El Marco Modérateur

3482 votes

  • L'Héritier de Da Vinci

    Michel Bussi, Fred Duval, Noë Monin

    7/10 Le cinq avril 1514, un nouveau-né porteur d'un collier est déposé au château du Clos Lucé. Receuilli et appelé "Avril", il grandit et de Vinci lui confie, peu avant de mourir, que de lui "dépend la vie de millions d'âmes sur cette Terre" et qu'il comprendra tout une fois qu'il aura dix-huit ans.
    Un premier tome dynamique et très attachant, aux dessins agréables typés pour la jeunesse, mêlant quête des origines, Inquisition, personnages portraités aux yeux mobiles, inventions du maître italien, combats à l'épée, etc. Une BD très fraîche et divertissante.

    06/01/2025 à 18:11 2

  • Les Maudits

    Tarn Richardson

    8/10 « Wölfe » : c’est ce qu’arrivent à balbutier des soldats allemands après un massacre dans leur tranchée en ce 12 octobre 1914 quand des militaires britanniques investissent les lieux. Des loups qui auraient massacré ces hommes ? Vraiment ? Dans le même temps, le père Andreas est assassiné dans la cathédrale d’Arras. Pour tirer cette sinistre histoire au clair, l’inquisiteur Poldek Tacit arrive sur place. Mais c’est à un véritable complot surgi des ténèbres qu’il s’apprête à combattre.

    Ce premier tome de la trilogie consacrée à la Main noire enchante dès les premiers chapitres. Tarn Richardson ancre son intrigue sur le terreau brûlé, sanglant et terrible de la Première Guerre mondiale. On y retrouve quelques traits caractéristiques des récits liés aux loups-garous mais l’auteur ne s’est pas contenté de nous jouer une partition attendue, ajoutant des éléments originaux et fort intéressants. Le lecteur a aussi le plaisir de découvrir un protagoniste atypique en la personne de l’inquisiteur Poldek Tacit : alcoolique, violent, désabusé, ce prêtre à la stature monumentale n’hésite pas à menacer un enfant d’une balle pour le faire parler, et ses dérives brutales cachent une genèse douloureuse. Devenu le jouet de l’Eglise, il va affronter de terribles créatures mais également ses propres donneurs d’ordres, puisqu’une conspiration inouïe va graduellement apparaître. Dans cet ouvrage fantastique – à tous les sens du terme –, on découvre aussi le très humain lieutenant Frost, le patibulaire officier Pewter, la troublante sœur Isabella ou encore Sandrine Prideux qui dissimule un incroyable secret. Tarn Richardson nous réserve des passages franchement sanglants ainsi que des scènes criantes de vérité quant à la monstruosité des combats, et le final appelle avec fracas les deux autres livres de la série.

    Un roman très réussi et percutant, jouant à la fois sur les codes du genre tout en se jouant d’eux. Une véritable prouesse littéraire, alors que l’on pensait le sujet déjà beaucoup trop souvent défriché pour espérer y dénicher un jour la moindre originalité.

    06/01/2025 à 06:52 6

  • L'Outrage

    Serge Le Tendre, Christian Rossi

    6/10 Dans la Grèce antique, Tirésias jouit de sa réputation de séducteur à qui personne ne résiste, et il peut même se permettre de remettre en doute les propos d’un guerrier revenu vainqueur des combats – Glaucon – et de répudier son amant – Calypto.
    Une évocation pas inintéressante de la mythologie, avec certes un graphisme qui a vieilli, entre combats de gladiateurs et transformation du héros en femme.

    05/01/2025 à 17:41 2

  • Les Roches bleues

    Def, Jean-Pierre Pécau

    7/10 Un univers futuriste assez accrocheur, avec un peu plus d’action et de violence que dans le précédent tome. Même si ça ne révolutionne absolument pas le genre, c’est distractif et très plaisant. Les passages dans le désert avec le camion sont très réussis à mon avis.

