El Marco Modérateur

3708 votes

  • Faut toutes les buter !

    François Brigneau

    8/10 Paul Monopol est un brigand qui a décidé de monter un cambriolage. L'objectif : une cabane sur l'aéroport d'Orly contenant de l'argent en transit. Mais ce genre de mauvais coup ne se fait pas aisément : il y a toujours des malfaisants pour mettre des bâtons dans les roues, des policiers trop curieux, des appétits que ça éveille. Et si en plus une jeune femme vient tourner la tête du chef de la bande, assurément, les ennuis vont devenir légion...

    Écrit par François Brigneau, ce roman noir est particulièrement typique de son époque. Tout est écrit en argot, ce qui donne des descriptions et des dialogues souvent savoureux, comme auraient pu en signer Michel Audiard ou Frédéric Dard. Par ailleurs, tous les éléments de la recette sont présents : les truands aux bourre-pifs spontanés, les protagonistes au verbe haut et au cuir épais, les entourloupes et les amitiés. D'ailleurs, si le fil de l'énigme s'effiloche parfois dans des apartés peu nécessaires ou des épisodes d'importance secondaire, il faut reconnaître à François Brigneau un talent indéniable de conteur : une sacrée tchatche, une pure gouaille de titi parisien qui aurait presque pu être adaptée en noir et blanc par Georges Lautner. Ici, l'écrivain a restitué des ambiances, les relations humaines, les atermoiements et doutes de ses personnages. Ce n'est pas exactement le récit d'un cambriolage, plutôt celui d'une bande de gangsters hauts en couleur qui préparent et commettent un cambriolage.

    Réédité au sein de la collection Baleine noire, Faut toutes les buter ! a récemment déclenché une très vive polémique car l'auteur, François Brigneau, a un passé d'extrémiste de droite. Ici, nous nous interdisons d'entrer dans la controverse puisque c'est l'auteur et ses idées politiques qui sont visées, pas ce livre. Ce dernier est très agréable à lire, permettant au lecteur un changement radical de registre et de ton par rapport à ce qui est proposé à notre époque. C'est une peinture du Paname canaille, tantôt goguenard tantôt touchant, dont les ultimes pages sont féroces et surprenantes.

    23/03/2010 à 18:45

  • La bouffe est chouette à Fatchakulla

    Ned Crabb

    9/10 Dans la ville de Fatchakulla City, les morts s'accumulent. Un homme détesté de tous est retrouvé en petits bouts. Puis c'est au tour de Flozetta, une prostituée obèse, dont on découvre une fesse. Le shérif, aidé d'un médecin et d'un ami à l'esprit de logique redoutable, se met sur la voie du tueur. Mais qui est ce dernier ? On en entend de belles, dans les parages. S'agit-il de Willie le siffleur, un être presque légendaire dont on ne peut murmurer le nom sans trembler de peur ? Deux choses sont certaines : l'assassin ne ressemble à aucun autre, et il n'est pas prêt de s'arrêter.

    De l'auteur, Neb Crabb, on ne sait pas grand-chose. S'agit-il d'un pseudonyme ? Est-il mort ? Cette seconde hypothèse serait vraiment regrettable au vu de la qualité de ce roman. Écrit il y a trente-deux ans, La bouffe est chouette à Fatchakulla est un pur régal. Sans se prendre au sérieux, Neb Crabb dépeint une cité peuplée de personnages atypiques, parfois consanguins, à la limite de la débilité profonde. Le petit jeu de massacre se déploie sur environ deux-cents-cinquante pages, sur un ton acide et parfois parodique, avec une très grande économie de moyens. Les lieux, scènes et protagonistes sont décrits en quelques phrases ou mots, bien sentis, et l'on prend un plaisir presque sadique à suivre les exactions de ce meurtrier. D'ailleurs, l'identité de ce dernier est en soi une excellente idée ; même si certains habitués de lecture policière pourront le deviner, ce coup de théâtre n'en demeure pas moins particulièrement jouissif et original, achevant de faire de ce roman une étonnante enquête.

    La bouffe est chouette à Fatchakulla : rarement un titre n'aura aussi bien mis en lumière la nature d'un ouvrage policier. Corrosif, impudique, jubilatoire. À n'en pas douter, il constitue un excellent moment de détente ainsi qu'un opus à posséder obligatoirement dans sa bibliothèque.

