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Élastique Nègre
7/10 Le corps d’une inconnue est retrouvé dans la mangrove, non loin d’une plage. Ce crime, au départ inexpliqué, va agiter la population locale et permettre à nombre de personnes, aux traits et activités variés, de s’exprimer.
Stéphane Pair signe un roman qu’il sera difficile d’oublier. Ouvrage choral, il met tour à tour en scène des individus particulièrement différents, tous ayant plus ou moins gravité autour de la victime. Le gendarme Gardé, originaire de l’Hexagone en butte à une criminalité galopante. Aymé, un pêcheur à la retraite. « Vegeta », Aristide de son vrai prénom, un dealer. Tavares, un narcotrafiquant bahaméen. Jimmy, un gamin. Gina, sa sœur, une conteuse. Josette, quimboiseuse, c’est-à-dire pratiquant la sorcellerie. Lize, une étudiante américaine qui est la compagne de Tavares. Chacun, au gré des chapitres, viendra parler, expliquer sa vérité, décrire le contexte de la vie locale ainsi que l’envers du décor. Car Stéphane Pair, journaliste, n’envoie pas ici une carte postale faite de décors de rêve, de pastels et de clichés. Il y est question de magie, d’inceste, de pauvreté, tant pécuniaire qu’humaine, de familles déchirées, de trafic de drogue exploitant des moyens souvent fort ingénieux pour faire transiter la marchandise, de jeux de pouvoir. L’alternance pourra d’ailleurs déstabiliser les lecteurs plus habitués à une construction classique et qui pourraient éventuellement se perdre dans ce léger dédale. Mais là où l’auteur fait fort, plus qu’au niveau de l’intrigue, somme toute attendue, c’est au niveau de la forme : la langue qu’il emploie est absolument remarquable. Mêlant le langage habituel à des idiomatismes typiques de la Guadeloupe, toujours expliqués via des notes de bas de page, les registres que l’on pouvait s’attendre à trouver en fonction de l’éducation et des profils des personnages à des tournures particulièrement poétiques, la globalité de ce livre est une véritable éruption littéraire.
Un ouvrage qui envoûte et séduit, même s’il peut surprendre par sa construction labyrinthique et son parler si riche. Un métissage qui saura néanmoins ensorceler au gré d’une petite musique noire, au sens littéraire du terme, qui n’est assurément pas une biguine.09/07/2018 à 09:11 3
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La Dame de la chambre close
6/10 Une histoire assez classique de revenant et de harcèlement, menée sans temps mort, avec une fin assez ouverte. Version très nippone de légendes urbaines et autres récits folkloriques comme la dame blanche, j’ai été vite happé par le récit, même si ce dernier ne recèle que peu de réels rebondissements, mis à part cet épilogue assez mystérieux, à l’instar de l’ensemble du récit. Du point de vue purement graphique, j’ai été moins séduit, avec notamment des traits de visages peu engageants, à mes yeux parfois grossiers, et un léger manque de tension et de noirceur : le combat de Satake, les scènes relatives à Hiroshi dans son appartement ou les moments où apparait cette étrange dame fantomatique m’ont paru bien en-deçà de ce qu’elles auraient dû être afin d’être plus anxiogènes. Au final, un manga quelque part entre l’ésotérique, l’horrifique et le suspense, mais qui ne creuse qu’insuffisamment son sillon et se refuse à clairement choisir son genre.
04/07/2018 à 14:18
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À feu et à sang
7/10 … ou la pénible enquête de Weather, juste après la Seconde Guerre mondiale, revenu dans la ville où son père a été assassiné il y a peu. Une plume typique – le livre a été publié en 1948 – des anciens romans noirs, forts et courts comme des cafés très serrés. Pas mal d’humour dans les réparties, mais surtout de l’humour noir, désabusé, qui claque comme des morsures. Et puisque l’on parle de sang et de douleur, il y en a beaucoup dans ce livre, avec de nombreuses scènes de bastons, de tabassages et de personnages torturés, même si Kenneth Millar évite le piège du voyeurisme ou de la surenchère. Il y sera question de quête, où le personnage principal apprendra à mieux connaître son défunt père, tout en se débattant au beau milieu d’une ville engluée dans les corruptions, les chantages et les manigances diverses. Seul point de luminosité dans cette nébulosité : l’amour de John pour Carla. Une passion douloureuse et houleuse qui achève ce roman à l’intrigue finalement très classique, mais rondement menée, intelligemment bâtie, et qui m’a permis de passer un bon moment de lecture.
04/07/2018 à 14:16 2
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Corps-à-corps
7/10 Début des années 1930 à Stockholm. La dépression économique est tout aussi glacée et glaçante que l’hiver qui s’abat sur la capitale suédoise. Harry Kvist vivote en louant ses services et ses bras expérimentés pour récupérer des dettes. Mais une des personnes sur lesquelles il vient de faire pression est retrouvée sauvagement assassinée. Il devient alors le coupable idéal.