    05/01/2025 à 08:03 2

  • Gannibal tome 11

    Masaaki Ninomiya

    9/10 Le flashback se poursuit, avec les villageois qui comprennent que Gin est encore en vie dans la forêt. Famine, corps éventrés et pendus dans les bois, passages d’une rare violence : du très lourd, du très bon. Cela permet aussi de comprendre l’origine de « Lui ». Même si le coup de l’analepse ne surprend plus comme dans le précédent tome, ça n’en demeure pas moins un procédé judicieux et habile, apportant un sacré lot de révélations. Vite, plus que deux tomes, j’ai très hâte !

    02/01/2025 à 08:10 2

  • Des Ombres sur le sable

    André-Paul Duchâteau, Daniel Hulet

    5/10 Un sale cauchemar pour commencer ce sixième tome. Quand Pharaon parvient à défenestrer son clone venu le tuer dans sa chambre d’hôpital, c’est pour mieux prendre sa place et espérer annihiler le clan adverse après l’avoir noyauté.
    Un ouvrage un peu trop appuyé sur les hallucinations à répétition du héros, mais le côté James Bond au rabais s’est avéré ici un peu banal à mes yeux : c’est certes plein d’action – cf. les scènes avec le sable qui va jouer un rôle crucial – mais j’ai connu bien meilleur, autant ailleurs que dans cette même série.

    27/12/2024 à 07:32 2

  • Business Clan

    Clément Sauvé, Niko Tackian

    4/10 A la prison de Guantanamo, on amène un nouveau prisonnier. Son nom : Adrian Stolker. Huit jours plus tôt à Gaza, Stolker avait infiltré une discussion à propos d’une vente d’armes au terme de laquelle lui et ses camarades sont parvenus à soustraire vingt millions de dollars aux trafiquants.
    Une BD plutôt banale même si elle est graphiquement réussie, qui n’évite pas les clichés du genre, aux personnages stéréotypés, et dont le scénario n’est guère singulier. Je ne sais pas pourquoi ce premier tome, paru en 2007, n’a pas connu de suites (manque de succès public ?), mais à titre très personnel, au-delà de son côté purement divertissant, je ne garderai certainement pas de cette lecture un souvenir impérissable ni ne me lamenterai suite à l’arrêt de cette série.

    23/12/2024 à 08:03 2

  • L'Être nécessaire

    Jacky Schwartzmann, Sylvain Vallée

    8/10 « Je m’appelle Lucien. Je suis un homme de main », indique d’entrée de jeu le protagoniste, tueur à gages devenu prêtre sous l’identité de père Philippe dans la commune de Saint-Claude, quelque part dans l’Isère. Une conversion ? Pas du tout : il essaie d’esquiver les emmerdements liés à son dernier contrat et à une défenestration inopportune. « Cette soutane, c’est mon gilet pare-balles », affirme-t-il : pas certain que ça soit exact…
    Un scénario culotté, des dessins excellents, de belles touches d’humour pour saupoudrer l’ensemble et des dialogues au cordeau. Certains passages sont certes un peu téléphonés ou patauds, mais j’ai beaucoup aimé cette BD, dont la scène finale de sexe résume bien le ton : c’est déluré et iconoclaste. J’attends la suite avec impatience.

    22/12/2024 à 07:59 6

  • La Poisse

    Stefano Martino, Olivier Peru

    7/10 « La poisse… Elle me colle tellement aux bottes que je la porte en surnom », explique ce gobelin qui s’approche d’une citadelle enneigée avec deux couteaux plantés dans le dos. C’est aussi un batailleur et il a un très sale caractère, alors, quand il va se frotter à la clique de Draek et de ses sbires, autant dire que le temps va vite tourner à l’orage.
    Graphisme très réussi, intrigue simple mais dynamique, humour noir à froid et punchlines bien senties façon « Hellboy », créatures adverses sacrément réussies, scènes assez cruelles (comme cette amputation de l’oreille puis l’énucléation) : c’est méchamment divertissant, j’en redemande.

    21/12/2024 à 08:18 2

  • Les Larmes du Wendigo

    Sacha Erbel

    7/10 Eugène Terredefeu, ancien pompiste, vient de quitter sa France natale pour rejoindre Plymouth, dans le Massachussetts. Il trouve un emploi à la librairie, mais rapidement, la ville connaît un événement tragique : on retrouve le corps d’une joggeuse enceinte dont le fœtus a été enlevé. Mise sur l’affaire, l’agent du FBI Lilly Anak, native des lieux, va s’attacher à comprendre qui est à l’œuvre, avec Eugène à ses côtés.