    15/03/2010 à 21:33 4

  • Djebel

    Gilles Vincent

    8/10 En 1960, Antoine Berthier, jeune appelé du contingent, se suicide sur le bateau qui le ramène d'Algérie en France. Officiellement, il est déclaré mort au combat. Quarante-et-un ans plus tard, Viviane Dimasco, la sœur d'Antoine, contacte le détective privé marseillais Sébastien Touraine pour rouvrir l'enquête. Elle dispose en effet d'éléments nouveaux qui tendent à prouver qu'Antoine s'est suicidé. Pourquoi un tel geste de sa part ? Touraine commence alors une quête qui va ensanglanter la région.

    Opus amorçant la trilogie consacrée au flic Sébastien Touraine, avant Sad Sunday et Peine maximum qui sort le 18 mars, Gilles Vincent signe en 2008 ce premier roman d'une grande efficacité. Ayant trait à la Guerre d'Algérie, thème encore peu évoqué dans la littérature policière, le roman, assez concis, est brillamment écrit, tant au niveau des descriptions que des sentiments humains. Faisant la rencontre de la commissaire Aïcha Sadia, le détective privé devient rapidement attachant, avec son caractère bien trempé et son acharnement à découvrir le mensonge dans chacune de ses enquêtes. L'intrigue est bien menée, avec un lot appréciable de retournements de situation, jusqu'au coup de théâtre, assez inattendu. Gilles Vincent déploie toute l'étendue de son talent sur un sujet qui reste encore brûlant et se paie le luxe d'éviter les poncifs, rendant compte avec beaucoup de finesse et d'humanité d'un drame qui continue d'embraser âmes et cœurs des deux côtés de la Méditerranée.

    Djebel est donc un thriller de haute tenue, à la fois sombre et dépouillé. Au-delà de la pure lecture distractive qu'il pourra offrir, il propose en toute modestie de bien belles réflexions sur la Guerre d'Algérie, achevant de classer Gilles Vincent parmi les auteurs français à suivre de près.

    13/03/2010 à 16:48 2

  • Nous avons tous peur

    B. R. Bruss

    7/10 Jimmy Hoggins, modeste chroniqueur du journal Winnipeg Standard, est envoyé à Cockshill car des événements bien mystérieux y sont survenus depuis quelques temps. En effet, des familles décident de quitter la bourgade tandis que d'autres membres de la communauté se sont suicidés. Sur place, Hoggins comprend partiellement les raisons de ces désordres : les villageois ont peur. Peur d'un être qui hante leurs nuits, un monstre qui se fait appeler Blahom, et qui ne tarde d'ailleurs pas à venir hanter le sommeil du journaliste. Ce dernier fera tout ce qu'il pourra pour découvrir l'épicentre de ce Mal.

    Publié pour la première fois en 1956, ce thriller à consonance fantastique est un livre très original : il parvient à faire le lien entre deux univers, celui du traditionnel whodunit à la Agatha Christie, et celui du mystère et de l'étrange comme l'avait fait Howard Phillips Lovecraft. Usant d'une langue dont certaines tournures sont typiques de l'époque, Nous avons tous peur réussit à dépeindre le climat pesant des villages isolés et la paranoïa qui s'empare de ses habitants. Malgré quelques moments de lecture pas forcément nécessaires au récit – comme les aventures amoureuses du protagoniste –, le fil de l'histoire reste très intéressant et conserve l'attention du lecteur jusqu'aux dernières pages où est révélé le cœur du mystère. À ce sujet, ce dernier risquera de décevoir car il reste assez flou, même s'il s'agit bien évidemment d'un choix littéraire assumé de la part de l'auteur, à la croisée des chemins entre paranormal et psychisme.

    Nous avons tous peur est donc un roman assez enthousiasmant, pourvu d'un charme légèrement suranné, qui comblera les amateurs d'écrits insolites tout en leur permettant de redécouvrir un des jalons du genre.

    08/03/2010 à 18:43

  • Le labyrinthe de Pharaon

    Serge Brussolo

    9/10 Anathotep est le pharaon qui règne d'une main de fer sur son empire. Afin de préparer son voyage vers l'au-delà, il demande à son architecte de lui créer un ultime autel où il reposera pour l'éternité. Le bâtisseur lui construit un labyrinthe dont les multiples pièges ne pourront être décelés que par un « nez » de grand talent. C'est alors le début d'une série de complots et d'alliances effrayantes où vont intervenir des pilleurs de sarcophages, une embaumeuse au système olfactif très développé et le sosie du monarque.

