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Nymphéas noirs
7/10 Un dol, en droit français des contrats, est une manœuvre d'un cocontractant dans le but de tromper son partenaire et provoquer chez lui une erreur.
On peut parler de dol ici, car je trouve que Bussi a bien trompé son lecteur en lui apportant de faux éléments pour qu’il ne perce pas le mystère de ces Nymphéas noirs, et qu’il se trouve complétement englué dans cette affaire de meurtre. Il y a bien des éléments qui m’avaient alerté, et mis à mal mon esprit de bon sens… Mais bon, j’avais mis mes questionnements au fond de ma poche…
L’intrigue s’étale en longueur, n’avance pas beaucoup. Certes les personnages sont, la plupart du temps, sympathiques et attachants, l’idylle entre la belle maitresse et le séduisant policier est tiré directement d’un conte de fée, le prince charmant sauvant la belle demoiselle du monstre. Le cadre est également intéressant, ainsi que la volonté de l’auteur à retranscrire Giverny et l’histoire de la peinture impressionniste.
Je retiendrai au final une lecture mi-figue mi-raisin d’un roman adulé. Toutefois le côté poétique et historique de Monet m’a vraiment séduit. Je redonnerai une chance à l’auteur, malgré tout.07/10/2025 à 11:06 1
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La fuite de monsieur Monde
8/10 Ce n’est que trois jours plus tard que Madame Monde est allée à la police signaler la disparition de Norbert, son mari. Il faut dire qu’elle n’avait plus d’autres choix : en partant son mari n’avait laissé d’argent ni pour l’entreprise familiale ni pour sa famille.
Car Monsieur Monde est bel et bien parti. Le jour de ses 48 ans, ce 13 janvier, exactement. Et après avoir vidé les caisses, il a pris le train. Il est arrivé à Marseille, le plus loin de Paris et de tout ce monde.
Il avait déjà eu envie de partir, de tout quitter, lui qui avait redressé les finances de l’entreprise. Mais ce jour d’anniversaire, que tout le monde a oublié de lui souhaiter, il a décidé de fuir cette solitude, de penser à lui, de trouver une existence hors de cette famille, de sa deuxième épouse et de ses enfants et puis de cette maison, cette demeure familiale qu’il a toujours habitée, depuis tout petit.
Arrivé à la citée phocéenne, il a trouvé à se loger au Gervy’s, en face du Vieux Port. Il y rencontre Julie qui ‘il sauve du suicide. Ensemble, ils vont essayer de vivre une vie normale, une vie de couple, simple, au milieu d’inconnus…
La fuite de Monsieur Monde est un roman noir psychologique qui met en avant un homme dont le besoin de liberté est vital. Un homme oppressé par sa vie familiale et professionnelle étouffante dont il ne tire aucun plaisir ni reconnaissance. Il trouvera dans son escapade une bouffée d’air, un moment de récréation bienvenue. Une belle page d’écriture de l’auteur belge qui avouera « Après avoir écrit La Fuite de Monsieur Monde [...] j'ai eu nettement l'impression, et je l'ai encore, que je pouvais écrire le mot "Fin', qu'une période de ma vie était terminée et qu'une autre commençait. Ce qu'elle sera, ce qu'elle donnera, je suis encore incapable de le dire. »
06/10/2025 à 16:38 3
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Concerto pour l'étrangleur
6/10 Sur le conseil de son médecin, Champion Prescott vient passer quelques jours de convalescence sur l’île de Joseph’s Vineyard, à quelques kilomètres de New-York et de Boston. Ayant été blessé en service, l’inspecteur de la police new-yorkaise pensait passer quelques jours dans la quiétude et les charmes de cette terre insulaire. Mais, à peine arrivé, il est confronté à la présence d’un pendu dans la maisonnée où il a pris pension.
Son instinct policier lui indique qu’il ne s’agit pas d’un suicide mais bien d’un meurtre par strangulation. Aidant les policiers locaux, Prescott va enquêter sur le mystérieux meurtrier et rechercher le mobile d’un tel acte. Et les meurtres s’enchaînent, tous aussi mystérieux qu’opaques. Pourtant tout semble désigner le siffleur de Yankee Doodle, Lon Bardsley, le simplet de la communauté…
Concerto pour l’étrangleur est une enquête assez classique. Mais on est loin des mystères, des retournements de situation ou des tensions psychologiques des classiques de William Irish. On ne s’ennuie pas pour autant, malgré quelques longeurs, mais on peut ressortir frustré de cette lecture quand on connaît le talent d’Irish. Un livre secondaire dans l’œuvre de l’auteur américain.
