El Marco Modérateur

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  • La Mort des Bois

    Brigitte Aubert

    8/10 … ou comment Elise Andrioli, jolie trentenaire devenue tétraplégique, muette et aveugle suite à un attentat qui a également emporté son compagnon, en vient à entendre la confession de Virginie, une fantasque gamine, selon laquelle un tueur en série rôderait dans les parages, assassinant les uns après les autres des enfants. Mais prise dans la prison de son propre corps, comment Elise pourrait-elle en parler à ses proches ? La menace s’ajoute à l’urgence quand le criminel semble se rapprocher d’elle… J’avais lu le deuxième tome de la série, « La Mort des neiges », dont je garde, près de dix ans plus tard, un très agréable souvenir. La plume de Brigitte Aubert fait mouche, mêlant suspense, humour (parfois noir), et intrigue policière bien charpentée. C’est surtout l’occasion de voir apparaître une protagoniste mémorable, en la personne d’Elise, paralysée, et ne pouvant s’exprimer que grâce à son index (même si, au gré de ce roman, c’est ensuite la main puis le bras qu’elle parvient à mouvoir). On ressent bien évidemment de la sympathie et de la compassion pour elle, mais l’écrivaine a évité, à mon goût, le piège du pathos exagéré en lui refusant le rôle de la larmoyante héroïne/victime pour lui conférer, bien au contraire, un rôle fort, une personnalité acérée, et un esprit à la fois solide et sarcastique. L’histoire est bien menée, en finalement un nombre de pages plutôt restreint, avec un vaste panel de personnages qui constituent autant de suspects potentiels. Un déroulement intelligent, sans temps mort, dont je ne regrette finalement que le final, à la fois un peu longuet (cf. ma chronique de « La Mort des neiges » que je trouve également adapté à ce tome : « malgré une fin qui aurait pu facilement être réduite de quelques dizaines de pages pour préserver l'impact et la verve de l'histoire ») et trop touffu (j’entends par là qu’il est certes plutôt crédible, mais qu’il demeure trop embrouillé, avec excessivement d’interactions entre les divers personnages) alors qu’il aurait peut-être gagné en efficacité et en mémorabilité en étant plus direct et tranchant. Bref, un très agréable moment de lecture, dont je retiens en priorité le personnage d’Elise, atypique et inoubliable. Mais au vu des commentaires sur Polars Pourpres à propos du troisième et dernier opus, « La Mort au Festival de Cannes », pas certain que je sois au rendez-vous avec celui-là.

    11/11/2020 à 18:43 4

  • Docteur futur

    Philip K. Dick

    8/10 … ou comment Jim Parsons, médecin dans un futur proche (dans les années 2020, le livre datant de 1959), se voit projeté dans le temps, suite à un accident, et emporté dans un futur plus lointain. Sur place et à cette époque, il découvre des us qui lui semblent d’entrée de jeu étranges : des gens nécessairement métissés, où la mort est appréhendée de façon si incongrue qu’il n’y a pas de médecins, etc. En outre, on va présenter à Jim, notre égaré temporel, un homme plongé dans un cube dans une sorte de stase, une flèche fichée dans la poitrine, et il comprend que l’on va avoir besoin de lui pour le sauver et, s’il lui reste encore un peu de temps, modifier le passé en s’en prenant aux conquistadors et autres découvreurs du seizième siècle. Moi qui ne connaissais que bien peu l’œuvre de Philip K. Dick, on peut dire que je la découvre via ce roman d’environ deux cents pages. Pas le moindre temps mort, une langue simple mais qui sert à merveille la cadence élevée du récit, et une histoire singulière : d’accord, l’histoire des boucles temporelles n’est pas en soi très novatrice, mais n’oublions pas, comme évoqué précédemment, que le livre date de 1959, et il constitue en cela un ouvrage novateur pour son époque. Beaucoup d’éléments qui s’enchevêtrent – parfois un peu trop à mon goût, mais ces allers-retours passé/futur (en réalité, ce dernier constitue une forme de « présent ») tiennent bien la route, sans coup faillir, et l’on s’en rend compte notamment lorsque l’écrivain s’attache à cette histoire de flèche, faisant de son protagoniste bien plus qu’un spectateur de l’histoire, un réel acteur. Pas mal de rebondissements dans le final avec l’arrivée des deux enfants, et l’on ne peut que réfléchir de longs moments, une fois la dernière page achevée, à ce que l’auteur a démontré, comment cette spirale temporelle s’est déployée et qu’elles seront les incidences sur le passé, voire l’avenir de notre « héros ». Pour qui aime ce genre, c’est une véritable réussite, étalant l’éloquence de Philip K. Dick, son goût consommé pour la perte des repères, la paranoïa et la folie. Délectable.

