El Marco Modérateur

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  • La Bataille de Paris

    Hervé Boivin, David Chauvel

    5/10 « Je m’appelle Georg Elser et, le 8 novembre 1939, j’ai tué Adolph Hitler » : c’est par cette phrase que cet homme achève sa longue confession qui constitue le début de cette bande dessinée. Une entame intéressante voire alléchante, à défaut d’être intrinsèquement très originale, mais la suite m’a semblé bien pâlotte : beaucoup de bavardages, une uchronie (la mort d’Hitler) presque pas exploitée, un graphisme sympathique mais qui ne tire jamais son épingle du jeu, et une « bataille » qui se résume à des fusillades certes meurtrières mais aux allures de simples escarmouches. Ce premier tome m’a laissé très froid, mais j’essaierai de mettre la main sur quelques-unes des BD suivantes pour savoir si cette apathie se poursuit ou pas.

    16/02/2021 à 18:49 1

  • Heads tome 1

    Keigo Higashino, Motoro Mase

    7/10 En protégeant une petite fille lors d’un braquage d’une agence immobilière, Jun-ichi Naruse se prend une balle en pleine tête. Lui qui n’était qu’un jeune peintre gentillet, un peu fade, et amoureux de la belle Megumi, se réveille à l’hôpital et, après un petit temps d’adaptation, semble indemne. Mais quand il comprend qu’il a subi une greffe partielle de cerveau, il comprend que cela peut expliquer son changement de comportement. Un premier opus qui prend le temps de planter le décor, avec de justes réflexions quant aux greffes et à la très légitime reconnaissance du receveur, mais en même temps, l’attitude étrange du docteur Dôgen, l’altération du goût pictural de notre héros et quelques autres indices, en plus d’un graphisme très réussi, composent une atmosphère très étrange, anxiogène et intrigante. J’essaierai d’être au rendez-vous du tome suivant parce que je ne vois pas trop où va nous emmener cette série pour le moment et que j’ai bien envie de le découvrir.

    15/02/2021 à 17:38 2

  • Freak Island tome 1

    Masaya Hokazono

    5/10 Un manga qui commence tambour battant avec la mutilation et la mise à mort d’une jeune femme par un colosse qui porte un masque de cochon. Et quand un bateau est en approche de cette île de Kikuchi avec à son bord de jeunes membres du cercle archéologique de l’université et que le tueur remercie cette « offrande » et loue « Santa Maria », on se doute que le carnage va se poursuivre, surtout quand le bateau vient à sombrer et que les rescapés doivent s’installer sur l’île. Des scènes de crucifixion, des yakuzas, des sacrifices humains, du cannibalisme, des poissons mutants… L’auteur se laisse vraiment aller dans le gore et le trash, mais si la dernière page donne une information quant à la relation entre les deux bourreaux, l’ensemble me paraît, à ce stade de la série, assez ronflant, inutilement méchant sans pour autant être basé sur une réelle intrigue ou une « justification » à un tel déferlement de violences. J’essaierai de voir dans l’opus suivant si le vent tourne ou pas.

    15/02/2021 à 17:37 1

  • Dragon Head tome 1

    Minetaro Mochizuki

    7/10 On est plongé d’entrée de jeu dans cet accident de train dans un tunnel japonais grâce à un graphisme où le noir est une couleur, et délicieusement anxiogène. Notre jeune héros, Teru Aoki, apprend par la radio que l’état d’urgence a été déclaré, avant de découvrir d’autres survivants. Je vais continuer cette série parce que je ne vois pas trop où veut en venir l’auteur et j’ai beaucoup apprécié cette atmosphère de peur et de paranoïa, même si pour le moment, l’intrigue est assez maigre.

    14/02/2021 à 18:27 3

  • 6000 tome 3

    Koike Nokuto

    8/10 Kengo et les autres membres sont toujours dans le complexe sous-marin « Cofdeece » alors que les communications vers l’extérieur sont coupées et que les reclus reçoivent des appels de détresse autour de la base, c’est-à-dire à 6000 mètres sous la surface. L’angoisse monte encore d’un cran alors qu’apparaît la piste de la religion aztèque avec ses sacrifices humains. Hallucinations, images fantasmagoriques (comme cet escalier déformé) et terreur au programme pour ce manga qui maintient le régime moteur de cette série à un haut – et constant – niveau. Vivement le quatrième et ultime opus !