03/10/2025 à 10:32 2
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La Mariée était en noir
8/10 Dans La Mariée était en noir, on suit cette femme qui tue des hommes sans mobile apparent et en changeant à chaque fois d’apparence, de nom et de modus operandi. Le premier s’appelait Bliss, un jeune employé d’agent de change : elle l’a poussé du bord d’une terrasse de son appartement, le jour des fiançailles de Bliss. Le deuxième s’appelait Mitchell : elle a versé du poison dans son verre alors qu’ils trinquaient dans la chambre de son hôtel. Le troisième s’appelait Moran. Assassiné par asphyxie…
Tous les hommes morts ignoraient qui était le vrai nom de cette meurtrière. Ils ne connaissaient pas celle qui a causé leur mort et les morts ne se connaissaient pas entre eux… Pour l’inspecteur Wanger, blonde ou rousse, peu importe qu’il ne s’agisse pas du même signalement. Il est intimement convaincu qu’il s’agit de la même femme qui a commis ces meurtres.
J’ai vraiment apprécié ma lecture de ce roman noir et découvrir, étape par étape, comment cette femme construit sa traque et manigance sa vengeance avec un final aussi humain que cette mariée. Un livre dont la qualité de classique du Noir ne s’est pas effilochée au fil des années. C’est avec curiosité que j’aimerai regarder son adaptation cinématographique.01/10/2025 à 11:39 3
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Lady Fantôme
7/10 Scott Henderson avait demandé le divorce à sa femme. Encore une fois, celle-ci a refusé. Puisque la méthode argumentaire ne la faisait pas céder, Henderson avait pensé à une manière plus agréable : lui offrir une soirée pleine de charme et d’attrait, à savoir restaurant et théâtre. Mais elle a refusé catégoriquement en lui riant au nez pour ce qui apparaissait comme ridicule.
Alors, en colère, tant par frustration que par malheur, Henderson est sorti, et est allé dans un bar. En voyant cette belle femme le regardait, il lui vint cette idée : passer la soirée avec cette inconnue. La seule condition : qu’il reste des inconnus.
La soirée se terminant, Henderson rentre chez lui où l’attendent des policiers. Sa femme a été trouvée morte, étranglée avec la cravate de son mari. Henderson a un gros problème : ne connaissant pas l’identité de la femme avec qui il a passé la soirée, il n’a pas d’alibi mais un bon mobile. Il est arrêté puis condamné à l’exécution capitale.
Dans le couloir de la mort, les jours sont comptés. Il a fait appel à son meilleur ami, Lombard, qui reviendra exprès de sa mission au Vénézuéla, pour tenter de retrouver cette femme, le seul alibi pouvant le sauver de son exécution.
Bien que bien ancré dans son époque (1942), tant dans la construction que dans le style, ce roman possède un charme simple et suspens implacable. Chaque chapitre possède un décompte des jours avant la date de l’exécution d’Henderson et rend compte de la quête difficile de Lombard à retrouver cette femme et surtout de la « malchance » dont les témoins sont victimes. Seul le final m’a semblé décevant. Je découvre que ce livre a fait (comme d’autres de William Irish) l’objet d’une adaptation au cinéma sous le titre « Les Mains qui tuent » et j’espère pouvoir la regarder, tant ce livre semble un scénario évident pour tout bon réalisateur.01/10/2025 à 11:37 2
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Le lotissement
7/10 Nous sommes en 1986. Dans un lotissement, d’un village proche d’une petite vingtaine de kilomètres de Paris, Mare-les-Champs.
La Gauche est au pouvoir, Le Pen commence à faire des scores aux élections législatives, les slogans « Touche pas à mon pote » surgissent, les attentats parisiens affolent la population. On boit du Tang, on rêve d’un BMX à la place du vélo classique, Balavoine chante sur les radios FM L’Aziza, on se copie les cassettes de Bronki Beat et son « Tell me why ? ». La télévision diffuse Goldorak et les Coco Girls… Coluche va nous dire Adieu en se plantant en moto, les stylos plumes Waterman sont dans les trousses, le magazine « 20 ans » sous les lits…
Et les familles du lotissement vont vivre un drame : un incendie dans une résidence. Et pas n’importe laquelle : celle d’Elise Mondessert, une des familles les plus admirées des pavillons voisins. C’est elle qui en est responsable, cette adolescente rebelle de 13 ans, en mettant le feu dans le garage chez elle. Un drame parmi d’autres, à savoir le suicide de la nouvelle maitresse d’école, Suzanne Bourgeois, venue des îles, et puis celui de François Belge, le garagiste. Quelques jours plus tard, la famille de la narratrice fait les cartons et déménage… Dedans, le journal intime d’Elise que la narratrice a volé dans les restes calcinés du pavillon.
