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Mémoire de feu
8/10 Damien Robier n’est encore qu’un enfant quand il manifeste des souvenirs très précis quant à la Seconde Guerre mondiale. Trois décennies plus tard, sa vie a basculé : vétéran, en couple avec Tiphanie, ayant perdu leur enfant Sacha au cours d’un accident dans la cour de récréation, c’est déjà un homme épuisé qui a des envies de meurtre. Quand il participe à une émission de télévision où il se fait hypnotiser, un passé lointain se rappelle à lui, avec de nouvelles évocations sanglantes du conflit. Il va alors suivre une psychothérapie qui va lui révéler d’incroyables secrets.
Jean-Marc Dhainaut livre ici un thriller de tout premier ordre. En peu de pages (environ 240), au gré d’un rythme cadencé, l’auteur signe une histoire très originale. Le présent se télescope avec le passé, les deux époques se heurtent, parfois se superposent ou se pulvérisent, et notre protagoniste commence une lente immersion dans des phénomènes inexpliqués. La folie est proche, la paranoïa également, mais le lecteur n’est jamais abandonné au cours de ce récit trépidant. Damien se revoit alors en soldat américain, un dénommé Kurt Wilson, vivant la brutalité du Débarquement en Normandie puis les combats contre les nazis. Jean-Marc Dhainaut indique dès son épigraphe qu’un thème apparaîtra, et même qu’il constituera un des moteurs de son intrigue : le comportement brutal voire criminel envers les femmes françaises de certains G.I.’s. Dès lors, un palier après l’autre, Damien va s’immerger dans cette époque antérieure et hautement imparfaite, recueillant les diverses pièces du puzzle avec le dévoilement de la vérité.
Un ouvrage âpre et dense, au scénario inventif et prenant. Qu’on ne s’y trompe pas : l’écrivain n’a pas tenté par la même occasion de ternir l’honneur des soldats américains venus mourir sur nos plages. Les belles âmes et cœurs valeureux – nombreux – qui émaillent ce livre n’en apparaissent qu’avec davantage d’éclat. Et l’on ne peut que remercier Jean-Marc Dhainaut d’avoir su nous proposer une histoire si atypique qui se mêle avec autant de brio à celle qui ne peut s’écrire qu’avec une majuscule.10/10/2024 à 06:56 6
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L'Or
6/10 Un conseil de guerre qui se tient dans un bateau, autour d’une table d’acajou. Un accusé y est jugé pour explosion du « New Zealand » qui contenait de l’or, un attentat commis avec un complice anarchiste. L’accusé en aurait également profité pour assassiner son acolyte. Sa version des faits réserve quelques surprises.
Une nouvelle sympathique, habilement menée, mais dont je ne retiendrai probablement pas longtemps l’intrigue.09/10/2024 à 18:49 2
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Le Réseau antisocial
3/10 Delores et Hayley Fairfield sont décédées dans un accident de voiture, et il ne reste plus au malheureux Davis que sa fille Brianna. Parallèlement, le dark web s’agite sur les tortures et autres horreurs pratiquées par un dénommé Goblin dans la « Red Room ». Mais quand Davis est enlevé pour devenir une star de ces « snuff movies » …
Je pense que je vais m’arrêter là : je n’ai vraiment pas été sensible aux dessins (en noir et blanc) ni au propos (trop manichéen et stérilement outrancier, presque parodique). La démesure y est telle que ça m’a complètement fait sortir du récit.09/10/2024 à 18:48 2
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L'Homme qui s'escamote
6/10 Le prétendu Jean Fardin – en réalité Stéphane Marsolier – s’apprête à se suicider d’un coup de revolver quand il est interrompu par Robert Lacelles. Le velléitaire finit par avouer qu’il a contracté des dettes auprès d’un dénommé Vadi Garamian à hauteur de cent mille francs, qui plus est en imitant la signature de son père. Parce qu’il a le cœur généreux, Lacelles va corriger le méfait et aller rendre visite à cet usurier, mais le policier Rebuffe va également être amené à entrer en scène.
