El Marco Modérateur

3576 votes

  • Le Choix du mensonge

    Damien Andrieu, Patrice Buendia

    7/10 Gustav, le père du jeune Hans Raeder, est mort pendant la Première Guerre mondiale en héros à bord de son avion : il a été abattu par des adversaires qui s’y sont mis à plusieurs et il a, dit-on, évité une ferme au moment de s’écraser. En réalité, Werner est mort fauché par la mitraille d’un avion. Graduellement, Hans va nourrir le rêve de devenir pilote et de se venger de la nation qui a tué son paternel.
    Un très agréable graphisme et un récit intéressant – parfois un peu attendu mais ça me semble en partie inévitable – pour ce premier tome réussi. L’épisode final de la foudre intrigue.

    21/10/2024 à 22:17 1

  • Le Loup peint

    Jacques Saussey

    6/10 Je sors de la lecture avec un sentiment mitigé. Le rythme est là, les chapitres s’enchaînent plutôt bien, l’ensemble apparaît solide et l’histoire ne manque pas d’intérêt. L’aspect bioterroriste est agréable à suivre et la diversité des personnages rend le récit plaisant. Néanmoins, j’ai trouvé plusieurs écueils. L’humour bidasse un peu appuyé m’a semblé surfait, excessif et tellement appuyé – au même titre que certains défauts des policiers, parfois caricaturaux – que ça m’a agacé (et je ne parle même pas de la page 412 – édition poche – avec des noms de rues attribués à des noms d’écrivains : c’est gentillet mais ça désagrège en partie la crédibilité au profit d’une blagounette pas nécessaire). Les coïncidences, notamment dans les rapports passés entre la tueuse – de son vrai nom Isabelle Larchand –, sont trop capillotractées. Enfin, j’ai trouvé que les protagonistes manquaient de finesse psychologique, sans véritable densité, au point d’en devenir des pions unidimensionnels. Bref, un ensemble divertissant mais bien loin des frissons annoncés en ce qui me concerne.

    21/10/2024 à 08:00 3

  • Les Trois Meurtres de William Drever

    John Wainwright

    8/10 « Coupable ». Le verdict est tombé, implacable, lumineux, presque évident. William Drever est coupable du meurtre de trois femmes, des prostituées. Il a toujours clamé son innocence mais les faits sont opiniâtres et la cause entendue. Sa femme, Carol, va devoir apprendre à vivre avec ce sentiment proche de celui de la culpabilité : elle a épousé un authentique boucher, et cette infâmie souillera également leurs enfants et les parents de l’assassin. Mais il se pourrait que les apparences soient trompeuses, et c’est ce que vient indiquer la dénommée Ruth Linley : William Drever est au moins innocent de l’un des homicides. Et pour cause : la victime était sa propre fille.

    John Wainwright, à qui l’on doit les très bons Bois de justice, Les Aveux ou encore Une Confession, signait ce roman noir en 1982, et c’est une bien belle idée de la part de Sonatine puis de 10-18 que de le rééditer. On y retrouve cette langue si belle, parfois exquise, à la fois ciselée et tragiquement caustique, où les non-dits apparaissent graduellement au gré des quelque trois cents pages de l’ouvrage. Il est d’ailleurs intéressant de lire à quel point son écriture et son style pourraient, à de nombreux passages, être comparés à ceux de Georges Simenon, avec un vitriol évident dans les descriptions des relations intrafamiliales, les bassesses humaines, les vicissitudes morales. L’idée de départ est alléchante, de séduisantes sagaies sont distribuées à la face du monde et de la société, et on se délecte de ces petits instants de pur acide. L’épilogue récompense la patience du lecteur : le rebondissement est bien trouvé, à la fois féroce et percutant, abject et mémorable. En fait, cette explication cadre parfaitement avec ce qui l’a précédée : John Wainwright brise le vernis de la bien-pensance, mais pourquoi le faire délicatement quand on peut utiliser un marteau-piqueur ?

    Un livre très bien écrit et mené, dont le final, croustillant et retors, est une pure réussite.

    18/10/2024 à 07:01 5

  • Le Loup parmi nous

    Jeremy Behm

    7/10 Tout avait pourtant bien commencé pour Allison et son copain Hugo quand ils se sont retrouvés au chalet de leurs amis, la riche famille Guériat, à Innsbruck. Ils se connaissent tous bien et s’apprécient, mais une nuit de tempête fait germer une idée dans l’esprit de l’un des invités : jouer aux loups-garous. La situation dérape tragiquement quand une véritable bête débarque au cours de la partie et décide de s’en prendre aux joueurs.

