El Marco Modérateur

3404 votes

  • Peux-tu comprendre cela ?

    Patricia Lyfoung

    6/10 La fameuse lance de Longinus vient de changer de main au détour d’une odieuse trahison. Esthétiquement, c’est toujours aussi réussi, notamment au niveau des lumières et des coloris. Dans le fond, on oscille entre humour débridé (un coup de pied dans les burnes du méchant, des têtes énormes façon manga, gros plan sur la morve de la femme tombée dans la mare aux cochons), aventure, mysticisme (avec les pouvoirs de la relique), découverte des origines de l’un des héros, amour et sciences (une sorte de cryogénie). A défaut d’être très original ou marquant, c’est au moins plus dynamique que le précédent tome.

    10/01/2023 à 20:01 2

  • Tu aurais dû me laisser mourir

    Patricia Lyfoung

    5/10 Maud, Guilhem et Natalia ont rejoint la Russie natale de ce cette dernière. Une vieille dame croisée dans un musée pourrait leur fournir une piste pour retrouver la Sainte Lance. Esthétiquement, toujours rien à redire, mais les bavardages, les déclarations (voire les déclamations) d’amour façon « drama queen » prennent le pas sur l’intrigue, au moins jusqu’à dix planches avant la fin où tout s’accélère (enfin), avec la découverte de la relique et une scène tendue inachevée. Un épilogue qui rattrape (un peu) le reste.

    10/01/2023 à 19:57 2

  • La Maison hantée de Nino et Zoé

    Anaïs Vachez

    8/10 Zoé et son frère cadet Nio ainsi que leurs deux parents emménagent dans une maison d’allure gothique et effrayante. Ils y découvrent un portrait des anciens propriétaires, parents d’une jeune Tilda. Et c’est à cinq histoires étranges et souvent alarmantes que nos jeunes héros vont être confrontés : et s’ils devaient ça à Tilda ?

    Anaïs Vachez, dont on avait déjà apprécié son précédent roman, Les Elèves de l’ombre, revient chez Casterman avec ce (très) court ouvrage à destination des plus jeunes. Le format est très séduisant, avec une attention toute particulière pour les illustrations signées Nancy Peña. Il arrive parfois que ce genre de dessins soient un peu trop sommaires, ne servant qu’à agrémenter un propos voire noircir des pages sans rien apporter, mais ici, le graphisme est très réussi, proche de celui d’une belle bande dessinée, et souligne avec intelligence les ambiances anxiogènes, les lieux menaçants ou encore les découvertes de nos protagonistes. Et les intrigues sont du même niveau : on y trouve des histoires dont les résolutions sont parfaitement crédibles, même assez fines, et d’autres où le surnaturel intervient de manière fluide et intelligente. C’est d’ailleurs un des gros points forts de ce recueil : Anaïs Vachez a su entremêler le plausible et les phénomènes paranormaux, ce qui désoriente – au sens positif du terme – le lecteur et l’empêche de partir avec un a priori sur telle ou telle solution. Et l’on y retrouve un agréable éventail de sentiments, allant de la célébration de l’amitié à l’amour pour nos animaux domestiques en passant par des éléments habilement trouvés – comme la nouvelle intitulée « La Poupée ».

    Un chouette spicilège où la réussite des histoires se combine à une autre, esthétique, pour un ouvrage qui émouvra autant qu’il fera réfléchir et tressaillir les enfants.

    09/01/2023 à 07:01 2

  • Me pardonneras-tu ?

    Patricia Lyfoung

    5/10 Une confrontation entre Guilhem, Natalia et Maud pour amorcer ce neuvième tome alors qu’un incendie est en train de ravager le château. Guilhem est ensuite mis K.-O. et kidnappé alors qu’il tentait de sauver Maud. Un bel effort pour le graphisme mais le scénario souffre encore de failles (les deux héroïnes qui rentrent dans la forteresse pour délivrer le captif comme si de rien n’était), tandis que l’on approche du cœur du mystère, avec la lance de Longinus. Toujours aussi plan-plan, vivement un second souffle ou davantage d’originalité.

