jackbauer

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  • Ce qu'il nous faut c'est un mort

    Hervé Commère

    9/10 Et un, et deux, et trois accrocs... Ceux qui sont faits dans le canevas de vies qui débutent, et qui s'en trouveront irrémédiablement changées, cette nuit du 12 juillet 1998...
    Quand l'humilité joue la carte de la grandeur, quand l'humanité se porte à hauteur de lecteur; pas de doute, vous êtes bien en compagnie d'Hervé Commère... Chef de file d'un courant romanesque qui porte haut les vertus de l'altruisme, de la magnanimité, et d'une bonhomie contagieuse, vis-à-vis du lecteur, ou de ses personnages, il prend une fois encore le parti de tisser une histoire pleine de vie, dans laquelle les grandes effusions sont d'abord de sentiments...
    La vie sous toutes ses coutures, les belles parures comme les chutes, la réalité sociale en bandoulière, les affres de la délocalisation, des plans sociaux, du chômage qui phagocyte notre époque... Commère lui donne plus de force encore que le meilleur des manifestes anti-capitaliste, et colle à l'époque de façon parfaitement incroyable...
    La vie qui bégaie aussi, et surtout: Commère nous raconte avant tout une histoire d'amitié qui tourne court, la vie qui taille trop grand ou trop petit, les espérances déçues et les possibilités évanouies, en lorgnant gentiment du côté de Douglas Kennedy...
    Pour paraphraser l'un de ses personnages principaux, chez Commère, la vie, c'est dedans...

    12/05/2016 à 20:53 13

  • Bull Mountain

    Brian Panowich

    9/10 C'est une histoire universelle que choisit de nous raconter Brian Panowich : l'environnement familial qui pèse sur une vie, l'impossibilité chronique de se défaire des liens du sang, et cet atavisme qui peut, parfois, comme un poids mort, vous tirer vers le bas...
    Dès les premières lignes, dès ce premier chapitre qui, en peu de pages, brosse le portrait d'hommes soudés aux valeurs terriennes, presque insulaires, on imagine un western contemporain, baroque et funeste à la fois... Une ruralité génétiquement ancrée dans le clan Burroughs, définissant leurs actes et leurs combats, un attachement à cette terre, leur fief, modelant leurs attitudes et leurs habitudes, forcément en butte au respect des règles établies... Le style de Panowich, qui fait alterner les points de vue et les époques, un peu à la manière d'un George R.R Martin dans Game of Thrones, nous relate le schisme fratricide qui sous-tend l'intrigue, et renoue avec certaines grandes tragédies antiques; son récit, d'une beauté presque fielleuse, viscérale, touche à l'intime et à l'authentique, amenant ses personnages, et le lecteur, au point de rupture émotionnel à chaque tour de page...

    07/05/2016 à 21:53 11

  • Hostiles

    Franck Thilliez

    7/10 Petite friandise au goût doux-amer, Hostiles met en scène Marc et Léa, pris au piège de la carcasse d'une voiture, après que tous deux aient eu un accident de la route... Provoqué par qui ? Par quoi ? La tension qui sert de carburant à l'intrigue repose en partie sur la réponse à cette question, mais aussi sur l'identité réelle du conducteur, pas très clair quant à ses véritables motivations... Comme nous, le personnage de Léa, l'auto-stoppeuse, s'interroge sur les circonstances qui l'ont conduite dans cette situation délicate, à tous points de vue... Le talent de Franck Thilliez confère à cette sympathique nouvelle toute la légitimité nécessaire pour passer un agréable moment; quelque part entre Hitcher et Vertige, son style très cinématographique fait une fois encore... Mouche...

    07/05/2016 à 16:44 6

  • Surtensions

    Olivier Norek

    9/10 Le magnum opus de la série: dès les premières pages, et le probable drame qui s'esquisse, le ton est donné... Vient ensuite une description majuscule et féroce de l'univers carcéral, dramatiquement inquiétante, exempte de tout pathos et dénuée de tentative d'embellissement...
    La force de Norek, c'est son pragmatisme à l'état brut, la transposition sur papier du métier de flic, qu'il connaît parfaitement, puisque lieutenant lui-même au sein du SDPJ 93, la manière qu'il a de nous l'envoyer en pleine face, sans ambages, ni enfumage, l'air de ne pas y toucher, ou quand simplicité ne signifie pas simplisme...
    Au fil des pages, il dessine une intrigue échevelée, dense, qui se joue de nos nerfs, et des simulacres; ici, pas de manichéisme, seulement des hommes et des femmes, qu'ils soient du bon ou du mauvais côté de la loi, quelquefois juste au milieu, pris dans un tourbillon de violence, happés, hachés, essorés...Ni jugement, ni condamnation chez Norek; à l'aune de la rue, le tribunal des bien-pensants n'a plus cours...
    L'épilogue, cruel et poignant, ouvre néanmoins le champ des possibles à une hypothétique rédemption du héros déc(h)u, brave parmi les braves, appelé à choisir entre sa condition de super-flic et ses envies d'ailleurs...

