El Marco Modérateur

3576 votes

  • Business Clan

    Clément Sauvé, Niko Tackian

    4/10 A la prison de Guantanamo, on amène un nouveau prisonnier. Son nom : Adrian Stolker. Huit jours plus tôt à Gaza, Stolker avait infiltré une discussion à propos d’une vente d’armes au terme de laquelle lui et ses camarades sont parvenus à soustraire vingt millions de dollars aux trafiquants.
    Une BD plutôt banale même si elle est graphiquement réussie, qui n’évite pas les clichés du genre, aux personnages stéréotypés, et dont le scénario n’est guère singulier. Je ne sais pas pourquoi ce premier tome, paru en 2007, n’a pas connu de suites (manque de succès public ?), mais à titre très personnel, au-delà de son côté purement divertissant, je ne garderai certainement pas de cette lecture un souvenir impérissable ni ne me lamenterai suite à l’arrêt de cette série.

    23/12/2024 à 08:03 2

  • L'Être nécessaire

    Jacky Schwartzmann, Sylvain Vallée

    8/10 « Je m’appelle Lucien. Je suis un homme de main », indique d’entrée de jeu le protagoniste, tueur à gages devenu prêtre sous l’identité de père Philippe dans la commune de Saint-Claude, quelque part dans l’Isère. Une conversion ? Pas du tout : il essaie d’esquiver les emmerdements liés à son dernier contrat et à une défenestration inopportune. « Cette soutane, c’est mon gilet pare-balles », affirme-t-il : pas certain que ça soit exact…
    Un scénario culotté, des dessins excellents, de belles touches d’humour pour saupoudrer l’ensemble et des dialogues au cordeau. Certains passages sont certes un peu téléphonés ou patauds, mais j’ai beaucoup aimé cette BD, dont la scène finale de sexe résume bien le ton : c’est déluré et iconoclaste. J’attends la suite avec impatience.

    22/12/2024 à 07:59 8

  • La Poisse

    Stefano Martino, Olivier Peru

    7/10 « La poisse… Elle me colle tellement aux bottes que je la porte en surnom », explique ce gobelin qui s’approche d’une citadelle enneigée avec deux couteaux plantés dans le dos. C’est aussi un batailleur et il a un très sale caractère, alors, quand il va se frotter à la clique de Draek et de ses sbires, autant dire que le temps va vite tourner à l’orage.
    Graphisme très réussi, intrigue simple mais dynamique, humour noir à froid et punchlines bien senties façon « Hellboy », créatures adverses sacrément réussies, scènes assez cruelles (comme cette amputation de l’oreille puis l’énucléation) : c’est méchamment divertissant, j’en redemande.

    21/12/2024 à 08:18 2

  • Les Larmes du Wendigo

    Sacha Erbel

    7/10 Eugène Terredefeu, ancien pompiste, vient de quitter sa France natale pour rejoindre Plymouth, dans le Massachussetts. Il trouve un emploi à la librairie, mais rapidement, la ville connaît un événement tragique : on retrouve le corps d’une joggeuse enceinte dont le fœtus a été enlevé. Mise sur l’affaire, l’agent du FBI Lilly Anak, native des lieux, va s’attacher à comprendre qui est à l’œuvre, avec Eugène à ses côtés.

    Voilà un roman à suspense sympathique. Sacha Erbel nous invite dans son récit qui alterne autant les points de vue que les genres : on passe ainsi facilement du ton rigolard aux passages très durs, notamment avec des descriptions de mutilations et de violences sexuelles très crues. Le récit ne marque aucun temps mort et le rythme est agréable. On prend ainsi plaisir à sillonner cette histoire tantôt fantasque, tantôt âpre, aux côtés d’Eugène Terredefeu, gentil frenchie qui va s’avérer autant spectateur de l’intrigue que très actif à certains moments. Il va même se voir affublé du fantôme d’une adolescente insupportable, surnommée « Poison » par ses parents, décédée lors de son opération des amygdales. Cependant, certains écueils pénalisent ce livre. Certaines superficialités dans les analyses psychologiques apparaissent rapidement, soulignées par des ellipses et des clichés malencontreux, le tout au gré de points d’exclamation surnuméraires qui agacent. Parallèlement, l’autrice de la série consacrée à Talia Mejri ou de La mort est parfois préférable, séduisants et réussis, nous accable d’un final qui, certes, vient chambouler toute la lecture de son ouvrage, mais l’écrivaine aurait pu nous épargner ce rebondissement tant il est éculé.