    Voilà un roman à suspense sympathique. Sacha Erbel nous invite dans son récit qui alterne autant les points de vue que les genres : on passe ainsi facilement du ton rigolard aux passages très durs, notamment avec des descriptions de mutilations et de violences sexuelles très crues. Le récit ne marque aucun temps mort et le rythme est agréable. On prend ainsi plaisir à sillonner cette histoire tantôt fantasque, tantôt âpre, aux côtés d’Eugène Terredefeu, gentil frenchie qui va s’avérer autant spectateur de l’intrigue que très actif à certains moments. Il va même se voir affublé du fantôme d’une adolescente insupportable, surnommée « Poison » par ses parents, décédée lors de son opération des amygdales. Cependant, certains écueils pénalisent ce livre. Certaines superficialités dans les analyses psychologiques apparaissent rapidement, soulignées par des ellipses et des clichés malencontreux, le tout au gré de points d’exclamation surnuméraires qui agacent. Parallèlement, l’autrice de la série consacrée à Talia Mejri ou de La mort est parfois préférable, séduisants et réussis, nous accable d’un final qui, certes, vient chambouler toute la lecture de son ouvrage, mais l’écrivaine aurait pu nous épargner ce rebondissement tant il est éculé.

    Un livre assez bon, plutôt prometteur et marquant quand il évoque la genèse de ce trio maléfique, mais alourdi par des poncifs et un ultime twist plus que flétri.

    20/12/2024 à 06:50 2

  • Pour nous

    Chris Loseus

    7/10 Matthew Brice a tout pour être satisfait : scénariste à succès, heureux dans son couple depuis sa rencontre avec Andrea, il vient également d’être papa. Mais alors, pourquoi s’est-il suicidé en sautant du quinzième étage de son appartement ? Ce geste désespéré et incompréhensible est-il en rapport avec la soudaine paranoïa de son ami et confrère Larry Simmons qui disait être tombé sur une information sulfureuse ?

    Chris Loseus a signé de nombreux romans sous ce pseudonyme, et ce Pour nous est le premier à l’être sous son véritable nom. On y retrouve donc Matthew Rice, scénariste de la série à succès Manhattan Corruption dont la vie est récemment devenue un conte de fée avant de basculer dans le pur cauchemar. Graduellement, à l’aide de flashbacks, l’auteur va nous expliquer les raisons de cette défenestration. Le camarade et coscénariste de Matthew, Larry, au cours de ses recherches, se serait aperçu d’un fait stupéfiant, et afin de se protéger, il a volontairement disparu. Des inconnus vont alors apparaître et faire pression sur Matt et son entourage pour mettre la main sur cet homme qui en savait trop. Le pitch est intéressant, le style limpide, et les quelque deux-cent-soixante-dix pages défilent à toute allure. Encensé par Laurent Scalese, cet ouvrage tient donc ses promesses et saura probablement trouver son public, à savoir celui amateur d’intrigues où s’enchevêtrent de belles histoires d’amour, des sentiments ingénus et des souffles d’espoir. Dans le même temps, malgré une indéniable maîtrise, on pourra reprocher à Chris Loseus quelques facilités au gré d’une écriture un peu lisse, des personnages manquant parfois de profondeur, ou encore une révélation finale – celle autour du secret découvert par Larry – qui n’est pas vraiment à la hauteur des espérances suscitées.

    Un roman à suspense imbibé d’eau de rose, qui ravira les fans du genre sans pour autant renouveler les codes de ce type de littérature.

    18/12/2024 à 06:58 1

  • Rat

    Nary, Rafally

    5/10 La France propose à Maka, en prison, d’intégrer un service de lutte contre la cybercriminalité. Dans le même temps, à Abidjan, des cybercriminels profitent de leurs connaissances techniques pour arnaquer de malheureux pigeons. Une intrigue sympathique mais sans grande envolée pour autant, qui nous emmène également à Port-Leucate, Marseille et Madagascar dans les ultimes planches. J’ai également été moyennement séduit par les dessins, un peu brouillons je trouve, et le scénario ne nous apprend malheureusement pas grand-chose de nouveau sur les pratiques des pirates informatiques. Reste un certain entrain et un phrasé typiquement africain (avec des termes bien particuliers) pour singulariser cette BD, mais ça fait un peu maigre, je trouve.

