Surcouf

366 votes

  • De Cauchemar et de feu

    Nicolas Lebel

    9/10 La légende irlandaise du Far Darrig est le fil rouge (!) de cet excellent roman policier. Cet "homme rouge" de la légende celte est un porteur de feu, le frère d'un Prométhée moderne au service de l'unité irlandaise. L'auteur nous plonge dans les années 70 en Irlande du nord, en pleine guerre entre IRA, Unionistes et armée britannique. Cette guerre coloniale en Europe en plein XXe siècle est très bien décrite, sans concession pour aucun camp. La violence va forger le destin de quelques républicains de Derry, depuis leur enfance jusqu'à nos jours ou certains se retrouvent à Paris pour solder de vieux comptes. L'enquête sur les activités criminelles de ces vétérans est confiée à la brigade du capitaine Mehrlicht. L'autre réussite de l'auteur est de nous faire partager la vie de ces flics hauts en couleurs, attachants, originaux, qui ont le sens du devoir mais aussi beaucoup d'humanité et d'humour. On découvre le conflit nord-irlandais sous un jour complet, l'aspect religieux, économique, le processus de radicalisation, les reconversion impossibles ... Ajoutons à cela la verve de l'auteur, des formules qui font mouche, des considérations sur les vies personnelles de chacun qui rapprochent le lecteur des personnages, une analyse extrêmement fine des enjeux et des connaissances historiques sans faille, le résultat est un livre sans temps mort, sans longueur, sans éparpillements inutiles, manié avec un style séduisant. On referme le livre à regret, convaincu que "le diable n'est pas mort et enterré à Killarney, mais bien ressuscité et enrôlé dans l'armée britannique", et à l'instar de l'auteur, on espère la réunification pacifique de la verte Erin.

    05/07/2021 à 10:10 5

  • Le Livre des choses cachées

    Francesco Dimitri

    9/10 Roman noir très original servi par une étude des caractères ciselée. Les personnages sont étudiés à la loupe, tout comme le lieu de l'action, les Pouilles en Italie du sud. De nombreux paramètres contribuent à rendre l'histoire captivante, les descriptions géographiques, culinaires, culturelles et historiques. Mais c'est avant tout la psychologie des personnages qui est le moteur principal. Quatre copains réunis rituellement chaque année, dont les personnalités s'affinent et se révèlent peu à peu, ainsi que ceux qui les entourent, père, sœur, femme, enfants, copine ... tous ont leur importance dans le déroulement des drames qui se profilent dans ce village tenu par une branche de la mafia. L'un d'entre eux a une place un peu particulière et va entrainer le groupe dans cette curieuse aventure. Une pointe d'occultisme parachève cette œuvre séduisante, troublante et prenante dans laquelle chacun revisite sa jeunesse, ses illusions, ses déboires, ses espoirs, ses réussites ou ses échecs. En maintenant le doute et le suspens jusqu'au dernier mot, l'auteur laisse entrevoir à ses lecteurs ce "côté des choses cachées" au terme d'un récit totalement envoutant et bluffant.