    Un livre assez bon, plutôt prometteur et marquant quand il évoque la genèse de ce trio maléfique, mais alourdi par des poncifs et un ultime twist plus que flétri.

    20/12/2024 à 06:50 2

  • Pour nous

    Chris Loseus

    7/10 Matthew Brice a tout pour être satisfait : scénariste à succès, heureux dans son couple depuis sa rencontre avec Andrea, il vient également d’être papa. Mais alors, pourquoi s’est-il suicidé en sautant du quinzième étage de son appartement ? Ce geste désespéré et incompréhensible est-il en rapport avec la soudaine paranoïa de son ami et confrère Larry Simmons qui disait être tombé sur une information sulfureuse ?

    Chris Loseus a signé de nombreux romans sous ce pseudonyme, et ce Pour nous est le premier à l’être sous son véritable nom. On y retrouve donc Matthew Rice, scénariste de la série à succès Manhattan Corruption dont la vie est récemment devenue un conte de fée avant de basculer dans le pur cauchemar. Graduellement, à l’aide de flashbacks, l’auteur va nous expliquer les raisons de cette défenestration. Le camarade et coscénariste de Matthew, Larry, au cours de ses recherches, se serait aperçu d’un fait stupéfiant, et afin de se protéger, il a volontairement disparu. Des inconnus vont alors apparaître et faire pression sur Matt et son entourage pour mettre la main sur cet homme qui en savait trop. Le pitch est intéressant, le style limpide, et les quelque deux-cent-soixante-dix pages défilent à toute allure. Encensé par Laurent Scalese, cet ouvrage tient donc ses promesses et saura probablement trouver son public, à savoir celui amateur d’intrigues où s’enchevêtrent de belles histoires d’amour, des sentiments ingénus et des souffles d’espoir. Dans le même temps, malgré une indéniable maîtrise, on pourra reprocher à Chris Loseus quelques facilités au gré d’une écriture un peu lisse, des personnages manquant parfois de profondeur, ou encore une révélation finale – celle autour du secret découvert par Larry – qui n’est pas vraiment à la hauteur des espérances suscitées.

    Un roman à suspense imbibé d’eau de rose, qui ravira les fans du genre sans pour autant renouveler les codes de ce type de littérature.

    18/12/2024 à 06:58 1

  • Rat

    Nary, Rafally

    5/10 La France propose à Maka, en prison, d’intégrer un service de lutte contre la cybercriminalité. Dans le même temps, à Abidjan, des cybercriminels profitent de leurs connaissances techniques pour arnaquer de malheureux pigeons. Une intrigue sympathique mais sans grande envolée pour autant, qui nous emmène également à Port-Leucate, Marseille et Madagascar dans les ultimes planches. J’ai également été moyennement séduit par les dessins, un peu brouillons je trouve, et le scénario ne nous apprend malheureusement pas grand-chose de nouveau sur les pratiques des pirates informatiques. Reste un certain entrain et un phrasé typiquement africain (avec des termes bien particuliers) pour singulariser cette BD, mais ça fait un peu maigre, je trouve.

    16/12/2024 à 18:35 2

  • Clones en série

    Bachan, Jean-David Morvan

    5/10 Un homme subit une exécution. 23 ans plus tard, un vaisseau spatial est attaqué. J’ai eu du mal à me passionner pour cette histoire, même si le dessin, très typé comics, est agréable. Même si l’arrivée finale sur la planète NèVe-RiKoSSe semble éventuellement préparer un tome 2 intéressant, parce que ce genre de BD n’est que moyennement ma came, je ne serai pas de cet hypothétique second voyage.

