El Marco Modérateur

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  • Kujô l'implacable tome 1

    Shôhei Manabe

    7/10 Taiza Kujô est un avocat japonais qui accepte de défendre un chauffard qui a renversé quelqu’un alors qu’il était sous l’emprise de l’alcool et jouait sur son portable. Il lui prodigue de précieux conseils dans le cadre de sa défense tandis que l’on apprend qu’un homme est mort dans la collision et que son fils s’est fait amputer d’une jambe. Taiza est-il un affreux salopard ? Non : « Un avocat agit sans principe et sans idéologie », explique-t-il. Le portrait d’un défenseur très particulier, froid et intelligent, fin connaisseur des règles judiciaires et conscient de leurs failles, tacticien hors pair et hermétique aux notions de morale humaine. Intéressant et original. Je vais tâcher de suivre cette série.

    15/01/2024 à 18:24 2

  • Ushijima, l'usurier de l'ombre tome 1

    Shôhei Manabe

    7/10 Ce manga commence par la découverte d’un groupe de femmes accros au pachinko et à qui il faut distribuer de l’argent pour qu’elles puissent obtenir leur shoot de jeu. Mais c’est rapidement dans l’univers glauque de la misère et de l’usure que l’on bascule, avec des proies parfois obligées de se prostituer pour revenir à flots de leur créancier. On y découvre l’usurier Ushijima, dur et affûté comme le monde qu’il côtoie, et présentant des caractéristiques originales (ayant les lapins comme passe-temps, prêt à déchoir une dame de son trône de prêtresse du crédit clandestin). Les passages mettant en scène Kumika sont particulièrement durs puisqu’en rapport avec de la prostitution forcée, tandis que l’autre partie de l’opus, centré sur un autre débiteur des chasseurs de « yamikins « (c’est-à-dire ces usuriers de l’ombre) offre un autre souffle à ce manga particulièrement oppressant, plus centré sur la déchéance des victimes et du système mis en place que réellement Ushijima en lui-même.

    18/04/2020 à 15:24

  • Ushijima, l'usurier de l'ombre tome 2

    Shôhei Manabe

    6/10 L’opus commence avec trois ados qui « empruntent » un scooter avant de se rendre compte qu’il appartient à quelqu’un de peu fréquentable. Pour rembourser un service rendu par Ushijima, ils vont se mettre à travailler pour lui. Ils mettent alors le doigt dans un engrenage bien dégueulasse, comme lorsque l’un d’entre eux est sommé de prendre des photos d’une femme nue… qui n’est autre que sa propre mère. D’habiles jeux de pouvoir, de manigances et d’allégeances trahies pour un univers toujours aussi sordide. Même si j’ai aimé retrouver cette série, j’ai trouvé que l’intrigue patinait un peu, ou alors est-ce parce qu’une partie de l’effet de surprise s’est évaporé.

    24/05/2020 à 18:05 1

  • Inflammation

    Eric Maneval

    9/10 Liz vient de disparaître dans ce qui ressemble à un accident automobile. Elle laisse un époux éploré, Jean, ainsi que deux enfants, Lucie et Clément. Mais quelque chose ne tourne pas rond : dans le village où habite la famille, de sombres nuages s’amoncellent. Liz est-elle réellement décédée ? Et quels secrets a-t-elle emportés avec elle ?

    Voilà un roman singulièrement noir, signé Eric Maneval. Il est assez court (deux cents pages), et tous les mots et péripéties y sont comptés. Pourtant, il est impossible, une fois le dernier chapitre achevé, de ne pas ressentir un immense frisson en même temps que l’impression tenace d’avoir vu défiler une étonnante abondance d’événements. Tout commence comme un simple fait divers, puis on bascule lentement mais sûrement vers une littérature particulièrement sombre. De multiples éléments se télescopent : des amis qui ne correspondent peut-être pas à l’image qu’ils donnent, des locataires réunis en une étrange communauté, un mystérieux laboratoire situé en Belgique, le père génétique de Lucie qui réapparait via une émissaire au comportement énigmatique, une confectionneuse de confitures, un homme que Jean surnomme « le Révérend », etc. Un véritable magma de personnalités obscures, qui bouillonne comme un plat mijote, paisiblement et graduellement. Le lecteur sera immanquablement séduit par la plume d’Eric Maneval, à la fois sèche et paradoxalement fertile en émotions suscitées, jusqu’au final. De nombreuses clefs sont offertes dans les ultimes pages, mais il sera impossible de ne pas tomber dans un incroyable vertige de noirceur, en même temps que la majeure partie des personnages présents dans ce livre.