    24/06/2021 à 09:42 2

  • Péchés capitaux

    Jim Harrison

    8/10 Jim Harrison nous entraine au fin fond d’une Amérique profonde, celle de ces comtés ruraux ou une seule famille suffit parfois à pourrir la vie de tous les habitants. C’est une situation souvent abordée, dans la bd avec Lucky Luke (les rivaux de Painful Gulch), la littérature noire (Le festin de l’araignée – M. Tabachnik) ou le cinéma (La colline a des yeux). Le plus souvent, l’action se passe dans les contrées désertiques du sud-ouest. Harrison situe son roman dans le Michigan et la région des grands lacs. Le personnage principal Sunderson, est voisin de la famille Ames, dans laquelle la consanguinité règne, ou tous les hommes sont alcooliques au dernier degré, les femmes battues et violées et les enfants livrés à eux-mêmes. Tout ce beau monde est violent, armé avec la gâchette facile. Policier à la retraite, Sunderson va enquêter sur les meurtres qui déciment la famille, parfois au revolver, souvent au poison et devra comprendre le rôle de chacun.
    La lecture est très agréable, Harrison nous fait partager ses propres passions, la pêche à la truite (mouchetée, arc-en-ciel, brune), le vin et whisky et les jolies filles. Il est d’ailleurs lui-même un alcoolique, lucide certes, mais bien dépendant, un type capable de vider un Gigondas au petit dej’, deux Bandol au repas et remettre ça au diner. Quant aux relations du héros avec le beau sexe, certaines sont coupables, puisque, même si ses conquêtes sont consentantes, certaines sont mineures et l’une est sa fille adoptive. Bref, un personnage principal qui est un paradoxe à lui tout seul. Ce qui ne l’empêche pas d’être un enquêteur très doué et fin psychologue pour démêler le vrai du faux dans ces relations humaines tourmentées.
    C’est un roman noir doté d’une trame policière originale et solide, plein d’humour, avec une certaine humanité, un regard très critique sur l’Amérique. C’est aussi le portrait d’un jouisseur picaresque attachant, pris dans des tourmentes existentielles autour de son ex-femme, sa nouvelle petite amie, sa voisine yogiste et sa fille adoptive, le tout à la lueur des souvenirs du prêche d’un pasteur sur les péchés capitaux.

    17/06/2021 à 12:45 2

  • Tuer Jupiter

    François Médéline

    4/10 Mise à part la construction originale de remontée du temps, de l'évènement jusqu'à sa genèse, je n'ai pas accroché au roman. Les personnages sont caricaturés à l’extrême, la trame ne tient qu'à un fil et l'auteur se complaît plus dans des détails inutiles à l'histoire mais qu'il prend manifestement plaisir à distiller avec une causticité qui devient vite rébarbative. Plus la lecture avance, plus on s’ennuie.

    14/05/2021 à 10:38 3

  • La rivière de sang

    Jim Tenuto

    8/10 Excellent roman policier qui dispense une bonne ambiance de bout en bout. Dans un paysage préservé du Montana, ou au milieu coule une rivière, Jim Tenuto nous ballade entre sortie de pêche à la mouche, la plus élégante des méthodes, et élevage de bisons sur un immense ranch qui fait bien des envieux. Entre mormons très religieux, milice néonazie très allumée, militants animalistes très radicaux et quelques opérations boursières très lucratives, les raisons de tuer un homme sont nombreuses. L'enquête est menée par un guide de pêche, personnage principal, au caractère plein d'empathie. Les autres personnages sont également bien campés et l'humour dont l'auteur fait preuve arrondi les angles des plus redoutables. L'aspect policier, dévolu à un shériff local et au FBI, est traité avec un suspens bien dosé. L’écriture prenante et l'intrigue très bien traitée font un ensemble très accrocheur et très réussi.

    07/05/2021 à 09:53 5

  • Ils nourrissaient le soleil

    Sylvia Schneider

    6/10 La 4e de couverture est trompeuse. La partie "polar" se résume à la deuxième moitié du livre. L'histoire annonce l’interview du Cdt Marcos par le journaliste francomexicain et des révélations retentissantes. Celles-ci n'arrivent jamais. Un chapitre commence sur un personnage en France, mais n'a pas ensuite de développement. Il y a des longueurs infinies sur la relation épistolaire érotico-romantique entre une étudiante et son professeur d’archéologie qui n'apporte strictement rien à l'histoire. Idem sur de longues considérations sur le néo-zapatisme, intéressantes mais hors-sujet. Par contre, les amateurs d'histoire du Mexique, de la civilisation aztèque, de leur mythologie, de leur religion seront comblés. Tout ceci est présenté avec beaucoup d'érudition. La partie consacrée au sujet, l'assassin du métro de Mexico relève plus d'une chronique criminelle que d'un polar. Il y a tout de même de grosses failles scénaristiques, par exemple, on a environ 50 crimes commis dans les stations de métro et pas l'ombre d'un témoin ! Encore plus fort, l'incinération d'un corps à Teotihuacan, au sommet d'une pyramide se fait au nez et à la barbe de toute le monde ! La formation littéraire de l'auteur donne une écriture claire et un style agréable. Conclusion : les passionnés du Mexique (comme moi) y trouveront leur compte, en relevant toutefois quelques erreurs. Les amateurs de roman autobiographique pourront aussi aimer le livre. Les inconditionnels de polars bien construits au scénario en béton peuvent passer leur chemin.