    Jeremy Behm nous revient ici dans la collection Hanté de Casterman avec ce livre. Le style est impeccable, le décor idéal pour planter une intrigue inquiétante, et l’auteur sait comment poser les jalons d’une situation qui va vite déraper. Les personnages sont hautement sympathiques et le jeune lectorat auquel cet ouvrage est adressé ne pourra que les apprécier. L’histoire regorge de sensations fortes et de scènes marquantes, avec un appréciable déluge de moments forts où l’adrénaline côtoie la panique. Court, dense et bien mené, ce livre n’a finalement que le défaut de s’avérer assez classique tant dans la forme que dans le fond : le thème des loups-garous est connu de tous et surexploité, aussi aurait-on apprécié quelques singularités ou variations sur ce sujet afin que cette œuvre puisse pleinement s’extirper de l’interminable quantité de récits si proches.

    Un bon thriller fantastique à destination des jeunes de la part de Jeremy Behm, fécond en passages corsés, dont on regrette juste le manque d’originalité.

    15/10/2024 à 06:56 1

  • Les Fantômes de Skutebukta

    Jørn Lier Horst

    8/10 Cecilia, Leo, Uriel et Ego, le chien, composent l’équipe surnommée « CLUE ». Un nouvel événement inquiétant vient de survenir dans leur village côtier norvégien : une tombe vient d’être profanée. Très rapidement, d’autres incidents apparaissent, et nos adolescents en viennent à imaginer le pire. Il se pourrait même que cette enquête leur permette d’enfin comprendre ce qui s’est passé, un an plus tôt, lorsque la mère de Cecilia est tombée du haut d’une falaise.

    Ce quatrième opus de la série Clue ne déroge pas à la qualité des précédents opus, et Jørn Lier Horst nous enchante une fois de plus. Le roman, assez court et destiné à la jeunesse, met donc en scène ces jeunes détectives et, une fois de plus, la qualité de l’écriture comme l’intelligence de l’intrigue sont à souligner. Ici, les pistes sont nombreuses : le spectre d’un ancien pasteur, l’or des nazis, d’étranges vols d’oiseaux, une grotte saturée de mystères, le trésor d’un vieux bateau, deux personnages sinistres qui viennent d’arriver au village, etc. Jørn Lier Horst multiplie les probabilités et en dégage un récit cadencé et très crédible, qui trouvera son dénouement dans un épilogue particulièrement tendu. En outre, cette conclusion pourrait bien enfin apporter une explication quant à la mort de la mère de Cecilia sans pour autant porter un point final à cette très bonne série qui comporte, au moment où nous écrivons ces lignes, encore six tomes à ne pas avoir été traduits en français.

    « Mais il restait bien des énigmes à élucider… » sont les derniers mots de cet ouvrage : vu la qualité de celui-ci, nous ne pouvons qu’espérer qu’effectivement, les prochaines histoires seront aussi réussies.

    14/10/2024 à 06:52 3

  • Sol-13

    Harry Bozino, Federico Dallocchio

    6/10 L’agente Eiko, envoyée en reconnaissance sur une planète hostile, Sol-13, où des êtres humains, les Terrois, sont soumis à l’esclavage, ne répond plus. La générale Lemming mandate Jatred et un autre soldat pour aller sur place la récupérer, comprenant que les Mokkaïs, capables de pénétrer les esprits de leurs adversaires, y trament quelque chose de louche. Jatred a d’ailleurs juste le temps d’infiltrer un vaisseau ennemi alors que celui-ci s’apprête à plonger sous la surface des eaux pour délivrer Eiko.
    Une BD de SF assez classique, tant dans le fond que dans la forme, qui panache néanmoins un peu trop d’éléments déjà lus ou vus ailleurs bien des fois. A voir plutôt comme un honnête hommage à la SF d’il y a quelques décennies.