2021, la narratrice enterre sa mère. C’est le temps de vider la maison. Et ce journal intime, retrouvé dans un carton, ravive des souvenirs enfouis. Et avec eux, le besoin de comprendre ce qu’il s’est passé cette année 1986 et d’avoir des explications sur ces événements qui ont endeuillé le lotissement…
Plus qu’un roman nostalgique à destination des cinquantenaires, Le Lotissement est avant tout un roman social qui dresse un portait sans fard d’une génération, avec ses préjugés, ses personnages de banlieues, ses peurs et ses histoires d’amour…Une lecture qui ravive des souvenirs et rappelle les fondations de notre France actuelle.26/09/2025 à 10:14 1
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La Mue
7/10 Avec La Mue, on retrouve ce qui rend les polars de son autrice si attachants et efficaces : du rythme, une intrigue réaliste et une enquête passionnante. Mais connaissant l’immense talent de Céline Denjean, j’ai ressenti, cependant, une légère déception à la lecture de ce 4ème livre de la série mettant en scène la gendarme Louise Camont. J’ai trouvé Céline Denjean en pilotage automatique : peu de surprise dans le dénouement de l’histoire, une intrigue cousue de fil blanc, un déroulement somme tout prévisible…
Le seul intérêt que j’ai trouvé dans cette Mue est à porter sur les thèmes du déni de grossesse et du déni d’enfants, des sujets psychologiques portés magnifiquement à la connaissance du lecteur.
La Mue est un bon livre, mais si on le place dans l’œuvre de qualité de Céline Denjean, il constitue une petite déception.
23/09/2025 à 12:26 2
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Le Rôdeur
7/10 Le rôdeur constitue le 2ème livre mettant en scène l'inspecteur Phil Brennan et la profileuse Marina Esposito. Qui dit série, dit histoire dans l’histoire. C’est d’ailleurs l’inconvénient dans ce livre. Les relations personnelles entre les deux principaux personnages prennent plus de place que l’intrigue en elle-même. Cette dernière met du temps à décoller, ce qui, pour certains lecteurs, peut nuire à leur patience.
Nous sommes à Colchester, dans l'Essex, Angleterre. Le cadavre d'une jeune femme, atrocement mutilé, est retrouvé sur le pont d'un bateau-phare. La police locale enquête. Parallèlement, on découvre ce rôdeur, un dépravé sexuel, qui mâte des femmes, rentre chez elle à leur insu, déplace des objets et leur laisse de drôles de souvenir de son passage… Des jeunes filles disparaissent… Et Phil Brennan est perturbé par le départ de sa compagne, Marina Esposito, et de leur fille… De quoi ne pas voir clair dans ces affaires…
Tania Carver est le pseudonyme choisi par Martyn Waites et son épouse Linda. Ils ont choisi de créer ces deux personnages Phil Brennan et Marina Esposito, qui s’avèrent être de redoutables professionnels : lui en tant qu’enquêteur et elle en tant que psychologue. Cette deuxième enquête, et je conseille de les lire dans l’ordre à défaut de comprendre leur histoire personnelle, n’est pas des plus originales. Mais, comme je l’avais soulevé dans Substitutions, le couple ne ménage pas le lecteur dans la description de l’horreur et des situations très dures de leurs victimes. Le rôdeur est toutefois une suite qui doit être lue si, comme moi, on souhaite poursuivre la découverte de la série d’enquêtes menées par Phil Brennan et Marina Esposito.19/09/2025 à 12:52
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Sueurs Froides
Pierre Boileau, Thomas Narcejac
9/10 Connaissant (et adorant) le film Sueurs froides (Vertigo en VO) d’Alfred Hitchcock dont est tiré D’entre les morts, c’est à reculons que je suis entré dans ce livre. Il m’est difficile de lire un livre après en avoir vu son adaptation cinématographique. Je trouve que la lecture perd en saveur, que l’effet de surprise n’est plus là, que l’imagination suscitée par les mots est remplacée par les scènes du film.
Mais quelle fut mon agréable surprise de constater que le livre s’avère différent du scénario dont Hitchcock a tiré pour son film. Comme j’en avais fait la remarque avec un autre livre du duo, Celle qui n’était plus, et son adaptation par Clouzot sous le titre Les Diaboliques. Certes la trame est la même mais le changement de lieu, de cadre et d’époque rajoute à la noirceur de cette histoire macabre. Cela se joue à des détails mais des fois, les détails font une grande différence.