Une sympathique variation sur le thème du gentleman cambrioleur, avec un ton gentiment suranné et une histoire prenante même s’il n’y a là rien du tout d’original à se mettre sous la dent. Le plaisir de lecture est présent à défaut d’être fulgurant ou original, et j’en viens à regretter les passages pâlichons (les déguisements trop attendus, la happy end presque gênante tant elle est téléphonée et sucrée, la bêtise de Garamian de se rendre à la police et d’attirer son attention au lieu de faire profil bas ou d’essayer de régler lui-même ses comptes). Bref, rien de transcendant, mais une lecture fort courte et distractive qui, à défaut de me donner envie de continuer cette série, m’encourage à poursuivre ma découverte des nouvelles de chez Oxymoron.06/10/2024 à 08:22 1
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Pas comme nous
7/10 Ilse Beck est devenue thérapeute après une terrible épreuve – une longue séquestration dans le Forêt Noire avec d’autres enfants de son âge auprès d’un psychopathe. Elle s’occupe de Samantha, déjà enlevée et séquestrée par le passé, lorsqu’un tueur en série fait son apparition, s’en prenant à des jeunes femmes faisant du stop le long des routes. Samantha est persuadée que le prédateur qui s’était attaqué à elle est de retour, forçant Isle à collaborer à l’enquête et affronter le monstre.
Les Ava Strong, Blake Pierce et autres Rylie Dark, je tâche d’en lire quelques-uns histoire de me forger ma propre opinion sur ces mystérieux auteurs qui signent des ouvrages à une vitesse si impressionnante qu’elle engendre légitimement le scepticisme, et cet ouvrage est clairement au-dessus des autres. Le style est réussi, l’histoire prenante, et même les personnages sont davantage travaillés que dans d’autres des livres des écrivains précités. Isle compose une protagoniste réussie, qui a vécu cette sordide histoire en Allemagne avant de tâcher d’aider les autres. Lorsque Sam disparaît, elle va devoir coopérer avec l’agent du FBI Thomas Sawyer (oui, comme chez Mark Twain…), un enquêteur plutôt sanguin qui aurait visiblement eu maille à partir avec son précédent supérieur hiérarchique. Il y a pas mal de séquences réussies, avec leur lot de suspense, comme Ilse dans la cabine du camionneur qui a des idées sexuelles derrière la tête, ou la confrontation finale avec le tueur. D’ailleurs, ce final est très réussi, sortant du cadre habituel des histoires écrites à la chaîne, au point qu’il m’a surpris et me marquera pendant encore pas mal de temps. Un rebondissement de toute beauté, solide et très efficace, propulsant ce livre au rang d’une littérature à la fois inventive et hautement recommandable. Après, oui, il y a bien quelques clichés (comme le fait qu’Isle maîtrise le jiujitsu et que l’on découvre cette pratique au dernier moment, bien commode), mais la qualité du style, la tension globale et la qualité du twist me conduit à mettre un bon 7, car il s’agit là d’exprimer ma satisfaction autant que le fait que ce roman est clairement au-dessus des autres des mêmes auteurs. De la belle ouvrage, en toute impartialité.03/10/2024 à 19:54 2
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Enquête à Baker Street
8/10 Puisque le grand Sherlock Holmes n’est pas toujours disponible, vous incarnez Quoifils qui doit mener l’enquête sur un vol qui a eu lieu chez un lord habitant dans cette même fameuse rue. Mais c’est bientôt également un meurtre qu’il va falloir résoudre.
Un escape game prenant et complet, avec son lot d’énigmes, toutes très variées (observation des salles du domicile, interrogatoire des treize suspects et recoupements de ces entretiens pour voir qui ment ainsi que de polygraphes, étude d’empreintes de pas, codes secrets à décrypter, etc.). Des épreuves parfois assez compliquées et, du coup, rendant l’ensemble très addictif et efficace : impossible de lâcher ce livre-jeu sans l’avoir terminé. Un cadre classique de whodunit bien exploité et aussi une étude psychologique parfois bien vue. Bref, de la fort belle ouvrage pour cet espace game d’une très bonne tenue et esthétiquement irréprochable.01/10/2024 à 20:44 2
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Le Code de Jill
9/10 La jeune Jill Fouqueroy a d’abord subi du purpura rhumatoïde avant de pouvoir à nouveau marcher, et au décès de ses parents, c’est monsieur Molineux, son voisin, qui l’a recueillie et lui a enseigné un art bien particulier : reconstituer les visages des morts à partir de leurs ossements. Quand Molineux meurt, l’adolescente alors âgée de seize ans reçoit et accepte la proposition d’Herman Keiser de rejoindre Anthropolab, un laboratoire où elle pourra pleinement démontrer l’étendue de son talent. Un premier chantier l’attend : redonner une identité aux restes d’une fille décédée au XIIIe siècle durant le massacre des Cathares.