    13/10/2024 à 18:32 2

  • Skyhigh tome 1

    Tsutomu Takahashi

    8/10 Noriko est morte assassinée alors qu’elle était enceinte, et elle arrive dans l’au-delà où on lui fait une curieuse offre : « hanter et tuer quelqu’un du monde réel ».
    Je retrouve avec bonheur l’univers si caractéristique de Tsutomu Takahashi. Le trait est toujours aussi typé, noir, âpre, et sa puissance de percussion se distingue parfois dans une simple image (cf. les hommes aux cervicales explosées aux portes de leurs cellules, le sacrifice de Murata pour sauver une femme en détresse ou l’immolation du tueur obèse). Le scénario est également très réussi, avec des personnages qui ne tombent jamais dans la caricature et, même si le sujet semble de prime abord classique, son traitement est vraiment fort.

    13/10/2024 à 18:31 2

  • Tempêtes

    Andrée A. Michaud

    8/10 Après le décès de son oncle qui s’est jeté du haut d’une falaise, Marie Saintonge, quadragénaire, emménage dans la vieille maison du défunt. Dans un hiver matraqué par les bourrasques et moulu par un froid polaire, elle va vite être confrontée à des phénomènes étranges. A l’été suivant, non loin de là, Ric Dubois, écrivain de l’ombre qui prêtait sa plume à Chris Julian, retrouvé mort après s’être fait sauter la tête avec son .45, décide de passer quelque temps dans un camping afin de mettre la dernière main à Orages à Red River, le livre à peine esquissé par le mort. Il va à son tour devenir la proie d’événements bizarres. A croire que la Nature ambiante est une carnassière.

    Andrée A. Michaud signait ce livre en 2019, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est marquant. L’auteure exploite son style littéraire si particulier – pas de dialogue, uniquement du discours indirect libre parfois volontairement maltraité – pour mieux nous immerger dans ce récit caverneux. Les deux personnages que sont Marie et Ric occupent chacun les deux premières parties du livre et ne feront que se croiser de manière éphémère lors du final. Il devient dès lors très complexe de résumer ce roman tant Andrée A. Michaud se plaît à brouiller les pistes, rendre impénétrables des voies qui auraient pu être de véritables avenues, surcharger des passages pour mieux étouffer le lecteur. Si l’ensemble est noir et bascule plus clairement dans le fantastique dans les vingt dernières pages, il ne faut pas s’attendre à des rebondissements sauvages, des twists enflammés : l’écrivaine excelle davantage dans le domaine de la strangulation que dans l’art des électrochocs. Personnages denses et équivoques, paragraphes sciemment déroutants, québécismes à foison et circonvolutions plutôt que lignes directes : voilà un ouvrage difficilement domptable, qui ne plaira certainement pas à tous, mais qui a au moins comme immenses qualités de ne ressembler à aucun autre ainsi que de refuser toute facilité.

    Andrée A. Michaud surprend et malmène, et ce jusque dans la dernière ligne où un message entendu à la radio vient, une fois encore, percuter son lectorat. Une histoire lente, âpre et indomptée, avec une auteure bien retorse qui préfère la longue asphyxie aux violents effrois.

    11/10/2024 à 06:53 4

  • Mémoire de feu

    Jean-Marc Dhainaut

    8/10 Damien Robier n’est encore qu’un enfant quand il manifeste des souvenirs très précis quant à la Seconde Guerre mondiale. Trois décennies plus tard, sa vie a basculé : vétéran, en couple avec Tiphanie, ayant perdu leur enfant Sacha au cours d’un accident dans la cour de récréation, c’est déjà un homme épuisé qui a des envies de meurtre. Quand il participe à une émission de télévision où il se fait hypnotiser, un passé lointain se rappelle à lui, avec de nouvelles évocations sanglantes du conflit. Il va alors suivre une psychothérapie qui va lui révéler d’incroyables secrets.

    Jean-Marc Dhainaut livre ici un thriller de tout premier ordre. En peu de pages (environ 240), au gré d’un rythme cadencé, l’auteur signe une histoire très originale. Le présent se télescope avec le passé, les deux époques se heurtent, parfois se superposent ou se pulvérisent, et notre protagoniste commence une lente immersion dans des phénomènes inexpliqués. La folie est proche, la paranoïa également, mais le lecteur n’est jamais abandonné au cours de ce récit trépidant. Damien se revoit alors en soldat américain, un dénommé Kurt Wilson, vivant la brutalité du Débarquement en Normandie puis les combats contre les nazis. Jean-Marc Dhainaut indique dès son épigraphe qu’un thème apparaîtra, et même qu’il constituera un des moteurs de son intrigue : le comportement brutal voire criminel envers les femmes françaises de certains G.I.’s. Dès lors, un palier après l’autre, Damien va s’immerger dans cette époque antérieure et hautement imparfaite, recueillant les diverses pièces du puzzle avec le dévoilement de la vérité.