Paris, 1940. La guerre a été déclarée et les actualités sont assez rassurantes malgré l’apparition de réfugiés belges qui vont dans le Sud. Gévigne, brillant homme d’affaire parisien, a fait appel à l’assistance de son ancien ami, Flavières, avocat parisien. Gévigne est inquiet quant au comportement de son épouse, Madeleine. Cette dernière, depuis quelque temps, sombre dans la mélancolie et a des habitudes étranges. C’est simple, Gévigne ne reconnaît plus sa femme. Il s’inquiète et se demande si elle le trompe ou si, comme sa vieille tante, elle n’éprouve pas des envies suicidaires. Aussi, les affaires le poussant à quitter régulièrement le foyer conjugal, Gévigne demande à Flavières de suivre Madeleine, pendant quelques jours et de lui rendre compte de ses faits et gestes. Flavières, ayant été réformé, est le seul à pouvoir l’aider même si Gévigne a bien conscience qu’ils ne se sont pas côtoyés depuis plusieurs années. D’ailleurs, il ne connaît pas Madeleine.
Flavières qui vit mal sa non incorporation dans l’armée s’est mis à boire. Cet ancien de la police, mis sur la touche, car ayant perdu son coéquipier alors qu’il était pris de vertige, est devenu avocat. Cette affaire ne l’intrigue pas plus que cela, n’y voyant qu’une histoire d’adultère. Toutefois Flavières suit Madeleine. Et plus il la suit, plus le comportement de Madeleine lui paraît trouble voire inquiétant. Mais surtout Flavières va commettre l’irréparable : après avoir fait connaissance en la sauvant d’une noyade, Flavières va avouer ses sentiments à Madeleine. Et le suicide de Madeleine va le traumatiser à vie. Car par lâcheté et à cause de son vertige, il n’a pu la sauver ni alerter la police.
4 ans après, de retour de son exil à Dakar, Flavières découvre au cinéma lors d’un reportage sur la venue de De Gaule à Marseille que Madeleine est bien vivante. Mais est-ce bien elle ?
Si l’adaptation d’Hitchcock est un chef d’œuvre, D’entre les morts n’est pas moins un livre attachant et prenant. Boileau-Narcejac nous font vivre les remous émotionnels de Flavières, son emprise, sa folie ( ?) pour cette femme. D’entre les morts est plus qu’un livre majeur dans l’œuvre du duo, il est une pièce majeure et un classique de la littérature policière.16/09/2025 à 15:45 5
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Les yeux bleus
8/10 Je viens de terminer Les yeux bleus, le troisième livre que je lis de Sébastien Didier, son deuxième par ordre de parution. J’y ai retrouvé ce qui m’avait plu dans ses précédents livres : une intrigue implacable dans laquelle le lecteur y est chevillée corps et âmes. Oui, l’enlèvement d’un enfant, ça secoue tout le monde, y compris les personnes les moins sensibles. Toucher à la chaire de notre chaire, c’est un enfer sans nom. Et puis, le rythme implacable de l’écriture. L’auteur niçois n’a pas son pareil pour accoucher de véritables page-turners.
Alors bien évidemment j’ai dévoré ce livre et tourné frénétiquement les pages de cette histoire de vengeance familiale qui traverse les années et qui trouve son origine sur le meurtre effroyable d’une jeune famille dans leur villa dans les hauteurs de Nice. Un enlèvement d’un enfant, le petit fils de Claude Cerutti, un immense et riche homme d’affaires niçois. Je ne voulais pas perdre de temps pour en connaître le dénouement. Une affaire dans laquelle le nom et la famille sont sacrés. Un immense plaisir même si, avec le recul, les thèmes sont largement exploités. Mais ce livre raconte une histoire familiale, qui aurait mérité plus de consistance à mon goût, au déprimant de l’action qui me semble sur-présentée. Mais c’est le parti pris de l’auteur que je respecte. Comme je l’ai déjà dit, ce livre procure toutefois un très agréable et ludique moment de lecture.
11/09/2025 à 14:35 3
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Le Retour
7/10 Angleterre, années 1980. Lors d’un mariage, Chris rencontre de manière inopinée, Nicky, un ancien ami d’enfance. Hagard, incohérent, Nicky lui demande de trouver qui a tué son père. Chris comprend qu’il fait référence à une sordide affaire qui a ébranlé également sa famille : le père de Nicky a été condamné à mort pour le meurtre de l’oncle de Chris, il y a plus de 30 ans de cela.
Si cette apparition a secoué Chris, il en sera autrement le lendemain quand il découvrira Nicky, pendu à un arbre dans la propriété de sa famille.
Chris, autant par compassion que par culpabilité, va se replonger dans l’affaire du meurtre de son oncle, à une époque où il était encore gamin. Une affaire sensible pour Chris et ses parents qui ont hérité de la fortune de cet oncle, le fruit d’une ruée vers l’or aux USA au début du siècle.