    12/04/2021 à 11:14

  • La Pierre du remords

    Arnaldur Indridason

    6/10 Roman policier à multiples tiroirs. Tellement qu'on a tendance à s'y perdre un peu d'ailleurs. Autre écueil, le nombre important de personnages avec, comme dans tout roman islandais, des noms difficiles à retenir, surtout comme dans ce volume de Konrad, la différence féminin/masculin est parfois délicate. Si on ajoute les allers/retours sur deux époques, cela donne un livre qui demande une concentration certaine. Tout cela affecte un peu le plaisir, même si l'histoire est aussi riche que celles de la série Erlendur Sveinson. On s'aperçoit toutefois que finalement, l’Islande, malgré toutes ses singularités et sa faible population, est un pays comme les autres quant à la nature humaine. Un dernier rebondissement permet de refermer le livre sur une note positive.

    07/04/2021 à 15:58 2

  • Paz

    Caryl Férey

    8/10 Comme Don Winslow l'a très bien fait avec Le Mexique dans "La griffe du chien", Caryl Férey nous livre une situation de la Colombie sous l'emprise des narcotrafiquants, de la corruption, des guérillas et donc surtout de la violence. Malgré un plan de paix en préparation, les choses changent peu et le quotidien des gens de la rue reste très dangereux. Prix entre les intérêts divergents des cartels, des anciens guérilleros, de la police, des politiciens, être journaliste, flic intègre ou juste aspirer à une vie tranquille est difficile. Surtout quand la famille sur laquelle repose l'histoire mêle tous ces portraits. En s'appuyant sur quelques personnages représentatifs, l'auteur dresse un portrait bien noir, et malheureusement fidèle des exactions commises par les uns et les autres en Colombie. En s'immergeant dans les vies de ses protagonistes, on comprend à quel point la solution est inextricable. le choix des personnages est judicieux et le déroulé de l'histoire clair et prenant. Dommage que, comme pour La griffe du chien, on soit parfois autant dans le documentaire que dans le roman noir. Par rapport à ces autres romans, Caryl Férey semble un peu plus détaché de ses héros.

    22/03/2021 à 10:05 4

  • Silence

    Didier Comès

    10/10 Tragique histoire au fin fonds des Ardennes. Dans un village ou les superstitions sont tenaces, Abel Mauvy, un gros propriétaire terrien utilise comme son esclave un jeune sourd-muet, Silence. Personnage cruel, il use et abuse de l'immense naïveté et gentillesse de Silence. Mais, grâce à Sara, la sorcière, Silence découvre peu à peu sa véritable histoire. Avec l'aide de l’inquiétant nain Blanche-neige, la vengeance de Silence va se tisser, plus ou moins malgré lui. L'histoire est très prenante et sublimée par le trait de Didier Comés sur des dessins en noir et blanc (l'éditeur a publié une version en couleurs en 2001). Le livre parle des petits conflits ruraux, terriens, les rivalités entre fermiers, le poids des secrets enfouis, le rôle encore vivace des sorciers et jeteurs de sorts dans les campagnes mais aussi la méfiance envers les gens différents, les origines, le handicap. Il y a aussi des réminiscences de la deuxième guerre mondiale, et une partie consacrée au traitement des "fous" qui rappelle le film "Vol au dessus d'un nid de coucous". Publié en 1979, Silence a obtenu l'Alfred du meilleur album au Festival d'Angoulême 1981 et le Grand prix Saint-Michel en 1980, récompenses justifiées pour ce roman graphique exceptionnel, tant pour le scénario que pour le dessin.

    09/03/2021 à 10:27 2

  • La Bête

    Christophe Chabouté

    8/10 Très bon dessin en noir et blanc au service d'un scénario un peu classique mais mené de main de maître par Chabouté. Roman graphique noir et rural qui est sans concession face à la bêtise des hommes. Il y a peu de dialogues, pourtant les caractères des protagonistes sont bien évoqués. Bel ouvrage !