    16/12/2024 à 18:33 2

  • Freesia tome 1

    Jirô Matsumoto

    3/10 Un étrange personnage que ce Hiroshi Kanô : un physique passable, un air lambda, mais derrière son jeune âge et ses lunettes se dissimule un individu secret, pas tout à fait équilibré, et capable de se battre. Au Japon, une loi sur la vengeance est en vigueur depuis deux ans, et il va intégrer le « bureau des exécuteurs suppléants », une sorte de justice supplétive à celle du pays.
    Un premier tome auquel je n’ai pas du tout accroché. Le dessin ne m’a pas enthousiasmé plus que ça, et le scénario n’aura été à mes yeux qu’un prétexte à des scènes de sexe et de violence qui n’ont jamais rien apporté au récit. En plus, ce dernier n’est guère réjouissant : peut-être que les tomes suivants sont plus originaux mais je ne suis vraiment pas certain d’être de l’aventure.

    15/12/2024 à 19:37 2

  • Naissance

    Jaouen

    6/10 Un début de toute beauté où un individu, après avoir lutté contre d’étranges créatures, meurt dans une immense boule de feu en faisant des références multiples à la religion. Dix-huit ans plus tard, en 2122, une communauté survit dans un décor désertique.
    Esthétiquement, c’’est juste sublime, et le récit s’avère très dynamique, mais je n’ai pas accroché plus ça à la mosaïque de thématiques abordées (religion, SF, voitures façon « Mad Max », créatures bizarroïdes, etc.). C’est objectivement bon, mais peut-être pas fait pour moi.

    15/12/2024 à 07:41 2

  • Les Furieuses

    Armand Cabasson

    7/10 21 septembre 1807 : le corps d’une femme vient d’être découvert dans une étrange posture. Elle est vêtue d’une très élégante robe noire de soirée, et des papillons se trouvent dans la pièce ainsi que collés à son habit. L’inspecteur Candelet – contrairement à ce qui est indiqué sur le résumé officiel de l’ouvrage – est contraint d’accepter la présence de l’aliéniste Dalvers à ses côtés pour mener l’enquête. L’investigation mènera le médecin en Espagne à la recherche d’un tueur en série obsédé par une femme bien particulière, jusqu’à tomber entre les griffes d’une redoutable guerrière que l’on surnomme « la Reine sorcière ».

    Armand Cabasson signe ici un polar historique très intéressant. Se déroulant lors du Premier Empire, l’auteur restitue avec beaucoup de brio les mœurs de l’époque, le Paris grouillant de misère, les tensions diplomatiques entre la France et l’Espagne, les enjeux géopolitiques, et propose une reconstitution particulièrement sauvage et authentique du soulèvement du Dos de Mayo. Le pitch est alléchant, le rythme endiablé, et le récit assez court (un peu moins de trois cents pages) n’offre aucun temps mort. On éprouve de la sympathie pour cet aliéniste aux méthodes anticonformistes, cherchant à libérer la parole de ses patients plutôt que de les traiter de façon brutale et archaïque, et son savoir est tel que l’Empereur lui demandera même de soigner Joséphine de Beauharnais. La partie se déroulant de l’autre côté des Pyrénées s’avèrera épique, d’une rare violence, la grande Histoire se mêlant à celle du livre, avec force escarmouches, embuscades et batailles, avec quelques éléments faisant penser à la plume de Serge Brussolo. En revanche, on regrette que le volet purement policier soit en demi-teinte : il y a un habile rebondissement quant à l’identité du prédateur, mais sa personnalité n’est guère creusée, son mobile est plutôt artificiel, et les qualités professionnelles de Dalvers ne sont pas beaucoup mises en lumière lors de la traque.

    Un roman qui mêle aventures et intrigue policière : malgré quelques poncifs, l’ensemble est haletant et compose une lecture indéniablement effrénée.