    10/11/2020 à 20:07 4

  • Mémoire

    Howard Phillips Lovecraft

    6/10 … ou la description d’un monde oublié, où l’Homme n’est plus, ayant laissé la place à un panorama merveilleusement décrit par H. P. Lovecraft, et dont la singularité des lieux, à mes oreilles bien mise en valeur par cette lecture audio, nous est en partie expliquée par un échange entre un génie et un démon. Une bien jolie représentation de ce paysage (délaissé par l’humanité, ou cette dernière les ayant chassé de ce Paradis terrestre, à chaque lecteur/auditeur de se faire son opinion) à travers l’évocation de l’animal, du végétal et du minéral. Ceci posé, au-delà de la beauté de la forme, je regrette la « stérilité » du fond, puisque l’auteur aurait pu nous en dire un peu plus quant aux raisons de ce lieu esseulé, et ainsi davantage creuser le sillon de son histoire, développer son schéma narratif, et apporter à l’ensemble bien plus d’impact. Bref, c’est beau, mais c’est assez mou, sauf si l’on s’en tient exclusivement à son aspect onirique et nostalgique.

    09/11/2020 à 15:27 1

  • Sky-High Survival tome 8

    Tsuina Miura, Takahiro Oba

    7/10 Une belle entame avec une bagarre serrée contre plusieurs psychopathes masqués, notamment un pugiliste redoutable. Ayant lâché la série depuis déjà pas mal de mois, j’ai eu un peu de mal à me retrouver entre les différents personnages. L’enlèvement de Rika Honjo apporte du souffle à l’intrigue, mais à titre très personnel, cette série a un peu perdu de son attrait et de sa magie, peut-être parce que je l’aurais souhaitée plus resserrée, qu’elle aurait mérité de tenir en moins de tomes.

    08/11/2020 à 18:39 1

  • Ichi The Killer tome 7

    Hideo Yamamoto

    7/10 Après le coup de mou stérile et inutilement barbare du précédent opus, je me réjouis de retrouver Ichi, avec ses problèmes psychologiques hérités de l’événement dégueulasse dont il fut autrefois le témoin. Le vieux (l’employeur d’Ichi) va montrer l’étendue de sa dangerosité physique (ainsi que sa nature réelle) et bousiller Takayama de manière surprenante. Ichi repart sur le sentier de la guerre, avec son armure de tueur, après ses appels à cette femme qui est si intimement liée à son passé. Ce tome me fait penser à une voiture qui aurait calé : le précédent, c’était l’arrêt presque total de mon intérêt pour la série, et là, ça commence à repartir, et c’est tant mieux.

    08/11/2020 à 17:31 2

  • Détective Conan Tome 27

    Gosho Aoyama

    7/10 Le premier dossier nous entraîne vers une histoire surprenante : Kogoro Mouri est accusé du meurtre d’une dénommé Usui, retrouvée étranglée dans une chambre close qu’ils occupaient tous les deux. C’est simple mais bougrement efficace. Le suivant montre un pyromane en série ainsi qu’une ancienne affaire, vieille de dix-huit ans, et c’est Takagi qui est sauvagement agressé : une histoire plus complexe que ne le laisse imaginer son entame, avec pas mal de suspense, mais un peu moins de sollicitation des petites cellules grises. Le troisième se déroule dans une salle d’arcade : une intrigue très intéressante, moins pour le cadre selon moi que pour la multiplicité des ressorts de sa résolution, comme savoir comment la victime a été assassinée, comment le meurtrier a opéré, s’est débrouillé pour faire disparaître l’arme du crime, etc. Le quatrième et dernier commence par une banale cueillette aux champignons jusqu’à ce qu’ils découvrent un ourson puis un cadavre, avant de se faire apparemment tirer dessus par des chasseurs : le suspense est élevé, et la résolution viendra dans le tome suivant. D’une façon générale, un bon opus, varié et rythmé, qui fait passer un bon moment.