    Génialissime écrivain touche-à-tout, Serge Brussolo s'essaie ici à l'époque antique égyptienne, avec le même succès que ses précédents ouvrages. On retrouve avec un indéniable plaisir la langue si typique de l'auteur, travaillée et recherchée, prenant appui sur une intrigue énergique et très originale. Les divers personnages sont très bien campés, le récit remarquablement charpenté, et les chapitres s'enchaînent à merveille. Ce qui sidèrera le plus le lecteur, c'est l'incroyable imagination de Serge Brussolo : on a presque l'impression de trouver à chaque chapitre une nouvelle idée qu'il exploite parfaitement, et ce jusqu'à la fin, sans temps mort. Indéniablement, Le Labyrinthe de Pharaon est une réussite littéraire qui égrène savamment les trouvailles de l'auteur à un rythme effréné.

    Pour conclure, Le Labyrinthe de Pharaon est l'un des livres les plus réussis de Serge Brussolo. À la fois atypique, mené à toute allure et inventif, il offrira un pur moment d'extase. Son seul défaut réside justement dans cette avalanche de créativité. Il en va finalement de la lecture comme de la gastronomie : après un plat très épicé, les autres mets paraissent bien fades. Un seul conseil : préparez-vous un excellent roman après celui-ci au risque de craindre un instant d'être atteint d'agueusie littéraire.

    03/03/2010 à 18:02 1

  • Les portes du sommeil

    Fabrice Bourland

    8/10 Dans le Paris de 1934, les deux compères Andrew Singleton et James Trelawney se mettent sur une bien étrange affaire. Un expert du sommeil ainsi qu'un poète sont retrouvés morts dans leurs lits respectifs, semble-t-il de peur. Cette enquête conduira le duo de limiers vers de curieux phénomènes. Qui est cette jeune femme si désirable qui hante les nuits de Singleton ? Les décès seraient-ils l'œuvre d'une entité insaisissable ? Ils trouveront la clef de cette énigme dans un château isolé où se trame un incroyable complot.

    Deuxième opus des détectives de l'étrange après Le fantôme de Baker Street, Les portes du sommeil porte assurément le sceau de son auteur, Fabrice Bourland. Le lecteur retrouve avec un très grand plaisir cette écriture délicate et intelligente, volontairement surannée, et permettant à la fois de voyager dans le temps et dans l'espace au gré des pérégrinations des deux protagonistes. La trame du livre se fonde une fois de plus sur le fantastique, ce dernier étant exploité de manière très érudite, avec force citations de philosophes et scientifiques de l'époque. Si la conclusion se révèle un peu rapide, cela ne retire rien au savoir-faire de Fabrice Bourland et aux indéniables qualités de l'ouvrage. L'ensemble se lit avec entrain, et les deux-cents-cinquante pages se dévorent littéralement.

    Pour peu que l'on apprécie l'adjonction de l'occulte et du genre policier historique, Les portes du sommeil constitue assurément un remarquable ouvrage, à la fois marquant et divertissant. Au fil des pages, Fabrice Bourland évoque sans les développer d'autres affaires résolues par Singleton et Trelawney : on ne peut qu'espérer que celles-ci se concrétiseront sous la forme de romans tant le potentiel de cette série est fort et appétissant. D'ailleurs, le troisième épisode sortira début avril : Le diable du Crystal Palace.

    27/02/2010 à 11:31

  • Un singe en Isère

    Marin Ledun

    9/10 Judith est retrouvée assassinée à Grenoble après une tentative de viol. José, fils unique d'un ami de Gabriel Lecouvreur, est rapidement accusé du crime. Il faut dire que la ville est en ébullition, entre la construction d'un stade et les manifestations d'éco-citoyens qui perchent en haut des arbres du parc Paul Mistral. Le Poulpe se rend donc dans cette ville, prêt à mettre un bon coup de pied dans la fourmilière et faire émerger la vérité, quitte à contrer bien des intérêts politiques et économiques.