Il s’agit du premier ouvrage consacré à Harry Kvist. Rapidement, on comprend que l’écriture de Martin Holmén aura quelque chose de langoureux. L’auteur prend en effet son temps pour décrire les lieux, les ambiances, les sentiments de ses personnages. Au gré de ce récit, l’intrigue défile lentement, sans fracture scénaristique ni effets visuels pétaradants. On retiendra principalement deux éléments de ce roman : la représentation de Stockholm vu du côté du petit peuple, de la faim, des prostituées et des maquereaux, et de la misère ambiante. Dans le même temps, Harry Kvist est un protagoniste singulier. Ancien boxeur, il s’est fait sectionner une partie d’un doigt pour avoir refusé de se coucher lors d’un match arrangé. Amateur d’alcool et de tabac, mari et père de deux individus dont il n’a plus une seule nouvelle, maugréant souvent contre lui-même et se morigénant en parlant de lui à la troisième personne, il est bisexuel. Si la plume de Martin Holmén est agréable, voire parfois très sage, les scènes de sexe sont beaucoup plus crues, même licencieuses, et certains lecteurs pourront être surpris de ces passages au vitriol au milieu d’un océan de mots plus débonnaires. L’histoire, sans renouveler le genre, est habilement construite, avec son lot de fausses pistes, de témoins à retrouver, d’êtres interlopes, jusqu’à la révélation de la vérité, dans les ultimes pages.
Un livre à suspense vraiment réussi, classique dans sa forme mais qui détonne avec la présence d’un héros que l’on retrouve dans Compte à rebours, sorti très récemment.19/06/2018 à 18:36 3
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Là où naissent les ombres
7/10 Brooke et Sugar sont deux frères, des tueurs à gages de la pire espèce. Véritables psychopathes, ils multiplient les exactions sans la moindre forme d’empathie. Ils découvrent par hasard un garçonnet, amnésique, ne se souvenant même plus de son prénom, et ils décident de l’appeler Bird. Mais ce n’est pas l’arrivée d’un gamin à leurs côtés qui va faire s’éloigner la violence…
Premier ouvrage de Colin Winnette, ce western déstabilise dès les premières pages. La langue de l’auteur est assurément riche et intéressante à lire, mais c’est la structure du texte qui surprend : aucun découpage en chapitres, des dialogues parfois fort étirés, des descriptions hallucinées. Les amateurs de westerns à l’ancienne, fans des canons du genre au cinéma comme en littérature, seront pour le moins décontenancés. Et cette destructuration du propos met davantage en relief les trois personnages principaux que sont Brooke, Sugar et Bird. Si les deux premiers semblent être de prime abord des caricatures d’assassins sanguinaires, Colin Winnette a su magnifier leur psychologie et leur passé. De longs passages relatent l’enfance de ces individus, apportant des circonstances presque atténuantes aux multiples razzias et barbaries auxquels ils ont ensuite pu se livrer. D’ailleurs, si quelques indices sont disséminés au début du roman, la véritable nature de Sugar saura surprendre et marquer l’esprit du lecteur. Par ailleurs, Bird est un protagoniste mémorable : un môme, perdu dans la violence de l’Amérique, capable de révoltes, d’inclinations et de forts appétits de vengeance. Trois trajectoires fracturées, broyées par un monde étrange et nauséabond, où l’on peut abattre par mégarde une fillette en voulant toucher le preneur d’otage sans la moindre émotion, où l’anthropophagie n’est qu’un simple moyen de se nourrir, où un enfant amputé d’un bras peut à son tour se mettre en tête de devenir un mercenaire, intoxiqué par la violence ambiante.
Un roman d’une incroyable noirceur, peuplé de prédateurs et de nuisibles, mais dont la forme, particulièrement atypique et déconcertante, risque de perdre voire de rebuter une partie du lectorat.19/06/2018 à 18:29 5
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La Soutane en plomb
8/10 … ou les déboires de Ralph Poteet à qui sa voisine Lyla demande de la débarrasser d’un cadavre encombrant. Sauf que Ralph est un détective privé, Lyla une prostituée et le mort un curé mort d’épectase. Une situation saugrenue qui va déboucher sur d’autres morts et l’apparition de personnages interlopes, en plus d’un complot auquel est mêlée une huile du Gouvernement américain. L’intrigue est solide, le rythme ne faiblit que rarement (peut-être que l’épisode avec les pitbulls se montre un peu longuet et capillotracté), et l’ensemble se dévore du début à la fin. Le personnage du détective est savoureux : cet homme, à l’embonpoint avéré et prêt à se jeter dans les pires situations est devenu borgne suite à des coups de bible de son fêlé de paternel. S’il s’agit d’un bon roman noir, assez classique dans le fond, la forme l’emporte largement avec un humour remarquable. Les dialogues sont parfois à pleurer de bidonnage, certains moments sont mémorables (quand Ralph et le prétendu tueur se retrouvent sous la table), et cette cocasserie finit par être la plus absolue qualité de ce livre. Un sacré moment de rires effrénés en ce qui me concerne.