    07/11/2020 à 17:47 1

  • Sauvage

    Jamey Bradbury

    8/10 Tracy Sue Petrikoff n’a que dix-sept ans mais déjà un fort caractère. Vivant dans l’Etat de l’Alaska en compagnie de son frère, Scott, et de son père, elle ne vit que pour la nature farouche qui l’entoure. Musher, elle a en outre hérité de sa défunte mère un don incroyable : connaître le passé d’un animal ou d’un être humain en gouttant un peu de son sang. Lorsque Tracy est agressée par un inconnu qu’elle pense avoir sévèrement blessé en retour, qu'elle découvre un sac à dos recélant plusieurs milliers de dollars, puis fait la connaissance d’un inconnu souhaitant travailler à la ferme familiale, les événements risquent de déraper.

    Avec ce premier ouvrage, Jamey Bradbury bouscule plus qu’elle ne séduit, car il ne s’agit pas là d’un énième livre sur la nature. Tout y est âpre, complexe, déroutant. D’ailleurs, la forme narrative épouse parfaitement le côté déstructuré du roman. Un passé et un présent qui s’entremêlent, pas de tirets cadratins pour les dialogues ni même de guillemets : un choix clairement choisi par l’écrivaine, mais qui surprendra certainement. Par la suite, Sauvage mélange avec intelligence littératures blanche et noire, avec de magnifiques moments d’émotion, de partages et de non-dits familiaux, de communions avec la faune, de déférence pour cet environnement neigeux, végétal et animal. On se plaît d’ailleurs à lire et relire certains passages, tant ils sont joliment tournés. L’intrigue demeure présente, tel un fil rouge, et l’on ne comprendra le lien entre Tom Hatch, l’agresseur de Tracy, et Jesse Goodwin, cet étranger venu travailler chez les Petrikoff, que dans les ultimes pages. Mais c’est avant tout une œuvre puissante et mémorable sur la Nature, souveraine, indomptable, féroce, et sur l’apprentissage. Celui de l’altérité, où Tracy comprendra l’originalité de son « talent » grâce à sa mère et à un tamia. De l’affection aux côtés de Jesse. De l’accord avec ses chiens de traineau dans cette course baptisée l’Iditarod. De l’indépendance, dans ses choix les plus extrêmes, avec ces dernières pages, incroyables, où la jeune femme fera un choix de vie à la fois définitif et mémorable.

    Un premier roman coup de poing, qui enchevêtre le blanc et le noir littéraires dans ce qu’ils ont de plus pur et ombrageux, et qui, malgré quelques longueurs parfois inutiles, offrira un dépaysement total, à la fois géographique et psychologique, à ses lecteurs.

    03/11/2020 à 18:35 5

  • Le Mystère de la statuette

    Paul Beorn

    8/10 Alors qu’ils sont dans le musée d’Aquitaine de Bordeaux, nos jeunes membres du club des chasseurs de fantômes apprennent qu’une statuette représentant Isis vient d’être volée. Tout accuse le père de Sacha et de Louisa, même s’ils savent pertinemment qu’il est innocent. Les voilà partis sur les traces du cambrioleur, avec à la clef de sacrées aventures… et de nombreux voyages dans le temps !

    Après Le Navire des disparus, revoilà Paul Beorn avec ses enquêteurs en herbe, toujours prêts à se lancer aux trousses de spectres. Le rythme est ici trépidant : une cadence qui s’impose dès le premier chapitre et ne faiblit jamais. La grande force de ce roman est de mêler, avec audace et intelligence, plusieurs genres : le policier, l’aventure et le fantastique, avec une posologie telle que chacun d’entre eux est préservé dans ce cocktail détonant. Car nos braves limiers vont être entraînés dans diverses époques : Moyen Âge, Seconde Guerre mondiale, Antiquité, à chaque fois dans la ville de Bordeaux. Les anecdotes historiques et sociales sont toutes habilement amenées, instructives sans jamais être pesantes. Et Paul Beorn garde le pied collé au plancher jusqu’à l’épilogue, mettant nos aventuriers aux prises avec un fantôme très retors et prêt à tout pour assouvir son projet.

