El Marco Modérateur

3492 votes

  • Qui sème le vent récolte la tempête

    Kazuo Kamimura, Kazuo Koike

    3/10 Je reste assez dubitatif en fermant la dernière page de ce deuxième opus de la trilogie, encore plus qu’avec le premier. Cette histoire mêlant tueuse professionnelle façon ninja, vengeance, nombreuses scènes de sexe, et la surabondance assez gratuite et stérile de meurtres m’a laissé particulièrement froid. Rien de très original, ni dans l’intrigue, ni dans la forme ou le récit, et les graphismes m’ont laissé indifférent au plus haut point. En plus, un peu plus de 500 pages (ce qui est énorme pour un manga !) qui ont consisté pour moi en long bavardage alors que les auteurs pouvaient sans mal retrancher une voire deux centaines de pages pour concentrer le scénario : bref, presque du soporifique. Et puis, aucune scène marquante à mes yeux : les freaks font une trop courte apparition, les épisodes avec le vieil original, façon « Tortue géniale », en étaient presque ridicules selon moi, et j’ai eu l’impression tenace que le dessinateur débitait son histoire parce qu’il était payé à la planche et que le malheureux scénariste devait suivre son compère sans trop savoir quoi faire dire à ses personnages ni comment remplir ces vides à moins que ça ne soit l’inverse. Pour résumer, avec sévérité mais en toute objectivité : une lecture hautement dispensable. Et même s’il ne me reste « que » le troisième opus pour conclure cette trilogie, je ne suis pas certain d’être de l’aventure.

    24/11/2020 à 19:48 2

  • Silencer tome 1

    Buronson, Yuka Nagate

    8/10 Shizuka, dont le prénom signifie « silence » ou « celle qui fait taire », est une personne qui sort de l’ordinaire : on la voit, dès la première scène, se faire passer pour une prostituée à New York, pratiquer une fellation sur un narcotrafiquant avant de l’abattre à l’aide d’un pistolet muni d’un silencieux puis de faire la même chose à son sbire. Ah, détail détonnant : elle est inspectrice de police. Lorsqu’une mystérieuse et inquiétante « division 39 », émanant de l’appareil politique de la Corée du Nord, en vient à apparaître, elle n’hésite pas à sortir à nouveau les armes de façon illégale et régler leur compte aux gangsters. Elle va devoir faire équipe avec le policier Iba, poivrot, corrompu et machiste, au sein d’un service qui ressemble à un placard, où ne sont données que des tâches annexes, sans importance, dont la première pour le duo est la disparition d’une personne âgée. Le papy va être le témoin de l’assassinat d’une jeune femme. Prostitution, escroquerie financière : seule ce dernier élément permet de passer au tome suivant en termes d’intrigue suivie. Un scénario certes classique mais très bien assumé, des personnages lourds et bien noirs, un ton original, bref, j’ai beaucoup aimé et je vais tâcher d’entamer assez vite la suite.

    23/11/2020 à 18:41 1

  • Ichi The Killer tome 8

    Hideo Yamamoto

    7/10 Ichi repart au combat avec sa tenue de baston, et le combat avec ce taré d’homme de main, Jirou, tient toutes ses promesses. Notre tueur n’a alors plus que trois adversaires sur sa route : le taré SM, le jumeau de Jirou dégoûté de ne pas avoir pu tuer lui-même son frangin pour prouver sa valeur, et Kaneko le jeune papa. Suzuki, le bandé de partout, refait une apparition furtive. Ichi finit par apprendre que ses trois prochaines cibles imposées par « le vieux » sont justement ses trois ennemis (même s’il a beaucoup de sympathie pour Kaneko avec lequel il vient de nouer un accord à propos de son fils), et ça promet donc du sang pour les opus suivants.