    16/12/2024 à 18:35 2

  • Clones en série

    Bachan, Jean-David Morvan

    5/10 Un homme subit une exécution. 23 ans plus tard, un vaisseau spatial est attaqué. J’ai eu du mal à me passionner pour cette histoire, même si le dessin, très typé comics, est agréable. Même si l’arrivée finale sur la planète NèVe-RiKoSSe semble éventuellement préparer un tome 2 intéressant, parce que ce genre de BD n’est que moyennement ma came, je ne serai pas de cet hypothétique second voyage.

    16/12/2024 à 18:33 2

  • Freesia tome 1

    Jirô Matsumoto

    3/10 Un étrange personnage que ce Hiroshi Kanô : un physique passable, un air lambda, mais derrière son jeune âge et ses lunettes se dissimule un individu secret, pas tout à fait équilibré, et capable de se battre. Au Japon, une loi sur la vengeance est en vigueur depuis deux ans, et il va intégrer le « bureau des exécuteurs suppléants », une sorte de justice supplétive à celle du pays.
    Un premier tome auquel je n’ai pas du tout accroché. Le dessin ne m’a pas enthousiasmé plus que ça, et le scénario n’aura été à mes yeux qu’un prétexte à des scènes de sexe et de violence qui n’ont jamais rien apporté au récit. En plus, ce dernier n’est guère réjouissant : peut-être que les tomes suivants sont plus originaux mais je ne suis vraiment pas certain d’être de l’aventure.

    15/12/2024 à 19:37 2

  • Naissance

    Jaouen

    6/10 Un début de toute beauté où un individu, après avoir lutté contre d’étranges créatures, meurt dans une immense boule de feu en faisant des références multiples à la religion. Dix-huit ans plus tard, en 2122, une communauté survit dans un décor désertique.
    Esthétiquement, c’’est juste sublime, et le récit s’avère très dynamique, mais je n’ai pas accroché plus ça à la mosaïque de thématiques abordées (religion, SF, voitures façon « Mad Max », créatures bizarroïdes, etc.). C’est objectivement bon, mais peut-être pas fait pour moi.

    15/12/2024 à 07:41 2

  • Les Furieuses

    Armand Cabasson

    7/10 21 septembre 1807 : le corps d’une femme vient d’être découvert dans une étrange posture. Elle est vêtue d’une très élégante robe noire de soirée, et des papillons se trouvent dans la pièce ainsi que collés à son habit. L’inspecteur Candelet – contrairement à ce qui est indiqué sur le résumé officiel de l’ouvrage – est contraint d’accepter la présence de l’aliéniste Dalvers à ses côtés pour mener l’enquête. L’investigation mènera le médecin en Espagne à la recherche d’un tueur en série obsédé par une femme bien particulière, jusqu’à tomber entre les griffes d’une redoutable guerrière que l’on surnomme « la Reine sorcière ».

    Armand Cabasson signe ici un polar historique très intéressant. Se déroulant lors du Premier Empire, l’auteur restitue avec beaucoup de brio les mœurs de l’époque, le Paris grouillant de misère, les tensions diplomatiques entre la France et l’Espagne, les enjeux géopolitiques, et propose une reconstitution particulièrement sauvage et authentique du soulèvement du Dos de Mayo. Le pitch est alléchant, le rythme endiablé, et le récit assez court (un peu moins de trois cents pages) n’offre aucun temps mort. On éprouve de la sympathie pour cet aliéniste aux méthodes anticonformistes, cherchant à libérer la parole de ses patients plutôt que de les traiter de façon brutale et archaïque, et son savoir est tel que l’Empereur lui demandera même de soigner Joséphine de Beauharnais. La partie se déroulant de l’autre côté des Pyrénées s’avèrera épique, d’une rare violence, la grande Histoire se mêlant à celle du livre, avec force escarmouches, embuscades et batailles, avec quelques éléments faisant penser à la plume de Serge Brussolo. En revanche, on regrette que le volet purement policier soit en demi-teinte : il y a un habile rebondissement quant à l’identité du prédateur, mais sa personnalité n’est guère creusée, son mobile est plutôt artificiel, et les qualités professionnelles de Dalvers ne sont pas beaucoup mises en lumière lors de la traque.