    Un opus très réussi, sans le moindre temps mort, et amplement apte à emporter l’adhésion du jeune lectorat auquel il se destine.

    03/11/2020 à 07:13 4

  • Sherlock Nonosse et le mystère des tables de multiplication

    John Bigwood, Jonny Marx

    8/10 John Bigwood et Jonny Marx nous avaient déjà régalés avec Sherlock Nonosse et le mystère des additions & soustractions, et ils ont récidivé avec ce deuxième opus, dont il convient de rappeler les bases : faire en sorte que les (très) jeunes se frottent à l’algèbre tout en y prenant du plaisir. Une gageure ? Certes, mais ici, c’est une réussite. Après avoir révisé les bases mathématiques des multiplications, le lecteur, acteur de ses apprentissages, en vient à résoudre des problèmes dont la difficulté va être graduelle. Sherlock Nonosse et le docteur Chatterton poursuivent toujours leur ennemi juré, le professeur MalfRat, et auront besoin des lumières des arithméticiens en herbe pour dénouer les énigmes. Des empreintes de pas, des objets volés à comptabiliser, des suspects à éliminer d’une liste, des exercices d’observation, des déguisements à quantifier, des butins à évaluer, etc. Un souci pour résoudre une devinette ? Pas de problème : la loupe détachable permet de révéler la solution.

    Un livre-jeu étonnant, puisqu’il permet de se régaler tout en s’essayant aux mathématiques. Une complexité qui va crescendo et qui est très bien dosée, avec cet art consommé pour John Bigwood et Jonny Marx de faire passer ce qui ressemble à une corvée purement scolaire pour un véritable moment de détente. Un objet riche et très élégamment façonné, qui sait entremêler l’énigme policière et les calculs : un pur bonheur.

    01/11/2020 à 16:54

  • Hex

    Thomas Olde Heuvelt

    8/10 … ou comment le village de Black Spring, dans l’Etat de New York, est marqué depuis près de trois cent cinquante ans par la présence inquiétante de Katherine van Wyler, décrite comme sorcière. Lèvres et yeux cousus, en partie enchaînée, elle s’est depuis lors imposée dans le paysage local en apparaissant et disparaissant comme par enchantement, au point que les autochtones, protégeant ce secret en dehors de leur commune, ont développé une application pour indiquer aux autres utilisateurs où elle se trouve. Une simple apparition ? Non, car elle a un passé très mouvementé, marqué par une existence liée à la sorcellerie qu’elle a payée cher, et elle a déjà poussé au suicide des personnes qui lui ont manqué de respect, d’autant que ses éventuels chuchotements sont craints. Mais face au danger, à cet interdit, il va bien se trouver une poignée d’adolescents en manque de frissons (d’autres diraient qu’ils sont bien abrutis) pour la bousculer et entraîner une série de tragédies. Stephen King a beaucoup apprécié ce roman, et on le comprend (est-ce que le lieu « Misery » cité dans le livre ne serait-pas un clin d’œil, sans parler de la fin, proche de « Simetierre » ?) : l’histoire est sacrément originale et forte, et l’auteur, Thomas Olde Heuvelt, plante l’ambiance de façon remarquable et pertinente, au point de faire passer ce scénario assez abracadabrantesque en quelque chose de « crédible ». Les émotions se succèdent dans ce joli petit pavé : le suspense, la peur, l’humour (les répliques entre les membres de la famille Grant sont souvent croustillantes), l’émotion (les passages sur le deuil dans le dernier tiers sont vraiment forts et poignants), et les ultimes sursauts de folie et de barbarie sont restitués avec force. Dans cet ouvrage en vase clos dans ce village sciemment replié sur lui-même, on retrouve du Stephen King, du Shyamalan avec « son » village (même si son scénario est carrément pompé sur d’autres romans), ou du Clive Barker, c’est indéniable, mais l’écrivain a su s’affranchir de ses insignes prédécesseurs avec sa propre patte, sans le moindre temps mort, jusqu’au final, dont le dernier paragraphe fait froid dans le dos. Bref, une très bonne lecture, où l’émotion et l’horrifique se le disputent avec intelligence et talent. C’est vraiment dommage qu’il n’y ait pas d’autres romans de cet auteur traduits en français, je me serais rué dessus. Et les remerciements finaux contiennent des explications intéressantes sur le changement de décor pour cette présente édition, passant des Pays-Bas aux Etats-Unis.