    Deux-cent-soixante-quatrième aventure du Poulpe signée par Marin Ledun, cet opus constitue un épisode remarquable de la série. L'auteur de Modus Operandi, Marketing Viral et Le cinquième clandestin a parfaitement respecté le cahier des charges : un protagoniste têtu, des adversaires peu recommandables et une peinture au vitriol de la société de consommation. Le ton est sombre, l'enquête très dense et particulièrement bien menée, les dialogues toujours aussi bons. Assurément, Un singe en Isère est un roman palpitant, à la fois typique de la série et en même temps original, en grande partie grâce à la plume talentueuse de Marin Ledun. Il est d'ailleurs très agréable de retrouver un poulpe galvanisé par la déchéance du monde après un opus plus introverti et sage, Même pas Malte de Maïté Bernard.

    En seulement cent-cinquante pages, Marin Ledun offre aux lecteurs un roman jouissif, enlevé et acide.À noter pour l'anecdote que le titre est un jeu de mots sur un film dialogué par Michel Audiard, au même titre que le sont d'autres épisodes de la série du Poulpe comme Les Teutons flingueurs de Stéphane Geffray et Ataxie pour Hazebrouck de Serge Turbé.

    22/02/2010 à 17:42 1

  • Même pas Malte

    Maïté Bernard

    7/10 Neuf ans que Gabriel Lecouvreur n'avait pas revu Brigid Waterford. Quand la belle rousse aux yeux verts se repointe, c'est pour informer Gabriel qu'elle a découvert un cadavre avec, à ses pieds, un vase afghan d'une valeur incalculable. Pour ce duo de limiers, il va falloir remonter un trafic d'œuvres d'art manigancé par des personnages bien peu recommandables.

    Après Le vrai con maltais de Marcus Malte, cette deux-cent-soixante-troisième aventure du Poulpe est signée par Maïté Bernard. On y retrouve avec plaisir Gabriel Lecouvreur, enquêteur libertaire féru de bière et toujours prêt à balancer des mandales aux canailles. Le ton est typique de cette série, à la fois enlevé et corrosif, et le lecteur découvre une autre facette du héros, attendri par un ancien amour qui refait surface. La traque est ici un peu moins détonante que d'habitude puisque Maïté Bernard s'intéresse davantage aux tourments émotionnels du Poulpe, même si l'ensemble tient bien la route. Les aficionados pourront juste déplorer de retrouver leur céphalopode préféré amoindri par ses problèmes de cœur.

    Même si cet opus est moins jouissif que les précédents, il n'en demeure pas moins intéressant car il marque un jalon important dans la série, s'attachant plus que d'ordinaire à la personnalité de son protagoniste récurrent.

    22/02/2010 à 17:35 1

  • Les 7 prières de Lille

    Jean-Marc Demetz

    7/10 En cette veille de Noël, Bill, un flic atypique, a rendez-vous avec Brichard, un secrétaire d'Etat, quand ce dernier est abattu. Bill est gravement blessé par balle mais épargné par le tueur. Pourquoi ? Alors que la police croit que leur collègue est le coupable, Bill et ses camarades décident de remonter la piste de cet assassin dont ils ignorent les motivations, jusqu'à ce qu'il les convoque à un étrange jeu, ponctué de morts selon un parcours guidé par des messages laissés sur un téléphone portable. Qui est ce redoutable assassin ? Pour quelles raisons a-t-il épargné Bill ? Une chose est certaine : il semble avoir un ancien contentieux à régler et une vengeance à assouvir...

    Après Wagadou, Jean-Marc Demetz signe un polar bien noir qui est la suite directe de son précédent roman, reprenant les personnages ainsi que l'intrigue là où il les avait laissés. Cependant, le lecteur peut parfaitement attaquer directement Les 7 prières de Lille sans avoir lu Wagadou puisque les faits principaux sont rapidement rappelés. Sur le canevas classique des représailles, Jean-Marc Demetz livre un roman succinct et ramassé, sans le moindre temps mort. Si l'intrigue n'est pas en soi mémorable ni révolutionnaire, quoique l'identité du tueur n'est pas aussi évidente que prévue, le roman est toutefois marquant par un style très particulier, composé de phrases courtes et percutantes, à l'humour acide et aux descriptions savoureuses qui ne sont pas sans rappeler certains épisodes de la série des enquêtes du Poulpe . A noter certains passages absolument mémorables comme cette tirade inspirée de Cyrano de Bergerac sur le thème des cons. Les amis de Bill sont également attachants et hauts en couleur, Jean-Marc Demetz assumant parfaitement certains clichés qui, dans son récit, passent avec bonheur.

    Les 7 prières de Lille est donc un polar très distrayant et amusant, à défaut d'être original.