    08/01/2023 à 18:34 2

  • Le Sang des bêtes

    Philippe Delaby, Jean Dufaux

    8/10 La ville est polluée de messages rappelant à l’Empereur ce qu’il a fait à son frère Britannicus. Au programme : un combat dans un égout, les plans de la nouvelle Rome à venir, Arsilia qui subit un mauvais sort, une scène d’amputation, des « expositions » de cadavres afin de rendre honneur aux combattants défunts, etc. Une esthétique magnifique, beaucoup d’action et de sang pour un récit très dynamique et prenant.

    04/01/2023 à 18:26 3

  • NeuN Tome 4

    Tsutomu Takahashi

    9/10 … où l’on retrouve ces étranges adolescents prêts à en découdre avec les nazis et Hitler lui-même. Direction un immense entrepôt ferroviaire en Pologne où un haut-gradé nazi applique sa loi de manière féroce. Un graphisme toujours aussi sombre, épuré et fabuleux, et un scénario très dur où sont explicitées les conditions de vies des esclaves internés dans ce hangar et l’atrocité lorsque les deux adolescentes découvrent le four crématoire après avoir essuyé une pluie de cendres qu’elles ne s’expliquaient pas avant d’y être enfermées. Pas vraiment d’action, c’est cette esthétique enténébrée qui raconte tout, calmement, et avec à la fois beaucoup de mesure et de hurlements.

    04/01/2023 à 18:25 2

  • Et on tuera tous les affreux

    Noé Ignacio, Jean-David Morvan

    7/10 J'ai lu cette BD après avoir lu le roman dont elle est une adaptation, et j'y ai retrouvé le scénario - fidèle à l'originel, ainsi que les principales qualités de l'ouvrage de Boris Vian : l'humour, l'érotisme, le côté aventures, et bien évidemment ce scénario gentiment foutraque et particulièrement distractif. C'est ingénieux, très distrayant, et le graphisme de Noé Ignacio est une merveille qui sert le récit. Vraiment très chouette !

    02/01/2023 à 19:58 3

  • Et on tuera tous les affreux

    Boris Vian

    7/10 Rock Bailey, avec sa jeunesse et son physique agréable, est adulé des femmes, sauf qu’il compte conserver sa virginité jusqu’à ses vingt ans. Et voilà qu’il est enlevé et promis à la libido d’une belle et jeune inconnue. La situation demeure dans le bizarre avec un mort dans une cabine téléphonique, jusqu’à cette île paumée où un docteur fait de bien étranges expérimentations.
    Un roman très drôle, bourrée de répliques cinglantes et de situations rigolotes, au point qu’il en devient presque un pastiche. Même si j’y ai trouvé quelques longueurs, notamment vers la fin, le style est plus qu’appréciable, le rythme globalement enlevé et le côté distractif très réussi. Au-delà de l’aspect comique, il y a également de sacrées bonnes idées, très en avance sur leur temps, avec des réflexions sur l’eugénisme et la quête perpétuelle du beau voire du parfait – le titre vient d’une citation de ce fameux médecin – et l’ensemble est vraiment un pur régal.

    02/01/2023 à 19:54 4

  • Souvenirs d'Ecosse 1/2

    Jenny, Patricia Lyfoung

    6/10 Punition pour le capitaine de la garde qui a échoué à arrêter nos deux justiciers : capturer un grand cheval blanc qui terrorise les habitants de la ville et qui semble être capable d’apparaître et de disparaître comme par magie. Au programme : ce fameux étalon qui n’est pas si inquiétant que ça, un étrange œuf immense et doré, une histoire renvoyant à des événements s’étant déroulés en Ecosse, une femme capable de marcher sur l’eau, etc. Difficile de me prononcer sur ce tome dans la mesure où il est (comme les précédents) le premier opus d’un diptyque et qu’il est inachevé. Ici, beaucoup d’éléments épars pour le moment et avec guère de liens apparents entre eux. Voyons ce que donnera le huitième tome, donc.