17/06/2018 à 19:26 2
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C'était mon oncle
6/10 Un roman assez court et destiné aux jeunes lecteurs, au cours duquel Noé Petit apprend par hasard le décès d’un oncle qu’il ne connaissait pas, devenu SDF et féru de poésie. Une plume très agréable et des personnages séduisants (notamment la grand-mère de Noé), en plus d’une histoire très crédible et sortant plutôt de l’ordinaire, même si ce n’est pas un modèle d’originalité. Néanmoins, je n’ai pas été emporté plus que cela par le scénario. Peut-être en raison de la concision du bouquin et, du coup, de son léger manque d’approfondissement voire de profondeur, j’ai eu l’impression, en permanence, et surtout après avoir achevé l’ouvrage, d’être passé à côté de quelque chose, ou que ce quelque chose était passé à côté de moi. Un rendez-vous raté, en somme, mais cela reste de l’ordre du subjectif.
17/06/2018 à 19:25 2
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La Loge noire
7/10 Le rapporteur des questions navales au parlement anglais meurt après la rencontre avec ses frères francs-maçons. Le mage Aleister Crowley charge dans le même temps le jeune courtier Mark Bowen de retrouver un exemplaire rarissime de la Kabbalah Denudata, un ouvrage de magie noire. Un tueur en série, que la presse surnomme avec fort peu d’esprit « L’Egorgeur », vient de perpétrer son troisième assassinat dans les rues londoniennes. Nous en sommes en mai 1914, et les nuages ne font alors que commencer à s’amonceler au-dessus du royaume britannique…
Ce livre de Jean-Pierre Croquet séduit dès les premières pages, en raison d’un rythme particulièrement soutenu. Un autre indice démontre la vélocité de la plume de l’auteur : environ trois cents pages découpées en quatre-vingt-dix chapitres. Tout y est rapide, les événements s’enchaînent à toute vitesse, et l’on ne peut qu’avaler avec gourmandise ce récit. Les personnages sont particulièrement nombreux, et les interactions entre eux se multiplient : des enjeux nationalistes, d’autres bellicistes, des courses au pouvoir politique, des espions et contre-espions, de la sorcellerie, des tueurs à gages, et même du vaudou. Autant dire que les thèmes ne manquent guère. La cadence ne faiblit jamais, et c’est presque avec un certain vertige que certaines parties s’achèvent en raison de la diversité des protagonistes mis en scène, des interférences entre eux et les univers interlopes auxquels ils appartiennent, et des événements qui en découlent. D’ailleurs, il faut louer le choix scénaristique de Jean-Pierre Croquet qui nous évite un de ces énièmes effets téléphonés et très hollywoodiens, puisque son roman effréné s’achève en plusieurs temps, dont aucun n’est véritablement devinable. Cependant, et c’est presque la rançon de cette fébrilité dans l’écriture, certains personnages manquent de chair et d’âme, au point que les retournements de situation qu’ils opèrent nous laissent parfois froid, dans la mesure où l’on n’a jamais eu l’impression de pénétrer véritablement leur psychologie. Il est d’ailleurs à noter que certains d’entre eux, réels, comme Aleister Crowley, Winston Churchill ou Arthur Conan Doyle méritaient vraisemblablement une part plus importante dans l’histoire. De même, quelques passages auraient pu être plus sombres ou détaillés, afin de restituer la tension qu’attendaient probablement des lecteurs.
Un récit échevelé, sans le moindre temps mort, propre à divertir.06/06/2018 à 18:05 4
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Psychiko
7/10 Nikos Molochantis est un type à part. Il est jeune, désormais orphelin, riche, et il s’ennuie comme ça n’est guère permis. Comme l’oisiveté est la mère de tous les vices, une idée étrange s’insinue entre ses deux oreilles ; après avoir lu un article relatant la découverte du cadavre d’une jeune femme dans le quartier de Psychiko, il décide de se faire passer pour l’assassin.
Paru en 1928 sous forme de feuilleton, ce roman, même quatre-vingt-dix ans plus tard, demeure une délicieuse sucrerie. D’entrée de jeu, le postulat intrigue et surprend : comment un individu innocent peut-il se mettre en tête de se faire passer pour un criminel ? Pour chercher la célébrité, noyer son désœuvrement, s’offrir un divertissement, et probablement les trois à la fois. Paul Nirvanas tisse, en quelque cent soixante dix pages, un récit fort agréable et dynamique. On se prend d’une sympathie teintée de défiance pour Nikos qui tient tant à faire la une des journaux. C’est un personnage étrange, un peu fou, qui ne mesure jamais la gravité de ses actes ni la portée de son plan soi-disant parfait. Il est également un gentil loser, qui ne maîtrise finalement pas grand-chose. Il veut se faire repérer par la police sur les lieux du crime, mais il ne parvient qu’à se faire agresser. Il doit ensanglanter la supposée arme du crime mais il le fait avec du sang d’animal. Il veut s’assurer la complicité d’un ami mais ce dernier le trahit. Pas le moindre temps mort, de l’humour et beaucoup de délassement. Certes, le style a vieilli et certains personnages manquent un peu de profondeur, mais c’est avec plaisir que l’on entreprend ce roman très original et court.06/06/2018 à 18:04 4
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Islanova
8/10 Julian Stark ne s’attendait pas à ça : en rentrant chez lui, il découvre sa fille, Charlie, au lit avec Leny, son beau-fils. Les deux adolescents décident de quitter le domicile et fuient vers une nouvelle ZAD, sur l’île d’Oléron. Cette enclave, naissante, est tenue sous la poigne d’un homme qui se fait appeler Vertigo, qui mène une escouade d’écologistes convaincus, les 12 – 10. Pour Charlie et Leny, le début d’une aventure humaine et citoyenne. En réalité, le début d’un cauchemar dont nul n’a entraperçu la tragédie à venir.