    Un roman qui mêle aventures et intrigue policière : malgré quelques poncifs, l’ensemble est haletant et compose une lecture indéniablement effrénée.

    12/12/2024 à 06:42 2

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 2

    Gou Tanabe

    9/10 Robert Olmstead croise des autochtones au visage hybride (« aquatique » et humain) et découvre qu’il ne lui est pas possible de rejoindre Arkham : il est donc coincé sur place, dans ce village de la menace et de la terreur grandissante. Rien que les planches mettant en scène le héros dans sa chambre d’hôtel sont des délices de suspense et de noirceur, pour une tension qui va habilement crescendo jusqu’à la chute. Celles et ceux qui auront lu le texte originel de Lovecraft (dont je fais partie) ne seront pas plus surpris que cela, certes, mais c’est un pur égal que de replonger (à tous les sens du terme) dans cette œuvre magistrale, d’autant que le graphisme de Gou Tanabe est tout bonnement fascinant. Remarquable.

    12/12/2024 à 05:24 3

  • Au-delà de l'horizon et autres nouvelles

    Franck Thilliez

    8/10 Au gré de ce recueil, j’ai eu le plaisir de relire des textes déjà lus précédemment (il y a même parfois longtemps), à savoir « Hostiles », « Ouroboros » et « Le Grand Voyage ». Pour ce qui est des autres – inédites à mes yeux, donc, un beau cocktail. « Au-delà de l’horizon », ou comment Marc, exobiologiste, va accomplir une série de missions dans le confinement d’un dôme scientifique aux côtés de cinq autres scientifiques, en préparation des futures expéditions sur Mars, sauf que rapidement, des détails se mettent à choquer l’équipe, la paranoïa augmente, sans compter divers éléments étranges (la mallette à arme à feu, la salamandre morte, les mails échangés avec son épouse Hélène, etc.). Une histoire bien agréable, même si j’ai trouvé la chute un peu faible par rapport à ms attentes. « Charybde et Scylla » s’est montrée bien plus convaincante à mes yeux, ou comment un dénommé John Doe nous fait basculer de l’autre côté du miroir, là où s’enchevêtrent l’imaginaire des écrivains, le processus de création artistique, et la puissance de la pensée chez les lecteurs. Une magnifique volée de pages, convaincantes et atypiques, renvoyant les créatures littéraires au rang de sous-individus que l’on peut exploiter à sa guise, quitte à les mutiler voire les tuer. Un univers qi tranche singulièrement – du moins est-ce mon avis – avec le reste de la bibliographie de Franck Thilliez, et j’ai beaucoup apprécié cette prise de risque, même éphémère, à classer à côté de « Prière d’achever » de John Connolly. En revanche, peut-être aurait-elle mérité des pages en plus pour développer ce thème, d’autant que je l’ai trouvé très bien imaginé et traité, ainsi qu’un côté un peu plus « thriller », car là, c’est presque de la littérature blanche. « Gabrielle » m’a fait passer un bon moment, avec sa simplicité et son final intéressant, et la concision (une vingtaine de pages) a servi le dynamisme de l’ensemble. « Sopor », ou une relecture habile de « La Disparition » de Georges Perec : dix pages intelligentes où monte le suspense quant à ces lettres sciemment progressivement omises, jusqu’à la conclusion finale (en revanche, merci Internet pour la compréhension du titre de cette nouvelle). « Double Je », ou la curieuse confession de Ganel Todanais à la policière Eulalie, déclarant qu’il a tué un artiste, Natan de Galois, qui expérimente le même processus de création que lui, à savoir un appareil qui transpose la voix humaine en œuvres créées par une imprimante 3D. Des