    12/12/2024 à 06:42 2

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 2

    Gou Tanabe

    9/10 Robert Olmstead croise des autochtones au visage hybride (« aquatique » et humain) et découvre qu’il ne lui est pas possible de rejoindre Arkham : il est donc coincé sur place, dans ce village de la menace et de la terreur grandissante. Rien que les planches mettant en scène le héros dans sa chambre d’hôtel sont des délices de suspense et de noirceur, pour une tension qui va habilement crescendo jusqu’à la chute. Celles et ceux qui auront lu le texte originel de Lovecraft (dont je fais partie) ne seront pas plus surpris que cela, certes, mais c’est un pur égal que de replonger (à tous les sens du terme) dans cette œuvre magistrale, d’autant que le graphisme de Gou Tanabe est tout bonnement fascinant. Remarquable.

    12/12/2024 à 05:24 3

  • Au-delà de l'horizon et autres nouvelles

    Franck Thilliez

    8/10 Au gré de ce recueil, j’ai eu le plaisir de relire des textes déjà lus précédemment (il y a même parfois longtemps), à savoir « Hostiles », « Ouroboros » et « Le Grand Voyage ». Pour ce qui est des autres – inédites à mes yeux, donc, un beau cocktail. « Au-delà de l’horizon », ou comment Marc, exobiologiste, va accomplir une série de missions dans le confinement d’un dôme scientifique aux côtés de cinq autres scientifiques, en préparation des futures expéditions sur Mars, sauf que rapidement, des détails se mettent à choquer l’équipe, la paranoïa augmente, sans compter divers éléments étranges (la mallette à arme à feu, la salamandre morte, les mails échangés avec son épouse Hélène, etc.). Une histoire bien agréable, même si j’ai trouvé la chute un peu faible par rapport à ms attentes. « Charybde et Scylla » s’est montrée bien plus convaincante à mes yeux, ou comment un dénommé John Doe nous fait basculer de l’autre côté du miroir, là où s’enchevêtrent l’imaginaire des écrivains, le processus de création artistique, et la puissance de la pensée chez les lecteurs. Une magnifique volée de pages, convaincantes et atypiques, renvoyant les créatures littéraires au rang de sous-individus que l’on peut exploiter à sa guise, quitte à les mutiler voire les tuer. Un univers qi tranche singulièrement – du moins est-ce mon avis – avec le reste de la bibliographie de Franck Thilliez, et j’ai beaucoup apprécié cette prise de risque, même éphémère, à classer à côté de « Prière d’achever » de John Connolly. En revanche, peut-être aurait-elle mérité des pages en plus pour développer ce thème, d’autant que je l’ai trouvé très bien imaginé et traité, ainsi qu’un côté un peu plus « thriller », car là, c’est presque de la littérature blanche. « Gabrielle » m’a fait passer un bon moment, avec sa simplicité et son final intéressant, et la concision (une vingtaine de pages) a servi le dynamisme de l’ensemble. « Sopor », ou une relecture habile de « La Disparition » de Georges Perec : dix pages intelligentes où monte le suspense quant à ces lettres sciemment progressivement omises, jusqu’à la conclusion finale (en revanche, merci Internet pour la compréhension du titre de cette nouvelle). « Double Je », ou la curieuse confession de Ganel Todanais à la policière Eulalie, déclarant qu’il a tué un artiste, Natan de Galois, qui expérimente le même processus de création que lui, à savoir un appareil qui transpose la voix humaine en œuvres créées par une imprimante 3D. Des accents à la Edgar Allan Poe (je ne serais pas surpris que Franck Thilliez ait lu « William Wilson » ou « Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe », par exemple). Un beau suspense, allant crescendo, prenant et efficace, mais dont la fin est facilement devinable, presque téléphonée (le tour de passe-passe dévoilé page 247, histoire de ne rien divulguer, sans compter le titre trop explicite). Et comme je suis de ceux qui avaient deviné la fin, je me sens un peu frustré, d’autant que l’immense talent de l’auteur lui aurait amplement permis de trouver une autre clef de résolution. « Lasthénie », ou la trajectoire de deux personnages, Catherine, sévèrement anémiée, et Nathanaël, au rhésus rarissime, à laquelle vient s’adjoindre cette Lasthénie, barmaid de son état. Une histoire originale dans le fond – le sang, ses particularités organiques, le don – mais moins dans la forme, parce que la chute peut se deviner, d’autant qu’elle est plutôt capillotractée, je trouve. « La Croisée des chemins », ou la séquestration du petit Martin par Claude dans un chalet isolé pendant près d’un an, avant que les raisons de cette incarcération n’apparaissent : pas mal d’émotion et de beaux sentiments, pour des thèmes (notamment le médical) déjà lus mais très adroitement exploités. « Un dernier tour », comment le cadavre d’une femme, remontant à la surface du lac Besson, va conduire, de fil en aiguille, avec d’autres cadavres retrouvés à la clef, à conduire le policier Paul Mourier à enquêter sur une série de meurtres en rapport avec le Tour de France. Un protagoniste singulier, sacrément amoché à la jambe et présentant une amnésie suite à la chute de son appartement en feu, n’ayant conservé de cet épisode nébuleux qu’une photo dans sa poche et deux balles de 9 mm. Une histoire très réussie – certains diraient probablement qu’elle est tirée par les cheveux, mais c’est un peu le jeu de ce type de littérature, forte et efficace, et qui tient en… douze pages. Et c’est là à mon avis son principal écueil, presque paradoxal : l’histoire est tellement bonne et prenante que je l’aurais volontiers imaginée en un format plus long, presque un roman, avec une belle adaptation télévisuelle à la clef. « Origines », ou l’étrange phénomène qui se manifeste, aux derniers instants de l’année 1999 : la doyenne de l’humanité, française, Marie Pasteur, qui a 129 ans, finit par décéder. Dans la foulée, des bébés meurent… puis dans toute la France, le monde entier, et durant plusieurs jours de suite. Il semblerait que quelque chose se soit déréglé : la Nature ? La génétique ? La Terre, peut-être ? l’humanité ? Toujours est-il que le temps semble désormais s’écouler à l’envers, à partir de cette date fatidique du tout début 2000, faisant rajeunir tous les membres de l’espèce humaine et ne laissant donc que les plus âgés libres de vivre le temps qu’ils ont déjà vécu sur Terre. Une idée géniale (peut-être en partie inspirée de « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » de Francis Scott Fitzgerald, l’élément génétique et mondial en plus), habilement menée, jusqu’à sa conclusion, assez attendue je trouve, mais c’est probablement parce que Franck Thilliez comptait mettre en relief le concept de cette nouvelle plus qu’une éventuelle fin marquante.
    Pour moi, un recueil très appétissant, jouissant du fourmillement des idées et de l’ingéniosité de l’écrivain, et même si certaines nouvelles m’ont un peu moins plus, le résultat arithmétique de l’ensemble ne consiste pas en une simple moyenne des diverses notes mais un avis global, ici très bon.