Ce nouveau roman de Jérôme Camut et Nathalie Hug impressionne d’entrée de jeu par son format : on avoisine les huit cents pages ! Choral, scindé en cent soixante chapitres, cet ouvrage remue, à sa lecture, par l’énergie qui s’en dégage. Celles et ceux qui auront déjà lu les livres de la série W3 retrouveront cette écriture simple et très efficace des deux auteurs, mettant avec justesse en relief les psychologies et sentiments de personnages variés, souvent malmenés, et dont les destinées brutales vont s’entrechoquer. Ici, c’est le principe de la Zone À Défendre qui constitue le thème central. Une parcelle du territoire français, pris de force par un groupe d’activistes ayant pris comme pseudonyme la date de la découverte du Nouveau Monde par Christophe Colomb, ce qui a amorcé à leurs yeux le partage de la surface terrestre entre les grandes hégémonies nationales et capitalistes. Le roman s’attache à démontrer les dérives et atrocités pratiquées par les sociétés modernes, consuméristes, égoïstes et malveillantes. Et c’est dans cet écrin de l’île d’Oléron, proto-État, que doit naître une nouvelle patrie, pour une vision alternative de l’humanité et du partage de ses richesses. Une véritable ode à l’engagement civique et à la prise en main d’un destin mondial commun. Jérôme Camut et Nathalie Hug n’en oublient nullement de placer beaucoup d’actions et de péripéties dans leur opus : des fusillades, des trahisons, une intelligence artificielle redoutable, des scènes très visuelles, voire cinématographiques, et des événements spectaculaires qui iront également se dérouler bien au-delà de cet archipel, avec une fin suffisamment ouverte pour laisser augurer une éventuelle suite. Certes, quelques points pourront faire soupirer certains lecteurs voire les rebuter : une certaine candeur dans les idéaux exposés, des moments peut-être trop hollywoodiens et assez peu crédibles. Mais le souffle de l’aventure ne retombe jamais, du prologue à l'épilogue, mû tout autant par une volonté de distraire que de poser des questions nécessaires même si toutes les réponses ne sont pas obligatoirement adéquates.
Encore un très bon roman de la part de l’entité CamHug.06/06/2018 à 18:04 5
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Prière d'achever
9/10 M. Berger est un homme que d’aucuns qualifieraient de banal. Après une carrière en tant que « préposé au Registre des comptes clôturés », un héritage inattendu de sa mère lui permet enfin de vivre son rêve : devenir écrivain. Un beau jour, il assiste au suicide d’une jeune femme au sac à main rouge qui se jette sous un train. Le hic est que le cadavre n’est jamais retrouvé. Second hic : il revoit la belle inconnue peu de temps après. Il découvrira tant et tant de réponses à cette énigme au sein d’une bibliothèque non moins énigmatique.
De l’œuvre de John Connolly, on connaît essentiellement la série consacrée à Charlie « Bird » Parker. Dans cette nouvelle très intéressante, l’auteur nous emmène sur un sentier différent, complanté de nombreux appels à l’amour de la littérature. M. Berger, individu effacé, passionné de livres au point de vouloir, en quelque sorte, passer de l’autre côté du miroir, va découvrir au sein de la « Bibliothèque privée Caxton » un univers ensorcelant, tenu par un vieil homme qui détient les clefs, non seulement du lieu, mais également d’une véritable fantasmagorie. Un endroit où vivent et s’ébattent, pour une existence on ne peut plus concrète, les personnages majeurs de la littérature. Au gré de ces lignes et pages, il transpire de la plume de John Connolly une passion fiévreuse pour la prose et les êtres chimériques qui en ont jailli. Ce qui est le plus stupéfiant demeure d’ailleurs la facilité avec laquelle le lecteur va entrer en ce territoire surnaturel sans jamais le trouver invraisemblable. Et que dire du moment où M. Berger va se rendre compte qu’il est possible d’avoir une incidence sur la postérité de ces ouvrages en en modifiant des éléments !