    23/11/2020 à 18:41 2

  • Btooom ! tome 4

    Junya Inoue

    6/10 Un quatrième opus qui commence par un flashback pour Ryota, du temps des jours à peu près heureux en dehors de l’île, avec sa passion dévorante pour les jeux vidéo. Ryota ainsi que Sakamoto se posent encore des questions quant au rôle de cette jeune fille blonde que l’on appellera par la suite Himiko. Ryota fait la connaissance – violente – de Miyamoto Masashi, un combattant aux allures de Rambo. La confrontation dans le fortin est agréable à suivre, plutôt bien menée, et son final intéressant, mais à part la scène presque finale qui éclaire un peu sur les enjeux de cette île si mystérieuse, l’ensemble de ce manga manque un peu de nerf, d’originalité, de noirceur, voire des trois, pour être vraiment marquant, même s’il demeure divertissant.

    22/11/2020 à 17:31 2

  • Détective Conan Tome 29

    Gosho Aoyama

    6/10 La résolution de l’enquête sur cet agresseur et tueur en série de jeunes femmes : un scénario assez classique, mais c’est très efficace, d’autant que le mobile du tueur est intéressant (déjà évoqué dans un autre opus de la série, mais je ne me souviens plus du tout lequel…), tout en nous expliquant la raison pour laquelle Maigret ne quitte jamais son chapeau (à titre d’anecdote, impossible de ne pas penser au fait que Gosho Aoyama a dû lire « Maigret tend un piège » tant le début y ressemble, avec la référence aux appâts féminins). Puis une prise d’otages dans un bus, avec un complice dissimulé parmi les usagers : c’est agréable, mais ça n’est pas bien fort, juste un plaisant entracte. Ensuite, un chien, Doyle, a peut-être été carbonisé dans un four avant qu’on se dise qu’il a été enlevé : une intrigue gentillette, mais franchement pas mémorable. Enfin, une rencontre d’anciens sportifs débouche sur l’assassinat d’un journaliste américain : une explication un peu tirée par les cheveux, qui a cependant un peu plus de poids au niveau de la psychologie. Donc, à part la première enquête qui sort un peu du lot, un opus un cran en dessous des autres, mais qui n’en demeure pas moins bien distractif et sympathique.

    22/11/2020 à 17:29 1

  • Détective Conan Tome 28

    Gosho Aoyama

    7/10 Suite et fin de l’intrigue inachevée concluant le tome précédent, avec cette affaire de chasseurs : une résolution qui joue davantage sur les sentiments humains (et animaux), que sur des ressorts purement policiers, avec pas mal d’émotion (et de surprise) à la clef. Le cas suivant commence avec l’enquête sur la disparition d’un homme, après quoi un individu est retrouvé mort, une photo dans la main : une affaire qui, à mon sens, comme la précédente, joue plus sur la psychologie que sur le côté policier, un peu laissé à l’écart. L’histoire suivante, où il est question d’une île, d’une légende, d’une malédiction et d’une sirène, et qui débouche rapidement sur une femme pendue, une autre étranglée et une autre brûlée : pas mal de suspense, mais le dénouement m’a laissé assez froid (trop bavard, pas assez efficace à mon goût). Le dernier cas s’amorce avec une femme fracassée par un inconnu avec une batte de baseball, avec un tueur en série de jeunes femmes, avec le policier Maigret aux premières loges : la suite dans le tome 29. Globalement, un bien bon opus, distrayant et intéressant.

    22/11/2020 à 17:28 1

  • Simple mortelle

    Lilian Bathelot

    9/10 Mallisègre, dans l’Aude. Après une séparation, Nicole décide de refaire sa vie et obtient son premier poste de professeure des écoles dans ce village. Elle y fait rapidement la connaissance de Louis, une sorte de marginal, et c’est le coup de foudre réciproque. Une passion torride, totale. Mais Louis n’est pas parvenu à se débarrasser des démons de son passé tandis que d’autres personnalités, installées dans de hautes sphères politiques, sont bien décidées à choisir une victime expiatoire pour leur projet.

