules à varier, etc. Bref, ça demeure distrayant et assez agréable à lire, mais je trouve que l’auteur, après avoir trouvé et bâti la structure de sa série, en vient à rester un peu paresseusement dans sa zone de confort sans chercher la moindre originalité ni la prise de risque. Dommage.
27/05/2023 à 17:27 2
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Black Lagoon tome 2
6/10 Retour aux aventures de Rock, Levi, Benny et Dutch, cinquante ans après le naufrage d’un sous-marin nazi, à la recherche d’un tableau qui serait encore à bord du submersible. Nos héros vont devoir affronter des partisans actuels de la foi aryenne. Une esthétique typiquement manga pour de l’action non-stop, avec beaucoup de fusillades et de bastons. Un début tonitruant, purement distractif et sans la moindre prise de tête, même si je trouve la seconde moitié beaucoup moins prenante.
27/05/2023 à 17:22 2
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American Predator
8/10 Le 1er février 2012 au soir, la jeune Samantha Koening est enlevée. Les forces de police et du FBI finissent par remonter la piste d’un suspect : Israel Keyes. Un travailleur au-dessus de tout soupçon, père de famille sans histoire. Lorsque l’on retrouve les restes du cadavre de la disparue au fond d’un lac, le portrait d’un psychopathe apparaît lentement. Mais les enquêteurs ne sont pas au bout de leurs – hideuses – surprises.
De son propre aveu, Maureen Callahan a solidement étudié le dossier, interrogé les officiers en charge de l’enquête, interviewé la mère de l’assassin et écouté les centaines d’heures d’interrogatoires. Un travail de fourmi qui a permis à cet ouvrage de naître et de se développer. Si les tueurs en série fascinent depuis bien longtemps et ont fait l’objet d’une quantité faramineuse de romans, long-métrages et films, ce livre est à n’en pas douter un des meilleurs du genre. Erudit, documenté, presque scialytique sur le sujet, il retrace avec une précision chirurgicale la manière dont Israel Keyes a été suspecté puis appréhendé, mais surtout comment il a graduellement ouvert son esprit dément aux détectives venus le questionner. Un monstre peu commun, traversé de comportements et de névroses contradictoires : suffisamment malin pour faire diversion avant de perpétrer un crime, incapable selon ses dires de s'en prendre à un enfant, flegmatique jusqu’à ce qu’on le pousse dans ses derniers retranchements, secret sur ses méfaits puis soudainement volubile si cela peut hâter son exécution capitale, etc. Keyes a nourri une profonde admiration pour certains serial killers, développé un goût prononcé pour la solitude et le nomadisme, il est devenu expert en armes à feu – cachant de multiples « kits de meurtre » un peu partout sur le territoire américain, et a commis plusieurs viols et meurtres. La part de mystère demeure puisqu’il s’est suicidé en prison, avouant de manière implicite avoir assassiné onze personnes en tout. Maureen Callahan nous livre ici le portrait saisissant d’un prédateur d’autant plus effrayant qu’il n’a jamais véritablement épouvanté ses proches ni alerté ses voisins ou collègues. Parallèlement, c’est aussi pour l’écrivaine un moyen de dépeindre les lourdes erreurs de l’enquête, les tourments qui agitent les policiers et fédéraux – les quelques pages consacrées aux plongeurs chargés de remonter les cadavres sont à la fois édifiantes et poignantes, et de désacraliser les croyances populaires quant aux techniques informatiques presque miraculeuses décrites dans les émissions policières comme Les Experts.
« Devenir un tueur analogique dans un monde numérique », voilà l’une des dernières formules employées par Maureen Callahan pour caractériser Israel Keyes. Un ouvrage prenant où l’auteure, avec la langue sèche et précise d’un documentariste, nous narre le parcours sanglant d’un exterminateur complexe et insoupçonné. Ou quand la réalité dépasse de loin la plus atroce des fictions.26/05/2023 à 06:57 5
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Totale discrétion
7/10 Raymond Mauget est un homme tout ce qu’il y a de plus banal : quinquagénaire, plutôt solitaire, un physique ordinaire, ce magasinier n’a plus que sa tante à qui il rend fréquemment visite. Sauf que sa petite existence réglée au métronome implose lorsqu’un inconnu se présente à lui et lui indique qu’il va sous peu devoir accomplir une mission. Qui est cet homme ? Que lui veut-il réellement ? Trop tard : Raymond a déjà basculé dans le traquenard.