    Un ouvrage âpre et dense, au scénario inventif et prenant. Qu’on ne s’y trompe pas : l’écrivain n’a pas tenté par la même occasion de ternir l’honneur des soldats américains venus mourir sur nos plages. Les belles âmes et cœurs valeureux – nombreux – qui émaillent ce livre n’en apparaissent qu’avec davantage d’éclat. Et l’on ne peut que remercier Jean-Marc Dhainaut d’avoir su nous proposer une histoire si atypique qui se mêle avec autant de brio à celle qui ne peut s’écrire qu’avec une majuscule.

    10/10/2024 à 06:56 6

  • L'Or

    José Moselli

    6/10 Un conseil de guerre qui se tient dans un bateau, autour d’une table d’acajou. Un accusé y est jugé pour explosion du « New Zealand » qui contenait de l’or, un attentat commis avec un complice anarchiste. L’accusé en aurait également profité pour assassiner son acolyte. Sa version des faits réserve quelques surprises.
    Une nouvelle sympathique, habilement menée, mais dont je ne retiendrai probablement pas longtemps l’intrigue.

    09/10/2024 à 18:49 2

  • Le Réseau antisocial

    Ed Piskor

    3/10 Delores et Hayley Fairfield sont décédées dans un accident de voiture, et il ne reste plus au malheureux Davis que sa fille Brianna. Parallèlement, le dark web s’agite sur les tortures et autres horreurs pratiquées par un dénommé Goblin dans la « Red Room ». Mais quand Davis est enlevé pour devenir une star de ces « snuff movies » …
    Je pense que je vais m’arrêter là : je n’ai vraiment pas été sensible aux dessins (en noir et blanc) ni au propos (trop manichéen et stérilement outrancier, presque parodique). La démesure y est telle que ça m’a complètement fait sortir du récit.

    09/10/2024 à 18:48 2

  • L'Homme qui s'escamote

    Henry Musnik

    6/10 Le prétendu Jean Fardin – en réalité Stéphane Marsolier – s’apprête à se suicider d’un coup de revolver quand il est interrompu par Robert Lacelles. Le velléitaire finit par avouer qu’il a contracté des dettes auprès d’un dénommé Vadi Garamian à hauteur de cent mille francs, qui plus est en imitant la signature de son père. Parce qu’il a le cœur généreux, Lacelles va corriger le méfait et aller rendre visite à cet usurier, mais le policier Rebuffe va également être amené à entrer en scène.
    Une sympathique variation sur le thème du gentleman cambrioleur, avec un ton gentiment suranné et une histoire prenante même s’il n’y a là rien du tout d’original à se mettre sous la dent. Le plaisir de lecture est présent à défaut d’être fulgurant ou original, et j’en viens à regretter les passages pâlichons (les déguisements trop attendus, la happy end presque gênante tant elle est téléphonée et sucrée, la bêtise de Garamian de se rendre à la police et d’attirer son attention au lieu de faire profil bas ou d’essayer de régler lui-même ses comptes). Bref, rien de transcendant, mais une lecture fort courte et distractive qui, à défaut de me donner envie de continuer cette série, m’encourage à poursuivre ma découverte des nouvelles de chez Oxymoron.