    05/05/2016 à 18:00 9

  • Le Chant des dunes

    John Connolly

    7/10 Le chant des dunes, c'est un peu l'oraison funèbre du personnage fétiche de John Connolly: pas encore complètement mort, mais plus tout à fait vivant, Parker, véritable paratonnerre à embrouilles, en convalescence dans une petite ville du Maine, se trouve parvenu au carrefour de sa destinée d'être à part...
    C'est un Charlie Parker quasi moribond que l'on retrouve ici, au supplice, aussi bien physique que moral, de devoir choisir entre l'angoisse de devoir arrêter ce métier qui le définit, et l'envie, chevillée au corps, de continuer à faire la chasse aux spécimens de la pire espèce, en l'occurrence d'anciens criminels de guerre nazis... Et un nouveau cadavre de trancher pour lui...
    La facilité qu'à l'auteur de se glisser dans la peau de tout un chacun, le décorum contextuel, qui lui permet de mettre l'Histoire au service de son histoire et d'aborder des thèmes de société aussi divers que la question théologique, la responsabilité morale de l'individu au sein d'un groupe, ou celle d'une nation vis-à-vis de son histoire, plus ou moins récente, et de ses ( encombrants) ressortissants, l'incursion dans le domaine du fantastique, autant de labels estampillés Connolly qui jalonnent son oeuvre, que l'on retrouve ici, et la rendent si pittoresque...
    Et au terme de ce treizième opus des aventures de Bird, un repos du guerrier reporté sine die pour notre cher privé, qui verra sa situation, personnelle et professionnelle, évoluer, laissant augurer de nouvelles (més)aventures particulièrement alléchantes...

    01/05/2016 à 14:32 3

  • Sous l'emprise des ombres

    John Connolly

    8/10 Toujours autant de plaisir à retrouver Charlie Parker et ses acolytes, ici aux prises avec une tripotée de rednecks paranos et diablement belliqueux, prêts à tout pour protéger leurs secrets... Un nouveau volet avec lequel John Connolly s'inscrit encore un peu plus dans le sillage d'un Stephen KIng, ou d'un John Wyndham, amalgamant thriller et fantastique, conférant imperceptiblement, dans sa première partie, à ce petit village de Prosperous, cet Eden de façade, un tel aspect fantasmagorique et sinistre, qu'on ne peut s'empêcher de penser à quelques-unes des meilleures descriptions du genre, quelque part entre Bazaar et le Village des Damnés...
    Emu par la poésie de mots de Connolly quand il nous parle de ces sans-abri, ballottés par une vie d'errance, et pourtant si dignes, l'auteur parvient aussi à nous saisir d'effroi quand il évoque le conseil des sages qui régente la vie des habitants de Prosperous, ou qu'il parsème son récit de brutales décharges de violence, dont lui seul a le secret...C'est dans cette symétrie, cet espèce de contre-pied stylistique, que se niche tout le brio de Connolly, un peu à l'instar d'un R.J. Ellory, nonobstant sa galaxie de personnages, aussi loufoques que létaux, qui viennent habiter, voire hanter, chacun de ses romans, et ce sens de l'humour si typique, en contrepoint de toute cette noirceur...
    Un peu comme son héros, John Connolly rate rarement sa cible...

    24/04/2016 à 13:18 6

  • De force

    Karine Giebel

    7/10 Nouveau huis-clos à ciel ouvert pour Karine Giebel, un Cluedo bourgeois, dans lequel actes inavoués, non-dits et traumas enfouis travestissent la réalité des rapports humains, après l'arrivée du loup dans la bergerie, ou plutôt du coq au milieu de la basse-cour...
    Une histoire de possession morale, un jeu de dupes, l'envie tenace qu'ont les personnages de vouloir absolument imposer leur volonté aux autres, de leur forcer la main, un drame psychologique d'une violence plus contenue, moins démonstrative que lors des précédents romans, et pourtant toujours aussi brute et tranchante, des caractères abrutis par la douleur et le manque... Alors ok, parfois, la romance impossible et minaudière, quelque part entre la bluette à la Barbara Cartland et 50 nuances de Grey, a de quoi décevoir, eu égard aux derniers face-à-face proposés par l'auteure; et étonnamment, l'histoire a du mal à maintenir un tempo débridé, du fait de cet incessant jeu du chat et de la souris, assez frustrant, qui oppose Luc au maître chanteur... Mais l'épilogue vient bouleverser la donne et nous oblige à reconsidérer l'ensemble sous de nouvelles perspectives...