Ce roman de Jeanne Bocquenet-Carle envoûte dès les premiers chapitres. La langue de l’écrivaine est absolument magnifique, travaillée et d’un rare lyrisme, proposant des passages que le lectorat – jeune comme plus âgé – se plaît à relire à l’envi. Le personnage de Jill est en soi une pépite littéraire : taiseuse, si longtemps cadenassée dans le giron familial puis aux côtés de son mentor anthropologue, elle ignore tout des usages du quotidien, se comporte parfois comme une autiste, évolue dans une capsule mentale où nul ne peut l’atteindre, et elle découvrira par exemple le Coca-Cola auquel elle va aussitôt devenir accro. Elle est particulièrement douée avec les techniques forensiques, apte à recréer un visage humain à partir de ses ossements, et les outils numériques mis à sa disposition par Herman vont la satisfaire au-delà du dicible. Dans le même temps, on suit le parcours de la Marie, fillette du XIIIe siècle dont on a retrouvé la dépouille si longtemps après dans un puits à Montségur ainsi que ses amours naissantes avec Pascau. Les trajectoires de nos deux héroïnes vont finir par s’entrelacer, et Jeanne Bocquenet-Carle déploie un talent remarquable pour rendre cette histoire crédible et poignante. L’ouvrage est très court – environ cent soixante pages – et il est impressionnant de maîtrise : le suspense côtoie l’émotion, la technicité se panache à la quête d’identité, et le final, si juste, permet aux routes de s’enchevêtrer.
Un livre passionnant et bouleversant, qui chevauche plusieurs genres littéraires.30/09/2024 à 06:52 2
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L'Ombre du prédateur
8/10 A peine arrivée à Lambecq, un petit village de l’Indre, la famille Vairelles vit une épouvantable tragédie : Guillaume, le fils aîné, est retrouvé mutilé et crucifié sur une plateforme au milieu du lac, et Betty, sa sœur, a disparu. La capitaine de police Agnès Demare est missionnée pour résoudre cette affaire, flanquée de l’influenceuse Jade Arroyer, chargée de mettre en valeur les métiers et l’image des forces publiques. Dans le même temps, Alain Bernet, surnommé « La Demoiselle », n’a pas fini son œuvre de malveillance.
Après Sur un arbre perché, Gérard Saryan nous revient avec ce thriller très nerveux. L’écriture est sèche et efficace, les chapitres courts et percutants, et l’ensemble s’avère particulièrement fluide. Le lecteur découvre ici Agnès Demare, à la vie personnelle toujours mouvementée, en rémission d’un cancer et douée d’un sacré caractère, tandis que le binôme inattendu qu’elle forme avec cette activiste des réseaux sociaux fonctionne vraiment bien. L’histoire est loin d’être aussi simple qu’elle peut sembler l’être, et l’écrivain prend un malin plaisir à multiplier les fausses pistes, les rebondissements et les surprises de haute volée. Au programme : des amours contrariées, un enlèvement survenu huit années plus tôt, la piste d’un loup, un exterminateur singulièrement doué pour les déguisements, un séide de ce dernier à l’identité imprévisible, etc. Indéniablement, Gérard Saryan nous régale et propose un véritable festin de tensions. Dans le même temps, il se permet diverses références fort habiles à son précédent ouvrage et maintient le suspense autour de ce personnage marquant qu’est « La Demoiselle », et les dernières lignes laissent penser que les prochains livres tourneront autour de cet individu diabolique.
