clemence

339 votes

  • Buveurs de vent

    Franck Bouysse

    9/10 Ce roman m'a transportée dans un univers des sens, où la rivière constitue la ponctuation de chaque vie et le passage obligé, quasi christique ou baptismal de tout être vivant aux alentours du Gour Noir.

    Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on parle de vie qui coule dans cet endroit, et les cordes jetées du pont comme autant de points de "suspensions" contribuent à immobiliser le temps. L'alpha et l'oméga de l'histoire passent par la fluidité de l'élement source.

    Les jeux de lumière sont fascinants qu'il s'agisse des descriptions de l'aube, des reflets dans l'onde, des ciels qu'on imagine ou de la clarté des chemins pour se rendre d'un lieu à un autre. Avec la statue de ce Général qui observe les allers et venues dans le village, même si l'essentiel se tient ailleurs.

    La valse douce de cette lumière m'a fait penser à la chaleur estivale de Glaise du même auteur, également à une jolie phrase image de Plateau, (je crois), qui m'avait marquée, quelque chose comme "une éclaircie sur une rivière qui divisait la vallée telle une fermeture éclair"

    "C'est un mystère nouveau, qu'une ombre ne soit pas la réplique exacte de ce qui la fabrique, qu'elle change tout le temps, qu'elle rende vivant ce qui ne l'est pas et un peu moins ce qui l'est déjà". Tout est là.

    Alors évidement, j'ai aimé ce personnage rebelle et mystérieux de Mabel / Jean , qui sait se détacher des siens alors même qu'elle est toute emprise d'eux, la folie de Martha (sa tristesse, surtout ...) m'a interpellée dans , finalement, la similitude avec tant de personnes rurales qui existent "pour de vrai", les frères Marc et Mathieu, épris des vérités cachées dans les langages de la nature et de la littérature , Luc l'enfant différent possède la saveur des rêves, Elie l'aïeul tutélaire ... Les personnages de Franck Bouysse ne laissent jamais indifférents, qu'ils soient reptiles ou terriens, Lynch, Renoir, Salles , Snake et Double, Gobbo qui saura révéler ses failles et sa superbe insulaire, Martin , etc. Même Joyce l'infâme, incarnation du Mal qu'on imagine sans peine en personnage de Barbe Bleue dans un autre conte, concentré de tyrannie et d’égoïsme, avec les suppôts à sang froid dont il s'entoure, donne à l'ensemble une obscurité apocalyptique. Paradoxalement, c'est de lui que l'apogée cathartique de la vallée jaillira, vaste purification par la voix des eaux (encore elles....).

    Il fallait bien ce quatuor sublime pour mettre un peu de distance avec Rose du majestueux "Né d'aucune femme".

    Buveurs de vent ne relate ni une ode à la féminité ni une incitation à la rebellion , les personnages féminins sont simplement ceux de la vraie vie, Julie Blanche, la femme de Joyce, Martha, Mabel, le souvenir flamboyant de Gobbo. Ces figures m'ont émue dans leur simplicité à vivre , à incarner, donner chair à qui elles sont.

    Ce roman qui place la nature au premier rang (le moment où un des personnages se repait d'un poisson venu se coller à lui est d'une étonnante sensualité) est une fois de plus une réussite et un plaisir qui se propage à diffusion lente.

    21/08/2020 à 13:48 8

  • Glaise

    Franck Bouysse

    9/10 J'ai cru un instant, craint, même, passer à côté de ce roman. Un mélange de paille et d'argile, une ambiance noire tendance minérale et un sujet des plus terribles, le départ des êtres chers au front. Et de pierre en caillou, de détours en méandres, je me suis laissée aspirer dans cette histoire magnifique et résolument moderne, celle du quotidien, de l'amour, de la peur. Quand s'envole la romance et qu'on se prête à rosir son cœur, alors arrive le couperet sous les traits de Valette, cet homme vil et veul, qui à lui seul manichéise le bouquin. On grimpe sans s'en rendre compte vers un final époustouflant et magistral. Le tout servi par une écriture affinée, du Zola peut-être, du Bouysse assurément. Somptueux.