    Un ouvrage qui sidère par sa simplicité et son efficacité, sur fond de tragédie familiale, expériences médicales et quête de rédemption. Une Inflammation qui excite les cœurs, les tripes et les âmes, sans que l’on cherche, une fois n’est pas coutume, à en trouver le remède.

    12/03/2018 à 18:20 6

  • Total combat round 1

    Jack Manini

    5/10 Jimmy Pérez combat dans le MMA. Il est amoureux de Jazlyne, la fille de son entraîneur, et vit avec son grand-père depuis le décès de ses parents. Après le combat avec Brent Duty dont il sort victorieux, il est victime d’un malaise. Deux mois dans le coma, méningite bactérienne. Il va devoir réapprendre à utiliser son corps amoindri et vivre sans sa bien-aimée, morte de la même bactérie.
    Une BD plutôt intéressante mais qui se disperse vite, entre combats, liens familiaux, amour perdu, rédemption, combat avec des SDF, etc. Non, vraiment, malgré l’esthétique sympathique, il manque une colonne vertébrale plus solide à ce tome qui se désagrège à mesure que les planches défilent. J’espère que le deuxième et dernier tome sera plus compact autour du coeur de l'intrigue.

    29/01/2023 à 19:18 2

  • Total combat round 2

    Jack Manini

    4/10 Jimmy vient de perdre par abandon face à Mike Seymour, quittant la cage pour venir en aide à son grand-père, et en apprend beaucoup plus qu’il ne l’aurait voulu sur sa famille, découvrant qui est son véritable père ainsi que le fait qu’il est encore en vie. Malgré l’éclairage porté sur la discipline qu’est le MMA, un second tome aussi éparpillé et inintéressant à mes yeux que le premier. Objectivement, sans grand intérêt, l’accumulation d’ingrédients venant tuer le goût du cocktail final.

    29/01/2023 à 20:01 1

  • Des Jours et des nuits à Chartres

    Henning Mankell

    8/10 … ou le destin de la malheureuse Simone (Touseau dans la réalité), coupable d’avoir aimé pendant l’Occupation un soldat allemand (Helmut), ayant eu un enfant de lui, et que l’épuration va malmener lors de ces tristes « réjouissances » cathartiques. Une pièce de théâtre poignante, courte et emplie de tact et d’humanité, avec seulement huit personnages (Simone, son amie Marie, Edith qui a perdu son fils durant le conflit, Dominique et Raphaël qui sont deux résistants, son compagnon Helmut, et Robert Capa dans son propre rôle). L’histoire est née de la célèbre photographie « La Tondue de Chartres » qui a inspiré cette histoire à Henning Mankell et l’a traduite avec ses propres mots, puisqu’il s’y fait « l’interprète d’une image ». Une émouvante lecture, où rien n’est ni blanc ni noir, tout en nuances, refusant de jeter l’opprobre sur les uns ou les autres, même si l’on y devine sans mal à la fois les cicatrices à vif du peuple français tout autant que le désespoir de ces femmes qui ont eu le malheur d’avoir vécu une histoire d’amour avec « un » Allemand. Du vitriol tout de même jeté à la face des « héros » (comme le disait Jean Rochefort avec la classe qu’on lui connaît, « dans ces périodes troubles, les héros naissent comme les champignons après la pluie »), parfois plus revanchards ou ayant des choses à se faire pardonner que de véritables êtres salvateurs. Bref, un saisissant moment de lecture, ici accompagné de quelques textes qui permettent de mieux cerner certaines vérités historiques, le contexte, voire de creuser des thèmes propres à cette pièce.

    10/08/2020 à 23:21 4

  • La Cinquième femme

    Henning Mankell

    8/10 Presque aussi bon que "Le guerrier solitaire". Une intrigue intéressante et de belles densités humaines chez les personnages.

    30/08/2010 à 09:59 2

  • Le Guerrier solitaire

    Henning Mankell

    9/10 Un excellent moment de lecture en ce qui me concerne. Lu il y a bien longtemps, mais j'ai encore en tête le scénario, preuve qu'il m'avait marqué. L'un des meilleurs Mankell à mon goût.