accents à la Edgar Allan Poe (je ne serais pas surpris que Franck Thilliez ait lu « William Wilson » ou « Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe », par exemple). Un beau suspense, allant crescendo, prenant et efficace, mais dont la fin est facilement devinable, presque téléphonée (le tour de passe-passe dévoilé page 247, histoire de ne rien divulguer, sans compter le titre trop explicite). Et comme je suis de ceux qui avaient deviné la fin, je me sens un peu frustré, d’autant que l’immense talent de l’auteur lui aurait amplement permis de trouver une autre clef de résolution. « Lasthénie », ou la trajectoire de deux personnages, Catherine, sévèrement anémiée, et Nathanaël, au rhésus rarissime, à laquelle vient s’adjoindre cette Lasthénie, barmaid de son état. Une histoire originale dans le fond – le sang, ses particularités organiques, le don – mais moins dans la forme, parce que la chute peut se deviner, d’autant qu’elle est plutôt capillotractée, je trouve. « La Croisée des chemins », ou la séquestration du petit Martin par Claude dans un chalet isolé pendant près d’un an, avant que les raisons de cette incarcération n’apparaissent : pas mal d’émotion et de beaux sentiments, pour des thèmes (notamment le médical) déjà lus mais très adroitement exploités. « Un dernier tour », comment le cadavre d’une femme, remontant à la surface du lac Besson, va conduire, de fil en aiguille, avec d’autres cadavres retrouvés à la clef, à conduire le policier Paul Mourier à enquêter sur une série de meurtres en rapport avec le Tour de France. Un protagoniste singulier, sacrément amoché à la jambe et présentant une amnésie suite à la chute de son appartement en feu, n’ayant conservé de cet épisode nébuleux qu’une photo dans sa poche et deux balles de 9 mm. Une histoire très réussie – certains diraient probablement qu’elle est tirée par les cheveux, mais c’est un peu le jeu de ce type de littérature, forte et efficace, et qui tient en… douze pages. Et c’est là à mon avis son principal écueil, presque paradoxal : l’histoire est tellement bonne et prenante que je l’aurais volontiers imaginée en un format plus long, presque un roman, avec une belle adaptation télévisuelle à la clef. « Origines », ou l’étrange phénomène qui se manifeste, aux derniers instants de l’année 1999 : la doyenne de l’humanité, française, Marie Pasteur, qui a 129 ans, finit par décéder. Dans la foulée, des bébés meurent… puis dans toute la France, le monde entier, et durant plusieurs jours de suite. Il semblerait que quelque chose se soit déréglé : la Nature ? La génétique ? La Terre, peut-être ? l’humanité ? Toujours est-il que le temps semble désormais s’écouler à l’envers, à partir de cette date fatidique du tout début 2000, faisant rajeunir tous les membres de l’espèce humaine et ne laissant donc que les plus âgés libres de vivre le temps qu’ils ont déjà vécu sur Terre. Une idée géniale (peut-être en partie inspirée de « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » de Francis Scott Fitzgerald, l’élément génétique et mondial en plus), habilement menée, jusqu’à sa conclusion, assez attendue je trouve, mais c’est probablement parce que Franck Thilliez comptait mettre en relief le concept de cette nouvelle plus qu’une éventuelle fin marquante.
    Pour moi, un recueil très appétissant, jouissant du fourmillement des idées et de l’ingéniosité de l’écrivain, et même si certaines nouvelles m’ont un peu moins plus, le résultat arithmétique de l’ensemble ne consiste pas en une simple moyenne des diverses notes mais un avis global, ici très bon.