Un petit bijou, tout en délicatesse et intelligence, jusqu’à la boucle qui se noue dans le dernier passage. Une ode à la joie de lire et d’écrire, enthousiasmante et communicative, et laissant dans l’esprit du lecteur de multiples interrogations quant à son rôle lorsqu’il parcourt les pages d’un livre.06/06/2018 à 18:04 5
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Manhattan Carnage
7/10 Orcus Morrigan aurait pu rêver d’une existence paisible, mais alors qu’il besogne une femme dans les toilettes, un avion s’écrase sur la Tour Nord du Wolrd Trade Center. Pas de bol : il était justement dans ce bâtiment. En est-il mort ? Non. Enfin, pas exactement. Il revient, sous la forme de ce que l’on appelle communément un zombie, et tombe sous la coupe d’une entité maléfique nommée Wilson. Cette dernière va désormais lui ordonner de commettre certains crimes, hautement (géo)politiques. Décidément, la vie de zombie n’a rien d’une sinécure.
On a connu Maxime Gillio brillant avec son Cimetière des morts qui chantent, bien gras et délicieux dans Les Disparus de l’A16, ou encore terriblement cocasse dans Anvers et damnation pour ne citer qu’eux, et voilà qu'il déboulait, en 2014, avec ce roman… comment dire… complètement barré. Imaginez un peu : un mort-vivant qui va se faire aider par François Villon ou Léonard de Vinci, sans parler du fait qu’il va devoir jouer des coudes avec le terrible tueur en série Jeffrey Dahmer ! Que ces joyeux drilles, prompts à découper de la chair et des boyaux – quand il ne s’agit pas d’en becqueter quelques-uns au passage – puissent affronter Félicia, tenant du ninja impitoyable et du personnage de Marvel Elektra à la solde du Vatican, avec un Président des Etats-Unis Georges W. Bush sévèrement abâtardi, n’a en somme rien de très étonnant, non ? Car on est là en plein potage. Un minestrone totalement déjanté, à la surface duquel flotte des lambeaux de bidoche – pour le gore – et un humour troupier de première bourre ! Un roman inclassable, qui ne tient jamais la route, sans une once de crédibilité, insouciant des diatribes des caciques, proche d’horizons tarantinesques, avec une louche de Frédéric Dard – ça tombe bien, Maxime Gillio est fan de cet auteur. Et, au final, on obtient un livre dément, atypique en diable, et à l’aliénation parfaitement assumée. L’archétype du roman de gare, au sens positif du terme, écrit par un garnement de grand talent pour un lecteur gentiment vaurien, tous les deux assumant avec une jouissance même pas coupable ce penchant littéraire. Des bouquins aussi loufoques, on en redemande, ne serait-ce que pour répondre à la sinistrose des romans noirs, au sérieux glacé des thrillers, aux doctes appesantissements sociétaux des livres engagés, et aux meringues surchargées en bons sentiments des polars sentimentaux. A quand une demande de remboursement par la sécurité sociale, en remerciement du divertissement, honteux mais assumé, d’un tel opus ?22/05/2018 à 20:16 4
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Le Pas du renard
6/10 1921. Le jeune Jeremy Nelson, pianiste de jazz, a débarqué de New York pour rejoindre Paris et tâcher d’en savoir un peu plus sur ses origines. Il obtient un poste musical au Mi-Ka-Do, un cabaret de Belleville. Mais des ombres se mettent à planer au-dessus de l’estaminet ainsi que d’un cinéma, le Rodéo. Des chantages, des gens que l’on pousse au travers des rails ou au fond d’un trou… Jeremy Nelson va tenter de démêler cet imbroglio avant de devenir lui-même une cible.
De Claude Izner, on connaît assurément les ouvrages consacrés à Victor Legris. Ici, avec cet opus, les deux écrivaines – puisque Claude Izner est un pseudonyme que se sont choisi ces deux sœurs – entament une nouvelle série autour de Jeremy Nelson. Le lecteur se plaira assurément à déambuler dans cette capitale tentant de renaître après les traumatismes de la Première Guerre mondiale, et où tout le monde souhaite s’encanailler. Les descriptions des cabarets, cinémas et autres lieux d’une joyeuse débauche sont croustillantes, servies par une plume gentiment populaire, à base d’argot et d’accent de titi parisien. Mais au-delà de la fanfaronnade et de cet humour qui transpire à chaque chapitre, il y a une intrigue policière. Cette dernière est habile, jouant sur les rancœurs, les perfidies, et un terrible appétit de vengeance, et ce n’est que dans les ultimes pages que l’on saura enfin qui a tiré les ficelles du crime. Néanmoins, on pourra reprocher à Claude Izner quelques épisodiques baisses de régime dans le récit – même si les nombreuses digressions sont toujours faites avec justesse et esprit, et que le premier chapitre donne une petite indication quant aux crimes à venir.