    14/04/2016 à 21:13 4

  • La Patience du Diable

    Maxime Chattam

    3/10 Ratage complet, dans la droite ligne de " La conjuration primitive", n'est pas Thomas Harris qui veut... Souffrant des mêmes aberrations au niveau cohérence et authenticité, mais surtout, pratiquant sur des territoires communs aux Jean-Christophe Grangé, Franck Thilliez et autres Patrick Sénécal, un vrai problème de renouvellement, de régénération chez Maxime Chattam, aussi bien au niveau de l'intrigue que de ses séquences-choc...
    Contrairement à un Grangé qui, malgré l'énormité de certains de ses postulats, parvient quasiment à tous coups à m'embringuer dans son univers, Chattam peine à retrouver la verve et la flamme de ses débuts, et sa Trilogie du Mal... A l'image du passe-temps de son dépeceur, ses histoires s'apparentent à de belles façades, dépourvues d'énergie et d'originalité, privées de leur substrat...C'est vrai qu'il faut au moins avoir la patience du diable pour arriver au bout de ce roman...

    09/04/2016 à 23:29 6

  • Dérapages

    Danielle Thiéry

    7/10 Un roman à côté duquel je serais très certainement passé, s'il n'y avait eu le Programme des Lecteurs Polars Pourpres, et qui s'est avéré au final particulièrement plaisant... Le plaisir de ces thrillers sériels, le plaisir de retrouver à intervalles plus ou moins réguliers les mêmes personnages, de savoir comment ils vont bien pouvoir évoluer, ce que l'auteur leur réserve,un attachement, une identification, qui tisse un lien tenace: c'est en ça que réside l'efficacité du style de Danielle Thiéry, à l'instar d'un Alexis Lecaye ou d'un Nicolas Lebel...
    Bien que n'ayant lu aucune des aventures précédentes, elle réussit à nous intégrer rapidement à sa petite troupe, soudée autour de son alter égo, le commissaire divisionnaire Marion, et à rallier notre sympathie, sans pour cela négliger l'enrobage...Du suspense, de l'action, un "vécu" qui filtre à travers une narration cadencée; même si le final apparaît comme un peu trop escamoté, je ne vais pas tarder à me plonger dans les premières enquêtes de cette épatante femme flic...

    06/04/2016 à 10:00 3

  • Les Fauves

    Ingrid Desjours

    6/10 Sur un sujet plein d'à-propos, surtout à l'heure actuelle, enrichi par un travail d'investigation conséquent, Ingrid Desjours compose une joute féroce qui confronte deux bêtes blessées, une espèce de Bodyguard post-7 janvier 2015, une étude de caractères trempés, mais dont la partition se joue sur un faux rythme...
    Une cadence syncopée, un pas en avant, deux en arrière, un ballet désynchronisé, entre faux-semblants et coups d'éclats, manipulation et désinformation, qui fait piétiner l'intrigue; à ne pas savoir sur quel pied danser, on finit par trébucher... On attend impatiemment l'étincelle qui sortira le suspense de l'ornière de cette relation ambivalente, qui se consume jusqu'à l'embrasement, entre attachement et répulsion, stress post-traumatique et strass pas trop pudique, certes fort bien disséquée par l'auteure, mais pas suffisamment prégnante en ce qui me concerne, pas assez riche en péripéties, pour me prendre dans ses rets...