    30/10/2020 à 11:35 5

  • Terreur à Broadway

    David Alexander

    6/10 … ou comment le rédacteur en chef du journal « Broadway Times » Bart Hardin en vient à être contacté par un tueur en série qui se surnomme « Waldo » et qui s’en prend exclusivement à des femmes du milieu artistique. Il faut dire que ce canard ne se préoccupe que des canassons de course et de music-hall, d’où cette formule : « Le « New York Times » publie toutes les nouvelles publiables ; le « Broadway Times » publie les autres ». Si le criminel annonce un futur forfait, peut-être est-ce un moyen de réaliser un scoop… ou de résoudre l’enquête en aidant la police. Partant d’un canevas assez classique (même si le livre date de 1954), je me suis laissé prendre par le récit, montrant d’abord l’envers du décor du journalisme, des bons papiers, des contacts avec l’univers artistique, etc. Par la suite, ça devient beaucoup plus routinier : l’auteur perd un peu de sa verve, le tempo s’allège, les connexions se font téléphonées, et ce n’est que sur le final que quelques rebondissements – pourtant devinables – viennent se mêler à une complexité un peu inutile de l’intrigue (étrange paradoxe, d’ailleurs). Au final, un roman noir très correct, mais qui ne s’appuie pas assez à mon goût sur son décor new-yorkais, ni sur une histoire qui se démarque des autres, pour devenir complètement satisfaisante.

    28/10/2020 à 23:20 1

  • Gift +- tome 2

    Yuka Nagate

    8/10 On vient de retrouver le corps d’une lycéenne de 15 ans, noyée, mais ses organes ont été prélevés. De la concurrence pour Tamaki Suzuhara, celle qui prélève de son côté des organes à des criminels ? Une nouvelle plongée dans l’ignoble trafic d’organes. Un graphisme impeccable, du sang et du sexe, mais par-dessus tout, une intrigue diabolique et un suspense béton. Le passé de Tamaji réapparaît en un flash, court mais intense, et un homme de main particulièrement violent et cruel est prêt à se venger après qu’il a été énucléé (pour l’anecdote, par son patron avec seulement son index). Je vais continuer cette série savoureuse et électrisante, c’est certain.

    27/10/2020 à 23:14 1

  • Révélation magnétique

    Edgar Allan Poe

    6/10 … ou le dialogue, presque le débat, entre P…, médecin expert en magnétisme, et Vankirk, personnage atteint d’une grave maladie et en bien mauvais état. Après ses « passes magnétiques », P… va plonger son patient dans une transe proche du somnambulisme, et tous deux vont discourir sur la substance, la vie humaine, la vie organique et atomique, la pensée, Dieu, etc. Des échanges parfois voisins de ceux de Socrate pour ce qui est de la maïeutique, et qui est à rapprocher, pour la forme comme pour le fond, de « La Vérité sur le cas de M. Valdermar », mais en beaucoup plus philosophique que réellement fantastique et sombre, mis à part le final dont l’ultime question laisse entrevoir un soupçon d’occulte. Un texte intéressant, certes, mais qui ne m’a pas plus passionné que ça.