    03/12/2017 à 09:44 14

  • Grossir le ciel

    Franck Bouysse

    9/10 La neige étouffe les chocs des émotions dans une nature sauvage où la rencontre, toujours âpre et souvent maladroite prend le contre-pied de la solitude bourrue de ces hommes empêtrés dans leurs secrets presque plus grands qu'eux. Un superbe roman où la violente beauté de certaines scènes confine à la poésie que seuls les écrivains maniant la simplicité brute des grands espaces avec talent savent faire rayonner.

    22/11/2014 à 00:36 13

  • L'Homme peuplé

    Franck Bouysse

    9/10 Le diable se trouve dans les détails et l'amour de la nature comme on ne la lit que rarement, au détour des romans de Franck Bouysse.
    Un roman tout en saveurs délicates, en courbes enneigées, en reliefs émoussés et en pas de souris sur un plancher. On pénètre dans l'univers de ce petit village sur la pointe des pieds. L'Homme peuplé évoque un pan de vie des habitants des endroits reculés.
    J'ai aimé les passages où, sans jamais quitter la pudeur propre aux gens que Franck Bouysse décrit à merveille, on se retrouve à vibrer d'exaltation pour une renarde sauvée d'un collet, une odeur de poussière, un champ de fleurs sauvages ou la liesse d'un personnage en communion avec son existence.
    Il y a entre les lignes de ce roman le plus puissant hommage à la vie, contre tout , et avec tout. Magnifique .

    24/10/2022 à 21:26 6

  • Né d'aucune femme

    Franck Bouysse

    10/10 J'ai eu la joie de lire ce roman de Franck Bouysse comme on découvre une fleur de printemps, aux parfums multiples et aux couleurs vives. A la fois surprise de découvrir cette nouvelle production mais tout de même dans l'attente de cette saison, la quatrième qui clôt un cycle. L'attente impatiente (fébrile !) a été récompensée. Né d'aucune femme est un joyau.
    J'ai profondément aimé ce conte, cette histoire dure aux contours acérés. Il s'en dégage une douceur palpable et une harmonie cachée, une histoire atemporelle et pourtant tellement contemporaine. Le récit se base sur la lecture des carnets de Rose qu'un prêtre récupère à la mort d'une pensionnaire d'un asile. Seul récipiendaire de ces cahiers, Gabriel reporte les écrits de Rose dans la majeure partie du livre. On dirait que c'est du Pagnol, dit comme ça, et finalement pourquoi pas, tant l'amour qui se cache dans ses différentes formes, sous ses multiples couches est la pièce maîtresse que Rose passera sa vie à effleurer, à caresser.
    Toutefois, la tension propre à l'intensité brutale de l'histoire classe ce roman parmi les très grands, de ceux qui allient puissance et émotions.
    Le titre et la magnifique couverture prennent corps dans les derniers chapitres. Comme pour les précédents romans de l'auteur, je suis abasourdie par la beauté de l'écriture conjuguée à l'histoire, détaillée, fouillée, précise, fabuleuse.
    Immense roman !

    06/01/2019 à 20:55 8

  • Orphelines

    Franck Bouysse

    8/10 Un petit polar sous forme de traque à l’ancienne, avec les ingrédients du succès : fêlures du duo des enquêteurs, suspense qui monte, fausses pistes et vrai dénouement. L’auteur a changé de registre depuis, pour aller vers une autre branche du noir, toutefois cette noire porcelaine a de beaux reflets de réussite.

    15/07/2018 à 13:55 5

  • Plateau

    Franck Bouysse

    10/10 Plateau est un territoire à partager, les sens aux aguets.
    Ce roman excelle dans la puissance du silence, les contre-jours, le balancier des tempéraments, le souffle de la vie qui vibre, un peu, beaucoup, passionnément.
    L'écriture de Franck Bouysse est sculptée, poétique, précise. Un délice, la vie qui court.