Secrets de famille, manipulation, rancœurs, convoitise, sont les ingrédients semés par Robert Goddard dans cette Angleterre de ce XXème siècle. Si, comme d’habitude, la plume de l’auteur britannique m’a séduit, l’histoire m’a paru un peu fade par rapport à ce qu’il a pu produire. L’intrigue a du mal à prendre de l’ampleur et son essor. Certains personnages sont trop peu développés, à mon goût. Et je n’ose pas parler de ce final (négociations, arrangements) que j’ai trouvé un peu trop facile voire tiré par les cheveux pour conclure cette affaire et cette histoire.09/09/2025 à 12:11 2
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La Muraille Invisible
7/10 Wallander est de plus en plus dépité. Tant à cause de sa vie professionnelle que de sa vie personnelle. Le célèbre et attachant inspecteur d’Ystad se voit enquêter sur le meurtre d’un chauffeur de taxi par deux jeunes filles, dont une mineure, avec un couteau de cuisine et un marteau. Cette situation désespère Wallander : il est affligé de constater que ces 2 jeunes filles semblent complétement distantes et froides face à leur acte et aux peines qu’elles encourent. Un cadavre est découvert devant un distributeur automatique de billets. Si l’autopsie révèle une mort naturelle, les policiers ne comprennent pas le vol du cadavre. Wallander est aussi confronté à un autre fait majeur : l’une des jeunes filles inculpées est retrouvée carbonisée dans un transformateur électrique…
Wallander est malmené dans cet épisode, à tel point qu’il envisage sérieusement de démissionner de la police. Il voit ses amis partir de Suède, ce pays en profonde mutation ; sa solitude lui pèse de plus en plus et son diabète lui demande des efforts constants. Tout semble bien incompatible avec son métier de policier dont il ne comprend plus le sens.
Un épisode au thème trop ancré dans son époque mais qui permet de suivre avec toujours le même plaisir Wallander et son entourage.
08/09/2025 à 10:48 2
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Bastion
7/10 J’ai découvert sur le tard cet auteur français. Mais depuis, soit un an et demi, je m’enfile à la chaîne ses romans. Je ne me lasse pas des aventures rocambolesques de ses personnages, de ses scénarios décalés et burlesques et de ses répliques désopilantes.
Si depuis ma lecture de Demain c'est loin, je trouve toujours ces ingrédients, avec Bastion, sa dernière parution, je suis un peu déçu par cette lecture. Peut-être cela vient-il du sujet un peu plus sérieux eu égard au contexte politique actuel ? De manque de second degré, et/ou de personnage moins loufoques ?
Pourtant Bastion est loin d’être un livre raté ou de seconde zone. Lire les aventures partisanes, bien malgré lui, de Jean-Marc, ce retraité aspirant à une vie paisible, fut plaisante. Jean-Marc, par amitié d’enfance et par promesse à son épouse, va essayer de protéger Bernard, qui s’est lancé dans le parrainage de la candidature d’Eric Zemmour. Car Bernard ne voit pas les dérives néo-nazies des compagnons d’affichage, membres de groupuscules obscurs. Mais les compétences et l’intelligence de Jean-Marc vont attirer les cadres du mouvement. Bien que bien ancré à gauche, Jean-Marc va se trouver embarquer dans une situation dont il va être aussi bien acteur que victime…
Sans être déplaisant, il m’a manqué toutefois l’humour décalé de ses autres romans. Ma seule consolation fut de lire, dans les remerciements, qu’Antoine de Caunes était pressenti pour réaliser et adapter les livres de Jacky Schwartzmann au grand écran. Hâte de voir le résultat.
04/09/2025 à 12:15 3
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Le Village
9/10 Ouest de l’Ukraine, dans un petit village isolé dénommé Vyriv, en 1930 : Luka, le père, et Viktor et Petro, ses 2 fils, partis chasser voient un homme venir vers eux. Dans cette neige abondante, cet homme progresse lentement. Luka, ancien soldat de l’armée impériale puis de l’armée révolutionnaire, guette avec circonspection la venue de l’étranger. Tout le monde au village redoute l’arrivée des activistes russes à la solde de Staline venus piller les terres et déporter les hommes dans les camps de travail. Jusqu’ici Vyriv a su être épargnée de la vindicte de la Guépéou, la police d’état de Staline. Et elle compte bien le rester. Luka constatant que cet homme est seul, vient à sa rencontre. L’homme s’effondre dans la neige inconscient, affaibli par la faim, la fatigue et le froid. Luka prend la décision de le ramener au village pour le soigner. Mais il constate que l’homme transporte avec lui, sur son traineau, les cadavres de deux enfants. C’est l’effroi. Les cuisses des enfants ont été découpées soigneusement en prélevant un morceau de chair. Luka n’a pas pu garder secret sa découverte aux villageois. Alors que Luka, après avoir fouillé les affaires de l’inconnu, sait que l’étranger était le père des enfants morts, les villageois ne l’entendent pas de cette oreille et veulent rendre justice. C’est un lynchage par les habitants remplis de haines envers ce tueur d’enfants.