    14/02/2021 à 18:26 1

  • Le Livre des choses cachées

    Francesco Dimitri

    9/10 Un pacte : c’est ce qui lie quatre amis d’enfance qui se sont jurés de se retrouver, chaque année et à date fixe, à une pizzeria. Il y a Tony, chirurgien, Mauro, avocat, et Fabio, photographe. Pour compléter le quatuor, on trouve Art, peut-être le plus intelligent du groupe, mais aussi le plus sensible aux sujets ésotériques. Sauf que, aujourd’hui, Art n’est pas là. A-t-il disparu comme il y a vingt ans auparavant, durant une semaine après avoir pénétré dans une oliveraie ? Est-ce lié à ses liens ambigus avec la mafia ? Ou avec cet étrange opus qu’il avait commencé à rédiger, intitulé Le Livre des Choses cachées ?

    Francesco Dimitri signait en 2018 ce roman très étrange, au point qu’il est difficile, voire impossible, de l’étiqueter. Il panache la sensibilité de la littérature blanche, le sens du suspense lié à la noire, un peu du thriller par certains moments, et une touche finale de fantastique, voire d’ésotérisme. Ce roman choral, alternant les points de vue des trois amis d’enfance d’Art, est un bijou de construction, les événements s’enchaînant à merveille, sans le moindre temps mort ni grain de sable dans la succession des chapitres et parties. Il y a également une certaine forme de magie littéraire dans les mots de Francesco Dimitri : qu’il décrive l’amour filial pour un être atteint de la maladie d’Alzheimer, une séance de danse des couteaux où le spiritisme en devient presque palpable, l’appât du sexe et les remords de l’adultère, la nostalgie pour les délices du passé, ou l’évocation de ce village du sud de l’Italie, l’écrivain sait captiver son lectorat et l’emmener jusqu’au bout de ce livre si atypique. Et le terme de « magie littéraire » n’est d’ailleurs pas une simple expression ou un tic de langage, dans la mesure où Art maîtrise certaines compétences d’ordre spirituel qui le rendent fascinant. Pour quelles raisons a-t-il disparu dans cette oliveraie alors qu’il était jeune ? Comment a-t-il pu guérir une fille d’un ponte de la mafia locale de sa leucémie ? A-t-il, comme il le prétend, accédé à une forme de puissance impénétrable ? L’auteur sait préserver le mystère autour de ses aptitudes jusqu’au final, mémorable : d’un mot d’un seul, il achève son ouvrage de façon magistrale, avec intelligence et subtilité.

    Un écrit splendide, qui parvient à rendre concret ce qui demeure inintelligible, et s’emploie avec virtuosité à déployer entre ses lignes l’occultisme qu’il décrit. Un exploit qui se double d’une formidable mise en abyme, avec des extraits passionnants de cet énigmatique Livre des Choses cachées rédigé par Art. Un pur moment de vertige.

    09/02/2021 à 07:08 4

  • La Bête d'Alaska

    Lincoln Child

    8/10 … ou comment l’effondrement d’un glacier fait apparaître une grotte dans laquelle se trouve un animal congelé, probablement un smilodon, également connu comme le « tigre à dents de sabre ». Mais lorsque la créature disparaît de son cercueil de glace, la panique se libère également. J’ai adoré retrouver la plume de Lincoln Child, l’un de mes auteurs fétiches, et ce pur blockbuster littéraire m’a fait passer un très agréable moment. Comme souvent, beaucoup d’érudition chez l’écrivain (comme le coup de ces divers types de glaces, le monde inuit, la paléoécologie, etc.). Dans le même temps, j’ai été ravi de découvrir de nouveaux personnages, bien campés, comme le documentariste Conti, complètement halluciné et investi par une sorte de mission professionnelle, ou le protagoniste Evan Marshall, sans oublier bien évidemment la joie de retrouver Jeremy Logan, cet énigmologue si tenace et perspicace. Des moments de belles frousses (comme l’incursion de l’assistant de Conti dans la morgue improvisée, ou les combats contre cette chose), avec une ambiance délicieusement anxiogène qui n’est pas sans rappeler des films comme « The Thing » ou « Predator », ainsi que le synopsis de ce film de et avec Sylvester Stallone, d’après un roman de James Byron Huggins, « Hunter ». Beaucoup d’éléments positifs, avec quelques-uns des chapitres finaux qui embraient sur une vision un peu inattendue de cette créature, moins bourrine et plus nuancée. Bref, du pur spectacle hollywoodien, avec quelques-uns des défauts mineurs du genre (mais quand on lit un tel pitch, il ne faut pas non plus s’étonner de découvrir ce type de littérature), mais dont je suis ressorti très largement satisfait.