    01/04/2016 à 22:58 7

  • Serre-moi fort

    Claire Favan

    7/10 En rendant l'absente omniprésente, les parents du jeune Nick le condamnent à la peine de contrition à perpétuité; en charge d'une affaire délicate, après le décès tragique de sa femme, le lieutenant Adam troque un drame contre un cauchemar... Deux rescapés, deux manières différentes d'appréhender un deuil castrateur... Mais comme souvent chez Claire Favan, les convenances vont voler en éclats...
    Elle a toujours le chic pour appuyer sa plume là où ça fait mal, à l'instar d'une Maud Mayeras, et le choc pour pousser son observation aux frontières de l'indécence et de l'angoissant; mais cette fois survient un rebondissement qui, en ce qui me concerne, m'a quelque peu dérouté et désarçonné, dans le sens où j'ai eu l'impression que l'auteure usait ici d'une ficelle scénaristique assez douteuse et fort peu crédible, voire invraisemblable, pour amener la confrontation finale...
    Une erreur d'aiguillage d'autant plus dommageable que la constriction de l'intrigue, cette sensation d'étouffement permanent qui oppresse les différents protagonistes d'un bout à l'autre du roman, laissait augurer d'un traitement et d'un final différent...

    20/03/2016 à 15:10 5

  • Les Innocents

    Robert Pobi

    7/10 Nouvelle plongée dans les eaux impétueuses de l'imaginaire de Robert Pobi, seconde incursion autrement plus convaincante que la précédente... Un thriller de facture classique, mais ponctué de suffisamment d'éléments singuliers pour accrocher le lectorat: un personnage de femme flic qui n'est pas sans rappeler celui de Smoky Barrett, l'héroïne récurrente de Cody Mc Fadyen, amazone à la vulnérabilité à fleur de peau, souvent sur le fil de la légalité, un tempo qui chasse l'ennui, des seconds rôles archétypaux, mais séduisants... Néanmoins, l'aberrante conclusion, contestable aussi bien moralement que sur le plan de la crédibilité, est venue saborder le frêle esquif, et galvauder la cohésion de l'ensemble...

    16/03/2016 à 00:22 5

  • Trois jours et une vie

    Pierre Lemaitre

    7/10 Comme Antoine, prisonnier d'une vie à laquelle il rêvait d'échapper, j'ai été abusé à mon corps défendant... Mais cette fois-ci, à la différence des autres romans de Pierre Lemaitre, où la mystification valorisait et exaltait le ravissement du lecteur, le goût du plaisir m'a paru fade; assujetti à mon attachement indéfectible pour cet auteur, cette espèce de sollicitude fanatique, j'ai longtemps attendu l'étincelle qui aurait transformé ce récit en quelque chose de plus retentissant, de plus innovant...
    Si l'indéniable talent de conteur de Lemaitre transfigure par instants ce banal fait divers provincial en chronique de l'enfance perdue, symbolisme de l'entrée délicate dans le monde adulte, ces " Trois jours et une vie " s'éternisent, principalement dans une première partie qui étire et use du sentiment de culpabilité d'Antoine comme d'un subterfuge maladroit pour étoffer un suspense qui tarde à prendre son essor...
    Moins lyrique et baroque qu"Au revoir là-haut", moins palpitant que la trilogie Verhoeven, le nouvel opus du Goncourt 2013 n'est rattrapé que par son final très tarte à la crème, du " tel est pris qui croyait prendre "... Déroutant...

    11/03/2016 à 00:21 8

  • Noir est mon double

    Alexander W. Rosto

    8/10 Un thriller d'une singulière addiction : une intrigue qui s'exporte sur l'échiquier géopolitique, formidablement documentée, sur fond de trafic d'organes, traite des humains et mafias des pays de l'Est, des acteurs majeurs captivants et qui se démarquent de ce que l'on à l'habitude de voir d'ordinaire, un rythme soutenu et accrocheur insufflé par une succession de courts chapitres et de faits d'armes qui maintiennent constamment le lecteur sous pression...

    07/03/2016 à 18:23 4

  • Tu tueras le père

    Sandrone Dazieri

    8/10 Après Donato Carrisi et Paola Barbato, Sandrone Dazieri entérine l'avènement au premier plan du thriller transalpin avec cette histoire diablement captivante menée par un duo d'enquêteurs hors normes, une équipée très borderline, alliage improbable entre une cartésienne convertie et un otage claustrophobe...
    Même si son casting participe grandement à la réussite de l'entreprise, c'est principalement par son intrigue tortueuse et qui entre étonnamment en résonance avec celle du " Syndrome E ", que ce thriller carbure à autre chose qu'à l'ordinaire, jusqu'à ces toutes dernières lignes qui laissent peut-être augurer d'une suite...
    Et Dazieri de poser la question : est-ce plus douloureux d'avoir tout oublié que de s'être souvenu ?..