    06/10/2024 à 08:22 1

  • Pas comme nous

    Ava Strong

    7/10 Ilse Beck est devenue thérapeute après une terrible épreuve – une longue séquestration dans le Forêt Noire avec d’autres enfants de son âge auprès d’un psychopathe. Elle s’occupe de Samantha, déjà enlevée et séquestrée par le passé, lorsqu’un tueur en série fait son apparition, s’en prenant à des jeunes femmes faisant du stop le long des routes. Samantha est persuadée que le prédateur qui s’était attaqué à elle est de retour, forçant Isle à collaborer à l’enquête et affronter le monstre.
    Les Ava Strong, Blake Pierce et autres Rylie Dark, je tâche d’en lire quelques-uns histoire de me forger ma propre opinion sur ces mystérieux auteurs qui signent des ouvrages à une vitesse si impressionnante qu’elle engendre légitimement le scepticisme, et cet ouvrage est clairement au-dessus des autres. Le style est réussi, l’histoire prenante, et même les personnages sont davantage travaillés que dans d’autres des livres des écrivains précités. Isle compose une protagoniste réussie, qui a vécu cette sordide histoire en Allemagne avant de tâcher d’aider les autres. Lorsque Sam disparaît, elle va devoir coopérer avec l’agent du FBI Thomas Sawyer (oui, comme chez Mark Twain…), un enquêteur plutôt sanguin qui aurait visiblement eu maille à partir avec son précédent supérieur hiérarchique. Il y a pas mal de séquences réussies, avec leur lot de suspense, comme Ilse dans la cabine du camionneur qui a des idées sexuelles derrière la tête, ou la confrontation finale avec le tueur. D’ailleurs, ce final est très réussi, sortant du cadre habituel des histoires écrites à la chaîne, au point qu’il m’a surpris et me marquera pendant encore pas mal de temps. Un rebondissement de toute beauté, solide et très efficace, propulsant ce livre au rang d’une littérature à la fois inventive et hautement recommandable. Après, oui, il y a bien quelques clichés (comme le fait qu’Isle maîtrise le jiujitsu et que l’on découvre cette pratique au dernier moment, bien commode), mais la qualité du style, la tension globale et la qualité du twist me conduit à mettre un bon 7, car il s’agit là d’exprimer ma satisfaction autant que le fait que ce roman est clairement au-dessus des autres des mêmes auteurs. De la belle ouvrage, en toute impartialité.

    03/10/2024 à 19:54 2

  • Enquête à Baker Street

    Rémy Strobbe, Mickaël Tardy

    8/10 Puisque le grand Sherlock Holmes n’est pas toujours disponible, vous incarnez Quoifils qui doit mener l’enquête sur un vol qui a eu lieu chez un lord habitant dans cette même fameuse rue. Mais c’est bientôt également un meurtre qu’il va falloir résoudre.
    Un escape game prenant et complet, avec son lot d’énigmes, toutes très variées (observation des salles du domicile, interrogatoire des treize suspects et recoupements de ces entretiens pour voir qui ment ainsi que de polygraphes, étude d’empreintes de pas, codes secrets à décrypter, etc.). Des épreuves parfois assez compliquées et, du coup, rendant l’ensemble très addictif et efficace : impossible de lâcher ce livre-jeu sans l’avoir terminé. Un cadre classique de whodunit bien exploité et aussi une étude psychologique parfois bien vue. Bref, de la fort belle ouvrage pour cet espace game d’une très bonne tenue et esthétiquement irréprochable.

    01/10/2024 à 20:44 2

  • Le Code de Jill

    Jeanne Bocquenet-Carle

    9/10 La jeune Jill Fouqueroy a d’abord subi du purpura rhumatoïde avant de pouvoir à nouveau marcher, et au décès de ses parents, c’est monsieur Molineux, son voisin, qui l’a recueillie et lui a enseigné un art bien particulier : reconstituer les visages des morts à partir de leurs ossements. Quand Molineux meurt, l’adolescente alors âgée de seize ans reçoit et accepte la proposition d’Herman Keiser de rejoindre Anthropolab, un laboratoire où elle pourra pleinement démontrer l’étendue de son talent. Un premier chantier l’attend : redonner une identité aux restes d’une fille décédée au XIIIe siècle durant le massacre des Cathares.

    Ce roman de Jeanne Bocquenet-Carle envoûte dès les premiers chapitres. La langue de l’écrivaine est absolument magnifique, travaillée et d’un rare lyrisme, proposant des passages que le lectorat – jeune comme plus âgé – se plaît à relire à l’envi. Le personnage de Jill est en soi une pépite littéraire : taiseuse, si longtemps cadenassée dans le giron familial puis aux côtés de son mentor anthropologue, elle ignore tout des usages du quotidien, se comporte parfois comme une autiste, évolue dans une capsule mentale où nul ne peut l’atteindre, et elle découvrira par exemple le Coca-Cola auquel elle va aussitôt devenir accro. Elle est particulièrement douée avec les techniques forensiques, apte à recréer un visage humain à partir de ses ossements, et les outils numériques mis à sa disposition par Herman vont la satisfaire au-delà du dicible. Dans le même temps, on suit le parcours de la Marie, fillette du XIIIe siècle dont on a retrouvé la dépouille si longtemps après dans un puits à Montségur ainsi que ses amours naissantes avec Pascau. Les trajectoires de nos deux héroïnes vont finir par s’entrelacer, et Jeanne Bocquenet-Carle déploie un talent remarquable pour rendre cette histoire crédible et poignante. L’ouvrage est très court – environ cent soixante pages – et il est impressionnant de maîtrise : le suspense côtoie l’émotion, la technicité se panache à la quête d’identité, et le final, si juste, permet aux routes de s’enchevêtrer.