    07/02/2021 à 19:46 6

  • Scènes de crime : 200 ans d'histoires et de sciences criminelles

    Val McDermid

    9/10 Les livres sur la police scientifique ne manquent pas, mais quand Val McDermid, l’auteure des remarquables et remarqués Le Chant des sirènes, Au lieu d’exécution, Le Tueur des ombres ou Quatre garçons dans la nuit s’y met à son tour, on ne peut que se laisser tenter par un tel ouvrage documentaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est du béton. Les strates de la police anglaise, l’entomologie, les enquêtes sur les scènes d’incendie, la médecine légale, la toxicologie, les empreintes digitales, l’ADN, l’anthropologie, les reconstitutions faciales, la science forensique numérique, etc. L’écrivaine s’est forgée une solide réputation avec ses intrigues denses et ses personnages âpres, et l’on comprend mieux, à la lecture de cet opus, à quel point elle maîtrise ces divers sujets, afin de pouvoir nourrir ses histoires. Loin de s’attribuer des lauriers qui ne sont pas toujours les siens, Val McDermid cite fréquemment des analystes de scènes de crime, exploite une bibliographie particulièrement consistante et pertinente, au gré de chapitres fermement charpentés et très instructifs. De nombreux faits divers et autres investigations criminelles sont mentionnées, parfois retracées, et des photographies émaillent les quelque cinq cents pages de ce livre. Pourtant, l’auteure ne s’est pas contentée d’un simple inventaire, soporifique et nécessairement copié-collé d’ouvrages précédents : elle y imprime de la vie et les sentiments humains qui lui sont liés. Les doutes de ces techniciens, leurs échecs, ce qu'ils ont appris des impasses et fiascos, les progrès réalisés suite à ces revers : des points de vue immédiatement intelligibles car retranscrits avec bienveillance et toujours avec un net souci de vulgariser sans jamais bêtifier ni simplifier. Les aspects historiques sont également passionnants, de l’Antiquité jusqu’à de récentes guerres civiles, de faits divers en tueurs en série, de l’Egypte ancienne aux dernières évolutions de l’informatique. Autre atout de taille : jamais Val McDermid ne devient la thuriféraire aveugle de la science forensique. Des exemples ? Bernard Spilsbury avait beau être un analyste de renom, il n’en était pas moins un dogmatique qui a commis des erreurs en plus d’être un personnage pour le moins contestable. Le « Fantôme de Heilbronn » a démontré les limites de l’exploitation de l’ADN et sa parole toute-puissante.

    Un documentaire singulièrement riche et érudit, qui se montre savant tout en demeurant accessible, éclairé et mesuré. Dans le domaine des abondants opus consacrés à la police scientifique, à n’en pas douter, c’est un jalon.