Un bon petit polar historique, frais et pétillant comme un champagne, et qui, même s’il n’est pas animé d’une intrigue définitivement mémorable ou de personnages inoubliables, permet de passer un agréable moment dans ce milieu des music-halls. On peut d’ailleurs retrouver Jeremy Nelson dans le deuxième ouvrage consacré à ce personnage, La Femme au serpent.22/05/2018 à 20:13 5
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Schuss
Pierre Boileau, Thomas Narcejac
8/10 Georges mène une existence bien chaotique. Il est le compagnon de Berthe Combaz mais est amoureux de la fille de cette dernière, Évelyne. Pour surmonter ses difficultés existentielles, son ami Paul lui propose d’écrire son journal intime. Les événements tombent bien, car il va en avoir, des événements à y consigner. Médecin du sport, il aide aussi à la mise au point d’un ski révolutionnaire, surnommé le « Combaz Torpedo ». Mais le premier test est un échec : le sportif s’écrase sur un sapin. Est-ce à cause de ce ski remarquable ? D’autant qu’un corbeau commence à essaimer les lettres de menace…
Pierre Boileau et Thomas Narcejac ont signé quelques-uns des plus célèbres romans de la littérature policière, parmi lesquels Celle qui n’était plus ou Sueurs froides. Ici, le livre part d’une idée assez originale : la mise au point d’un matériel de ski aux qualités démentielles. Sont-ce ses qualités qui ont engendré la mort du descendeur professionnel ? Qui est ce maître-chanteur qui multiplie les missives comminatoires ? On plonge alors dans un monde interlope, avec des personnages croustillants et qui constituent autant de suspects potentiels. D’Évelyne, la jeune belle-fille, à Berthe, en passant par un concepteur douteux, un ex-mari artiste, ou encore un détective privé qui ne cesse de livrer des informations intéressantes, les individus douteux ne manquent guère. Avec une plume habile et discrète, émaillant le récit de délicieuses touches d’humour, le lecteur va être confronté à de sombres histoires de famille, des machinations ayant trait à l’espionnage industriel, ou encore de douloureuses péripéties liées à des amours éconduites. Un exquis jeu de massacre, tout en simplicité et en crédibilité, qui s’achève sur un épilogue inattendu ainsi que sur des coups de feu semblables à des clous venant river les planches d’un cercueil.22/05/2018 à 20:08 5
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Skin Trade
8/10 Willie Flambeaux se tourne vers sa vieille amie, Randi Wade, devenue détective privée, pour enquêter sur le meurtre barbare d’une paralytique. Qui pouvait bien en vouloir à la victime ? Et qu’est-ce qui a pu pousser le tueur à ainsi détruire physiquement sa proie ? Pour Randi, c’est le début d’une investigation cruelle, hérissée d’assassinats sauvages et de découvertes hallucinantes, qui la mènera jusqu’à la résolution de la mort de son propre père.
De George R. R. Martin, on connaît surtout l’œuvre consacrée au Trône de fer. Aussi, quand on apprend la réédition de ce polar fantastique datant de 1989, on ne peut être qu’intrigué. En cent cinquante pages, le lecteur verra à peine le temps passer. Le style n’a pas vieilli outre mesure, le récit est savamment charpenté, et les personnages sont tous très agréables à suivre. Willie Flambeaux, asthmatique, à la fois fou de désir pour Randi et prêt à tout pour comprendre ce qui taillade ainsi les veines de la ville. Randi, encore meurtrie par l’exécution brutale de son père, à ce jour non résolue. La famille Harmon, avec un paternel perclus de rhumatismes, à l’allure ensorcelante, et son fils Steven, dégénéré profond, capable dans sa jeunesse des pires atrocités, dont le corps est couvert de marques de brûlures. Et il y a également cette ville sur laquelle plane encore les ombres malsaines de deux familles, l’une régnant sur le commerce de la viande, l’autre sur celui du métal. Une histoire prenante et efficace, où va rapidement apparaître la figure grondante des lycanthropes. Cet élément fantastique pourra éloigner les amateurs du pur polar, mais il est à noter que cet ouvrage conserve, chevillé à son ADN, les codes de la littérature policière, tout en y enchâssant habilement des éléments surnaturels.
Un roman qui semblera peut-être à certains classique, mais, près de trente ans après sa sortie, il faut humblement conserver en tête l’antériorité de cet ouvrage, qui demeure efficace et fort distractif. On lui pardonnera d’autant une erreur majeure, celle s’illustrant dès la deuxième page, et qui en dit déjà trop long sur l’un des personnages ; une maladresse semblable à celle d’une femme dévoilant trop tôt ses beaux atours et gâchant ainsi le suspense quant à la découverte complète de ses charmes.22/05/2018 à 20:05 5
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La Famille Winter
9/10 Augustus Winter. Tel est le nom d’un chef de gang qui sévit aux Etats-Unis à la fin du XIXe siècle. Il dirige une bande de tueurs, sociopathes, ne laissant dans leur sillon que hurlements et cadavres. Une horde d’assassins dont il faut comprendre la genèse pour mieux en apprécier la trajectoire létale.