Ici, chez Polars Pourpres, on apprécie beaucoup Patrick S. Vast et ses très bons ouvrages, comme La Veuve de Béthune, Boulogne stress, Duo fatal ou encore Noire campagne pour ne citer qu’eux, et c’est toujours avec plaisir que l’on se lance dans la lecture de son dernier livre en date. Ce Totale discrétion est de nouveau une réussite. On se passionne vite pour le sort de Raymond Mauget qui voit arriver dans sa vie quantité de personnages improbables et autres événements inquiétants, en plus de cet inconnu qui semble tant en savoir à son sujet : une ancienne compagne, un nouveau collaborateur, un collègue motard tué au guidon de son engin, des menaces qui se concrétisent, etc. Patrick S. Vast maîtrise ses intrigues autant que l’art du suspense, et l’on prend un plaisir presque coupable à voir notre protagoniste lentement se faire écraser par les mâchoires de l’étau. La manipulation est bien imaginée et l’écriture, rongée jusqu’à l’os et minimaliste, aide à ce que les deux-cent-cinquante pages défilent plus qu’elles ne passent. En outre, le lieutenant Dumond, policier au genou éclaté lors d’une intervention et relégué à des tâches purement administratives, compose aussi un personnage intéressant, qui va autant enquêter sur cette histoire louche que devenir graduellement ami avec Raymond. Parfois, la crédibilité en devient friable mais l’ensemble du livre est bien imaginé et conçu, sans le moindre temps mort, autour de ce piège savamment construit.
Encore un roman efficace et prenant de la part de Patrick S. Vast, qui continue de tracer son sillon tout en s’offrant le luxe d’offrir un scénario un peu différent des précédents.25/05/2023 à 06:46 4
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1953
7/10 Une maison hantée, une main mobile et une créature bien costaude pour commencer ce deuxième opus : on est tout de suite dans le bain. Viennent ensuite de la sorcellerie et des spectres de soldats, un kelpie (un cheval d’eau), un détour par le Wyoming avec les âmes errants de mineurs, une sorte de lévrier afghan qui terrorise une petite ville, etc. De l’humour et de l’action ininterrompus pour un divertissement total !
22/05/2023 à 20:31 2
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Il était onze heures et quart, Sam...
6/10 2 mai 1972 : John Edgar Hoover est retrouvé mort à son domicile, et ses fameux dossiers ont disparu. Sam Lawry, rendu à la vie civile, officie maintenant en tant que taxi, mais ses visions le l’ont pas lâché (cf. l’épisode du braquage), et il va se retrouver mêlé bien malgré lui à un complot politique. Il va également découvrir qu’il a une lésion cérébrale dans la zone occipitale et que ce dégât pourrait être à l’origine de ses visions prophétiques. L’intrigue met du temps à s’installer, mais le final, marquant à propos des proches de Sam, relance d’un coup d’un seul et avec beaucoup de virulence l’intérêt global pour ce troisième tome de la série.
19/05/2023 à 18:51 2
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Alice in Borderland tome 9
7/10 Nos protagonistes doivent enfiler un bracelet et sont confrontés à Kyûma, un étrange naturiste et ancien bassiste, qui leur propose un nouveau jeu, une sorte de touche-touche. Un tome assez dense, sans guère d’action ni de violence, où il est surtout question de ce fameux jeu, entre calculs, probabilités et stratégies diverses, et conclu par un « épisode spécial ». Je renoue avec cette série après plus d’un an et ça me fait bien plaisir.
18/05/2023 à 18:39 1
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1952
7/10 Bruttenholm et son protégé Hellboy ainsi que quelques soldats s’envolent, direction le Brésil et une étrange citadelle où se déroulent d’étranges phénomènes… Pour moi, le plaisir d’enfin me lancer dans la lecture d’un véritable comics et de retrouver l’inénarrable Hellboy qui a rapidement fort à faire face à une sorte de singe qu’il combat dans l’ancienne église, un crocodile, la découverte de sordides expérimentations, Raspoutine et d’enfiévrés fanatiques nazis, etc. Un sacré cocktail d’action pour une lecture particulièrement divertissante.