    04/02/2021 à 07:01 4

  • La Créature des marais

    R. L. Stine

    5/10 Kelli et Shawn Andersen déménagent de New York pour rejoindre la Floride, mais ils ne s’attendaient pas à habiter à côté d’un marais où vivrait une créature légendaire appelée « Le Viscailleux ». Même si ça reste un pur mythe, les nouveaux camarades des enfants Andersen les assurent qu’ils ont vu la bête, et il se pourrait, effectivement, que ce marais recèle de nombreux secrets. Pour un R. L. Stine, on est dans le classique : des ados sujets à des phénomènes étranges, des chapitres courts et se terminant presque tous sur un cliffhanger, un récit lapidaire, et un pitch classique mais offrant aux jeunes lecteurs son lot de suspense et de sueurs froides. Ici, on a affaire à quelques personnages troubles, comme les frères Zeke et Decker ou l’étrange garde forestier Saul, des moments de pure magie (au sens premier du terme) avec cette possibilité de prendre le contrôle sur la créature en l’invoquant (avec cinquante gouttes de sang, hein, pas quarante-huit…). Mais malgré cette ambiance gentiment anxiogène avec les longues échappées dans la nature inquiétante du marécage et ces messages anonymes adressés aux enfants Andersen, l’ensemble est beaucoup trop axé sur l’occultisme pour me plaire, ça n’est que moyennement ma tasse de thé. Ce prologue avec Becka et Donny laissait augurer un opus qui me plairait, mais j’ai assez vite déchanté : trop de rebondissements à la fin, pas forcément nécessaires à mes yeux ni même originaux, au point que l’ensemble ressemble un peu à un puzzle où l’auteur aurait emboîté des pièces trop éparses et hétérogènes, parfois même en forçant dessus. Je le redis, ça n’est probablement que subjectif, mais ce tome des « Chair de poule » ne figurera pas parmi mes préférés.

    03/02/2021 à 18:52 2

  • Museum tome 2

    Ryosuke Tomoe

    8/10 Cela faisait environ deux ans que j’avais lu le premier tome, et me plonger dans l’opus suivant a été un pur régal. Esthétiquement, psychologiquement, j’ai été happé dès les premières pages, avec la mort de Nishino et l’appétit de vengeance de Sawamura face à ce tueur en série psychopathe qui a noué un rapport étrange avec l’art et enlevé sa femme et leur jeune fils. Sawamura va comprendre assez vite que le comportement du monstre vis-à-vis du temps atmosphérique n’est pas anodin. Une séquestration assez flippante et anxiogène autour d’un puzzle pouvant apporter un élément important dans la progression scénaristique tout en permettant au captif de sortir de son enfermement. Un grand moment d’un suspense fiévreux et addictif !

    02/02/2021 à 18:34 1

  • L'Héritier

    Philippe Francq, Jean Van Hamme

    8/10 Le vieux magnat Winch, riche à milliards, se meurt d’un cancer du cerveau et demande à l’homme qui le braque d’un pistolet muni d’un silencieux de le tuer, et c’est ce que fait cet inconnu… en jetant le nabab du haut du building. A Istanbul, Largo Winch, le fils adoptif et secret de la victime, est agressé et on lui fait porter le chapeau de l’assassinat d’un homme. Le graphisme a nécessairement vieilli (la BD date tout de même de 1990) et il y a parfois quelques bavardages inutiles, mais le scénario est prenant, les tractations dans la holding très intéressantes et elles sont contrebalancées, en parallèle, par l’action se déroulant en Turquie. Voilà un jeune trentenaire qui a très bien vieilli, et je serai au rendez-vous d’autres opus de cette série à côté de laquelle j’étais complètement passé, d’autant que le final de celui-ci, avec évasion – fusillades – action – fuite en jet privé – révélation destinée à Largo, est assez musclé.

    02/02/2021 à 18:33 1

  • Ichi The Killer tome 10

    Hideo Yamamoto

    8/10 Kaneko tué, ne restent donc plus qu’Ichi et Kakihara, et la confrontation répond aux attentes (même si la touche d’humour potache me semble déplacée en plus de tuer cet instant tant attendu). Ichi devra encore régler un contrat où l’on saisit enfin le côté manipulateur du « vieux ». L’épilogue, un peu plus roublard et astucieux que le reste de la série, était inattendu en plus de laisser pas mal de points de suspension, voire d’interrogation, dans la tête du lecteur. Un bon tomber de rideau sur une série sacrément épicée, peut-être l’une des plus violentes que je n’aie jamais lues.

    01/02/2021 à 16:59 2

  • Firefly tome 3

    Koike Nokuto

    7/10 La découverte de la jeune femme dans la trappe, Chiharu, séquestrée, ainsi que du journal incomplet relatant ce qui ressemble au récit des précédents survivants relance le suspense. Ce tome s’achève sur la crise de folie de l’oncle Tsunemasa et propose, comme dans le précédent, une lecture agréablement anxiogène, avec des passages très intéressants même si l’ensemble a des airs de déjà lu ou de déjà-vu. Je vais tâcher de mettre la main sur le quatrième et dernier opus de cette série très recommandable.