Un thriller réussi et prenant, maîtrisé d’un bout à l’autre, et suffisamment complexe pour tenir éveillé durant de longs instants nocturnes.26/09/2024 à 06:53 4
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Mexico'n carne
Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti
2/10 Après la déception à la lecture du premier tome et le naufrage suite à celle du deuxième, voilà la fin de la série, et je ne suis pas contrarié que ça soit fini. Un homme armé assommé avec une portière qui s’ouvre, son agresseur qui file ensuite un coup de Taser à un troisième type tout en lui tenant le poignet mais sans se prendre d’électricité, un costaud qui se fait toucher par une balle dans le bras qu’il utilise ensuite le plus tranquillement du monde… Si on ajoute à cette longue liste de sottises crasses des dialogues soporifiques, des clichés surnuméraires, des péripéties téléphonées et un final raté, on se dit qu’il était vraiment temps d’arrêter l’hémorragie. Mais la plus décente des initiatives aurait encore été de ne pas prendre la plume pour écrire de telles âneries – et aussi de choisir un pseudonyme plutôt que de les signer de son vrai nom.
25/09/2024 à 17:23 2
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Tequila 9 mm
Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti
3/10 Venezuela, Etats-Unis, Colombie : au moins, on voyage avec le deuxième tome de cette série, mais, stupéfiants aveux, le résumé officiel dévoile les faiblesses patentes de cette BD ou essaie de les nier. « Le récit, très bien documenté » ? Il y a quelques informations éparses, certes, mais vraiment pas de quoi justifier cette formule. « Une maîtrise parfaite des codes du genre » ? C’est seulement un recyclage de tout ce qui a déjà été écrit et filmé sur le sujet. « L’apparence stéréotypée » des personnages ? Ah ça, oui, on a rarement vu des poncifs de ce gabarit et en telle quantité. « Jouant avec les ficelles du genre » ? Oui, mais les ficelles sont méchamment usées et le marionnettiste n’a même pas la décence de vouloir être original. « Un récit nerveux » ? Si les phylactères n’étaient pas démesurés pour qu’ils puissent contenir des dialogues si longs et lénitifs, ça aurait éventuellement pu être le cas. Ah, un passage révélateur ? Un personnage dispose de deux pistolets et d’un couteau, mais non : comme c’est un macho, il massacre un assaillant avec la mâchoire d’un requin qu’il a prise sur le terrain. Boursouflé et risible – et c’est bien sa seule qualité, mais involontaire.
25/09/2024 à 17:22 2
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Coke and roll
Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti
4/10 Un commando est hélitreuillé sur un cargo, mais aucune trace de drogue (et pour cause : la marchandise a été débarquée dans un sous-marin). Dans cette troupe, Rico Riva. Le combat contre le narcotrafic continue.
Un premier tome assez banal, à l’intrigue lue et relue des centaines de fois, aux personnages stéréotypés, et même graphiquement, c’est sans le moindre éclat. Un exemple : la scène d’infiltration et de destruction dans la jungle, sur le débarcadère, est sans attrait, tandis que la partie qui se déroule dans le monde de la jetset est sans âme. Je pense que je vais m’arrêter là.25/09/2024 à 17:17 2
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Ceux qu'on tue
8/10 Ted Severson les a vus, sa femme Miranda et Brad, le chef de chantier responsable de la construction de la maison du couple. Ils faisaient l’amour, et les doutes de Ted sont aussitôt devenus des certitudes : Miranda le trompe. Dans l’avion qui relie Londres à Boston, un brin éméché, il en parle à Lily, une parfaite inconnue. Sous les effets de l’alcool, les langues se délient, les esprits également : il souhaite tuer son épouse. Et Lily lui donne raison. Mais Lily n’est pas n’importe qui : elle a déjà tué plusieurs fois par le passé. Le sinistre destin est déjà en marche.