    21/02/2010 à 10:09

  • Le Boucher des Hurlus

    Jean Amila

    9/10 Ils sont quatre. Quatre enfants privés de leur père respectif, tous fusillés pour l'exemple en 1917 parce que mutins. Quatre enfants honnis par la société, dont les géniteurs font porter sur leurs frêles épaules, depuis leurs tombes, le poids d'un péché originel, celui d'avoir refusé une mort aussi cruelle qu'inutile. Réunis dans une institution où l'on accueille les pauvres bougres de leur genre, ils mettent au point un plan : se faire la belle de leur pension et aller tuer celui que l'on surnomme « le Boucher des Hurlus », à savoir le général responsable du secteur de Perthes-les-Hurlus où ont été exécutés leurs pères. Et quand on a avec soi l'innocence et la fougue de la jeunesse, rien ne semble impossible.

    Le Boucher des Hurlus constitue l'une des œuvres les plus connues de Jean Amila, de son vrai nom Jean Meckert, écrivain dont le propre père fut fusillé suite aux mutineries. Il s'agit d'un roman densément noir, aussi profond que les réflexions engagées par cette histoire qui invoque les démons de l'Histoire. Le lecteur ne pourra que prendre en compassion ce quatuor de gamins aussi émouvants que débrouillards, meurtris par un monde se pliant à une lecture imposée des drames et vomissant ces êtres humains qui ont refusé le carnage stérile. La langue de l'auteur est remarquable, alternant les réflexions mordantes quant à l'humanité et les pensées parfois tonitruantes des mômes dont le discernement et la maturité sont exemplaires. Leurs pérégrinations forcent l'admiration, et leur chasse frôle la quête initiatique, s'ouvrant sur un monde froid et décalé, dans la pleine anomie de l'après-guerre.

    Le Boucher des Hurlus est donc un ouvrage d'une rare acidité, à la fois empreint d'inconvenance et de sagesse, féroce avec l'esprit obtus des adultes et tendre avec l'ingénuité des enfants, brisant les sceaux d'une guerre dite héroïque. Un livre choc qui souligne les incohérences d'une ère qui se voulait débarrassée des horreurs de la guerre tout en vouant aux gémonies ses propres fils. Un opus pour mémoire, en somme.

    17/02/2010 à 14:06 6

  • Fatherland

    Robert Harris

    7/10 J'avais beaucoup aimé ce roman uchronique, notamment en raison de l'originalité du scénario et de l'écriture. Seul bémol : le "secret" des nazis se devine aisément. A noter une très bonne adaptation, et fidèle, avec "Le crépuscule des aigles" avec Rutger Hauer.

    09/02/2010 à 19:24 2

  • Le Père de nos pères

    Bernard Werber

    7/10 Un bon roman, assez surprenant, avec une enquête originale quant aux origines non moins originales de l'être humain.

    09/02/2010 à 19:17

  • Nous avons brulé une sainte

    Jean-Bernard Pouy

    9/10 En quelques heures, une série d'attentats vise les intérêts du Royaume-Uni en France : un ambassadeur humilié, un comptoir de la British Airways maculé de sang de bœuf caillé, un concert de punks londoniens attaqué par une grenade... Les terroristes signent leurs méfaits sous le pseudonyme d'Arthur Rimbaud. Les auteurs de ces actes ? Une bande de jeunes menés par Anna qui a été brisée par un drame commis par des Anglais. Commence alors une lente descente aux enfers pour ce commando...

    Auteur reconnu de romans noirs, Jean-Bernard Pouy signait en 1984 ce livre atypique et terriblement prenant. S'appuyant sur une intrigue très originale, cet opus concis et travaillé est un pur régal à lire. Les dialogues et situations sont remarquables, empreints d'humour noir et d'une grande culture, et le langage de l'auteur est, une fois de plus, une véritable délectation. Par ailleurs, les divers personnages sont parfaitement campés, avec cette touche de vitriol si chère à Jean-Bernard Pouy. Au-delà de l'histoire jouissive se dessine une histoire d'amour originale entre les membres du groupe terroriste, avec une chute absolument marquante, à la fois sombre et si aberrante qu'elle en devient drolatique.