    11/12/2024 à 05:55 4

  • Entre deux mondes

    Olivier Norek

    9/10 Adam Sarkis, officier de police dans une Syrie à la fois la proie de son régime politique et des islamistes, projette de quitter le pays avec femme et enfant. Il finira dans la « Jungle de Calais », parti après les siens, afin de les retrouver sur place. Bastien Miller, pour sa part, vient tout juste d’être nommé à Calais avec son épouse, victime d’une longue et profonde dépression, et de leur fille. Les chemins de ces deux êtres vont se croiser au cours d’une tourmente qui va amplement les dépasser.
    Une sacrée claque. Un style fort, avec des formules qui décapent, des personnages humains et crédibles, une histoire forte et un roman qui tient incroyablement en haleine. J’ai adoré cette plongée dans cette « Jungle de Calais » que je connais, comme tout le monde, mais, comme tout le monde, sans vraiment la connaître, et les mots posés par l’auteur sidèrent : une sorte de proto-Etat, presque abandonné, une enclave dont nul ne souhaite s’occuper. De puissants élans humains dans les descriptions des malheureux qui y sont parqués, quêtant une vie meilleure dans cette étape vers l’Angleterre, « Youké » comme ils disent. Les protagonistes d’Olivier Norek sont remarquables et poignants, d’Adam, exilé volontaire cherchant sa famille et n’ayant pas oublié ses réflexes d’enquêteur, à Bastien, en passant (surtout) par Kilani (Ayman), ce gamin dont la langue a été tranchée, à l’enfance fracassée, ancien enfant-soldat devenu jouet sexuel. Beaucoup d’émotion au cours de ce récit sans temps mort, nous faisant vivre tout à la fois les espoirs souvent déçus de ces migrants comme certains êtres devenus animaux et mafieux au sein de cet Eden devenu terre maudite. Le titre, très fort, vient d’une réplique à propos des fantômes : « Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste. Comme bloqués entre deux mondes. Ils me font penser à eux, oui. Des âmes, entre deux mondes », à laquelle fait subtilement référence la phrase finale du livre. Bref, un ouvrage que j’ai trouvé vraiment excellent : fort, original, puissamment humain, poignant sans jamais verser dans le pathos facile et le sentimentalisme artificiel. Je serai clairement au rendez-vous d’autres romans d’Olivier Norek.

    10/12/2024 à 05:53 6

  • L'Anomalie

    Michael Marshall Smith

    8/10 Un groupe s’en va aux côtés de Nolan Moore, Youtubeur spécialisé dans le domaine scientifique, dans le Grand Canyon, le long du Colorado, avec pour mission de retrouver une étrange grotte. L’expédition est missionnée par une société dirigée par l’énigmatique Seth Palinhem et avait déjà fait l’objet d’un premier essai, un siècle plus tôt environ. Sur place, après une séance de rafting et d’escalade, la caverne est découverte mais les événements inattendus s’enchaînent : la trahison de l’un des expéditionnaires, d’incroyables sphères sur place, des bruits inquiétants, etc. Et si cette grotte était bien plus qu’un simple trou dans la roche ?
    J’ai beaucoup apprécié ce roman, et pour expliquer mon sentiment, curieusement, je trouve que je l’ai aimé non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il a eu la riche idée de ne pas être. Je m’explique. Michael Marshall Smith signe un scénario qui aurait pu dériver en un énième slasher sans âme, ce qu’il n’est pas. Son humour, inénarrable, notamment dans les réparties entre les protagonistes, aurait pu virer au pur prisme parodique, ce qu’il n’est pas. Les protagonistes auraient pu être de pathétiques caricatures, des clichés humains, ce qu’ils ne sont pas. L’idée principale de l’ouvrage aurait pu dériver à une triste resucée de ce que l’on a déjà lu ou vu des milliers de fois auparavant, ce qui n’est pas le cas. Les multiples clins d’œil et autres références cinématographiques (en vrac, « The Thing », « Abyss », « Sphère », « Alien », « Jurassic Park », etc.) auraient pu être de sombres tentatives de l’auteur de s’allouer, de manière malhonnête, un socle solide sur lequel appuyer son œuvre, ce qui n’est pas le cas. Bref, même si quelques éléments sont gentiment capillotractés, indéniablement, voilà un livre idéal pour se distraire tout en étant étayé d’une belle documentation scientifique et historique, offrant à voir une lecture intéressante et inédite des origines de la vie sur Terre. Un bouquin chaudement recommandable, divertissant en diable et sacrément bien mené, jalonné de belles perles d’un humour bienvenu autant que de belles scènes à sensations fortes. Un pur régal de littérature, tout simplement. Pas étonnant que Lincoln Child, Douglas Preston ou encore John Connolly l’ont apprécié, tout en notant une parenté manifeste avec les ouvrages de Michael Crichton.

    08/12/2024 à 20:16 5