    08/03/2021 à 10:44 3

  • Un Silence brutal

    Ron Rash

    7/10 Avec ce silence brutal, Ron Rash change un peu de style par rapport à ses précédents romans. Il y a mis plus de poésie, parfois hors sujet d'ailleurs, plus de sensibilité et une histoire moins tragique que les précédentes. C'est un portrait d'une Amérique rurale ou se côtoient ceux qui en sont partis puis revenus, parfois par obligation et qui y retrouvent donc de mauvais souvenirs, ceux qui y restent car très attachés à leur terre mais qui la voit changer, ceux qui s'y installent pour faire des affaires et qui heurtent les locaux, l'établissement de parcs naturels qui limite certaines habitudes dans ces contrées rurales ou le rapport à la nature est perçu différemment. L’auteur se sert de la pêche à la truite pour illustrer ces antagonismes, quand les espèces sauvages et indigènes sont protégées et les nouvelles variétés relâchées le sont dans des zones payantes.C'est aussi des histoires personnelles marquées au fer rouge par ces soubresauts violents que connaît l'Amérique d'aujourd'hui, comme les fusillades dans les écoles ou les ravages de la méthamphétamine jusque dans ces campagnes, entraînant parfois la dislocation des familles. Le roman est plaisant mais un peu déséquilibré, il y a quelques longueurs et le dénouement est concentré sur les toutes dernières pages. Mais, manifestement , l'auteur a choisi délibérément de mettre en avant ce monde qui change et bascule vers cet avenir qu'il voit d'un œil circonspect pour ne pas dire désabusé.

    24/02/2021 à 11:25 4

  • Retour à Whitechapel

    Michel Moatti

    8/10 Rarement un livre sur Jack l’Éventreur aura donné autant de détails sur les conditions sociales, d’hygiène et de vie en général, dans le Londres de cette époque, notamment de ses bas-fonds sordides et miséreux. Si l’auteur insiste sur ces aspects, c’est qu’ils sont déterminants pour lui dans son hypothèse sur les motivations et l’identité de Jack. Il se base pour cela essentiellement sur le dernier crime canonique, celui de Mary Jane Kelly. Avec un travail rigoureux sur les sources documentaires, ses échanges avec quelques ripperologues reconnus, Michel Moatti avance un thèse digne d’intérêt et très différentes des autres. Son livre est passionnant, le style est inédit, fondé sur les carnets de la propre fille de May Jane Kelly qui mène l’enquête pour identifier le meurtrier de sa mère. Le style alternant les chapitres sur l’histoire telle qu’elle se déroule en 1888 et les notes de l’héroïne en 1941 induisent un suspens qui va crescendo. L’auteur a accompli un travail de fourmi autours de tous les indices dont il disposait sur les cinq victimes et à il fait appel à quelques techniques médicales pour faire resurgir le passé. Au-delà de l’aspect romanesque de l’œuvre, l’auteur approfondi sa démarche dans sa postface, expliquant notamment qu’il ne s’est pas limité aux cinq meurtres les plus connus, mais aussi à ceux qui ont suivi. C’est certainement la que sa démarche est la plus convaincante. C’est un des livres les plus sérieux sur Jack l’Éventreur.

    19/02/2021 à 09:45 10

  • Démons

    Marc Laine

    7/10 C'est un polar tout droit sorti de " l'école Thilliez ou Grangé ". C'est efficace, il y a du suspens, des personnages bien trempés aux caractères divers mais complémentaires, la trame est suffisamment compliquée pour entretenir la surprise mais pas trop non plus pour ne pas perdre les lecteurs. Par contre, le dénouement est condensé sur un trop petit nombre de pages, et quelques éléments ne sont exploités qu'à la fin alors qu'ils auraient du crever les yeux de n'importe quel enquêteur même débutant. Mis à part ce bémol, l'écriture est claire, le style agréable et l'ensemble donne un livre d'un bon niveau dans sa catégorie : criminels déjantés, assouvissement de vengeances et haine inextinguible, impact de traumatismes subis. Autant de traces que même la violence n'efface pas.