    Lilian Bathelot prend, dès les premières pages, le lecteur dans les filets de divers enchantements. Des sortilèges hétéroclites, parmi lesquelles sa prose, admirable et poétique, un récit choral qui permet de placer les diverses pièces du puzzle de son intrigue, et un incroyable sens du mystère qui enrobe ces premiers éléments scénaristiques. On est ainsi plongé dans une histoire ardente, celle de la flamme qui naît presque aussitôt entre Nicole, « simple mortelle », ayant décidé de décocher son existence dans une nouvelle direction, et Louis, ancien soldat, qui pourrait se transformer en un bouc émissaire bien pratique. L’ambiance presque « séquestrée » de Mallisègre, bourg perdu dans l’Aude, est parfaitement rendue, et les mots pour décrire et caractériser les amours embrasées de nos deux protagonistes choisis avec tact et lyrisme : de belles touches d’un érotisme trouble, ne tombant jamais dans la crudité. Dans le même temps, on s’interroge autant qu’on se passionne pour ces autres individus qui apparaissent, sans comprendre exactement leur finalité : qui est cette commandante, Fanny, ou ces membres des forces de l’ordre qui semblent épier une proie humaine ? De même, quels pourront bien être les rôles du maire, Frédéric, ou de cette ancienne institutrice, Suzanne ? Puis, graduellement, Lilian Bathelot organise les divers morceaux de son histoire et elle nous apparaît alors : simple mais efficace, et surtout portée par un enthousiasme littéraire et un solide appétit pour les beaux mots. D’ailleurs, certains passages sont mémorables, comme la confidence de Louis quant à son retour à la vie civile, ses égarements citadins et sexuels, puis ses errances dans une grotte, animal inadapté à la coexistence avec ses contemporains et encore maltraité par un récent drame.

    Un ouvrage poignant, prenant en diable, dont l’écriture fiévreuse transportera le lecteur. Dans le même temps, de profondes réflexions sur le militantisme, la condition citoyenne, l’amour écrit en lettres capitales, et la rédemption.

    19/11/2020 à 06:40 5

  • Les Morsures de l'aube

    Tonino Benacquista

    8/10 Antoine Andrieux et son compère Bertrand Laurence font partie de ces « parasites professionnels » qui savent profiter des opportunités offertes par les nuits parisiennes. De boîtes de nuit en salons privés, de bars en colloques, ils savent s’incruster dans ces occasions où ils ne sont pourtant pas conviés, écumer buffets et alcools, avant de revenir à une vie presque normale quand vient l’aube. Sauf qu’une de ces soirées tourne mal pour notre duo d’oiseaux de nuit : Bertrand est séquestré tandis que l’on intime à Antoine l’ordre de retrouver un dénommé Jordan dans les quarante-huit heures, sinon… Et voilà Antoine qui part à la recherche de cet inconnu.

    Il s’agit du dernier opus de la quadrilogie consacrée à Antoine Andrieux, écrite par Tonino Benacquista. On y retrouve la truculence de l’auteur, toujours en verve, qui sait habilement décrire les nuits de la capitale, lâchant au passage de délicieux mots d’auteur et autres aphorismes croustillants. Ici, notre Antoine va devoir passer au tamis les boîtes parisiennes, faire jouer ses relations, contacter ses « indicateurs » et autres relations, pour retrouver ce dénommé Jordan. Mais la partie ne s’annonce pas gagnée d’avance, d’autant que cet énergumène semble aussi insaisissable qu’un courant d’air et laisse dans son sillage une étrange impression à celles et ceux qui l’ont rencontré. Un personnage d’autant plus énigmatique qu’il est couplé à une jeune fille diaphane, provocante et particulièrement libérée, Violaine, et que les langues commencent à se délier à propos de certains comportements vampiriques de leur part. Assurément, Tonino Benacquista maîtrise son sujet, notamment dans ces milieux interlopes des fêtes pour noctambules, errances de ces hétérocères humains, et autres tristes solitudes d’individus qui ne parviennent jamais à se greffer à la vie diurne. L’humour de l’auteur est également excellent : des dialogues qui claquent, des mots qui font mouche, des descriptions mémorables : un excellent moyen de passer un bon moment, les zygomatiques en action. L’intrigue se perd parfois dans quelques bavardages et autres temps morts, mais lorsqu’elle réapparaît, elle sait prendre des virages inattendus, comme avec la découverte de Jordan et de Violaine, si bien appariés, mettant à nu de sombres pans d’un passé commun et des secrets de famille empestés.

    Un roman noir qui n’engendre guère la mélancolie, mais qui sait aussi aborder des rivages plus sombres, sans jamais se départir d’une langue belle et jouissive.