    11/12/2024 à 05:55 4

  • Entre deux mondes

    Olivier Norek

    9/10 Adam Sarkis, officier de police dans une Syrie à la fois la proie de son régime politique et des islamistes, projette de quitter le pays avec femme et enfant. Il finira dans la « Jungle de Calais », parti après les siens, afin de les retrouver sur place. Bastien Miller, pour sa part, vient tout juste d’être nommé à Calais avec son épouse, victime d’une longue et profonde dépression, et de leur fille. Les chemins de ces deux êtres vont se croiser au cours d’une tourmente qui va amplement les dépasser.
    Une sacrée claque. Un style fort, avec des formules qui décapent, des personnages humains et crédibles, une histoire forte et un roman qui tient incroyablement en haleine. J’ai adoré cette plongée dans cette « Jungle de Calais » que je connais, comme tout le monde, mais, comme tout le monde, sans vraiment la connaître, et les mots posés par l’auteur sidèrent : une sorte de proto-Etat, presque abandonné, une enclave dont nul ne souhaite s’occuper. De puissants élans humains dans les descriptions des malheureux qui y sont parqués, quêtant une vie meilleure dans cette étape vers l’Angleterre, « Youké » comme ils disent. Les protagonistes d’Olivier Norek sont remarquables et poignants, d’Adam, exilé volontaire cherchant sa famille et n’ayant pas oublié ses réflexes d’enquêteur, à Bastien, en passant (surtout) par Kilani (Ayman), ce gamin dont la langue a été tranchée, à l’enfance fracassée, ancien enfant-soldat devenu jouet sexuel. Beaucoup d’émotion au cours de ce récit sans temps mort, nous faisant vivre tout à la fois les espoirs souvent déçus de ces migrants comme certains êtres devenus animaux et mafieux au sein de cet Eden devenu terre maudite. Le titre, très fort, vient d’une réplique à propos des fantômes : « Coincés entre la vie terrestre et la vie céleste. Comme bloqués entre deux mondes. Ils me font penser à eux, oui. Des âmes, entre deux mondes », à laquelle fait subtilement référence la phrase finale du livre. Bref, un ouvrage que j’ai trouvé vraiment excellent : fort, original, puissamment humain, poignant sans jamais verser dans le pathos facile et le sentimentalisme artificiel. Je serai clairement au rendez-vous d’autres romans d’Olivier Norek.

    10/12/2024 à 05:53 6

  • L'Anomalie

    Michael Marshall Smith

    8/10 Un groupe s’en va aux côtés de Nolan Moore, Youtubeur spécialisé dans le domaine scientifique, dans le Grand Canyon, le long du Colorado, avec pour mission de retrouver une étrange grotte. L’expédition est missionnée par une société dirigée par l’énigmatique Seth Palinhem et avait déjà fait l’objet d’un premier essai, un siècle plus tôt environ. Sur place, après une séance de rafting et d’escalade, la caverne est découverte mais les événements inattendus s’enchaînent : la trahison de l’un des expéditionnaires, d’incroyables sphères sur place, des bruits inquiétants, etc. Et si cette grotte était bien plus qu’un simple trou dans la roche ?
    J’ai beaucoup apprécié ce roman, et pour expliquer mon sentiment, curieusement, je trouve que je l’ai aimé non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il a eu la riche idée de ne pas être. Je m’explique. Michael Marshall Smith signe un scénario qui aurait pu dériver en un énième slasher sans âme, ce qu’il n’est pas. Son humour, inénarrable, notamment dans les réparties entre les protagonistes, aurait pu virer au pur prisme parodique, ce qu’il n’est pas. Les protagonistes auraient pu être de pathétiques caricatures, des clichés humains, ce qu’ils ne sont pas. L’idée principale de l’ouvrage aurait pu dériver à une triste resucée de ce que l’on a déjà lu ou vu des milliers de fois auparavant, ce qui n’est pas le cas. Les multiples clins d’œil et autres références cinématographiques (en vrac, « The Thing », « Abyss », « Sphère », « Alien », « Jurassic Park », etc.) auraient pu être de sombres tentatives de l’auteur de s’allouer, de manière malhonnête, un socle solide sur lequel appuyer son œuvre, ce qui n’est pas le cas. Bref, même si quelques éléments sont gentiment capillotractés, indéniablement, voilà un livre idéal pour se distraire tout en étant étayé d’une belle documentation scientifique et historique, offrant à voir une lecture intéressante et inédite des origines de la vie sur Terre. Un bouquin chaudement recommandable, divertissant en diable et sacrément bien mené, jalonné de belles perles d’un humour bienvenu autant que de belles scènes à sensations fortes. Un pur régal de littérature, tout simplement. Pas étonnant que Lincoln Child, Douglas Preston ou encore John Connolly l’ont apprécié, tout en notant une parenté manifeste avec les ouvrages de Michael Crichton.