    01/02/2021 à 16:58 1

  • Détective Conan Tome 63

    Gosho Aoyama

    7/10 Suite et fin de l’énigme de cet homme découvert mort dans sa voiture dans le tome 62 : une solution simple et efficace, qui trouve à mon avis plus son intérêt dans l’analyse finale de la psychologie de la victime que des ressorts du « comment ». « L’Affaire du tapis roulant » commence dans un restaurant de sushis – où les plats défilent sur un tapis roulant, d’où son nom – et où un critique gastronomique meurt empoisonné : c’est également assez astucieux et sympathique. Puis un concours au cours duquel on tue le responsable de la représentation, et parmi les coupables se trouve le père de Genta : une histoire de vengeance après qu’un chien a été tué, un peu décevante d’autant qu’elle fait appel à la langue japonaise que je ne maîtrise évidemment pas, malgré un joli bluff de la part de notre détective. Ensuite, l’affaire de « La sorcière argentée du col de Fuyuna » : une bien plaisante variation sur le thème de la Dame blanche, ici puissamment motorisée. Dans sa globalité, pas l’un des meilleurs opus, certes, mais c’est très agréable, divertissant, et ça m’a fait passer un bon moment.

    31/01/2021 à 18:27 1

  • All You Need Is Kill tome 2

    Takeshi Obata, Hiroshi Sakurazaka, Ryosuke Takeuchi

    7/10 L’entame de ce second tome revient sur la jeunesse de la guerrière, à Pittsfield, la première confrontation avec les Mimics, et comment elle a pris l’identité de Rita Vrataski. On comprend aussi qu’elle a pigé le principe des boucles temporelles maîtrisées par les Mimics et comment elle a su en tirer profit, avant que Kiriya Keiji ne s’en rende compte à son tour. Un duel fratricide final vient clore le dernier opus de ce diptyque, bien moins bourrin et plus intelligent que les autres mangas du genre, à mon avis.

    31/01/2021 à 18:27 1

  • Dernier appel pour les vivants

    Peter Farris

    9/10 Hobe Hicklin est sorti de prison, mais ses vieux démons n’en demeurent pas moins voraces, et voilà qu’il s’en va braquer une banque, tuant l’une des employées, et part avec le jeune Charlie Colquitt comme otage. Pour ce membre de la Fraternité Aryenne, s’ensuit une longue cavale au cours de laquelle il croisera la route de son mentor, Leonard Lipscomb, dit « le Prédicateur ». Et beaucoup de morts, de sang, de douleurs, et peut-être, une forme de rédemption.

    Ce Dernier appel pour les vivants de Peter Harris saisit d’entrée de jeu par son ton rauque, sa plume noire et son incroyable maîtrise, au point que l’on est désarçonné par le fait qu’il ne s’agissait que du premier ouvrage de cet écrivain. Un style très carré, où, par exemple, les préparatifs du braquage et le hold-up qui suit font immanquablement penser à une scène d’un long-métrage, chorégraphiée et filmée avec beaucoup d’habileté. Mais les qualités de l’auteur ne s’arrêtent pas là : au gré de ces quelque trois cents pages, l’on découvre des personnages âpres et d’une rare profondeur humaine, dans leurs élans d’expiation comme dans leurs tourments. Hicklin a appris la dure loi de la complicité avec les néonazis dans les diverses prisons qu’il a fréquentées, s’est mué en un individu redoutable et redouté, avant d’être adoubé et presque adopté par Lipscomb, son gourou. Dans le même temps, Charlie Colquitt compose un personnage plus falot : indifférent à la gent féminine, d’une rare fadeur, lié à sa mama comme le petit garçon qu’il n’a jamais cessé d’être, et passionné de modélisme et de fusées miniatures. Il y a également Hummingbird, toxico un brin nymphomane, le shérif Tommy Lang qui cherche à racheter ses péchés et sa vie sans réel sens, et quelques autres protagonistes particulièrement soignés. L’intrigue est certes classique, mais Peter Harris possède un sens rare de la narration, du visuel et de la percussion littéraire, avec des scènes sacrément marquantes, comme la rencontre avec les membres de l’Eglise de l’Agneau sacré et des Miracles, dans une chapelle saturée de serpents, le piège – dans tous les sens du terme – dans lequel tombe Lipscomb, ou encore le final où émerge, avec beaucoup de tact, une forme certaine de communion humaine et d’espérance.