    27/12/2022 à 08:17

  • Reversible Man tome 2

    Nakatani D.

    6/10 Un départ mené tambour battant, davantage axé action qu’horrifique d’ailleurs, avec un sacrifice humain arrêté juste à temps. Mais peu de temps après, ça retombe dans les excès de violences inutiles et hautement gênantes, comme ce massacre d’un pénis avec une sorte de déchiqueteuse composée de paires de ciseaux superposées. Un manga trop longuet (pas loin de 280 pages), qui aurait mérité plus de concision et de modération car certains de ses excès, surabondants et superflus, en viennent à annihiler tout véritable impact. Dommage.

    26/12/2022 à 17:32 2

  • Narco Business

    Jean-Claude Bartoll, Renaud Garreta

    6/10 Un petit résumé des épisodes précédents (nécessaire) avant Kyoto où Najah s’illustre une fois de plus, cette fois-ci au kendo. Japon, Los Angeles, Miami, New York, la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, Suisse, Hong-Kong, Antilles, Nigéria, etc. : les auteurs multiplient les destinations comme dans les précédents tomes. L’héroïne se distingue par son intelligence, sa dextérité et sa capacité à tailler des croupières à James Bond et consorts, même si la vraisemblance n’est pas le critère premier de cet opus comme de la série en général, sans parler de l’intrigue trop éparpillée à mon goût. Un clin d’œil amusant à Mister T. dans les dernières planches.

    24/12/2022 à 08:16 1

  • La République des faibles

    Gwenaël Bulteau

    9/10 Lyon, 1898. Un chiffonnier découvre le corps d’un enfant. La victime a eu les vertèbres cervicales tranchées et sa tête a disparu. Les premières constatations montrent que le garçon, Maurice Allègre, avait subi des sévices sexuels répétés et qu’il portait une robe de petite fille. Le commissaire Jules Soubielle est chargé de l’enquête avec ses auxiliaires. Ce sera probablement l’investigation la plus éprouvante de toute sa carrière.

    Gwenaël Bulteau signe ici son premier roman après sa nouvelle Encore une victoire de la police moderne !, et c’est un pur coup de maître. D’entrée de jeu, on est littéralement saisi par l’ambiance, lourde, noire, glacée. Chacun des mots de l’auteur semble avoir été aiguisé pour être le plus létal possible. Il y est question d’enfants enlevés, séquestrés, drogués, martyrisés, violés, traités comme de la viande. Dans le même temps, Gwenaël Bulteau nous restitue avec maestria le Lyon de la fin du dix-neuvième siècle sans jamais que cela ne tourne à la leçon pesante. Les divers personnages qui animent – voire hantent – ce récit sont tous réussis. Jules Soubielle et son épouse sont enfin parvenus à ce que cette dernière soit enceinte après de multiples tentatives. Les autres policiers sont tout aussi forts, de Caron, toujours prompt à cogner, même sévèrement, à Grimbert, parfois d’une rare goujaterie avec son épouse et encore brisé par une répression à laquelle il a participé à Fourmies, en passant par Silent, candidat à la future députation, antisémite et ayant mené une double vie. L’intrigue est redoutable, acérée, mettant en lumière de bien sombres déviances. Elle réserve de multiples rebondissements, allant de l’existence de l’un des collègues de Soubielle jusqu’à la famille habitant à côté du commissaire, les Génor, dont le père de famille, pharmacien, est alcoolique et particulièrement à cheval sur la rigueur hygiéniste.

    Avec en toile de fond les premiers soubresauts de l’affaire Dreyfus et les fractures profondes dans la société française que cela va engendrer, Gwenaël Bulteau nous offre un roman noir à l’intrigue policière puissante et mémorable, presque une apnée littéraire dans la fange où pataugent les individus les plus fragiles de la société. Remarquable !