    30/08/2010 à 09:58 1

  • Le Corps noir

    Dominique Manotti

    9/10 Paris, 6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages normandes. Il faudra environ deux mois et demi avant la libération de Paris. Entre ces deux moments, la population va hésiter : les Allemands peuvent-ils encore gagner la guerre ? Qui seront les vainqueurs lorsque s'achèveront les batailles ? C'est tout un microcosme parisien qui s'en trouve ainsi ébranlé, en proie au doute. Banquiers, artistes, prostituées, stars du cinéma, policiers... Dans ce tourbillon de passions accentuées par les rancœurs, les rivalités et les volontés de ne pas être du côté des perdants, chacun devra choisir son camp.

    Dominique Manotti, c'est une plume. Sèche, allant à l'essentiel, avec des phrases saccadées, parfois nominales, avec des verbes sans sujet. L'écriture est alerte, sans concession, aussi effrénée que l'époque dépeinte. Durant cette période très équivoque, emplie de cynisme et de calculs immoraux, l'auteur décrit avec une étonnante crédibilité les échanges entre les divers personnages, nombreux et variés. Le fil conducteur du livre : des trafics, des jeux d'influence. Du sang également, beaucoup, versé pour nettoyer les honneurs impurs et tenter de faire bonne figure quand le vent tourne. Dominique Manotti ne se fait pas juge des attitudes des individus qu'elle décrit : elle présente, en toute objectivité, les situations auxquelles ils sont confrontés, les choix dont ils disposent, les décisions qui sont les leurs. A cet égard, il faut mettre en relief son talent pour brosser le tableau d'une époque plus que troublée et donner vie avec simplicité et humilité aux protagonistes, immergés dans un contexte vacillant qui les dépasse, mettant à nu leurs contradictions et leur sens – parfois très approximatif – de la dignité.

    Le corps noir est donc un ouvrage remarquable, au style trépidant et à l'intrigue très originale. Quiconque s'intéressant à la Seconde Guerre mondiale, à la peinture des mœurs ou à l'âme humaine y trouvera de quoi nourrir sa réflexion. Un opus à la croisée des genres, quelque part entre le thriller, la littérature historique et le roman noir, qui se pose également comme un livre émérite sur la Résistance et l'épuration.

    06/06/2010 à 19:57 3

  • Après l'homme...

    Richard Marazano, Xiao Shang

    5/10 Dans un univers postapocalyptique, des ados tentent de survivre dans les décombres d’une vaste cité où des robots immenses sèment la terreur. Leur seule retraite : les souterrains et égouts par centaines. Un curieux mais agréable cocktail du point de vue graphique, qui panache l’esthétique japonaise du manga, quelque chose de beaucoup plus occidental (un indice : tous les prénoms des mômes sont à consonnance française, ou au moins européenne) et une fluidité digne des animes. Vraiment rien de transcendant du point de vue du fond avec un schéma classique et des éléments déjà lus ou vues maintes fois ailleurs, donc pas grand-chose de véritablement croustillant à se mettre sous les dents mais ça se laisse lire, sans plus, jusqu’à l’apparition de ce robot qui semble vouloir aider nos jeunes protagonistes. Ah, un détail irritant : le fait de mettre quasiment un mot sur quatre en gras. C’est trois fois rien mais ça n’apporte rien sinon de taper gentiment sur le système…

    27/02/2022 à 18:57 1

  • Chasseurs de robot

    Richard Marazano, Xiao Shang

    6/10 Retour dans cet univers postapocalyptique où des gamins sont obligés de chasser des rats pour les manger et donc se nourrir (première scène). Ça commence de manière plus dynamique que le précédent tome (peut-être était-ce volontaire afin de planter le décor), avec S.A.M. qui réapparaît en affrontant une sorte d’immense scolopendre robotique. Le reste de l’histoire s’articule justement autour de l’amitié naissante entre Yann et S.A.M. tandis que les camarades de l’adolescent se demandent si cet androïde est digne de confiance. Un ton plus énergique pour une BD qui ne propose toujours rien de révolutionnaire mais se révèle sympathique (mais sans plus) à suivre.

    27/02/2022 à 20:31 1

  • Nous ne t'oublierons jamais

    Richard Marazano, Xiao Shang

    5/10 Quatrième et dernier tome de la série. Nos héros plongent dans le complexe souterrain où Yann était resté séquestré et victime d’expérimentations, et tombent sur une sorte de calamar robotique géant. Quelques passages marquants, comme la découverte du puits aux cadavres ou la fuite des animaux. Malheureusement, pour ce qui est du fond, comme déjà dit pour les précédents tomes, c’est assez mou et convenu : même la teneur de la catastrophe déclenchée dans le cadre des recherches chez Gen-O-Matic n’est pas particulièrement originale ni mémorable. Et que dire du titre qui téléphone méchamment le final de la BD. Bref, c’est globalement gentillet et résolument optimiste, mais sans véritable émotion même si ce tome s’avère plus musclé et étoffé que les précédents.