    17/11/2020 à 08:16 1

  • Le Centre

    Fabien Clavel

    8/10 Le père de Stéphane, séduisant lycéen, est très malade, au point que ses jours sont comptés. Il semblerait qu’il ait été atteint par le cancer après avoir longtemps été agent d’entretien au Centre, un complexe secret dans une forêt proche de Compiègne. Pour son fils, sa petite copine Cerise, et son amie Emma, le remède se trouve nécessairement au même endroit que le mal : c’est ainsi que les trois adolescents décident de pénétrer le Centre, à leurs risques et périls.

    Après Témoins à abattre d’Olivier Gay, voici le second opus de la collection « Flash fiction » de chez Rageot, avec Fabien Clavel aux manettes. Autant le premier était ouvertement policier, autant celui-ci se tourne vers une texture plus fantastique, avec notamment une belle référence à la série X-Files. L’auteur, en expert de la littérature jeunesse, maîtrise son sujet, et les pages, certes peu nombreuses, défilent à toute allure, sans le moindre temps mort. S’adressant ouvertement à celles et ceux qui « n’aiment pas lire » tout en étant adapté aux « dys », cet opus est un pur régal : action, suspense, mystère autour de cette étrange pyramide et de ce que nos infiltrés vont découvrir, sans oublier une juste mesure d’émotions, voilà qui constitue à coup sûr un cocktail qui séduira. Stéphane saura compter sur l’aide de Cerise, sa compagne de prime abord détestable avec son allure de pimbêche imbue d’elle-même et de la situation financière de sa famille, d’autant que son père dirige cet énigmatique Centre, et sur Emma, d’origine asiatique et prête à tout pour porter secours à son camarade. Le final, particulièrement cinématographique, est certes un peu abrupt, mais il n’en demeure pas moins très bien trouvé et mémorable.

    Un roman singulièrement efficace, offrant une porte dorée et alléchante vers le policier et le fantastique autant que vers la littérature en général pour les adolescents : un défi amplement couronné de succès. On attend déjà avec impatience les prochains livres de cette collection.

    16/11/2020 à 09:16 3

  • La Mort des Bois

    Brigitte Aubert

    8/10 … ou comment Elise Andrioli, jolie trentenaire devenue tétraplégique, muette et aveugle suite à un attentat qui a également emporté son compagnon, en vient à entendre la confession de Virginie, une fantasque gamine, selon laquelle un tueur en série rôderait dans les parages, assassinant les uns après les autres des enfants. Mais prise dans la prison de son propre corps, comment Elise pourrait-elle en parler à ses proches ? La menace s’ajoute à l’urgence quand le criminel semble se rapprocher d’elle… J’avais lu le deuxième tome de la série, « La Mort des neiges », dont je garde, près de dix ans plus tard, un très agréable souvenir. La plume de Brigitte Aubert fait mouche, mêlant suspense, humour (parfois noir), et intrigue policière bien charpentée. C’est surtout l’occasion de voir apparaître une protagoniste mémorable, en la personne d’Elise, paralysée, et ne pouvant s’exprimer que grâce à son index (même si, au gré de ce roman, c’est ensuite la main puis le bras qu’elle parvient à mouvoir). On ressent bien évidemment de la sympathie et de la compassion pour elle, mais l’écrivaine a évité, à mon goût, le piège du pathos exagéré en lui refusant le rôle de la larmoyante héroïne/victime pour lui conférer, bien au contraire, un rôle fort, une personnalité acérée, et un esprit à la fois solide et sarcastique. L’histoire est bien menée, en finalement un nombre de pages plutôt restreint, avec un vaste panel de personnages qui constituent autant de suspects potentiels. Un déroulement intelligent, sans temps mort, dont je ne regrette finalement que le final, à la fois un peu longuet (cf. ma chronique de « La Mort des neiges » que je trouve également adapté à ce tome : « malgré une fin qui aurait pu facilement être réduite de quelques dizaines de pages pour préserver l'impact et la verve de l'histoire ») et trop touffu (j’entends par là qu’il est certes plutôt crédible, mais qu’il demeure trop embrouillé, avec excessivement d’interactions entre les divers personnages) alors qu’il aurait peut-être gagné en efficacité et en mémorabilité en étant plus direct et tranchant. Bref, un très agréable moment de lecture, dont je retiens en priorité le personnage d’Elise, atypique et inoubliable. Mais au vu des commentaires sur Polars Pourpres à propos du troisième et dernier opus, « La Mort au Festival de Cannes », pas certain que je sois au rendez-vous avec celui-là.