    08/12/2024 à 20:16 5

  • Léonie

    Marlène Charine

    9/10 Un immense merci à Franck 28 pour le fou rire qu’il a provoqué chez moi quand j’ai lu son commentaire une fois que j’ai terminé le livre. Léonie est-elle prisonnière de son geôlier ? Ça ne risque pas dans la mesure où celui-ci meurt presque dès le début du livre. Elle aspire à la liberté ? Pas du tout : c’est un ressort très différent qui va finir par l’animer, mais pour le savoir, il faut avoir lu l’ouvrage. J’ai été attiré par ce titre en raison de son pitch alléchant mais aussi par ce commentaire tiédasse et farfelu, et il me tardait de voir ce que valait vraiment ce livre : le moins que l’on puisse dire, c’est que j’ai adoré. Ou comment la jeune Léonie Marchal, enlevée et séquestrée, voit son geôlier Raymond mourir d’une crise cardiaque au 2190ème jour de détention. Si le moment paraît hautement inattendu et devrait la remplir de joie, Léonie a fini par se faire à son existence de recluse avant de comprendre ce qui s’est passé à l’extérieur en son absence et de vouloir en tirer les conséquences – même les plus radicales. Dans le même temps, le policier Loïc Sorel, qui avait subi un accident de parapente vers l’époque où Léonie était kidnappée ainsi qu’un traumatisme craniocérébral sévère, vit encore à moitié paralysé et avec une élocution très limitée. Sa sœur Diane veille sur lui, et quand des corps visiblement dévorés par un animal monstrueux sont découverts, elle va faire en sorte que son frère jette un œil aux dossiers laissés inachevés.
    Une écriture forte, alternant les points de vue entre Léonie et Diane (il y a quelques chapitres avec Jonas Renberg, collègue de Loïc, également son amoureux secret, ainsi que d’après le point de vue de Loïc sur le final), avec une précision psychologique remarquable. Un style volontairement haché, avec des protagonistes forts et clivants, pas le moindre temps mort et une noirceur d’un bout à l’autre. Peut-être que certains éléments dans les ultimes chapitres sont de trop (c’est subjectif, mais les alliances finales ainsi que le rassemblement de tous les personnages m’ont semblé un peu forcés), mais il n’empêche, voilà un livre remarquable, avec une histoire marquante de vengeance et, comme l’indique Marlène Charine dans ses remerciements, de liberté qui « est le mot-clé de ce roman, celui par lequel tout a commencé ». Une réussite littéraire indéniable – et je peux vous en parler, moi, dans la mesure où j’ai vraiment lu cet opus.

    06/12/2024 à 05:56 7

  • L'Eau du Golan

    Fred Duval, Emem

    7/10 Dans une Jérusalem en 2056 prise sous le contrôle d’une intelligence artificielle despotique et dont le ciel est sillonné par des drones meurtriers aux allures d’insectes, notre Carmen Mc Callum s’illustre, cette fois-ci avec un uniforme. Une entame musclée, certainement inspirée du point de vue scénaristique et visuel par la franchise « Terminator ». Ça n’est donc pas spécialement original, mais l’atmosphère lourde et le grain assez sombre du graphisme prennent du début à la fin.

    05/12/2024 à 05:35 3

  • Le Cauchemar d'Innsmouth tome 1

    Gou Tanabe

    8/10 Le port d’Innsmouth, dans le Massachusetts, a été détruit, incendié et dynamité. Un homme a vu ce qui s’y est passé, et s’il a actuellement le canon d’un pistolet sur la tempe, c’est bien que ce dont il a été le témoin doit être un véritable cauchemar. Juillet de la même année : le narrateur, Robert Olmstead, se rend dans ce village afin d’y puiser ses propres origines. Mais le patelin semble tabou : de nombreuses rumeurs insistantes et effrayantes s’accumulent autour de cette contrée maudite… Gou Tanabe adapte avec intelligence et talent le texte d’HP Lovecraft. Dès les premières planches (la découverte des bijoux d’Innsmouth), on bascule dans l’étrange et l’occultisme jusqu’à quelques scènes d’horreur dans le final avec le débarquement des créatures aquatiques. Un rythme certes lent (hé, c’est du Lovecraft, pas « Fast and Furious », et c’est tant mieux) mais poisseux et parfaitement maîtrisé.