    Il est donc très difficile de classer cet ouvrage : il cumule les effets du roman noir et de la malice, de la satire et du thriller d'action. À défaut de pouvoir lui apposer une étiquette certaine, il reste au lecteur une évidence : celle d'avoir entre les mains un livre très prenant et distrayant, qui marquera durablement les esprits grâce à sa profonde ingéniosité et la plume délectable de Jean-Bernard Pouy.

    09/02/2010 à 19:02 1

  • Tengu

    Graham Masterton

    7/10 Un thriller fantastique typique des autres ouvrages de l'auteur, avec des frissons, de l'horreur et du sexe. Je l'ai lu il y a longtemps, et au-delà du bon souvenir conservé, c'est la fin, inattendue, qui m'a marqué.

    08/02/2010 à 19:58

  • Les disparus de l'A16

    Maxime Gillio, Virginia Valmain

    8/10 Une série de disparitions suspectes émaille l'actualité de la commune de Saint-Folquin, dans le nord de la France. La femme de l'un de ces disparus contacte la détective privée Virginia Valmain qui accepte cette mission. Sauf que Virginia n'est pas une enquêtrice comme les autres : c'est une véritable vamp accompagnée d'individus atypiques et inclassables, comme Lao-Tseu, grand Noir amateur de citations du philosophe, Mère-Grand, lesbienne à la verve détonante, ou encore Curly, ainsi surnommé en raison de son minuscule pénis. Quand cette clique déboule pour dénouer les fils de cette intrigue, il n'y a plus qu'à débarrasser le parquet. Et vite !

    Première collaboration de Maxime Gillio et de Virginia Valmain, Les disparus de l'A16 ne peut être entamé sans avoir pris connaissance de l'avertissement porté sur la quatrième de couverture : « Amateurs de bon goût et de bonnes manières, s'abstenir, ce livre n'est pas pour vous ». Et il faut reconnaître que cette maxime prend toute son importance dès le début de ce roman à suspense : grand fan de Frédéric Dard, Maxime Gillio et sa complice littéraire n'y vont pas avec le dos de la cuillère. Les jeux de mots sont hardis, les situations sacrément rocambolesques et les protagonistes pittoresques. Les écrivains se jouent des codes habituels de la littérature policière, avec notamment des notes de bas de page qui interpellent le lecteur. Vous l'aurez compris : on est ici plongé dans un délire clairement affirmé et totalement débridé. On s'en prend plein les mirettes, avec des scènes marquantes comme ce débat quant au pourquoi des habits de Hulk, les problèmes d'acné de la mairesse, ou les alexandrins invariablement paillards du légiste. De ce point de vue, certains lecteurs reprocheront aux deux auteurs d'avoir bien trop forcé le trait tandis que d'autres se régaleront d'une telle liberté de parole, qui plus est associée à une intrigue qui tient parfaitement la route.

    Les disparus de l'A16 est donc un livre qui ne laissera pas indifférent : on adore ou on déteste. C'est du gras pur jus. Mais quand on aime ce type de littérature décomplexée, on se laisse très facilement emporter par la verve crue de Maxime Gillio et de Virginia Valmain. Et quand ce type de lecteur achèvera cet opus, il aura le rouge aux joues, un peu honteux d'avoir tant ri de ces blagues potaches, mais heureux d'avoir passé un si bon moment.

    05/02/2010 à 18:11

  • Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles

    Gyles Brandreth

    8/10 Oscar Wilde est une des figures littéraires marquantes de cette fin de XIXe siècle : dandy rusé, doué d'une imagination incroyable, il côtoie les esprits les plus en vue de la capitale anglaise. Il découvre un jour le cadavre d'un jeune garçon qu'il connaît bien dans un meublé, entouré de chandelles, cette mise en scène suggérant un meurtre rituel. Mais lorsqu'il revient sur place le lendemain, le corps a disparu ! Le brillant écrivain n'a alors plus qu'une idée en tête : retrouver le coupable.

    Premier roman de Gyles Brandreth mettant en scène Oscar Wilde, Le meurtre aux chandelles constitue un excellent moment de lecture. La langue de l'auteur rend hommage à celle du XIXe siècle ainsi qu'à celle d'Oscar Wilde dont les citations et pensées parsèment avec bonheur le récit. Les décors ainsi que l'ambiance de Londres et Paris sont remarquablement retranscrits, s'appuyant sur une documentation riche sans être trop démonstrative. Le lecteur aura également le plaisir de rencontrer Conan Doyle, ce dernier aidant en partie le héros du livre à confondre l'assassin grâce à la lecture du Signe des quatre. L'intrigue est également bien conçue, complexe puisque cet opus se compose de nombreux personnages et que la démonstration finale, proche de celles d'Agatha Christie, nécessite de la part du lecteur une attention soutenue. L'enquête passe souvent au second plan de l'histoire, Gyles Brandreth s'attardant davantage sur les personnages et les atmosphères, tel un peintre.