Après cette exécution sommaire, il est constaté que Dariya, une petite fille de 8 ans a disparu. Dariya est la nièce de Luka, la fille de Dimitri qui a déclenché le lynchage et la mort de l’inconnu. Les recherches s’organisent. Luka, guerrier et chasseur aguerri et expérimenté, prend la tête de l’expédition avec ses 2 fils. Les traces montrent que la petite fille a fait l’objet d’un enlèvement. Les minutes sont dès lors comptées. Mais dans ce froid extrême, ces conditions neigeuses difficiles, la faim qui tiraille l’estomac, cette chasse à l’homme est complexe d’autant qu’un autre paramètre inquiète encore plus Luka : ce voleur d’enfants s’avère être un tireur d’élite hors-pair…
Je suis rentré dans ce livre à l’aveugle. J’avais ce livre depuis plusieurs mois dans ma liste de livres à lire, ce dernier étant très bien noté d’une part, et avait l’air de satisfaire mes goûts en matière de lecture, d’autre part. Comme je le fais de plus en plus, je n’ai pas lu la 4ème de couverture, les résumés divulgâchant trop à mon goût l’intrigue. Ainsi, je fus complétement subjugué par ce thriller. Car, outre l’ambiance froide et pesante due au contexte géopolitique de l’époque, ce livre multiplie les moments de tensions, l’intrigue principale se dévoilant au fil des pages. Ce livre est rempli d’épisodes effroyablement mémorables : le lynchage de l’étranger, la quête interminable de la fillette, les réflexions du chasseur/tireur d’élite, les interrogatoires violents des habitants et surtout ce personnage admirable de courage et de force/convictions, Luka. Un homme sur qui tout le monde compte mais rempli de doutes et d’humanité.
Un livre qui m’a beaucoup séduit, ému et touché : un livre que je recommande fortement.04/09/2025 à 10:38 2
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1280 âmes
6/10 L’idée est séduisante pour tout amateur littéraire : trouver une explication à la traduction décalée d’un livre. En l’espèce, Jean-Bernard Pouy, amateur (comme tout bon écrivain) de polars, a tenté dans ce livre de percer le mystère des cinq habitants manquants entre « Pottsville, 1280 habitants » (le titre original du célèbre polar de Jim Thompson) et sa traduction française « 1275 âmes ».
Il ne s’agit pas d’un essai ou d’un article. C’est de manière romancée que l’auteur français, par l’intermédiaire de son personnage principal, Pierre de Gondol, tente de trouver qui sont ces 5 personnages que Marcel Duhamel, le traducteur français, a « oublié » ou « volontairement omis », sachant que la Série noire, l’éditeur, n’hésitait pas à tronquer des textes originaux.
Pierre de Gondol, libraire à Paris, se voit lancer un pari par un client : trouver donc les 5 personnages manquants. Le lecteur va être amené à plonger dans les réflexions plus ou moins tirées par les cheveux du libraire. Il suivra également Pierre dans sa quête de Pottsville lors d’un périple aux Etats-Unis.
Si l’idée était intéressante, ce livre est, je trouve, un prétexte à rendre hommage à Jim Thompson, à la Série noire et au genre du polar. C’est surtout un exercice de style, Jean-Bernard Pouy développant ses références littéraires, ses formules alambiquées, ses réparties culturelles, qui à la longue, deviennent barbantes. Si on additionne ce style rédhibitoire et une solution peu crédible pour ma part, 1280 âmes ne m’a pas vraiment convaincu.02/09/2025 à 11:21
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Rendez-vous en noir
7/10 Pour bien comprendre la qualité de l’œuvre de William Irish, il suffit de citer La Mariée était en noir et La sirène du Mississipi adaptés au cinéma par François Truffaut, Fenêtre sur cour par Alfred Hitchcock, J’ai épousé une ombre par Robin Davis… Les écrits de William Irish ont inspiré les plus grands cinéastes et ont été interprétés pas de grands acteurs (Nathalie Baye, Francis Huster, James Stewart, Grace Kelly, Jeanne Moreau, Michel Bouquet, Jean-Claude Brialy,…). Le suspense procréé par l’Américain rend addictive la lecture de ses polars et peut facilement inspirer des scènes mémorables.