    Un roman d’une immense noirceur, fort et serré comme un café d’exception, qui brûle l’estomac et qui marque les esprits, et qui donne également envie de boire les autres nectars de l’auteur, Le Diable en personne et Les Mangeurs d’argile.

    28/01/2021 à 07:07 4

  • La Corde d'acier

    José Moselli

    4/10 Un avocat, maître Jacques Milcent, vient de disparaître. Deux jours plus tard, c’est au tour d’un banquier, Séraphin Bernardeau. Le lendemain, c’est le fabricant d’automobiles Henri Gordier qui s’évanouit dans la nature. Problème supplémentaire : deux autres hommes disparaissent et l’on découvre leurs corps bien loin de la France ou de Paris, les chevilles prises dans un lien d’acier. Un policier, Henri Fougeray, parviendra à résoudre ces mystères en série. Un récit fort agréable, empreint de dynamisme, avec des énigmes, de l’aventure, des poursuites, et une villa et un garage fort intrigants. Le policier est un personnage sympathique, ambitieux et tenace, même si le format de la nouvelle ne permet pas de lui octroyer une grande envergure. L’explication est paradoxale : les deux inventions exploitées sont à la fois originales (et indevinables), mais elles sont tellement grosses, tellement capillotractées, que la résolution finale perd toute saveur. Je ne parle même pas des concepts (après tout, pourquoi pas, ça existera peut-être dans plusieurs décennies ou plusieurs siècles…), mais quand l’un des comploteurs essaie d’en expliquer le fonctionnement en prenant l’exemple de ce qui est arrivé au collègue de Fougeray, là, c’est tout bonnement invraisemblable, voire ridicule et risible, et c’est du coup toute la démonstration qui tombe à plat dans cette même chute. Au final, une lecture plaisante mais gâchée par une résolution maladroite, et même grotesque par certains aspects, parce que je veux bien être mené en bateau par un tour de magie ou d’illusionnisme, mais pas pris pour une bourrique par un bonimenteur qui aura mal achevé sa manipulation.

    25/01/2021 à 18:57

  • La Taupe rouge

    Julian Semenov

    9/10 Février 1945. Le IIIe Reich est à l’agonie. Face à la pression militaire, certains nazis tentent de sauver ce qui peut encore l’être, pour des raisons personnelles ou pour la patrie moribonde. Maxime Issaïev, alias Max von Stierlitz, est un agent secret soviétique, qui va tenter de déjouer ces complots et offrir à l’URSS, bannie de ces discussions, un rôle plus important.

    Les Occidentaux ne connaissent guère l’œuvre de Julian Semenov, auteur pourtant célébrissime de l’autre côté de l’Oural, dont l’œuvre a été transposée à la télévision et au cinéma, et à qui un musée est consacré en Crimée. D’ailleurs, la préface de Zakhar Prilepine, écrivain et homme politique, se révèle nécessaire pour comprendre l’homme que fut l’écrivain, quel aura été son parcours et sa philosophie. On assiste sans le moindre temps mort à ce qui s’est déroulé entre le 12 février et le 18 mars 1945 dans l’Allemagne en pleine déchéance, certaines élites cherchant à négocier une paix forcée avec les Anglais et les Américains pendant qu’il en était encore temps. On découvre également le personnage de Max von Stierlitz, officiellement « SS-Standartenführer, […] membre du NSDAP depuis 1933 […] implacable avec les ennemis du Reich », qui est en réalité un espion de l’URSS, et qui va utiliser le pasteur Schlag, entre autres, pour épier ces pourparlers et tout mettre en œuvre pour les stopper. C’est un individu flegmatique, assez philosophe et plutôt placide en apparence, ce qui ne l’empêche nullement d’être très rusé, perspicace et manipulateur, sans compter sa détermination sans faille : la première opération à laquelle il se livre dans le roman, avec une exécution à la clef, fixe d’emblée ce dont il est capable. Au-delà de l’intrigue, c’est aussi une remarquable radioscopie de la dictature nazie en pleine déliquescence qui nous est offerte, avec ses complots, ses coups bas, ses manœuvres et ses pressions, où chaque rat essaie de trouver sa planche de survie. Adolf Hitler, Hermann Göring, Heinrich Himmler, Joseph Goebbels, Reinhard Heydrich, mais également Winston Churchill et Joseph Staline : tous ces personnages interviennent dans le livre, en chair et en os, ou à travers des enregistrements ou transcriptions de leurs échanges. La fiction se marie à la perfection à la réalité, dans cet ouvrage de premier plan où l’on ne fait qu’entrapercevoir la solide connaissance par Julian Semenov des appareils politiques et d’espionnages des diverses nations concernées.