Peter Swanson, qui nous avait déjà séduits avec Vis-à-vis, Huit crimes parfaits ou Chaque serment que tu brises signait ce roman en 2015, et on ne peut que saluer l’initiative des éditions Gallmeister de l’avoir enfin traduit en français. Ce livre, salué par Joe Hill et Lee Child impose son rythme : lent, habile, crédible. Graduellement, d’aveux en connivences naissantes, de pures velléités à la mise en action de sombres desseins, Ted et Lily vont lentement glisser vers le domaine criminel. Cet ouvrage est-il pour autant si simple qu’il n’y paraît ? Absolument pas. Le récit, choral, alternant les points de vue de Ted, de Lily, de Miranda ainsi que de l’inspecteur Kimball, offre des points de vue complémentaires sur les péripéties à venir. On se régale d’un bout à l’autre, tant les psychologies sont à la fois contrastées et réussies. D’ailleurs, deux personnages tirent leur épingle du jeu : Henry Kimball, policier obstiné, rappelant parfois le lieutenant Columbo avec son intelligence affûtée et ses questions arrivant parfois en retard, dissimulant ainsi un flair redoutable sous ses aspects féminins et son apparente inoffensivité. Lily Kintner compose également une protagoniste intéressante : elle a déjà bousillé un chat avec une lourde pierre, un abominable artiste qui s’intéressait de trop près à son corps de jeune adolescente, et un compagnon volage. Dès lors, impossible d’expliquer la suite des événements, d’autant que Peter Swanson réserve de remarquables rebondissements, assassinant un des individus principaux dès la fin de la première des trois parties puis emboîtant des engrenages avec intelligence et lançant une machine infernale qui ne s’arrêtera plus. Certes, il y a parfois des passages un peu superflus et des redites inutiles, mais l’histoire est très solide, les interprètes convaincants, les retournements de situation imparables et les enchaînements de grande qualité. Le final est excellent, et l'ultime page, expliquant cette histoire de construction immobilière, constitue un épisode cinglant.
Un très bon thriller, à la psychologie acérée et à la mécanique létale. Remercions chaleureusement Peter Swanson pour la précision de sa plume et l’esprit de sa composition littéraire. A noter que deux autres livres de cette série ont déjà été publiés en langue originale : on ne demande pas mieux que de les savoir rapidement traduits.24/09/2024 à 06:55 8
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Pas de quartier
6/10 Valérie Law, agente du FBI spécialisée dans le profilage et la traque des tueurs en série, se voit confier une nouvelle mission : remettre la main sur le psychopathe Blake Harlow qui vient de s’évader de l’asile psychiatrique où il était retenu avec force violence et cadavres laissés dans son sillage. Le profil du prédateur ne va cesser d’évoluer au cours de la chasse à l’homme, et Valérie, secondée par son partenaire habituel et un psychiatre, va voir ressurgir les propres fantômes de son passé.
Un roman à suspense de bonne tenue, bien orchestré et mené, et, moi qui commence à connaître les ficelles et le style de Blake Pierce, je n’ai pas été surpris ni véritablement déçu. Une protagoniste féminine au passé fracassé, un coéquipier, une cavale, une plume plutôt alerte et les ingrédients nécessaires à un suspense correct, avec notamment un twist final qui, s’il n’est pas véritablement surprenant, est tout de même le bienvenu. Je passe volontiers sur les nombreuses fautes (à attribuer à la traduction, éventuellement) et le titre tartouille pour reconnaître, très objectivement, que l’ensemble tient la route et permet de passer un agréable moment. De l’orphelinat inquiétant où les failles d’Harlow n’ont fait que s’accroître à sa famille d’adoption, Blake Pierce a construit une intrigue pas très originale mais prenante, avec néanmoins les écueils habituels : une histoire personnelle pour l’héroïne un peu stéréotypée et qui n’apporte rien à la série pour le moment, son partenaire sans panache et un psychiatre, Will Cooper, qui en devient presque transparent, sans parler des poncifs du genre. Mais, pour résumer, ça n’en demeure pas moins globalement satisfaisant.23/09/2024 à 20:26 1
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The Magic Order volume 1
9/10 Eddie Lisowski est assassiné par son enfant en pleine nuit, le gosse étant téléguidé par un mystérieux individu. La famille Moonstone est composée de magiciens et ses membres vont devoir lutter contre un adversaire sacrément retors, notamment « Le Vénitien ».
Un graphisme épatant, un univers remarquable et addictif, un scénario alléchant, des assassinats prodigieux d’originalité (cf. la personne noyée dans le taxi), une famille de magiciens durement éprouvée assez rapidement par l’assassinat du père sur la scène, de magnifiques rebondissements lors du final, des combats époustouflants : une série qui débute sur les chapeaux de roue et qui m’a littéralement emballé !23/09/2024 à 18:45 2
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Ladies with guns tome 1
8/10 Une ancienne esclave encagée, une Amérindienne qui lui en veut, une autre dame qui vient en aide à la première, une prostituée très voyante et une femme au grand cœur en viennent à s’unir au gré de cette équipée dans l’Ouest sauvage. Graphisme réussi, histoire dynamique avec de multiples flashbacks, et une fusillade finale homérique où ces Ladies n’hésitent pas non plus à attaquer avec un balai, une tourte ou une casserole. Un scénario original pour une BD sacrément prenante.