    01/03/2016 à 16:50 10

  • Les Sirènes noires

    Jean-Marc Souvira

    8/10 Jean-Marc Souvira connaît la musique et fait partie, avec Laurent Guillaume et Olivier Norek, de cette petite élite qui combine leur expérience de flic avec un discernement didactique propre à nous éclairer sur les multiples tenants et aboutissants des corps de métier de l'organe judiciaire...Sans épate, ni exagération...
    Et ses " Sirènes Noires " nous sonnent comme un KO technique: ça va vite, ça tape fort, l'intrigue s'enroule autour de multiples axes d'enquête sans jamais perdre sa fluidité narrative...De plus, en intégrant à son récit un aspect occulte qui prédomine dans les traditions de certains pays d'Afrique noire, Souvira nous fait toucher du doigt la triste réalité du trafic d'individus qui sévit jusque sous nos latitudes...

    24/02/2016 à 22:04 3

  • 13 à table ! 2016

    Ouvrage collectif

    7/10 L'essence de la nouvelle, l'art du novelliste, ce funambule elliptique, c'est de révéler, de souligner ou d'infirmer le talent d'un écrivain qui doit, en quelques pages, donner le regret au lecteur que son texte ne soit pas plus long... Ici, à boire et à manger; deux, trois chefs étoilés qui nous régalent les pupilles, quelques bons marmitons efficaces, et une ou deux découvertes qui garantissent l'homogénéité du recueil...

    17/02/2016 à 08:29 4

  • Le Vide

    Patrick Senécal

    10/10 Extrêmement déstabilisant, le thriller de Patrick Sénécal exerce le même type d'attraction que ces réality-show qu'il brocarde, provoquant fascination, répulsion, incrédulité... On fait face, subjugué, à la mise en abyme d'une société en déliquescence, dans laquelle le désir aliène l'individu, et où le média télévisuel fait office de boîte de Pandore...
    Avec ce manifeste désillusionné du dérèglement moral de la société et à travers le parcours des trois personnages principaux, par le biais d'une construction audacieuse, l'auteur met en place une mécanique complexe pour dégager toute la substance de son intrigue; vide existentiel, vide moral, vide affectif: trois facettes du même mal-être qui ronge ces anti-héros... Récit au pessimisme revendiqué, pouvant s'apparenter à l'apologie de la négation, d'un voyeurisme parfois volontairement putassier, Sénécal s'ingénie à nous plonger dans l'embarras pour mieux souligner la vacuité de ce grand Barnum...
    Expérience littéraire intense et ardue, en plongeant dans cette fange émotionnelle, on accepte d'être le témoin de nos propres turpitudes, mais aussi, et surtout, de faire le deuil d'une certaine conception de la quête du mieux-être... Et de voir que près de dix ans plus tard, pas grand chose n'a changé... Saisissant...

    13/02/2016 à 00:08 12

  • Les Loups à leur porte

    Jérémy Fel

    4/10 Des tranches de vies qui sortent du cadre, des saynètes d'un quotidien légèrement de guingois, comme si le simple fait de tourner une page mettait en branle un mécanisme catastrophiste susceptible d'anéantir chacun des personnages...Le problème ici, dans ce cas de figure, de ces petites histoires collationnées en récit polymorphe, c'est que l'auteur échoue à nous impliquer, soit parce qu'il passe d'une histoire à l'autre trop brusquement, sans nous laisser le temps d'entrer en empathie avec ses personnages, soit parce que son intrigue manque de force et de nerf, soit parce que le fil conducteur sensé relier ces micros récits, pour en faire autre chose qu'un simple recueil de nouvelles, demeure abscons...
    L'ambition était louable, l'aboutissement pas complètement réussi... Pour ma part, je suis resté sur le pas de la porte...

    05/02/2016 à 22:33 5

  • Les Lumineuses

    Lauren Beukes

    8/10 Lauren Beukes accommode le ballet des époques et la confrontation de destins, dont la quête morale, qu'elle soit psychotique, douloureuse ou rédemptrice, prend le pas sur une existence dont ils cherchent à s'extirper...Qu'il soit marginal sociopathe qui, au milieu d'une constellation de proies, cherche son étoile la plus scintillante, ou victime tourmentée se substituant à la justice pour guérir ses plaies, ou bien encore journaliste placardisé, les aspirations contrariées, déçues ou brisées de chacun tiennent lieu de moteur et consument leur existence de manière brutale et inexorable, pour les précipiter vers l'abîme...
    Un style plaisant, une histoire ensorcelante, un ensemble de personnages chatoyant et bigarré, malgré la noirceur de son intrigue; plus qu'un simple succès d'estime, une réussite brillante...

    31/01/2016 à 14:01 7