    11/11/2020 à 18:43 4

  • Docteur futur

    Philip K. Dick

    8/10 … ou comment Jim Parsons, médecin dans un futur proche (dans les années 2020, le livre datant de 1959), se voit projeté dans le temps, suite à un accident, et emporté dans un futur plus lointain. Sur place et à cette époque, il découvre des us qui lui semblent d’entrée de jeu étranges : des gens nécessairement métissés, où la mort est appréhendée de façon si incongrue qu’il n’y a pas de médecins, etc. En outre, on va présenter à Jim, notre égaré temporel, un homme plongé dans un cube dans une sorte de stase, une flèche fichée dans la poitrine, et il comprend que l’on va avoir besoin de lui pour le sauver et, s’il lui reste encore un peu de temps, modifier le passé en s’en prenant aux conquistadors et autres découvreurs du seizième siècle. Moi qui ne connaissais que bien peu l’œuvre de Philip K. Dick, on peut dire que je la découvre via ce roman d’environ deux cents pages. Pas le moindre temps mort, une langue simple mais qui sert à merveille la cadence élevée du récit, et une histoire singulière : d’accord, l’histoire des boucles temporelles n’est pas en soi très novatrice, mais n’oublions pas, comme évoqué précédemment, que le livre date de 1959, et il constitue en cela un ouvrage novateur pour son époque. Beaucoup d’éléments qui s’enchevêtrent – parfois un peu trop à mon goût, mais ces allers-retours passé/futur (en réalité, ce dernier constitue une forme de « présent ») tiennent bien la route, sans coup faillir, et l’on s’en rend compte notamment lorsque l’écrivain s’attache à cette histoire de flèche, faisant de son protagoniste bien plus qu’un spectateur de l’histoire, un réel acteur. Pas mal de rebondissements dans le final avec l’arrivée des deux enfants, et l’on ne peut que réfléchir de longs moments, une fois la dernière page achevée, à ce que l’auteur a démontré, comment cette spirale temporelle s’est déployée et qu’elles seront les incidences sur le passé, voire l’avenir de notre « héros ». Pour qui aime ce genre, c’est une véritable réussite, étalant l’éloquence de Philip K. Dick, son goût consommé pour la perte des repères, la paranoïa et la folie. Délectable.

    10/11/2020 à 20:07 4

  • Mémoire

    Howard Phillips Lovecraft

    6/10 … ou la description d’un monde oublié, où l’Homme n’est plus, ayant laissé la place à un panorama merveilleusement décrit par H. P. Lovecraft, et dont la singularité des lieux, à mes oreilles bien mise en valeur par cette lecture audio, nous est en partie expliquée par un échange entre un génie et un démon. Une bien jolie représentation de ce paysage (délaissé par l’humanité, ou cette dernière les ayant chassé de ce Paradis terrestre, à chaque lecteur/auditeur de se faire son opinion) à travers l’évocation de l’animal, du végétal et du minéral. Ceci posé, au-delà de la beauté de la forme, je regrette la « stérilité » du fond, puisque l’auteur aurait pu nous en dire un peu plus quant aux raisons de ce lieu esseulé, et ainsi davantage creuser le sillon de son histoire, développer son schéma narratif, et apporter à l’ensemble bien plus d’impact. Bref, c’est beau, mais c’est assez mou, sauf si l’on s’en tient exclusivement à son aspect onirique et nostalgique.