    23/12/2022 à 08:11 13

  • Le Prince rouge

    Jean-Claude Bartoll, Renaud Garreta

    6/10 Najah participe à une mission d’infiltration sur le port d’Odessa lorsqu’elle est prise pour cible par un sniper : aurait-elle été piégée ? Elle fait ensuite la démonstration de ses (multiples) talents : avec une arme à feu, à mains nues, au volant d’une Porsche, avec un ordinateur, à la course, à moto, avec des explosifs, etc. Ukraine, Chine, Bretagne, Macao : pas mal de voyages et d’action dans cette BD comme dans les précédents tomes même si, une fois de plus, à côté de son aspect hautement distractif sans la moindre prise de tête intellectuelle, ça manque cruellement de crédibilité.

    22/12/2022 à 08:26 2

  • La Belle et le loup 2/2

    Jenny, Patricia Lyfoung

    5/10 Après avoir plongé dans la rivière, Belladone est toujours en vie et aboutit à une grotte avec le jeune homme qui est potentiellement le loup-garou. Même remarque pour que les précédents tomes : c’est toujours aussi agréable à suivre mais c’est sincèrement dommage que Patricia Lyfoung ait été si peu inspirée ou ait souhaité collectionner les poncifs du genre sans chercher à marcher en dehors des clous. Un résultat esthétiquement plaisant mais très décevant du point de vue scénaristique.

    21/12/2022 à 08:17 1

  • La Belle et le loup 1/2

    Jenny, Patricia Lyfoung

    6/10 Après le thème du vampire dans les deux derniers tomes, voici à présent celui du loup-garou : une guérisseuse vient d’être agressée par une créature immense à mi-chemin entre l’homme et le loup. Maud et Guilhem sont aussitôt confrontés à ce monstre et ne se tirent de ce combat que grâce à une intervention extérieure. Tous les éléments attendus (de la balle en argent aux pièges aux résultats infructueux en passant par le bel homme potentiellement loup-garou) sont présents, dommage que cette BD n’essaie pas de tirer son épingle du jeu sur ce thème et préfère accumuler les clichés du genre. Une lecture agréable mais sans plus.

    21/12/2022 à 08:16 1

  • Seule la haine

    David Ruiz Martin

    9/10 Larry Barnay, psychanalyste, est retenu prisonnier dans son cabinet. Son séquestreur n’est qu’un ado de quinze ans, Elliot, qu’il rend responsable du suicide de son frère aîné, Simon. Mais Elliot est armé, déterminé, et avec un immense appétit de vengeance. Débute alors un échange entre ces deux protagonistes, avec force révélations… et d’incroyables rebondissements.

    Avec ce roman qui est déjà son cinquième, David Ruiz Martin nous régale. Et nous marque. L’exercice littéraire du huis clos est périlleux, au risque de rendre l’ensemble artificiel et longuet. Ici, ça n’est assurément pas le cas. Narré par Larry Barnay, le récit est immédiatement prenant. Grâce à une plume absolument excellente, offrant à nos duettistes une réelle densité humaine, on bascule dans une histoire dont on se doute qu’elle sera noire et asphyxiante. Graduellement, Elliot s’ouvre sur ses maux et explique comme son frangin a basculé, notamment en raison de deux adolescents surnommés Brad et Sam. Des monstres. De la graine de violence, harceleurs, incendiaires, commettant des atrocités au sabre sur des animaux avant de s’en prendre à de jeunes filles. Les abominations coulent des lèvres d’Elliot, emportant le lecteur dans un maelström d’horreurs, indicibles, insoutenables. David Ruiz Martin relate ces faits avec froideur, comme un entomologiste épingle des insectes sur une planche de liège. Il n’a nullement besoin d’émettre le moindre jugement, la plus élémentaire des morales : les faits parlent d’eux-mêmes, et l’on ne peut qu’être de fait effrayé. Mais là où l’ouvrage déroute, pour notre plus grand plaisir, c’est que l’auteur n’est pas que le metteur en scène de violences malheureusement ordinaires et barbares : c’est aussi, à sa façon, un illusionniste. On pensait avoir tout compris avec cet inventaire de déviances ? Perdu. La fin du chapitre 20 – environ la moitié du roman – rebat les cartes avec talent. Un rebondissement remarquable et qui n'est que le début de nombre d’autres. Dès lors, il faut s’attendre à être constamment surpris et désorienté puisque c’est une cascade de twists qui nous attend. Une série de manipulations mémorables qu’il serait grossier et maladroit de divulguer, mais qui portent indéniablement le sceau d’un écrivain habile, nous forçant à regarder l’une de ses mains pendant que l’autre nous prépare déjà un tour renversant. Et quand le livre s’achève, le lecteur, même chevronné, est à la fois éberlué de s’être ainsi fait prendre et étonné qu’un texte aussi court puisse porter en son sein autant d’intelligence et de noirceur. Il se paie en outre le luxe d’interroger avec pertinence nos consciences et les choix qui peuvent nous éclairer ou nous plonger dans les ténèbres.