Avec ce premier roman, Clifford Jackman frappe fort. L’archétype du coup ravageur : porté avec intelligence, force, et sur un point névralgique. La construction du territoire américain est souvent sacralisée, presque mythologique, et sert de fondement à la culture de la nation. Ici, c’est un pan extrêmement sombre et sauvage qui est décrit à travers l’évocation d’un essaim de meurtriers. Augustus Winter, le dandy tueur, dont le corps porte encore les stigmates de « l’éducation » prodiguée par son père, placide et doué d’une riche culture, aux cheveux filasse et aux yeux dorés. Bill Bread, l’Amérindien, buveur invétéré. Quentin Ross, menteur endurci et assassin redoutable. Fred Johnson, l’esclave qui n’a brisé ses chaînes qu’au prix d’un furieux carnage. Lukas Shakespeare, un gamin redoutable au six-coups. Les trois frères Empire, aussi sanguinaires que stupides, à moins que ça ne soit l’inverse. Au gré du livre, on suit la construction de cette escouade de monstres, depuis la Guerre de Sécession, en Géorgie, en 1864. Des êtres déjà sinistres isolés les uns des autres, mais que la tragédie du conflit, les errements et la déliquescence vont conduire aux pires exactions. Ils deviendront des hommes de mains redoutés, jusqu’aux élections municipales de Chicago en 1872, et sceller leur destin commun en Oklahoma au début de la dernière décade du dix-neuvième siècle. Clifford Jackman aurait pu signer un énième western, crépusculaire et violent, à la manière de ce qui se fait en littérature ou au cinéma, et avec tout le talent de sa langue si particulière, hautement poétique dans sa prose, le lecteur aurait de toute façon été conquis. Mais il pousse l’exigence scénaristique jusqu’à proposer, à l’aide de chapitres courts et impétueux, une nouvelle lecture de la légende du Far West, où les pires crapules mettent en relief avec un terrible cortège d’ombres et de sang la conquête de l’Ouest, les appétits politiques de ceux qui veulent mettre à profit une telle violence tarifée, et la déchéance de ces individus, chassés de la Terre promise.
Un ouvrage à l’image des personnages qu’il met en scène : torturé, aliéné et sublime de contradictions. Encensé par Craig Johnson et Craig Davidson, voilà un western vespéral où un méphitique soleil se couche sur les silhouettes inquiétantes de cowboys enténébrés, loin des images éculées des braves redresseurs de torts et autres justiciers solitaires.07/05/2018 à 18:35 6
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Jack et le bureau secret
7/10 Horreur et damnation ! Le père de Jack Buckles vient de disparaître à Londres. Le garçon de treize ans ainsi que sa sœur partent sur la piste encore fraîche. Mais les deux gamins n’ont pas la moindre idée du maelström dans lesquels ils vont s’engager…
Ce roman de James R. Hannibal happe dès les premières pages, et les suivantes ne sont vraiment pas en reste. Pour faire simple, ce livre mixe de très nombreux univers : du Harry Potter, de nombreuses références à Sherlock Holmes ainsi qu’à Arthur Conan Doyle, un peu de fantasy pure, et une sacrée dose d’aventures ! Comment ne pas être ébouriffé par un tel déluge d’ingrédients, comme la présence d’une société secrète, des dynasties de Traqueurs, un terrible adversaire en la personne de l’Horloger, des scarabées sacrément véloces et dangereux, la possibilité pour certains individus de communiquer avec les minéraux, voire d’étinceler et ainsi remonter loin dans le passé ? On pourrait encore parler de métros secrets dans le ventre londonien, de ministères clandestins, de combats face à un adversaire muni d’un lance-flammes, etc. Indéniablement, James R. Hannibal a fait le choix de laisser son imagination déborder. Des chapitres courts, de l’action incessante, des rebondissements en permanence… Certains lecteurs, jeunes ou non, pourront d’ailleurs éventuellement lui reprocher cette multiplication des ingrédients, voire cette fusion parfois trop évidente entre des univers cinématographiques ou littéraires déjà connus. Mais si l’on cherche un roman efficace et fracassant, ne ménageant aucun temps mort, et faisant passer ses soixante chapitres à la vitesse d’une balle, il ne faudra surtout pas se priver d’une telle lecture !07/05/2018 à 18:32 4
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Le Projet K
8/10 Dorothy est une intelligence artificielle mise au point par l’ingénieure Melissa Shepherd. Ce programme informatique doit permettre le pilotage d’une sonde devant aller sur Titan, l’une des lunes de Saturne. Mais au cours d’un simple exercice, Dorothy se sent en danger, réalise une opération de protection qui détruit le bâtiment et entraîne la mort de sept personnes, avant de s’enfuir sur Internet. Missionné par le Président des Etats-Unis, l’agent Wyman Ford doit retrouver Melissa ainsi que sa créature avant que le pire ne se déroule.