    09/11/2020 à 15:27 1

  • Sky-High Survival tome 8

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 Une belle entame avec une bagarre serrée contre plusieurs psychopathes masqués, notamment un pugiliste redoutable. Ayant lâché la série depuis déjà pas mal de mois, j’ai eu un peu de mal à me retrouver entre les différents personnages. L’enlèvement de Rika Honjo apporte du souffle à l’intrigue, mais à titre très personnel, cette série a un peu perdu de son attrait et de sa magie, peut-être parce que je l’aurais souhaitée plus resserrée, qu’elle aurait mérité de tenir en moins de tomes.

    08/11/2020 à 18:39 1

  • Ichi The Killer tome 7

    Hideo Yamamoto

    7/10 Après le coup de mou stérile et inutilement barbare du précédent opus, je me réjouis de retrouver Ichi, avec ses problèmes psychologiques hérités de l’événement dégueulasse dont il fut autrefois le témoin. Le vieux (l’employeur d’Ichi) va montrer l’étendue de sa dangerosité physique (ainsi que sa nature réelle) et bousiller Takayama de manière surprenante. Ichi repart sur le sentier de la guerre, avec son armure de tueur, après ses appels à cette femme qui est si intimement liée à son passé. Ce tome me fait penser à une voiture qui aurait calé : le précédent, c’était l’arrêt presque total de mon intérêt pour la série, et là, ça commence à repartir, et c’est tant mieux.

    08/11/2020 à 17:31 2

  • Détective Conan Tome 27

    Gosho Aoyama

    7/10 Le premier dossier nous entraîne vers une histoire surprenante : Kogoro Mouri est accusé du meurtre d’une dénommé Usui, retrouvée étranglée dans une chambre close qu’ils occupaient tous les deux. C’est simple mais bougrement efficace. Le suivant montre un pyromane en série ainsi qu’une ancienne affaire, vieille de dix-huit ans, et c’est Takagi qui est sauvagement agressé : une histoire plus complexe que ne le laisse imaginer son entame, avec pas mal de suspense, mais un peu moins de sollicitation des petites cellules grises. Le troisième se déroule dans une salle d’arcade : une intrigue très intéressante, moins pour le cadre selon moi que pour la multiplicité des ressorts de sa résolution, comme savoir comment la victime a été assassinée, comment le meurtrier a opéré, s’est débrouillé pour faire disparaître l’arme du crime, etc. Le quatrième et dernier commence par une banale cueillette aux champignons jusqu’à ce qu’ils découvrent un ourson puis un cadavre, avant de se faire apparemment tirer dessus par des chasseurs : le suspense est élevé, et la résolution viendra dans le tome suivant. D’une façon générale, un bon opus, varié et rythmé, qui fait passer un bon moment.

    07/11/2020 à 17:47 1

  • Sauvage

    Jamey Bradbury

    8/10 Tracy Sue Petrikoff n’a que dix-sept ans mais déjà un fort caractère. Vivant dans l’Etat de l’Alaska en compagnie de son frère, Scott, et de son père, elle ne vit que pour la nature farouche qui l’entoure. Musher, elle a en outre hérité de sa défunte mère un don incroyable : connaître le passé d’un animal ou d’un être humain en gouttant un peu de son sang. Lorsque Tracy est agressée par un inconnu qu’elle pense avoir sévèrement blessé en retour, qu'elle découvre un sac à dos recélant plusieurs milliers de dollars, puis fait la connaissance d’un inconnu souhaitant travailler à la ferme familiale, les événements risquent de déraper.

    Avec ce premier ouvrage, Jamey Bradbury bouscule plus qu’elle ne séduit, car il ne s’agit pas là d’un énième livre sur la nature. Tout y est âpre, complexe, déroutant. D’ailleurs, la forme narrative épouse parfaitement le côté déstructuré du roman. Un passé et un présent qui s’entremêlent, pas de tirets cadratins pour les dialogues ni même de guillemets : un choix clairement choisi par l’écrivaine, mais qui surprendra certainement. Par la suite, Sauvage mélange avec intelligence littératures blanche et noire, avec de magnifiques moments d’émotion, de partages et de non-dits familiaux, de communions avec la faune, de déférence pour cet environnement neigeux, végétal et animal. On se plaît d’ailleurs à lire et relire certains passages, tant ils sont joliment tournés. L’intrigue demeure présente, tel un fil rouge, et l’on ne comprendra le lien entre Tom Hatch, l’agresseur de Tracy, et Jesse Goodwin, cet étranger venu travailler chez les Petrikoff, que dans les ultimes pages. Mais c’est avant tout une œuvre puissante et mémorable sur la Nature, souveraine, indomptable, féroce, et sur l’apprentissage. Celui de l’altérité, où Tracy comprendra l’originalité de son « talent » grâce à sa mère et à un tamia. De l’affection aux côtés de Jesse. De l’accord avec ses chiens de traineau dans cette course baptisée l’Iditarod. De l’indépendance, dans ses choix les plus extrêmes, avec ces dernières pages, incroyables, où la jeune femme fera un choix de vie à la fois définitif et mémorable.