    Un ouvrage particulièrement réussi et maîtrisé, prestidigitateur et suffocant.

    20/12/2022 à 08:19 3

  • Terres profondes

    Patrick S. Vast

    8/10 Août 1978. Dans un village de l’Ardèche, quatre hippies se sont installés dans une maison, et ce serait un pâle euphémisme que de dire que leur présence pose problème aux autochtones. Ils sont jeunes, chevelus, excentriques, et ils déparent avec leurs mœurs enjouées. Au cours d’une nuit, on entend des coups de feu et ces hippies disparaissent. Quarante ans plus tard, Jack Sellier, policier en disponibilité et auteur de thrillers, pose ses valises dans ce même village pour écrire. Il est rapidement mis au courant de ce qui s’est déroulé par le passé, sans encore savoir qu’il va réveiller des spectres que l’on pensait enterrés à jamais.

    A Polars Pourpres, on a toujours apprécié les ouvrages de Patrick S. Vast. Béthune, 2 minutes d’arrêt, Potions amères, Nuits grises ou encore Noire campagne demeurent dans notre esprit pour leur intelligence, leur scénario solidement bâti, leur écriture simple et rudement efficace et leur immense crédibilité. Ici, l’écrivain nous régale à nouveau avec cet opus. On ressent littéralement la poisseuse ambiance de ce village, replié sur lui-même, peu enclin à l’intrusion de horsains dans son enclave, les méfiances et jalousies qui affleurent, et la violence qui ne demande qu’à jaillir. Dans ce roman noir intrinsèquement rural, on règle ses comptes au fusil de chasse, au gros plomb, sans fioriture ni atermoiement. Quatre décennies plus tard, Jack Sellier constituera l’étincelle qui viendra mettre le feu à une mèche que tout le monde imaginait inerte. De non-dits en racontars, de mots qui échappent en révélations, de flash-backs en volontés de taire ce qui jamais n’aurait dû s’accomplir, il va graduellement faire ressurgir un passé sombre, cruel et violent, avec cette ultime rencontre au cours d’un salon littéraire qui constituera le dernier jalon d’un chemin de sang. Au gré de ce pur roman noir, sec et particulièrement plausible, Patrick S. Vast crée une atmosphère pesante, lourde de silences et de secrets plantés et assumés par les autochtones, avec une magnifique économie de mots, sans le moindre temps mort, et d’une concision bienvenue.

    Même si l’on peut regretter un épilogue un peu trop happy end, l’auteur a écrit un livre réussi et efficace, au climat fangeux et délétère, dont on goûte chaque gorgée comme un whisky délicieusement malté, à la saveur de tourbe.

    15/12/2022 à 06:57 4

  • Un Morceau de toi

    Christophe Guillaumot

    9/10 Le vol de trop. Gaspard Maltazar, seize ans, a déjà commis trop d’impairs lorsqu’il est appréhendé après avoir volé une Audi. On lui propose un étrange pacte : tirer un trait sur son passé judiciaire en échange de sa participation à une expérimentation, celle liée au Bureau des affaires non résolues. Il doit collaborer avec le policier Ruben Arcega pour rouvrir des cold cases, enchevêtrant le regard expérimenté d’un flic à celui, plus neuf, d’un ado. Gaspard accepte. Leur première investigation sera double : comprendre les mutilations de cent vingt-huit chevaux tandis qu’un tueur s’en prend à des femmes pour les mutiler.