17/05/2023 à 18:58 1
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Day One
6/10 Le Président des Etats-Unis Anderson assiste à un match de base-ball quand une panne d’électricité plonge le stade dans le noir. L’homme est évacué avant d’apprendre que c’est tout le territoire américain, exception faite de l’Alaska, qui est victime d’un black-out. Jack, au guidon de sa moto, tombe sur un mourant qui le supplie d’apporter une clef USB afin d’éviter une troisième guerre mondiale. Le pays sombre dans le chaos et les premiers accrochages entre armées débutent…
Une amorce très hollywoodienne, principalement axée sur les répercussions militaires et géopolitiques du chaos ambiant, pas franchement original mais qui a au moins l’immense qualité d’être distractive à défaut d’être mémorable ou vraiment prenante. Je vais poursuivre cette courte série.16/05/2023 à 19:58 2
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Connexions tragiques
8/10 William Carvault n’est plus détective privé. Il travaille désormais dans l’immobilier à Bourges, et c’est par un simple concours de circonstances qu’il en vient à mener l’enquête sur un tueur en série assez particulier. Ce dernier séduit ses proies, toutes des femmes au même type physique, en les appâtant sur des sites de rencontres avant de leur mutiler le bras. Saura-t-il comprendre avant la police qui est ce monstre et arrêter son périple funèbre ?
Voici le deuxième opus de la série consacrée à William Carvault, et l’on retrouve ici tout ce qui fait le charme et la réussite de la plume de Luc Fori. Le récit est alerte, sans temps mort, et l’auteur nous donne à voir une ville ainsi qu’une région qu’il apprécie énormément. L’humour est omniprésent, dans les situations comme dans les répliques, et on se régale de nombreux passages, depuis cette fable imaginée par l’écrivain à propos d’un sourcier aux multiples accrochages verbaux avec la maréchaussée locale en passant des jeux de mots jouissifs. Il y a d’ailleurs dans la prose de Luc Fori une évidente musicalité, probablement due à sa facette de musicien. Parallèlement, l’aspect policier est travaillé et l’intrigue s’avère efficace, avec un assassin retors, adepte d’Adolf Hitler et des sombres chasses menées sur Internet. Au-delà du polar et des moments de franche rigolade, c’est aussi un portrait au vitriol des relations purement numériques, trompeuses et traîtresses, exploitant la naïveté des uns et des unes tout en permettant à des prédateurs d’un genre nouveau de se faire les crocs sur eux.
Un roman efficace, bien mené, où le cocasse côtoie les ténèbres. Un immense merci à Luc Fori de nous avoir offert un tel cadeau.15/05/2023 à 06:46 3
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L'Oeil de Caïn
6/10 Da Nang, 30 janvier 1968. Le soldat Lawry est encore désorienté par son don de voyance, à la fois un cadeau et une malédiction. Ce deuxième opus est beaucoup moins violent et saignant que le précédent, s’attardant – à juste titre – sur l’aversion croissante du peuple américain pour cette guerre autant que les dégâts sur les blessés et mutilés. Sam tâchera de protéger son frère, Nathan, à propos duquel il a eu une sordide vision et découvrira un éphémère amour auprès de la dénommée Mary. Moins d’action et plus de sentiments, ce qui n’est pas pour me déplaire.
14/05/2023 à 18:52 2
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L'Odeur fantôme
6/10 Mathias Stork mène une petite vie tranquille à Monaco dans son appartement, son seul hobby étant le casino, jusqu’à ce qu’il sente une étrange odeur à plusieurs reprises. Est-il devenu fou ? A-t-il une maladie de l’odorat ?
Une nouvelle sympathique, sans plus, dans laquelle le commissaire Jérôme n’intervient que dans les derniers instants pour confondre un criminel deux ans exactement après que ce dernier a commis un terrible forfait. Un agréable moment de lecture, mais probablement pas mémorable.14/05/2023 à 18:50 2
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La Nuit des oubliés
9/10 La policière surnommée Logicielle est confrontée à une histoire singulière. Une jeune femme a été retrouvée morte dans le Périgord, empoisonnée. Fait étrange : la défunte avait en sa possession le numéro de portable de l’enquêtrice alors que cette dernière ne la connaissait pas. Autre fait étonnant : l’ADN de la victime n’est pas tout à fait celui d’un être humain. Une histoire qui va faire remonter Logicielle vers un terrible complot.