    Un premier roman coup de poing, qui enchevêtre le blanc et le noir littéraires dans ce qu’ils ont de plus pur et ombrageux, et qui, malgré quelques longueurs parfois inutiles, offrira un dépaysement total, à la fois géographique et psychologique, à ses lecteurs.

    03/11/2020 à 18:35 5

  • Le Mystère de la statuette

    Paul Beorn

    8/10 Alors qu’ils sont dans le musée d’Aquitaine de Bordeaux, nos jeunes membres du club des chasseurs de fantômes apprennent qu’une statuette représentant Isis vient d’être volée. Tout accuse le père de Sacha et de Louisa, même s’ils savent pertinemment qu’il est innocent. Les voilà partis sur les traces du cambrioleur, avec à la clef de sacrées aventures… et de nombreux voyages dans le temps !

    Après Le Navire des disparus, revoilà Paul Beorn avec ses enquêteurs en herbe, toujours prêts à se lancer aux trousses de spectres. Le rythme est ici trépidant : une cadence qui s’impose dès le premier chapitre et ne faiblit jamais. La grande force de ce roman est de mêler, avec audace et intelligence, plusieurs genres : le policier, l’aventure et le fantastique, avec une posologie telle que chacun d’entre eux est préservé dans ce cocktail détonant. Car nos braves limiers vont être entraînés dans diverses époques : Moyen Âge, Seconde Guerre mondiale, Antiquité, à chaque fois dans la ville de Bordeaux. Les anecdotes historiques et sociales sont toutes habilement amenées, instructives sans jamais être pesantes. Et Paul Beorn garde le pied collé au plancher jusqu’à l’épilogue, mettant nos aventuriers aux prises avec un fantôme très retors et prêt à tout pour assouvir son projet.

    Un opus très réussi, sans le moindre temps mort, et amplement apte à emporter l’adhésion du jeune lectorat auquel il se destine.

    03/11/2020 à 07:13 4

  • Sherlock Nonosse et le mystère des tables de multiplication

    John Bigwood, Jonny Marx

    8/10 John Bigwood et Jonny Marx nous avaient déjà régalés avec Sherlock Nonosse et le mystère des additions & soustractions, et ils ont récidivé avec ce deuxième opus, dont il convient de rappeler les bases : faire en sorte que les (très) jeunes se frottent à l’algèbre tout en y prenant du plaisir. Une gageure ? Certes, mais ici, c’est une réussite. Après avoir révisé les bases mathématiques des multiplications, le lecteur, acteur de ses apprentissages, en vient à résoudre des problèmes dont la difficulté va être graduelle. Sherlock Nonosse et le docteur Chatterton poursuivent toujours leur ennemi juré, le professeur MalfRat, et auront besoin des lumières des arithméticiens en herbe pour dénouer les énigmes. Des empreintes de pas, des objets volés à comptabiliser, des suspects à éliminer d’une liste, des exercices d’observation, des déguisements à quantifier, des butins à évaluer, etc. Un souci pour résoudre une devinette ? Pas de problème : la loupe détachable permet de révéler la solution.

    Un livre-jeu étonnant, puisqu’il permet de se régaler tout en s’essayant aux mathématiques. Une complexité qui va crescendo et qui est très bien dosée, avec cet art consommé pour John Bigwood et Jonny Marx de faire passer ce qui ressemble à une corvée purement scolaire pour un véritable moment de détente. Un objet riche et très élégamment façonné, qui sait entremêler l’énigme policière et les calculs : un pur bonheur.