    Ce premier tome de la série consacrée au Bureau des affaires non résolues séduit dès les premiers instants. Une remarque, d’ailleurs : s’il s’agit d’un ouvrage destiné à la jeunesse, les plus grands seront également captivés par ce roman. Le ton y est dur, rugueux, empreint de réalisme avec quelques passages qui font froid dans le dos, comme le récit des agressions par le psychopathe ou la découverte de sa tanière, mémorable. Christophe Guillaumot, qui a déjà conquis un large lectorat adulte avec Chasses à l’homme (Prix du Quai des Orfèvres en 2009), ou encore sa série consacrée à Renato Donatelli, dit le Kanak, est un lieutenant de police qui connaît les rouages de son institution, s’est nourri de son expérience et nous propose ici un livre fort réussi. Les deux protagonistes sont attachants, de Gaspard en totale déshérence depuis le départ mystérieux de son père, à Ruben en solitaire vivant sur sa péniche. Après des frictions, ils en finiront par construire de solides liens de respect, d’amitié et de solidarité. Il faut dire que le monstre après lequel ils vont courir est effrayant : dément, sans le moindre état d’âme, il poursuit une quête complètement démente, qui marquera probablement longtemps les esprits. Aucune facilité dans le récit, pas le moindre temps mort, un tempo fortement cadencé et une grande vraisemblance dans cette traque au bourreau : la réussite est totale d’un bout à l’autre.

    Un polar jeunesse singulier et remarquable, s’adressant autant aux jeunes qu’aux adultes. Un puzzle macabre et prenant qui ensorcelle jusqu’à ce que la dernière pièce soit à sa place.

    13/12/2022 à 06:57 4

  • Maigret hésite

    Georges Simenon

    9/10 Un 4 mars appartenant déjà au printemps, Maigret reçoit un courrier anonyme l’informant qu’un crime va avoir lieu. Où, qui, quand, comment ? Enigme. Remontant la piste du papier utilisé, il aboutit à l’appartement de maître Parendon, avocat spécialisé en droit maritime. Comparé à un gnome, l’homme ne présente guère d’intérêt à part son obsession pour l’article 64 du code pénal. Sera-t-il la victime de son épouse ? De sa maîtresse ? De l’un de ses deux enfants ? De ses domestiques ? A moins qu’un rebondissement inattendu ne survienne.
    J’ai, une fois de plus, adoré ce roman de Georges Simenon. On y retrouve la patte unique de l’écrivain belge : écriture sèche et acide, roman court, une psychologie de haute volée malgré l’immense économie de mots, des personnages croustillants, et une intrigue forte et crédible. Ici, ce qui retient l’attention à mon avis, ce sont les protagonistes, à vif et si mal assortis, notamment maître Parendon, tarte comme ça n’est guère possible, à l’esprit chancelant et au physique fragile dixit son épouse, mais surtout cette dernière : froide, moins maîtresse de maison que despote à peine éclairée, presque castratrice, et à l’âme plus complexe que prévu. L’épilogue est en soi un petit prodige : quelques mots, quelques phrases, à peine quelques paragraphes, fondés sur des ellipses, des sous-entendus, des non-dits, où ce fameux article 64 revient à la charge dans l’esprit embrouillé et dubitatif de notre si cher commissaire Maigret. Bref, une fois de plus, une réussite totale.

    12/12/2022 à 18:03 3

  • Piégés !

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    8/10 La neige s’abat sur le fortin improvisé des survivants tandis qu’une vague de zombies s’approche d’eux. Un tome assez hétéroclite, oscillant entre scènes intimistes, bastons contre les morts-vivants, moments de suspense (la corde qui craque, les planches qui flanchent sous les assauts des créatures), violence (têtes et bras tranchés), etc. Des moments bien gores, notamment vers la fin, pour cet opus dont la férocité s’accroît à mesure que les planches défilent. Du bon et du lourd.

    10/12/2022 à 18:39 2