    29/01/2021 à 09:51 3

  • Trois jours et une vie

    Pierre Lemaitre

    8/10 Un geste brutal et maladroit, une vie s'en va et une autre bascule. Comment vivre dès lors avec ce fardeau au quotidien tout au long d'une existence ? C'est ce que décrit Pierre Lemaitre dans ce roman habile à l'ambiance lourde. Les profils psychologiques bien rendus, l'intégration de circonstances climatiques, cette épée de Damoclès toujours suspendu au dessus du "héros" et les surprises en fin de roman rendent le livre captivant.

    11/01/2021 à 11:38 8

  • En pays conquis

    Thomas Bronnec

    7/10 Un aperçu de ce qui pourrait un jour se passer en France, suite à une conjonction de facteurs divers. L'analyse du monde politique et de ses acteurs est fine et percutante. C'est la description précise d'un monde de réseaux parfois anciens ou s'entremêlent les vraies et fausses amitiés, les alliances de circonstance, les trahisons, les hypocrisies, les ambitions, les compétences et incompétences, la soif du pouvoir et le sens de l’État, les intérêts financiers privés et publics, la souveraineté nationale et la prévalence européenne, le second rôle du parlement et gouvernement français face à la toute puissance des décideurs de Bruxelles, les préférences sexuelles des uns et des autres... et aussi quand même les convictions politiques qui fluctuent au gré des vents. Celui qui possède beaucoup d'informations sur beaucoup de gens peut faire et défaire les pouvoirs, sans l'exercer lui même. C'est un roman qui met en lumière un homme de l'ombre largement inspiré d'un personnage réel facile à trouver.

    11/01/2021 à 11:19 4

  • Retour à Duncan's Creek

    Nicolas Zeimet

    8/10 Roman noir qui s'articule autour de 3 personnages et deux époques, leur adolescence et l'age adulte. La transition est brutale pour Sam, Jake et Ben. A tel point qu'elle marque leur avenir et devenir. Aucun ne sort vraiment indemne du drame qui les touche. L'auteur décrit avec beaucoup de sensibilité la quête de vérité mené par Jake, qui les libérera enfin du lourd secret qui les unit. Pour l'un d'entre eux qui manque à l'appel, il le doit à sa mémoire. Un livre bien écrit qui aborde cette période souvent décrite en littérature, quand un évènement ne s’efface jamais tout au long d'une vie. Un traumatisme tragique mais malheureusement assez banal dont on ne se relève pas, ou mal. On pense à la nouvelle de Stephen King, Stand by me (Le corps - Différentes saisons). Entre humour et noirceur, Nicolas Zeimet nous promène sur des chemins chaotiques et sombres avec des mots qui font mouche. S'il est libératoire, le retour vers le passé n'est pas une promenade tranquille.

    30/12/2020 à 10:16 5

  • Chaos

    Robert de Rosa

    7/10 Policier plaisant à lire. Après que des adolescents aient réveillé le bacille de la peste en fouillant un très vieux grenier d'une très vieille maison d'un village reculé d'Auvergne, une épidémie de peste s'abat sur Clermont-Ferrand et la région. Écrit quelque mois avant l'arrivée du COVID-19, on appréciera le point de vue de l'auteur qui anticipe bien les alertes sanitaires via les hôpitaux, l'ARS et toute la chaîne concernée. On devine beaucoup de tendresse de sa part pour ses personnages, qu'il dote de caractères sympathiques, érudits et philosophes. leurs noms annoncent d'ailleurs la couleur. Sans se départir de son enquête policière, l'auteur s'amuse à laisser plusieurs clins d’œils humoristiques. Son attrait pour l'occultisme est présent tout au long du livre, des templiers aux Hospitaliers, de l'Ordre de Malte aux Francs-maçons, mais tout en restant rationnel. Il égare un temps le lecteur sur une fausse piste d'ultradroite en prenant un évident plaisir à dresser des portraits peu flatteurs des acteurs de cette mouvance dotés de noms de triste mémoire. L'intrigue se révèle finalement très contemporaine et inattendue, au cœur de cette paisible Auvergne que l'auteur nous fait un peu visiter, dolmen de Cournols, village d'Olloix, gorges de la Monne et quelques lieux emblématiques de Clermont-Ferrand. Le style est alerte et sans longueur. Si l'histoire se passe en 1999, l'auteur a choisi de doter ses flics de méthodes classiques. Observations, écoute, interrogatoires en finesse ... On est plus dans le monde de Simenon ou de Vargas que dans la police scientifique et technique. Classique donc, mais convainquant.