Christian Grenier, en auteur expérimenté, nous offre ici un roman destiné à la jeunesse de haute volée, au moins aussi réussi que les précédents. Faisant partie de la série consacrée à Logicielle, cet opus nous plonge d’entrée de jeu dans cette histoire détonante, menée à un rythme excellent jusqu’au dénouement. On y retrouve les personnages récurrents de la saga ainsi que quelques clins d’œil à d’anciens romans, même s’il n’est pas nécessaire de les avoir lus au préalable pour apprécier au mieux ce livre. Rapidement, les éléments surprenants abondent : une drogue rare, un mystérieux SUV, le ministère de l’Intérieur fébrile, une communauté lovée sur elle-même, d’énigmatiques propriétaires des lieux, des enfants faisant furieusement penser à ceux des films Le Village des damnées (la référence est pleinement assumée), etc. Christian Grenier nous propose un ouvrage dense, au suspense efficace et aux rebondissements nombreux. Mais là où il fait très fort, c’est qu’au-delà de l’aspect policier et distractif, il insère de belles réflexions sur des thèmes aussi variés que l’eugénisme, le génie génétique, le transhumanisme, la surpopulation, le rôle des lanceurs d’alerte, l’écologie, ou encore le poids des grandes entreprises capitalistes. Un tour de force en la matière : le récit allie ainsi le côté distrayant et une nette forme d’engagement citoyen, où le sombre alterne avec un humour bienvenu.
Un écrit particulièrement accompli, bien loin des clichés du genre, et présentant plusieurs dimensions de lecture. Un succès littéraire tel que c’en est à se demander s’il ne s’agit pas tout bonnement du meilleur livre de l’écrivain.12/05/2023 à 06:58 2
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Il était une fois la guerre
9/10 Le Shonga, un Etat de l’Afrique moulu par la guerre civile. Sébastien Braqui va y servir quatre fois dans le domaine de la logistique en conduisant des véhicules. Un militaire qui sera aux premiers rangs de la violence et de la folie, des maux qui vont le déliter graduellement jusqu’à lui faire perdre pied. Une déchéance qui va également toucher sa femme et sa fille et dont nul ne sortira indemne.
Estelle Tharreau, l’auteure à qui l’on doit notamment De la terre à la bouche, Mon Ombre assassine et La Peine du bourreau nous offre ici un livre inclassable. Il a la densité d’un roman noir, le côté haletant du thriller, et aussi l’aspect émotionnel de la littérature blanche. On y suit le parcours de Sébastien Braqui, jeune militaire, dont le mental va lentement s’éroder sous les coups de boutoir du conflit auquel il va participer. Sur place, il va tout connaître : la brutalité de la belligérance, les enfants-soldats – dont ce Momar Dembé dont l’existence va le hanter –, la souffrance des populations touchées. Parallèlement, il va éprouver au plus profond de ses chairs et de son âme la couardise des élites politiques, leur invraisemblable inconstance, l’infidélité des masses qui vont soutenir leurs troupes puis les vouer aux gémonies au gré des événements, et la dislocation de sa famille. Sa femme, Claire, et sa gamine, Virginie, ne connaîtront que rarement ce spectre qu’est devenu leur époux et papa souvent absent, appelé sur le champ de bataille, meurtri par le syndrome de stress post-traumatique, sombrant dans l’alcool et la drogue, purgé par sa hiérarchie qui préfère progressivement des guerriers plus aseptisés. Le Mal qui est né sur ces terres de latérite s’y est développé avant de devenir une tumeur insatiable et invincible, aura même des répercussions létales et monstrueuses sur le territoire français, une atrocité que l’on découvre, éberlué, dans le dernier chapitre. Estelle Tharreau nous propose un roman singulier, mémorable et d’une rare intensité psychologique, bien loin des poncifs du genre, proposant un bel hommage aux vétérans – quels que soient les affrontements auxquels ils ont participé – tout en apportant un éclairage lucide et d’une sidérante justesse quant aux conséquences de la cruauté, créature tyrannique se nourrissant de ses propres ravages.
On savait déjà qu’Estelle Tharreau était talentueuse, son dernier vient confirmer notre sentiment. Mieux : il la classe parmi les écrivains dont il faut nécessairement guetter la sortie des prochaines œuvres littéraires comme une vigie surveille l’arrivée des renforts.11/05/2023 à 07:04 5