22/09/2024 à 08:25 3
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Chemin de croix
8/10 Le détective privé Patrick Kelly mène une existence heurtée : il a divorcé, son adolescente de fille file un mauvais coton, et il trompe son ennui en buvant des whiskies et en jouant des classiques du blues sur ses guitares. Sa profession ne lui permet que de côtoyer des maris cocus et autres insignifiances du monde. Aussi, quand une jeune nonne vient le voir pour récupérer un crucifix qui a servi à invoquer Satan en 1742, il accepte, d’autant que la perspective d’une rétribution avantageuse n’a rien pour lui déplaire. Mais il ne sait pas qu’effectivement, il vient de s’engager sur un éprouvant chemin de croix, et qu’il va être concerné à plus d’un titre.
Hervé Gagnon signe ici un roman qui séduit dès les premières pages. L’auteur joue pleinement sur les codes du genre : à la manière d’un de ces blues qu’il idolâtre, on en connaît les accords, les gammes, les notes presque par cœur, et cet hommage n’en est que plus délectable. Mais le reste du récit va réserver de douloureuses surprises à cet enquêteur, déjà bien meurtri, puisqu’il est responsable de la mort d’une gamine sur laquelle il a fait feu lors d’une bavure. L’enquête prend alors une tournure plus sombre, avec cadavres massacrés, écorchés, éventrés, et autres tableaux sordides. La piste sataniste est également bien faite, loin des clichés du genre, et lorsque les poncifs se présentent, Hervé Gagnon les déboulonnent dans le dernier quart de son livre. Un terrible piège s’est graduellement refermé sur Kelly et il va éprouver les stations de ce chemin de croix de façon particulièrement âpre. L’auteur aura su façonner un protagoniste à la fois désabusé, faillible et doté d’un sacré tempérament, au verbe haut et à la gouaille croustillante, et c’est dommage que ce roman soit, à ce jour, le seul à le mettre en scène.
Un ouvrage très réussi, qui se veut classique lors de son entame, mais qui dynamite intelligemment le genre par la suite. Le final, vraiment très réussi et efficace, marquera durablement le lecteur.20/09/2024 à 06:49 3
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Jeu de dupes
Jean-Claude Bartoll, Bernard Köllé
7/10 Début 1910 : Knut Larson revient d’une longue pêche à la morue, mais à peine a-t-il eu le bonheur de rejoindre les bras de la belle Maureen qu’il intervient alors que le père de celle-ci allait tirer sur Bosco, un maître d’équipage… à qui on attribue aussitôt l’assassinat à Knut. Ce dernier trouve une seule échappatoire : s’embarquer pour l’Antarctique.
L’historique – et épique – rivalité entre les aventuriers Scott et Amundsen vue à travers le prisme d’un autre récit, écrit celui-ci en lettres davantage minuscules, et qui permet à celles et ceux qui méconnaissaient encore ces fabuleuses épopées de les découvrir. Rien de vraiment transcendant pour le moment, mais le graphisme est agréable (Knut ressemble parfois à s’y méprendre à un Corto Maltese blond) et cette BD très lisible.19/09/2024 à 18:44 2
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La Médium
8/10 Kit Capriol n’a pas eu une existence facile : son mari, Peter, est mort lors des attentats du 11-Septembre et sa fille Zoey est encore dans le coma après avoir fait une chute dans le métro new-yorkais. Afin de payer les traites de l’appartement et les soins médicaux, Kit, actrice courant les cachets, a trouvé un autre moyen de trouver de l’argent : se prétendre médium. Elle rencontre et accompagne celles et ceux qui ont perdu un proche, mais ce qui ne devait être qu’une modique escroquerie pourrait bien être particulièrement dangereux.