    Pour conclure, Oscar Wilde et le meurtre aux chandelles constitue un très bon roman historique, moins policier qu'il n'y paraît, mais assurément réussi.

    02/02/2010 à 06:39

  • Le requiem d'Orphée

    Mickael Lepeintre

    8/10 David se retrouve immergé dans une cuve, alimenté en oxygène par une sonde. Il parvient à se défaire de ce dispositif et va chercher à recouvrer sa liberté. Dans le même temps, probablement non loin de David, Jezabel se réveille dans ce qui ressemble à une chambre d'hôpital. Où sont-ils ? Pourquoi ont-ils été enfermés ? À mesure qu'ils progressent dans un gigantesque complexe, ces deux individus découvrent d'autres prisonniers tandis que dans les coursives rôdent les ombres inquiétantes d'animaux monstrueux...

    Après le roman historique Le légat de Rome, Mickael Lepeintre signe avec Le requiem d'Orphée un ouvrage presque impossible à classer. D'entrée de jeu, grâce à une écriture très élégante, un postulat de départ assez excitant – les raisons de la claustration de plusieurs personnes dans un même lieu – et un indéniable talent de conteur, l'attention du lecteur est retenue. Par la suite, le récit dérive progressivement vers des scènes qui pourront rappeler à certains des épisodes de Lost ainsi que des séries de science-fiction, mélangeant des styles aussi divers que l'aventure, l'anticipation et l'action pure. Par ailleurs, Mickael Lepeintre a soigné la construction de son livre, avec de très nombreuses alternances entre événements passés, présents et même futurs, sans que l'on en comprenne au départ les réelles motivations ; si ce procédé est assurément maîtrisé, il n'en demeure pas moins qu'il risque de perdre dans ses méandres certains lecteurs si ces derniers ne restent pas très attentifs aux noms des protagonistes ainsi qu'à leurs actions. Peu à peu, les tenants de l'intrigue se dévoilent et le fin mot de l'histoire n'apparaît que dans les dernières pages, achevant de faire du Requiem d'Orphée un roman certes complexe et dédaléen, mais qui détient de multiples qualités parmi lesquelles l'imagination et l'habileté de Mickael Lepeintre ainsi qu'une histoire inimitable et inimitée.

    Pour conclure, Le requiem d'Orphée est un OLNI : un Ouvrage Littéraire Non Identifié. Définitivement atypique, il est en soi une véritable aventure romanesque, bousculant les codes et s'affirmant comme un ouvrage unique. Certains l'aduleront, d'autres seront désarçonnés, mais ce livre n'en reste pas moins un opus qui ne ressemble à aucun autre.

    28/01/2010 à 06:45

  • Le Syndrome Copernic

    Henri Loevenbruck

    7/10 Vigo Ravel est un trentenaire atteint de troubles schizophréniques ainsi que d'une amnésie. Alors qu'il se rend dans le quartier de la Défense pour y rencontrer son psychiatre, il entend des voix dans sa tête lui indiquant qu'il faut fuir. Quelques instants plus tard, trois bombes réduisent l'immeuble où il se rendait en un piège létal pour des centaines de personnes. Unique survivant, Vigo va tenter de comprendre ce que sont ces étranges voix. Pourquoi lui parlent-elles ? D'où sont-elles issues ? Et si toute son existence n'était qu'une vaste supercherie ? Il va falloir plonger au cœur de ténèbres dont les plus effrayantes sont encore celles qui voilent son passé.

    Auteur à succès, Henri Lœvenbruck signe avec Le syndrome Copernic un thriller saisissant. Sur la trame classique de la machination, l'auteur plonge rapidement le lecteur dans un suspense efficace dont il est difficile de se dessaisir. Le protagoniste principal, Vigo Ravel, devient vite attachant, avec ses zones d'ombre, sa fragilité, ses errances. Le roman, même s'il est assez long, ne présente pas de réelles longueurs inutiles dans la mesure où le mélange de suspense, d'action et de descriptions est bien mené. L'intrigue est intelligemment construite et malgré quelques poncifs inhérents au genre – un héros amnésique qui va éclaircir les zones d'ombre de son passé, les sphères politiques et militaires, la thèse d'un gigantesque complot, etc –, l'ouvrage, pétri de références scientifiques et philosophiques, se lit avec intérêt.