    05/12/2024 à 05:33 4

  • Un mauvais pressentiment

    Blake Pierce

    6/10 Ashley Penn, quinze ans, est enlevée au sortir du lycée. Sa mère signale la disparition, et l’agent de police Keri Locke est la seule à croire aussitôt que ça n’est pas une simple fugue ni une histoire banale. Et les pistes ne manquent guère : un ex-copain, le milieu de la drogue et des trafics humains, le fait que l’adolescente est en réalité la fille d’un sénateur, le monde de la chanson, etc. Une affaire d’autant plus sensible que la propre fille de Keri, Evie, a été kidnappée il y a cinq années et n’avait alors que huit ans pour ne plus jamais réapparaître.
    Un autre roman de Blake Pierce que je me fais, et j’en reviens à mes précédentes remarques : ça n’est pas mauvais du tout. OK, il y a des poncifs et des fautes d’orthographe (et même des contresens liés à une traduction faite à la va-vite et à une nette absence de relecture sérieuse), mais l’ensemble n’est pas cette littérature low cost et mauvaise que l’on peut décrire. Keri compose une protagoniste sympathique, et j’ai surtout apprécié son collègue Ray, dit « Le Marchand de sable », armoire à glace et ancien boxeur ayant perdu un œil lors de son dernier combat. Un rythme bien cadencé, des fausses pistes intéressantes, quelques réparties assez drôles et une réelle efficacité dans ce récit policier. La mécanique est plutôt solide et bien huilée et, même si on n’est guère surpris par le dénouement, le dernier tiers remplit le cahier des charges du suspense attendu et offre même un épisode bien tendu (cf. l’épisode de la ferme et du silo). Bref, pas de quoi se relever la nuit mais pas non plus de quoi vouer aux gémonies cet ouvrage assez distractif et permettant de passer quelques heures agréables.

    02/12/2024 à 17:24 3

  • Leçons de piano et pièges mortels

    R. L. Stine

    6/10 Jérôme vient de déménager avec ses parents à New-Goshen quand il découvre un piano dans la maison. Problème inquiétant : l’instrument semble capable de jouer de lui-même. Quand il en vient à prendre des leçons de piano auprès de M. Kord qui est obsédé par les mains du gamin, la tournure devient encore plus menaçante, d’autant que Jérôme n’est pas au bout de ses surprises…
    Un « Chair de poule » sympathique, enjoué et bien mené, avec ce qu’il faut de surprises et de rebondissements pour maintenir l’attention d’un jeune lectorat au gré des quelque 110 pages de ce roman. R. L. Stine propose un canevas assez classique, certes, mais prenant et efficace. Je regrette juste une surabondance un peu superflue d’ingrédients – le piano, le professeur énigmatique, le fantôme, le robot, etc. – qui aurait pu être évitée au profit d’une histoire plus resserrée, d’autant que certaines images finales sont vraiment marquantes. Dommage également que le résumé indique des infos qui n’apparaissent qu’à la fin du dix-neuvième chapitre.

    01/12/2024 à 18:16 2

  • Gannibal tome 10

    Masaaki Ninomiya

    9/10 Un long flashback pour amorcer ce dixième tome, un flashback qui s’étend même sur l’ensemble de l’ouvrage, où l’on en apprend beaucoup sur les origines de l’arcane : un récit sacrément sombre et également teinté de puissantes scènes de sexe. Toujours ce pur ravissement dans les dessins, remarquables, comme dans le scénario, prodigieux de noirceur. Une excellente idée que cette plongée dans l’infâme passé du clan. C’est d’une très rare cruauté, c’est également d’une très rare qualité.

    01/12/2024 à 17:25 2