    12/04/2016 à 20:17 10

  • Vagabond

    Franck Bouysse

    7/10 Frontières floues pour cet homme-vague-à-l’âme. On ne sait pas bien quelle obscure lueur pourrait le ramener au rivage. D’espoir, point. L’histoire de ce vagabond est triste et pesante, on devine la poésie entre les mots âpres, l’ecriture est belle.
    Toutefois on ne va pas se mentir, on sort de cet uppercut avec l’envie de se pendre plutôt que celle d’aller regarder les fraises fleurir au soleil du printemps. Glaçant.

    19/04/2018 à 22:20 5

  • Orages ordinaires

    William Boyd

    7/10 Un roman qui se veut percutant mais qui manque parfois de patate. L'histoire d'Adam, qu'on découvre au cours du roman, constitue le fil rouge du suspense, et c'est parfois un peu faiblard. Mais ça se lit assez vite et bien!

    14/04/2012 à 17:12 1

  • Les Ombres de Chicago

    Linnet Burden

    7/10 L'ambiance du livre est prenante juste ce qu'il faut. L'intrigue est agréable à lire, les personnages, en particulier celui de Cassy, sont attachants. J'ai passé un très bon moment à me promener dans Chicago...

    24/05/2010 à 21:38 2

  • Au soleil redouté

    Michel Bussi

    5/10 J'avais tellement aimé l'histoire de Nathalie l'hôtesse de l'air... Et là pof énorme chou blanc pour ce dernier opus qui est franchement loin d'être foufou dans sa thématique (le livre dans le livre).
    Néanmoins je salue la prouesse de l'auteur sur la finesse de l'entourloupe (complètement inaccessible pour le lecteur) et contrairement à d'autres romans (en général) où j'ai été diablement déçue par la fin, ici les dernières pages ont redoré un peu les précédentes. On comprend mieux les longueurs et j'admets avoir été surprise. Mais contente aussi que ça se termine, ce qui n'a jamais été le cas précédemment avec un Bussi. Sentiment mitigé donc.

    02/03/2020 à 20:25 4

  • J'ai dû rêver trop fort

    Michel Bussi

    9/10 Une histoire d'amour écrite par Bussi, c'est l'improbable aux portes de la réalité, 20 ans qui séparent deux êtres liés par un engagement qui implique ne plus jamais se revoir, alors qu'ils sont éperdus et passionnés.
    Michel Bussi se glisse a nouveau dans la peau d'une femme pour raconter cette aventure, et l'immersion est délicatement réussie, parfaitement maîtrisée.
    Le côté polar est mis de côté (ou presque, mais je m'en serais passé) pour l'occasion, et c'est délicieux.
    L'auteur conte la migration de Natty L'Hirondelle avec justesse, mélodie et pudeur, l'histoire est fabuleuse au sens où la magie qui s'en dégage n'a d'égale que la pureté de l'idylle. La fin est parfaite.

    19/06/2019 à 23:11 4

  • Le temps est assassin

    Michel Bussi

    8/10 Une belle balade en Corse lue, comme Anwynn, sur la période où Clo revient affronter les secrets familiaux, notamment le grand tournant du 23 août. Quelques facilités comme d'habitude chez Bussi, mais rien de très choquant. Un roman estival entre conte de fées où l'on parle aux dauphins, avec son lot de monstres (un géant, un cyclope, ...), un soupçon de tragédie, des secrets mal gardés, des histoires de grands, le tout sous la voie lactée, les pieds dans les feuilles du chêne ancestral qui bruissent sous les chaos de la tribu. Joli.