    Un livre passionnant et bouleversant, qui chevauche plusieurs genres littéraires.

    30/09/2024 à 06:52 2

  • L'Ombre du prédateur

    Gérard Saryan

    8/10 A peine arrivée à Lambecq, un petit village de l’Indre, la famille Vairelles vit une épouvantable tragédie : Guillaume, le fils aîné, est retrouvé mutilé et crucifié sur une plateforme au milieu du lac, et Betty, sa sœur, a disparu. La capitaine de police Agnès Demare est missionnée pour résoudre cette affaire, flanquée de l’influenceuse Jade Arroyer, chargée de mettre en valeur les métiers et l’image des forces publiques. Dans le même temps, Alain Bernet, surnommé « La Demoiselle », n’a pas fini son œuvre de malveillance.

    Après Sur un arbre perché, Gérard Saryan nous revient avec ce thriller très nerveux. L’écriture est sèche et efficace, les chapitres courts et percutants, et l’ensemble s’avère particulièrement fluide. Le lecteur découvre ici Agnès Demare, à la vie personnelle toujours mouvementée, en rémission d’un cancer et douée d’un sacré caractère, tandis que le binôme inattendu qu’elle forme avec cette activiste des réseaux sociaux fonctionne vraiment bien. L’histoire est loin d’être aussi simple qu’elle peut sembler l’être, et l’écrivain prend un malin plaisir à multiplier les fausses pistes, les rebondissements et les surprises de haute volée. Au programme : des amours contrariées, un enlèvement survenu huit années plus tôt, la piste d’un loup, un exterminateur singulièrement doué pour les déguisements, un séide de ce dernier à l’identité imprévisible, etc. Indéniablement, Gérard Saryan nous régale et propose un véritable festin de tensions. Dans le même temps, il se permet diverses références fort habiles à son précédent ouvrage et maintient le suspense autour de ce personnage marquant qu’est « La Demoiselle », et les dernières lignes laissent penser que les prochains livres tourneront autour de cet individu diabolique.

    Un thriller réussi et prenant, maîtrisé d’un bout à l’autre, et suffisamment complexe pour tenir éveillé durant de longs instants nocturnes.

    26/09/2024 à 06:53 4

  • Mexico'n carne

    Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti

    2/10 Après la déception à la lecture du premier tome et le naufrage suite à celle du deuxième, voilà la fin de la série, et je ne suis pas contrarié que ça soit fini. Un homme armé assommé avec une portière qui s’ouvre, son agresseur qui file ensuite un coup de Taser à un troisième type tout en lui tenant le poignet mais sans se prendre d’électricité, un costaud qui se fait toucher par une balle dans le bras qu’il utilise ensuite le plus tranquillement du monde… Si on ajoute à cette longue liste de sottises crasses des dialogues soporifiques, des clichés surnuméraires, des péripéties téléphonées et un final raté, on se dit qu’il était vraiment temps d’arrêter l’hémorragie. Mais la plus décente des initiatives aurait encore été de ne pas prendre la plume pour écrire de telles âneries – et aussi de choisir un pseudonyme plutôt que de les signer de son vrai nom.

    25/09/2024 à 17:23 2

  • Tequila 9 mm

    Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti

    3/10 Venezuela, Etats-Unis, Colombie : au moins, on voyage avec le deuxième tome de cette série, mais, stupéfiants aveux, le résumé officiel dévoile les faiblesses patentes de cette BD ou essaie de les nier. « Le récit, très bien documenté » ? Il y a quelques informations éparses, certes, mais vraiment pas de quoi justifier cette formule. « Une maîtrise parfaite des codes du genre » ? C’est seulement un recyclage de tout ce qui a déjà été écrit et filmé sur le sujet. « L’apparence stéréotypée » des personnages ? Ah ça, oui, on a rarement vu des poncifs de ce gabarit et en telle quantité. « Jouant avec les ficelles du genre » ? Oui, mais les ficelles sont méchamment usées et le marionnettiste n’a même pas la décence de vouloir être original. « Un récit nerveux » ? Si les phylactères n’étaient pas démesurés pour qu’ils puissent contenir des dialogues si longs et lénitifs, ça aurait éventuellement pu être le cas. Ah, un passage révélateur ? Un personnage dispose de deux pistolets et d’un couteau, mais non : comme c’est un macho, il massacre un assaillant avec la mâchoire d’un requin qu’il a prise sur le terrain. Boursouflé et risible – et c’est bien sa seule qualité, mais involontaire.