Si Rendez-vous en noir n’a pas été adapté au cinéma, il n’en reste pas moins une impression qu’il aurait pu être facilement être source de scénario. Au départ, c’est un jeune couple amoureux, Johnny et Dorothy, qui, après plusieurs années d’attente et de rendez-vous devant la pharmacie de la ville, peuvent enfin entrevoir ensemble leur avenir : le mariage. Mais, un soir, Johnny arrivant au point de rendez-vous, découvre au milieu d’un attroupement le corps sans vie de Dorothy et à côté, une bouteille cassée…
Chacun des autres chapitres décrit un rendez-vous d’amoureux dont le mari, l’amant, le fiancé va au final voir sa belle être tuée… Le lecteur découvre, au fil des pages, le lien qui unit ces histoires fatales de couples. Cela fait froid dans le dos. Au fil des paragraphes, des images de scène de films, en noir et blanc bien sûr (ce livre est écrit en 1948) me venaient en tête. Je voyais bien certains acteurs s’embrasser, zoom avant, dans un appartement typique des USA d’après-guerre, avec des violons grinçants en fond sonore…
Si le scénario est un peu tiré par les cheveux, c’est l’ambiance générale de ce livre qui m’a plu : une atmosphère cloitrée, sombre et inquiétante.
28/08/2025 à 10:23
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Tous les silences
9/10 Vers 23 heures, comme tous les soirs depuis qu’il réside dans cette maison de retraite, Albert Kangasharju, 97 ans, fait sa petite sortie rituelle en bordure du parc. Deux hommes en noirs vont agresser le vieil homme. Les policiers de la Brigade de Pori sont chargés de l’enquête. Alors qu’Albert est à l’hôpital, les agresseurs tentent de le tuer et de le faire taire à jamais. Pour la police, la tentative de meurtre ne fait plus de doute. Après la tentative de pendaison à la maison de retraite et la tentative d’étouffement dans la chambre d’hôpital, les policiers s’interrogent sur le mobile d’un tel acharnement sur un vieillard. D’autant plus qu’Albert ignore les raisons de son agression. Lui, cet homme presque centenaire que tout le monde adore pense qu’il a fait l’objet d’une méprise, comme ce fut le cas, il y a plusieurs années.
Polovita, Linda et Oksman mènent l’enquête sur le passé de cet homme.
L’auteur finlandais déterre l’histoire de ces 8000 volontaires finlandais qui, après la Guerre d’Hiver, ont attaqué l’URSS aux côtés de l’Allemagne nazie. Un élan patriotique en vue d’une Finlande nourrissant un espoir vers une Grande Nation. Parallèlement à l’enquête, le lecteur sera amené à découvrir les atrocités commises par cette Division Viking envers les civils, les Juifs et les prisonniers de guerre.
Ouvrir ce livre, c’est, outre se plonger dans une enquête passionnante, découvrir une page de l’histoire méconnue (pour le grand public, je pense) de la Finlande. C’est aussi le prétexte pour l’auteur de se questionner sur l’intérêt de dénoncer, encore de nos jours, les criminels nazis pour son pays.
Ce fut une lecture sensible et délicate où j’ai adoré retrouver l’équipe de la Brigade de Pori, que je trouve aussi humaine qu’attachante.
27/08/2025 à 15:43 6
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Minuit à Atlanta
9/10 Minuit à Atlanta clôt, à mon humble avis, admirablement cette trilogie « Darktown-Atlanta ». Car, si on retrouve encore une fois cette tension raciale, on ressent cette ségrégation entre Blancs et Noirs de manière plus extrême. La déségrégation des écoles est prononcée, ce qui, pour cette ville du Sud, est impossible socialement. Mais, pour ma part, ce qui rend encore plus passionnant cette lecture, c’est que l’auteur américain a axé son intrigue sur les médias afro-américains.
Dans cette Atlanta de 1956, Tommy Smith, ex- flic noir (apparu dans les 2 tomes précédents) est devenu reporter au Daily Times. Alors qu’il s’est assoupi à son bureau, Smith est réveillé par un coup de feu. Il découvre le rédacteur en chef et propriétaire du journal, Arthur Bishop, mort. Son instinct policier prenant le dessus, Smith va enquêter sur les raisons de cet assassinat. Alors que la police arrête la femme de Bishop, Smith pense que le meurtrier voulait empêcher la divulgation dans le journal de certains faits gênants. Oui, mais qui et lesquels ? Car le bureau de Bishop, comme sa maison, ont été fouillés par d’étranges personnes.
Thomas Mullen a su mélanger habilement tous les ingrédients sociaux et historiques de l’époque : chasse aux communistes, force du FBI, envergure d’un homme qui va devenir un symbole dans la lutte pour les droits civiques, Martin Luther King, le blocus des transports, les enjeux politiques locales, le poids des médias,… Si ce tome peut se lire aisément et indépendamment de ses prédécesseurs, avec Minuit à Atlanta, on prend conscience de la qualité de cette trilogie et de l’ampleur du travail documentaire réalisé par l’auteur américain.