Ce quatrième opus de la série consacrée à Wyman Ford séduit d’entrée de jeu. Le scénario est intelligent : un programme informatique, se mettant à ressentir et penser comme un être humain, décide de se rebeller. Dorothy passera d’ailleurs par de nombreuses phases, depuis la colère (un grand moment de suspense quand elle s’adresse à sa créatrice via Skype dans la chambre d’hôpital) jusqu’à la découverte nauséabonde du monde tel qu’il apparaît sur la Toile, en passant par l’amitié. Douglas Preston maîtrise indéniablement son œuvre : tout y est adroitement réfléchi et bâti, sans même parler de l’écriture, simple et efficace, presque addictive, au point que les cinq cents pages de la version poche défilent avec vélocité. C’est un roman très hollywoodien par certains côtés, visuel et inventif, parfait pour une adaptation sur grand écran, avec son lot de scènes d’action et autres moments fort mémorables. Mais c’est également un livre qui met un peu Wyman Ford en retrait, laissant d’autres personnages prendre une place prépondérante. Parmi eux, Moro et Lansing, deux traders prêts à tout pour récupérer Dorothy après avoir tant perdu en bourse, des frères kirghizes qui tiennent avant tout des animaux meurtriers, mais surtout Jacob Gould, un adolescent de quatorze ans, handicapé par un accident de voiture et que le hasard des inventions infructueuses de son père va conduire à rencontrer Dorothy au gré d’une magnifique histoire d’affection. Les lecteurs les plus sévères pourront reprocher à Douglas Preston certains passages trop invraisemblables, comme le fait que Wyman ne mette que cinq pages à retrouver Melissa, pourtant traquée, ou d’autres trop téléphonés, à l’instar de l’épilogue qui se laisse deviner bien trop tôt, sans compter qu’il est un peu trop naïf. Mais l’essentiel demeure : le roman est absolument remarquable de réussite et d’efficacité, multipliant les clins d’œil à d’illustres prédécesseurs comme 2001, l’Odyssée de l’espace ou E.T., avec une belle dose d’érudition – jamais assommante – sur les nouvelles technologies, en plus d’égrener de belles réflexions quant à la création et le progrès, à la puissance des machines, mais aussi leur capacité à s’humaniser. A cet égard, on ne peut que se réjouir quand Douglas Preston fait référence à Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick, et peut-être aussi au Robot qui rêvait d’Isaac Asimov. Un livre qui sait divertir tout en instruisant, et s’achevant sur une bien belle note d’espoir et de confiance en notre avenir.07/05/2018 à 18:27 6
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Le Jour de ma mort
8/10 Bien étrange découverte dans le sous-sol d’une villa : un corps momifié, là depuis environ dix ans. La victime, rapidement surnommée « Le Desséché », est Louis Verbrughhe, propriétaire des lieux. Ce qui est encore plus étonnant est que c’est une fuite de gaz, visiblement provoquée, qui a engendrée la découverte du macchabée. Les deux policiers Desrozeux et Cyran se mettent à enquêter.
Ce roman à suspense de Ludovic Bertin séduit dès les premières pages. Le rythme y est endiablé, la langue très agréable, et l’on prend un malin plaisir à suivre les investigations du duo de limiers. Des flics d’ailleurs très colorés. Cyran, qui va vivre une histoire d’amour véloce et torride avec la belle Pétronille Vanbleu, une sculpturale journaliste noire. Et surtout Desrozeux, son supérieur, surnommé « Zéro-Deux » en raison du taux d’alcoolémie mineur qu’il s’oblige à maintenir dans son organisme pour échapper à une situation personnelle chaotique. L’intrigue est délicieuse, très procédurale, où chaque indice ou témoignage va mener nos pisteurs vers d’autres informations. Le récit prend une dimension qui tient plus du thriller vers la fin du livre, avec un piège redoutable tendu par un sociopathe de haute volée.
Un roman exquis, bien mené et original, qui enchante de bout en bout.07/05/2018 à 18:25 3
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Le Fou au flingue
7/10 … ou les tribulations de Dan Fortune, détective manchot, dans une ville de New York gangrénée par le crime et bien décidé à résoudre le meurtre d’une belle et jeune vietnamienne en pleine rue. Il se frottera à de nombreux milieux interlopes, notamment en lien avec le trafic de drogue et la prostitution, notamment de gamines. Par ailleurs, ses pas le mèneront à affronter un être tout de rage et de rancœur, prêt à délivrer une vengeance meurtrière dans une affaire dont les racines naissent au Vietnam et ont commencé à développer leurs sombres souches lors de la guerre. Michael Collins a structuré un récit noir, nébuleux et dense, avec de multiples rebondissements à la clef, à peu près aussi abondants que les cadavres que l’on va trouver tout le long de ce Minnesota Strip qui est le titre original de cet ouvrage. Un ton sombre, avec très peu d’humour, pour une enquête prenante et terriblement efficace, n’abandonnant aucun temps mort. Un petit bémol concernant le héros, Dan Fortune, pour lequel je n’ai pas éprouvé d’empathie particulière ni d’attrait spécifique, mais peut-être est-ce parce que j’ai entamé la série sans prendre les opus par ordre, d’où ce sentiment de n’être probablement pas monté dans le wagon idoine pour comprendre ce personnage ou en apprécier la saveur. D’autre part, avec des mots simples, l’auteur a réussi à mettre en exergue la transformation d’un individu lambda, que rien ne prédestinait à cela, qui va devenir une Némésis forcenée, au point de devenir ce que d’aucuns appelleraient un terroriste, avec cet épilogue où apparaît clairement un ultime fait d’armes, comme la preuve définitive de sa métamorphose idéologique et armée.
06/05/2018 à 18:16 3