    01/11/2020 à 16:54

  • Hex

    Thomas Olde Heuvelt

    8/10 … ou comment le village de Black Spring, dans l’Etat de New York, est marqué depuis près de trois cent cinquante ans par la présence inquiétante de Katherine van Wyler, décrite comme sorcière. Lèvres et yeux cousus, en partie enchaînée, elle s’est depuis lors imposée dans le paysage local en apparaissant et disparaissant comme par enchantement, au point que les autochtones, protégeant ce secret en dehors de leur commune, ont développé une application pour indiquer aux autres utilisateurs où elle se trouve. Une simple apparition ? Non, car elle a un passé très mouvementé, marqué par une existence liée à la sorcellerie qu’elle a payée cher, et elle a déjà poussé au suicide des personnes qui lui ont manqué de respect, d’autant que ses éventuels chuchotements sont craints. Mais face au danger, à cet interdit, il va bien se trouver une poignée d’adolescents en manque de frissons (d’autres diraient qu’ils sont bien abrutis) pour la bousculer et entraîner une série de tragédies. Stephen King a beaucoup apprécié ce roman, et on le comprend (est-ce que le lieu « Misery » cité dans le livre ne serait-pas un clin d’œil, sans parler de la fin, proche de « Simetierre » ?) : l’histoire est sacrément originale et forte, et l’auteur, Thomas Olde Heuvelt, plante l’ambiance de façon remarquable et pertinente, au point de faire passer ce scénario assez abracadabrantesque en quelque chose de « crédible ». Les émotions se succèdent dans ce joli petit pavé : le suspense, la peur, l’humour (les répliques entre les membres de la famille Grant sont souvent croustillantes), l’émotion (les passages sur le deuil dans le dernier tiers sont vraiment forts et poignants), et les ultimes sursauts de folie et de barbarie sont restitués avec force. Dans cet ouvrage en vase clos dans ce village sciemment replié sur lui-même, on retrouve du Stephen King, du Shyamalan avec « son » village (même si son scénario est carrément pompé sur d’autres romans), ou du Clive Barker, c’est indéniable, mais l’écrivain a su s’affranchir de ses insignes prédécesseurs avec sa propre patte, sans le moindre temps mort, jusqu’au final, dont le dernier paragraphe fait froid dans le dos. Bref, une très bonne lecture, où l’émotion et l’horrifique se le disputent avec intelligence et talent. C’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas d’autres romans de cet auteur traduits en français, je me serais rué dessus. Et les remerciements finaux contiennent des explications intéressantes sur le changement de décor pour cette présente édition, passant des Pays-Bas aux Etats-Unis.

    30/10/2020 à 11:35 5

  • Terreur à Broadway

    David Alexander

    6/10 … ou comment le rédacteur en chef du journal « Broadway Times » Bart Hardin en vient à être contacté par un tueur en série qui se surnomme « Waldo » et qui s’en prend exclusivement à des femmes du milieu artistique. Il faut dire que ce canard ne se préoccupe que des canassons de course et de music-hall, d’où cette formule : « Le « New York Times » publie toutes les nouvelles publiables ; le « Broadway Times » publie les autres ». Si le criminel annonce un futur forfait, peut-être est-ce un moyen de réaliser un scoop… ou de résoudre l’enquête en aidant la police. Partant d’un canevas assez classique (même si le livre date de 1954), je me suis laissé prendre par le récit, montrant d’abord l’envers du décor du journalisme, des bons papiers, des contacts avec l’univers artistique, etc. Par la suite, ça devient beaucoup plus routinier : l’auteur perd un peu de sa verve, le tempo s’allège, les connexions se font téléphonées, et ce n’est que sur le final que quelques rebondissements – pourtant devinables – viennent se mêler à une complexité un peu inutile de l’intrigue (étrange paradoxe, d’ailleurs). Au final, un roman noir très correct, mais qui ne s’appuie pas assez à mon goût sur son décor new-yorkais, ni sur une histoire qui se démarque des autres, pour devenir complètement satisfaisante.

    28/10/2020 à 23:20 1