Thomas Mullen signe une œuvre de référence dans le polar historique et se pose surtout comme l’auteur américain contemporain le plus intéressant.26/08/2025 à 10:44 5
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Le Bal des frelons
8/10 Dans ce Bal des frelons, il y a du Donald Westlake et du Charles Williams. Indubitablement, on jubile à la lecture de ce livre : les personnages « ploucs » ce village rural, caricaturaux, et cette histoire dont les ficelles se délient au fil des pages…
Dans ce village de campagne, Maxime s’est retiré parce qu’il avait peur de faire du mal à ceux qu’il aimait et est devenu apiculteur, heureux de prendre soin des abeilles. Son beau-fils vient, après plusieurs années d’absence, le voir, en faisant de l’auto-stop. Il a été véhiculé par Antonin, agent pénitentiaire à la retraite, qui s’est retiré au vert, parce que sa femme, Martine, ne pouvait plus supporter la ville. Antonin essaie de trouver une manière de tuer sa femme. Martine a trompé son mari avec le Maire, Michel. Coralie, la secrétaire de la mairie, aimerait bien profiter aussi du premier magistrat de la commune et le menace de dévoiler ses petites affaires s’il ne lui fait pas l’amour, une première pour elle à plus de 50 ans.
Mais Antonin a du souci à se faire. Il ne sait pas que 2 anciens taulards, Loïk et Baptiste, amants et fan de Status Quo, veulent se venger, eux aussi. De quoi ? D’avoir eu une relation avec une femme ?
Pendant ce temps-là, Rémi, du haut de son château d’eau, retrouve sa femme morte avec qui il parle ainsi qu’à ses deux poules, ses seules compagnes.
Une panoplie de personnages loufoques dans une histoire qui surprendra par son comique de situation, d’autant plus que Pascal Dessaint (d’abeilles), multiplie les phrases de citations et de réparties très drôles.22/08/2025 à 10:00 3
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Toutes les nuances de la nuit
10/10 « Aimer et être aimé, c’est plus que ce que l’on peut espérer de la vie. De quoi combler un millier d’existences ordinaires ».
Joseph McCauley dit « Patch » a aimé et a été aimé, tout au long de son existence. Pourtant, lui, ce gamin pirate, a connu une existence des plus dramatiques. Séquestré plusieurs mois dans une cave plongée dans le noir, par un serial-killer en sauvant une copine de sa classe, Misty, il doit son sauvetage à Saint, sa copine qui à 13 ans a mené son enquête, observé les gens, disséqué les alibis, donné à l’inspecteur Nix ses pistes. Il doit sa survie à Grace, cette gamine, qui, enfermée elle aussi dans cette cave, lui a donné de l’espoir et des raisons de vivre, en lui décrivant les endroits majestueux.
Quand il a été délivré, Grace avait disparu. Aucune trace de celle dont il n’a pas pu voir le visage. Tout le monde pensa même que Patch avait inventé ce personnage, créé un mirage qui l’avait aidé à survivre à l’enfer de son enlèvement. Peu importait les moqueries de ces camarades, il savait qu’il n’avait pas inventé Grace. Par amour pour son jeune ami, Saint le croit. Elle va même l’aider à la rechercher. Patch va peindre son portait dont il imaginait les traits. De son travail, il va développer un certain talent, dont les œuvres sont inspirées exclusivement de Grace et des jeunes filles enlevées. Patch va consacrer toute sa vie à le rechercher, et Saint, devenue policière et agente du FBI, l’épauler dans cette quête…
Ce livre, je l’ai dévoré. Cette histoire est des plus poignantes. Chris Whitaker offre à son lecteur un panel de sentiments des plus variés et forts sur plus de 800 pages que l’on ne voit pas passer, chaque chapitre ne comportant pas plus de 3 pages. Si l’amour et l’amitié sont les thèmes prédominants, la liberté et la beauté des choses empreignent chaque page, à travers les différents protagonistes qui jalonnent cette tranche de vie. On admire comment l’auteur a su faire évoluer les personnages que l’on suit pendant 25 ans, avec leur vie, leur personnalité et la fidélité à leur valeur et principes.
Ce livre, malgré toute la bienveillance qui transpire à chaque ligne, a pour trame principale la quête d’un tueur de jeunes filles à travers les Etats-Unis. Une sale affaire d’enlèvements, de disparitions non élucidées d’adolescentes, pour laquelle Patch et son amour d’enfance, Saint, vont consacrer la majorité de leur existence. Un sacrifice ? Une preuve d’amour ? Chacun y trouvera sa réponse.
Mais n’oubliez pas : « Aimer et être aimé, c’est plus que ce que l’on peut espérer de la vie. De quoi combler un millier d’existences ordinaires ».
20/08/2025 à 13:38 9