    Que les amateurs des OSS 117 et adaptations cinématographiques de James Bond passent leur chemin. L’écrivain Julian Semenov nous propose un roman fameux, d’une immense érudition et pourtant accessible, sur la chute des Aigles du Reich et, de manière générale, sur les petits arrangements auxquels se livrent les rapaces quand ils se sentent proches du rang de proies.

    25/01/2021 à 07:07 4

  • Cauchemar à Clown Palace

    R. L. Stine

    7/10 … ou comment Ray Gordon, un jeune ado toujours en action et intenable – surnommé parfois « Ray la grenade » – s’en va faire un stage chez son oncle Alex dans un cirque. Sur place, accueilli par le Clown Kitu – le nom de scène d’Alex une fois grimé, Ray va vite se rendre compte que quelque chose cloche, comme ces clowns qui disparaissent après avoir participé à une séance de tombe-à-l’eau, ou encore la présence inquiétante de Monsieur Tête-qui-rit et de l’énigmatique Epouvanteur. J’ai trouvé cet opus très réussi, notamment parce que, même si on retrouve le cahier des charges confié à R. L. Stine dûment rempli (cliffhangers à la fin des chapitres, écriture simple et prenante, univers gentiment anxiogène, pitch intrigant, etc.), je l’ai senti aussi plus « mûr », à savoir peut-être plus adulte. Ce que l’auteur a imaginé autour de la disparition de ces clowns et de la machination montée par l’Epouvanteur est bien trouvée, au point que cela aurait même pu être exploité dans un thriller pour des lecteurs bien plus âgés. Dans le même temps, certains éléments – comme l’humour volontairement décalé et à double sens des clowns – finissent par créer un climat délicieusement inquiétant et ténébreux, et qui s’achève avec une révélation que je n’attendais pas et qui m’a plu. Bon, certes, l’épilogue ne m’a pas paru très épatant, mais il est plutôt surprenant et plaira sans nul doute aux jeunes lecteurs auxquels ce livre se destine. Bref, sans constituer pour autant l’un des meilleurs ouvrages de l’écrivain, il est, à mes yeux, réussi et efficace, en plus de proposer un scénario original et dont on peut se souvenir plus longtemps que ceux d’autres livres de la série « Chair de poule ».

    23/01/2021 à 19:37 2

  • Détective Conan Tome 62

    Gosho Aoyama

    8/10 La résolution de l’intrigue, inachevée, du tome 61, où un détail « vestimentaire » va attirer l’attention de Shinichi : simple mais efficace. La suivante commence avec la découverte du corps d’un homme dans le cagibi de sa maison, visiblement étranglé : une aussi simple et efficace histoire, avec quelques détails bien sentis qui vont perdre le criminel. « Le Village de la haine » nous montre Conan retrouver sa taille normale, originelle, après y avoir été attiré par une lettre, tandis que l’on évoque un être curieux vivant dans la forêt : amnésique puis persuadé d’avoir agressé une femme avec un couteau. Une enquête plus longue qu’à l’accoutumée, riche de rebondissements et passionnante ! Enfin, la dernière, à peine amorcée, nous propose un meurtre en chambre close, ou, plus exactement, un meurtre en voiture close. Un très bon opus de la série !

    22/01/2021 à 17:42 2