    29/08/2016 à 06:19 4

  • Maman a tort

    Michel Bussi

    7/10 Un Bussi dans les règles de l'art, des rebondissements, des fables, une réalité un peu arrangée, des paysages toujours édifiants et la faculté de transporter les lecteurs vers un final maîtrisé (qui ne m'a vraiment surprise du reste). J'ai aimée être choyée dans les toutes dernières pages. Les personnages sont superbes, c'est une des forces majeures de l'auteur.

    24/03/2016 à 21:30 4

  • Ne lâche pas ma main

    Michel Bussi

    8/10 Il ne manque rien au décor de la Réunion. Paysages, accents, expressions, dénivelée, odeur du soufre et de la rocaille mêlées à celles de l'iode. Michel Bussi réussit encore ce tour de force de piéger le lecteur (pas jusqu'au bout, on devine bien un peu avant, quand même ...) et surtout, de faire des paysages bien plus qu'un contexte, mais un personnage qui oriente les protagonistes et l'intrigue. C'est rythmé, enlevé, ensoleillé. Un tout petit bémol pour le couple principal, avec lequel, personnellement, l'alchimie n'a pas prise.

    27/03/2013 à 14:05 5

  • Nymphéas noirs

    Michel Bussi

    10/10 On rentre dans ce roman comme on se pose devant un tableau de maître: scrutant les détails sans savoir d'où vient la magie ni comment elle opère. Ces 3 histoires composées tissent une trame dont peut-être, les véritables héros, toilés en fond, sont les lieux délicats et savamment brossés et les mystères de l'art de la peinture ; pour une dégustation qui trouve son apothéose dans un final brillant.

    27/03/2013 à 14:00 3

  • On la trouvait plutôt jolie

    Michel Bussi

    7/10 Un roman où chaque chapitre est minuté alors que l'auteur se délecte à prendre son temps pour patiemment tisser sa toile. Leyli, Bamby, Alpha, Tidy, Julo et consorts sont devenus , le temps de quelques soirs, mes compagnons caniculaires.
    L'intrigue du premier plan laisse tout de même place à une réflexion plus profonde, géographique voire géopolitique sur la question migratoire, les aberrations du système et la tentation des escroqueries grandeur magouille des têtes dirigeantes des associations à la cause soit disant généreuse.
    Bussi avance sur ce terrain en évitant lieux communs et pathos. C'est réussi.

    30/06/2019 à 13:36 3

  • Rien ne t'efface

    Michel Bussi

    7/10 Ouh la , il faut s'accrocher au début tant c'est perché ! Mais connaissant tous les romans ou presque de l'auteur, je suis habituée .. et donc Rien ne t'efface est devenu rien ne m'effraie ! Même pas peur de la tournure folle du bouquin et des twists endiablés qui s'enchaînent !
    Une bonne fournée pour cet opus.

    08/04/2021 à 16:11 2

  • Un avion sans elle

    Michel Bussi

    9/10 Je découvre l'auteur à travers ce roman : j'ai tout aimé, particulièrement la tenue en haleine réussie, même si le dénouement peut s'entrevoir quelques pages avant la fin. Les personnages sont croqués de façon très vivante, c'est haletant, c'est plein d'amour, c'est le quotidien à Dieppe, c'est 18 ans de la vie d'un homme qui s'appelle Crédule. Et rien que pour ça, il faut le lire. Et ... pour Charlélie Couture, aussi, bien sûr.

    25/01/2013 à 07:58 2

  • 13 à table ! 2016

    Ouvrage collectif

    6/10 Variations en fratrie majeure plus ou moins abouties, mais pour qui aime le format des nouvelles la distraction est au rendez-vous. Fait intéressant, j'ai découvert que je pouvais être sensible au style de Nadine Monfils. Mention spéciale pour l'histoire de Karine Giebel, tristement intemporelle.
    J'ai adoré retrouver l'écriture de chacun. Les yeux fermés, on retrouve Bussi, Chattam, Puertolas, Werber pianotant à l'aise dans leurs gammes habituelles.

    22/11/2015 à 09:24 5