    22/12/2020 à 15:33 4

  • De Profundis

    Emmanuelle Pirotte

    8/10 Un roman étonnant mêlant deux époques, une qui nous est très proche et pas vraiment attirante, et une plus ancienne, tout aussi obscure et inquiétante. Les deux se rejoignent à travers un personnage singulier sorti du passé. Les deux héroïnes, mère et fille, ont fui une grande ville livrée au chaos, à la maladie, à la violence pour se réfugier dans la maison familiale, au fond d'une campagne un peu plus épargnée par le délitement du monde. Elles y sentent cette présence mystérieuse, aspect fantastique du roman, qui va les aider à survivre et à se défendre. On devine peu à peu l'identité de ce personnage qui est comme un écho du passé qui résonne à la faveur de situations géographiques et sociales similaires. On est pas très loin de l'univers de Pierre Bordage ou de François Bourgeon (Les compagnons du crépuscule T. 2). Le style est vif, moderne, les personnages bien campés, et les descriptions très évocatrices. Une belle surprise.

    16/12/2020 à 15:54 6

  • La Table du roi Salomon

    Luis Montero Manglano

    8/10 Entre Indianna Jones et Dean Corso (La 9e porte), Tirso a été recruté par le Corps Royal des quêteurs pour récupérer les objets d'art volés à l'Espagne. Il est avant tout un intellectuel, mais il va devoir trouver en lui d'autres ressources, physiques notamment, pour ce travail qui relève autant de l'exploration de bibliothèques que d'aventures mouvementées sur le terrain. Il y a de nombreux rebondissements, des passages détaillés sur l'histoire de l'art et les mystères entourant certains objets. Les personnages, hauts en couleurs sont crédibles et sympathiques. L'héritage familial du héros qui façonne sa personnalité comporte des éléments qui enrichissent l'intrigue . On reste assez loin d'un pur thriller ésotérique style Da Vinci Code car l'histoire reste crédible et proche des connaissances réelles dans les domaines abordés. On s'étonnera un peu de l'étonnante facilité avec laquelle Tirso, sage étudiant en doctorat, se transforme en véritable espion, rompu presque du jour au lendemain à toutes les missions périlleuses, au maniement d'armes et même à la lutte contre un serial-killer expérimenté. Ceci n'enlève rien à ce thriller vif et enlevé, sans temps mort, qui tient parfaitement la route dans sa catégorie.

    03/12/2020 à 10:28 3

  • La Liste Alpha

    Philippe Smans

    4/10 Le résumé de la 4e de couverture laissait envisager un bon thriller. Les premiers chapitres aussi. La mise en place des personnages, des éléments de l'histoire et le lancement de l'action aux quatre coins du monde constituent un début efficace. Et puis tout se détraque. L'intrigue dévoilée bien trop tôt amène l'auteur à un tout autre exercice que celui annoncé. De plus, si la modestie et la clarté des passages hyper techniques, qui sont souvent pesants dans ce genre littéraire, est appréciable au début, on glisse ensuite lentement mais surement vers une simplification qui altère trop le développement. Même si quelques passages ça et la sauvent le livre, le manque de profondeur et les facilités scénaristiques plombent petit à petit cet écothriller qui méritait bien mieux. Car ce qui inspire l'auteur, à savoir l'extinction de l'humanité due à ses propres excès et les solutions radicales envisageables bâties sur des arguments d'apparence rationnels et scientifiques, avec l'exploitation malintentionnée du big-data par exemple, est quelque chose qui pourrait arriver.

    23/11/2020 à 10:23 3