    27/10/2020 à 23:13 1

  • Autre-Monde : Malronce

    Maxime Chattam

    7/10 J’ai été content de retrouver les trois ados – Ambre, Tobias et Matt après avoir apprécié le premier tome de la série. Le décor était déjà planté, mais Maxime Chattam, en plus d’insuffler un sacré rythme à son ouvrage (avec des chapitres assez courts et nerveux, cinquante-deux en tout), se paie le luxe d’ajouter des éléments à l’intrigue générale. C’est ainsi que l’on découvre, parmi les personnages, Balthazar, les Mangeombres, le général Twain, le Buveur d’Innocence, les Kloropanphylles, le Raupéroden qui réapparait, et cette énigmatique Reine qui se dévoile dans l’épilogue. Toujours beaucoup d’action et d’aventures, et impossible de s’ennuyer ni de trouver le temps long au gré de cette histoire fantasy pleine de fantaisie. Un message écologique délivré avec décence, et des questions qui trouvent des réponses, tandis que d’autres interrogations sont posées. Certes, c’est plus destiné à un public plus jeune que pour les autres ouvrages de l’auteur, mais on a tout de même droit à des membres tranchés et des enfants réduits à l’esclavage, ce n’est donc pas non plus de la littérature enfantine. Une série qui demeure donc, à mes yeux, efficace et prenante, et je tâcherai d’être au rendez-vous des opus suivants.

    26/10/2020 à 17:01 2

  • Ichi The Killer tome 6

    Hideo Yamamoto

    5/10 On renoue avec l’univers de la série, avec l’agression d’entrée de jeu d’une jeune femme à qui l’un des jumeaux coupe l’un des tétons au couteau, et ça continue très « fort » : viol collectif, violence, tortures. Là, même moi qui étais « habitué » au style de la série, c’est vraiment trop, d’autant que c’est inutile, et ça dure sur plus d’une centaine de pages, ce bavardage stérilement crade. La confrontation, ensuite, avec Aniki, apporte un peu de sel à l’histoire, au même titre que l’on apprend que ces frappadingues de jumeaux étaient à la base des triplés, mais cet opus m’a déçu par le fait que l’on n’a pas avancé dans l’intrigue globale, et trop de violence finit par en atténuer l’impact.

    25/10/2020 à 17:10 2

  • Outback

    Kenneth Cook

    7/10 Walter James Johnson tient plus du pousse-mégot que du véritable criminel, sans cœur et méthodique. Et c’est cet amateurisme qui le fait paniquer après avoir réalisé un cambriolage et le conduit à tuer, presque accidentellement, un policier. L’assassin s’enfuit alors dans l’arrière-pays australien, l’outback, avec les forces de l’ordre aux trousses. Dans le même temps, Davidson, jeune journaliste encore idéaliste voire candide de la chaîne télévisée B.J.V., voit dans cette traque l’occasion de réaliser un scoop d’anthologie. Un double cheminement qui ne pourra conduire qu’au drame.

    Kenneth Cook signait cet opus en 1962, d’abord paru en France dans la prestigieuse Série Noire de Gallimard sous le titre Téléviré, et c’est un réel plaisir de redécouvrir cet ouvrage si longtemps après. Avec une écriture assez sèche, l’auteur nous dépeint deux personnages que tout oppose : un vaurien que les circonstances ont transformé en gibier de potence, cible rêvée et si facile pour la police australienne, et un journaliste encore émoulu par l’enthousiasme de l’âge. Rapidement, Kenneth Cook met davantage l’accent sur Davidson et les autres reporters qui l’accompagnent dans sa chasse à l’exclusivité filmée, nous offrant au passage de croustillants détails quant aux techniques de l’époque – caméra, prise de son, raccords, etc. C’est également un portrait peu alléchant du journalisme qui nous est donné, notamment dans les relations de pouvoir, l’arrivisme des uns et des autres, les coups bas pour parvenir sur certains trônes professionnels, ou encore l’emprise des décideurs télévisuels, prêts à tout pour que la chaîne corresponde aux canons de leur « morale », comme ce Bloomfield décidé à censurer tout reportage sur le cancer mais partant pour que les informations évoquent avec louanges certains produits pharmaceutiques. L’intrigue policière sert de fil rouge à ce livre, même si certains passages s’en éloignent, et que d’autres ont perdu, au fil des décennies, un peu de leur impact, peut-être parce qu’ils collaient plus à l’époque. Mais l’ensemble, malgré quelques facilités scénaristiques, n’en demeure pas moins très agréable à lire et à découvrir.