    25/09/2024 à 17:22 2

  • Coke and roll

    Emmanuel Herzet, Giuseppe Liotti

    4/10 Un commando est hélitreuillé sur un cargo, mais aucune trace de drogue (et pour cause : la marchandise a été débarquée dans un sous-marin). Dans cette troupe, Rico Riva. Le combat contre le narcotrafic continue.
    Un premier tome assez banal, à l’intrigue lue et relue des centaines de fois, aux personnages stéréotypés, et même graphiquement, c’est sans le moindre éclat. Un exemple : la scène d’infiltration et de destruction dans la jungle, sur le débarcadère, est sans attrait, tandis que la partie qui se déroule dans le monde de la jetset est sans âme. Je pense que je vais m’arrêter là.

    25/09/2024 à 17:17 2

  • Ceux qu'on tue

    Peter Swanson

    8/10 Ted Severson les a vus, sa femme Miranda et Brad, le chef de chantier responsable de la construction de la maison du couple. Ils faisaient l’amour, et les doutes de Ted sont aussitôt devenus des certitudes : Miranda le trompe. Dans l’avion qui relie Londres à Boston, un brin éméché, il en parle à Lily, une parfaite inconnue. Sous les effets de l’alcool, les langues se délient, les esprits également : il souhaite tuer son épouse. Et Lily lui donne raison. Mais Lily n’est pas n’importe qui : elle a déjà tué plusieurs fois par le passé. Le sinistre destin est déjà en marche.

    Peter Swanson, qui nous avait déjà séduits avec Vis-à-vis, Huit crimes parfaits ou Chaque serment que tu brises signait ce roman en 2015, et on ne peut que saluer l’initiative des éditions Gallmeister de l’avoir enfin traduit en français. Ce livre, salué par Joe Hill et Lee Child impose son rythme : lent, habile, crédible. Graduellement, d’aveux en connivences naissantes, de pures velléités à la mise en action de sombres desseins, Ted et Lily vont lentement glisser vers le domaine criminel. Cet ouvrage est-il pour autant si simple qu’il n’y paraît ? Absolument pas. Le récit, choral, alternant les points de vue de Ted, de Lily, de Miranda ainsi que de l’inspecteur Kimball, offre des points de vue complémentaires sur les péripéties à venir. On se régale d’un bout à l’autre, tant les psychologies sont à la fois contrastées et réussies. D’ailleurs, deux personnages tirent leur épingle du jeu : Henry Kimball, policier obstiné, rappelant parfois le lieutenant Columbo avec son intelligence affûtée et ses questions arrivant parfois en retard, dissimulant ainsi un flair redoutable sous ses aspects féminins et son apparente inoffensivité. Lily Kintner compose également une protagoniste intéressante : elle a déjà bousillé un chat avec une lourde pierre, un abominable artiste qui s’intéressait de trop près à son corps de jeune adolescente, et un compagnon volage. Dès lors, impossible d’expliquer la suite des événements, d’autant que Peter Swanson réserve de remarquables rebondissements, assassinant un des individus principaux dès la fin de la première des trois parties puis emboîtant des engrenages avec intelligence et lançant une machine infernale qui ne s’arrêtera plus. Certes, il y a parfois des passages un peu superflus et des redites inutiles, mais l’histoire est très solide, les interprètes convaincants, les retournements de situation imparables et les enchaînements de grande qualité. Le final est excellent, et l'ultime page, expliquant cette histoire de construction immobilière, constitue un épisode cinglant.

    Un très bon thriller, à la psychologie acérée et à la mécanique létale. Remercions chaleureusement Peter Swanson pour la précision de sa plume et l’esprit de sa composition littéraire. A noter que deux autres livres de cette série ont déjà été publiés en langue originale : on ne demande pas mieux que de les savoir rapidement traduits.

    24/09/2024 à 06:55 8