Après Noyade, J. P. Smith nous revient avec ce thriller très réussi. L’auteur nous convie à un récit au style très simple et pourtant diaboliquement efficace, où les chapitres sont très courts et s’enchaînent à merveille, avec des répliques qui claquent et de nombreux flashbacks. Le lecteur est rapidement charmé par le personnage que compose Kit : femme aux abois, arnaqueuse consciente de ce qu’elle fait et conservant une nette forme d’empathie pour ses clients, elle n’a rien de la prédatrice tarifée sans le moindre scrupule, et certains passages la mettant aux côtés de sa fille dans le coma ou auprès de son défunt époux sont poignantes. Mais puisque nous sommes dans de la littérature policière, les premiers éléments inquiétants surviennent : des voix, des présences spectrales, des phénomènes inexpliqués. Kit aurait-elle, sans le vouloir, convoqué des forces supérieures et malveillantes ? J. P. Smith, en écrivain roué, déploie un récit qui semble prévisible avant de brouiller ces pistes, augurant un magnifique rebondissement qui saura en surprendre plus d’un. Ce final, puissant et original, combine divers styles et, sans rien dévoiler, prend ce qu’il y a de meilleur dans chacun d’entre eux pour offrir un épilogue mémorable.
Un thriller envoûtant et qui s’offre le luxe d’une conclusion surprenante : un régal de noirceur.18/09/2024 à 07:02 6
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Action ou vérité
8/10 La ville de Southampton est confrontée à une série d’actes criminels effrénés : un incendie qui envoie à l’hôpital un ancien policier, un vol automobile, une adolescente assassinée. Rien ne semble relier ces affaires si hétéroclites. Sur les rangs, l’officier de police Helen Grace doit, avec son équipe, comprendre qui est à la manœuvre tandis que dans son propre service, le soufflet du chaos est loin d’être retombé.
M. J. Arlidge nous enchante une fois de plus avec ce dixième tome des enquêtes d’Helen Grace. Dès les premières pages, on retrouve ce qui constitue le sel de cette série : écriture minimaliste et hautement véloce, chapitres particulièrement courts – il y en a cent-vingt-sept dans cet ouvrage –, personnages que l’on a plaisir à revoir, et une intrigue prenante. La première moitié de l’ouvrage est très bien constituée, les avancées de l’investigation sont claires et les rouages scénaristiques parfaitement huilés, et l’auteur ne ménage aucun temps mort dans son histoire. Puis M. J. Arlidge nous gratifie d’un bien beau rebondissement, opposant à notre enquêtrice un individu sacrément fort, psychopathe en diable et ayant établi un incroyable maillage de connexions afin de le servir et de lui permettre de manipuler la petite troupe d’exécutants tombés sous son emprise. Si cet élément a déjà été utilisé par le passé en littérature, il n’en reste pas moins que l’écrivain l’exploite avec beaucoup d’intelligence et de maîtrise, et, puisque cette histoire demeure volontairement inachevée, nul ne doute qu’il réapparaîtra dans un avenir plus ou moins proche, et l’on se réjouit déjà de la confrontation entre Helen et ce prédateur. Le récit est d’une magnifique densité, haletant, et l’auteur continue d’étayer sa série avec de nouvelles interactions avec la sinistre journaliste du Southampton Evening News, Emilia Garanita, ou encore avec le policier Hudson avec lequel Helen Grace a eu par le passé une liaison, sans même parler du décès d’un personnage phare de la saga.
Un ouvrage solide et d’une redoutable efficacité, continuant sur la remarquable lancée des épisodes précédents.16/09/2024 à 06:58 5
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Le dernier jour
Jesús Alonso, Olivier Visonneau
7/10 Octobre 1890 : les frères Dalton continuent d’écumer l’Ouest en attaquant les trains, et ils profitent de cet argent pour venir en aide à leurs proches. Leur cavalcade criminelle va nous mener dans ce deuxième et dernier tome jusqu’au braquage qui inaugurait le précédent volume.
Comme pour « Le Premier Mort », j’ai passé un sympathique moment sans pour autant être emporté par cette lecture, notamment à cause d’un récit manquant parfois de nerfs et de scènes qui m’ont semblé davantage juxtaposées que réellement connectées. Seul le quasi final, avec Emmett Dalton ensanglanté et salement amoché déposé sur une table, apporte un sursaut d’émotion à ce récit.15/09/2024 à 19:38 2