    Un roman qui doit davantage son charme à la peinture au vitriol de l’arrière-cour de certains médias et à la manière dont certains individus peuvent être broyés par la machine médiatique, qu’à son scénario policier. Cependant, voilà une lecture originale et intéressante, qui tranche, par son propos comme pour sa façon de le présenter, avec ce qui se fait actuellement.

    17/10/2020 à 08:28 3

  • Sous l'aile du corbeau

    Trevor Ferguson

    8/10 Cela fait dix-sept ans que la jeune Gail Duff est morte dans des circonstances floues. Gail était la seule représentante de la gent féminine de la lignée des Duff, des êtres que l’on présente, au choix, comme de dangereux et inquiétants personnages ou comme des arriérés profonds. C’est aussi dix-sept ans plus tard que revient Morgan, frère de Gail. Mais ce retour va s’accompagner de nombreuses violences dont deux individus vont être les victimes : David Marifield, médecin, et Henry Scowcroft.

    Trevor Ferguson signe ici un roman noir. Très noir. On est saisi, dès le premier chapitre, par son style si particulier : des phrases hachées, des paragraphes longs, très peu de dialogues, et, paradoxalement, des passages particulièrement travaillés. Certains lecteurs se perdront d’ailleurs dans ce maquis narratif, peuplé de curieuses assertions, d’hallucinations vécues éveillées, et autres digressions qui déstructurent le récit. Ceci n’est bien entendu pas un défaut dans la technique d’écriture de Trevor Ferguson ou la marque d’un désordre dans son récit, mais plutôt une manière, dense et chaotique, de faire écho à une histoire complexe et douloureuse. On se familiarise avec les protagonistes assez rapidement, tout en se laissant bercer par les descriptions de l’auteur quant à la nature de cette contrée esseulée de la Colombie Britannique, sur l’île de Skincuttle. Une ode particulièrement poétique à sa faune et à sa flore, jamais gratuite ni stérile, et où flotte encore le parfum entêtant du passé. Et de la mort. Car c’est au terme de cet opus, lourd et sombre, que jaillira enfin la vérité quant à la mort de Gail. Une véritable horreur, ignominieuse, dont la révélation éclaboussera tripes et âmes des personnages comme du lecteur.

    Un ouvrage dense et troublé, qui ne se donne pas mais se mérite. Il ne ressemble à aucun autre et, en retour des efforts fournis par le lecteur, le récompensera au centuple par ce festin de maux et de tourments. Une littérature âpre et exigeante.

    15/10/2020 à 09:39 7

  • Témoins à abattre

    Olivier Gay

    8/10 Deux élèves de la 3èC, Yan et Pauline, sont avec leurs camarades en montagne afin de faire une randonnée à VTT. Ces deux adolescents finissent par lâcher le groupe et deviennent les témoins bien involontaires d’un assassinat de sang froid perpétré par une paire de gangsters. La chasse aux importuns vient de commencer.

    On connaît bien la plume d’Olivier Gay, à qui l’on doit, entre autres, Les talons hauts rapprochent les filles du ciel ou Mais je fais quoi du corps ?. Il signe ici chez Rageot, dans la collection « Flash fiction » un roman policier pour la jeunesse particulièrement prenant. Un scénario pourtant simple et qui n’est guère original, mais la forme séduit : tout y est endiablé, allant à l’essentiel de l’action, pour un suspense optimal. Il faut également signaler la particularité de cette collection : elle cible les lecteurs qui « n’aiment pas lire », avec une mise en page aérée, une police d’imprimerie facilitant la reconnaissance des lettres, un vocabulaire adapté, un contraste des couleurs étudié pour éviter la fatigue visuelle, et un texte relu par une orthophoniste afin de convenir aux « dys ». Au final, ce roman qui compte environ quatre-vingts pages se lit à la vitesse d’une nouvelle. Et c’est une bien belle réussite que de proposer un ouvrage en tenant compte d’un jeune public, de prime abord hostile à la littérature en général ou désavantagé dans son parcours scolaire par un trouble spécifique de l’apprentissage.