    A défaut d'être d'une immense originalité, Henri Lœvenbruck exploite donc avec brio les codes du genre pour offrir un opus brillant et documenté, qui ravira les amateurs de conspirations.

    25/01/2010 à 18:34

  • Clair de loups

    J. Wouters

    8/10 Augustin Poudelou, écrivain arriviste et imbu de sa personne, est retrouvé mort dans l'enclos des lions du zoo de Maubeuge. Que faisait-il dans un tel endroit en pleine nuit ? Détail encore plus étonnant : il semble, d'après les premiers indices, qu'il s'y soit rendu de sa propre initiative. Pour le lieutenant Jules Baudion, l'enquête s'avère difficile, d'autant que la victime comptait nombre d'ennemis. Baudion va commencer à retracer le parcours ainsi que la personnalité de Poudelou, notamment grâce au journal intime de Solange Kieffer, une jeune retraitée qui fait partie de l'entourage du disparu.

    Après Chiens d'Arras, J. Wouters revient au polar en 2008 chez l'éditeur Ravet-Anceau avec cet ouvrage. D'entrée de jeu, la langue de l'auteur marque le lecteur par son élégance et le soin apporté aux descriptions des sentiments humains. Dans une ambiance qui n'est pas sans rappeler celles que se plaisait à décrire Georges Simenon, J. Wouters retranscrit avec talent les relations aigres et tendues dans un microcosme provincial où se côtoient des personnes aux facettes troubles et opaques. Indéniablement, J. Wouters sait peindre ces climats typiques où des drames passés peuvent dissimuler des rancœurs encore bien tenaces. Peut-être y a-t-il quelques longueurs parfois inutiles dans la mesure où ces tableaux humains n'apportent pas obligatoirement de pierres spécifiques à la construction de l'intrigue, mais le lecteur se laisse happer par le récit de l'auteur, raffiné et minutieux, avec un dénouement dans les tout derniers instants du roman, l'ultime page dévoilant l'identité assez inattendue de l'assassin.

    Clair de loups est donc un polar de facture classique, « à l'ancienne » pourrait-on dire, très agréable à lire, sans scène d'action tonitruante ni choc visuel, et qui parvient à magnétiser l'attention du lecteur.

    19/01/2010 à 08:09

  • La Récup'

    Jean-Bernard Pouy

    8/10 Antoine Laigneau, spécialiste des serrures anciennes, est engagé par des mafieux russes pour leur ouvrir l'entrée d'un château, contre la somme de dix mille euros. Sur place, tout se passe bien et ses commanditaires récupèrent plusieurs colis. Mais quand Laigneau réclame la totalité de sa prime, les mafieux le tabassent et simulent une overdose… à laquelle il survit. Pris entre le désir de se faire oublier et l'amertume, Laigneau finit par se décider à prendre sa revanche et récupérer ses dix mille euros, pas un de plus. Il est notamment motivé par le visionnage d'un vieux film avec Lee Marvin dont l'intrigue ressemble étrangement à son histoire.

    Auteur passé maître dans le roman noir, Jean-Bernard Pouy offre un nouveau livre court et percutant. Sur deux-cents pages, son écriture sèche et drôle déploie toute l'étendue de sa qualité. Même si l'intrigue n'est pas, en soi, révolutionnaire, elle parvient cependant à tenir la route, traversée de références au film de 1968 et qui donna lieu à un remake, Payback, avec Mel Gibson dans le rôle principal. On retrouve le ton cinglant et engagé de Jean-Bernard Pouy pour parler de la sphère politique et des univers marchands, ainsi que son humour. C'est une vision moderne de David contre Goliath, où un homme isolé et sans le sou affronte une meute hétéroclite composée de politiciens véreux, d'industriels sans scrupule et de voyous malintentionnés.

    La récup' est donc un roman efficace, prenant et solide, qui ne pourra que plaire aux amateurs du genre. Il assume son style et honore sa promesse : divertir le lecteur en le plongeant dans un monde rongé par les miasmes de l'argent et du pouvoir.

    11/01/2010 à 19:09