    Une idée très séduisante, ici servie par un récit certes attendu, mais qui portera, sans nul doute, les jeunes de la première à la dernière page. Un livre efficace qui démontre, s’il en était encore besoin, le talent d’Olivier Gay, ainsi que l’intelligence de cette collection pertinente à laquelle on souhaite une longue et belle vie.

    13/10/2020 à 18:53 3

  • Charlock et la disparition des souris

    Sébastien Perez

    8/10 Charlock est un jeune chat qui a noué de solides amitiés avec les autres animaux du voisinage : chiens, perroquets, lapins et souris. C’est justement un de ces rongeurs, Magali, qui finit par manquer à l’appel. Charlock apprend rapidement que d’autres souris ont également disparu : en voudrait-on à ces petits animaux ? Il décide de mener l’enquête avec ses camarades.

    Voilà une série qui commence fort bien, sous la plume de Sébastien Perez : un chat enquêteur, à qui l’on prête habituellement plusieurs vies – neuf est le nombre généralement retenu, et qui « atterrit dans un nouvel endroit et une tout autre époque » à chaque fois. Loin de n’être qu’un simple opus gentillet, alignant clichés et bons sentiments comme on pouvait le craindre, ce roman se montre vraiment très réussi et efficace. Il déroule une histoire serrée, emmêlant plusieurs légendes avec un grand bonheur, au gré d’une intrigue prenante et sans le moindre temps mort. Au-delà de la qualité scénaristique, il convient de souligner la très grande qualité des dessins de Benjamin Lacombe, hauts en couleur, magnifiques, constituant à chaque fois de croustillantes illustrations voire des tableaux sublimes.

    Il faut compter, pour les jeunes auxquels cet ouvrage s’adresse, une heure de lecture, particulièrement séduisante et immédiatement addictive. On se ruera donc avec d’autant plus d’enthousiasme sur l’autre livre de la série, Charlock et le trafic de croquettes, se déroulant cette fois-ci dans New York en 1917.

    12/10/2020 à 17:45 2

  • Noces de soufre

    Jean Amila

    7/10 … ou comment la jeune Annette, jeune mère de famille et épouse d’un simple employé de banque, apprend brutalement que ce dernier est mort dans un accident de voiture après avoir dérobé plus de cent millions de francs anciens. Elle en vient cependant à se demander s’il n’y a pas une autre magouille sous cette apparence si simple et commode d’accident, d’autant que la plupart des billets n’ont pas fini en cendres lors de l’incendie du véhicule. Une manipulation, peut-être ? Et si ce tour de passe-passe était en plus orchestré par la police ? De Jean Amila, j’ai déjà lu « Le Boucher des Hurlus » ainsi que « La Lune d’Omaha », qui m’avaient tous deux ravis. Ici, il s’agit d’un autre ouvrage noir, à l’ancienne, nécessairement daté (il remonte à 1964), notamment dans ses dialogues et dans le vocabulaire employé. Je me suis immédiatement laissé saisir par l’intrigue (il faut dire qu’il n’y a pas le moindre temps mort, et que l’intrigue s’amorce vraiment dès la première page). Un scénario serré, assez classique par certains aspects, avec des personnages croquignolets (notamment chez les policiers, avec un Lentraille plus complexe que de prime abord, à la fois sauvage quand il s’agit de faire succomber les dames, parfois atone) et des dialogues souvent croustillants (il y a notamment un passage où deux expressions issues directement du film « Les Tontons flingueurs », sorti l’année précédente). Pas mal de rebondissements, une manipulation qui s’avère au final presque familière et classique (même si elle n’apparaît que dans l’ultime partie de l’ouvrage), pour un opus qui laisse surtout la part belle aux peintures psychologiques des uns et des autres, avec cependant un épilogue surprenant, d’autant plus percutant qu’il intervient factuellement dans les vingt dernières lignes avant le tomber de rideau. Peut-être rien d’exceptionnel ni de définitivement mémorable, mais un bon moment de lecture, délassant et prenant, ce qui est déjà amplement suffisant.

    12/10/2020 à 17:44 3