    30/04/2022 à 16:55 1

  • Un Million d'hivers

    Richard Marazano, Xiao Shang

    4/10 Troisième tome de la série qui commence dans un paysage hivernal et neigeux, et ses camarades se désespèrent encore de la disparition de Yann. Mais les défauts s’enchaînent de nouveau à mes yeux : un manque continu et un chouia désespérant d’originalité (la BD date de 2015, il n’a même pas l’excuse de son ancienneté…), la disparition de Yann ne signifiait évidemment pas sa mort (là, on n’est plus dans le téléphoné mais dans le poncif assez plat et facile), même le piège tendu au drone évoqué dans le résumé n’apporte rien (genre épiphénomène sans le moindre intérêt et déjà exploité maintes fois auparavant, l’image me venant aussitôt à l’esprit étant issue du film « Predator » qui date de… 1987), et autre compilation de scènes déjà lues ou vues des centaines de fois. Heureusement que le graphisme est agréable et que la dizaine des dernières planches est plutôt effrénée avec la promesse d’une infiltration au sein du repaire des robots ennemis, sans compter le fait qu’il ne reste plus qu’un tome à cette série qui commence à me décourager…

    13/03/2022 à 20:38 1

  • L'Enigme de la rame 204

    Charles Marcellus

    6/10 L’inspecteur Méral est dans l’un de ses jours de congé, et c’est somnolant qu’il finit par décrocher le téléphone : un collègue l’appelle parce que l’on a retrouvé Paul Rieux, son neveu, touché de deux balles dans la tête, et à présent dans le coma. Mais Méral se rend aussitôt compte que celui qui l’a contacté à l’instant n’est pas le policier qu’il a prétendu. C’est ensuite un homme porteur d’un calibre de policier que l’on découvre, également en vie. Et si Méral était tombé dans un piège ?
    Un texte plaisant où j’ai bien aimé découvrir cet inspecteur Méral. Vieux garçon, plutôt taciturne quoique fort attaché aux membres de sa famille, fin stratège lorsqu’il s’agit d’imaginer une ruse pour piéger les criminels, roué dans l’art du déguisement, son rôle semble de prime abord atténué dans cette nouvelle puisqu’il ne commence à réellement intervenir qu’à la moitié du récit, permettant à Charles Marcellus de développer les autres protagonistes, comme les policiers, Gisèle (la compagne de Paul), ou encore les truands, dont Antonio. Même si l’intrigue, en soi, ne casse pas cinq pattes à un chihuahua, c’est, à mes yeux, davantage le portrait d’un Paris canaille, de la vieille époque, où se mêlent souteneurs, fournisseurs de chnouf et autres vilains garçons de l’époque dorée des films et romans noirs. Une lecture distractive et assez bien ficelée, même si je regrette que l’auteur n’ait pas plus complexifié son histoire ni proposé un épilogue moins attendu.

    09/01/2022 à 16:54 1

  • La Chasse au clown

    Guillem March, James Tynion IV

    7/10 Le policier James Gordon est encore hanté par le Joker et la mort de son fils, et une femme, une dénommée Cressida, lui propose d’aller éliminer définitivement ce monstre qui se trouverait au Bélize.
    Un graphisme très réussi, coloré et à de nombreuses reprises véritablement enflammé, où le Joker excelle en tant que cabotin maléfique. Même si les superhéros apparaissent, c’est bien Gordon qui reste au cœur de ce récit très dynamique.

    13/04/2024 à 18:14 1

  • Le Faiseur de monstres

    Guillem March, James Tynion IV

    7/10 Le côté superhéros me semble accentué par rapport au tome précédent, et même si je n’ai pas tous les codes et références Marvel / DC Comics, j’ai beaucoup apprécié cette nouvelle chevauchée. Jim Gordon et le Joker – sublime de cabotinage – continuent de composer les personnages centraux de cette série épique et ils en prennent au passage plein la gueule. Un graphisme échevelé tout du long et un final mémorable avec des piñatas au contenu surprenant.

    13/04/2024 à 18:15 1

  • Clones en stock

    Pascale Maret

    8/10 Très agréablement surpris par ce roman. D’allure classique, l’histoire sait mettre des mots à la fois à portée de main des jeunes lecteurs et matures, où fusionnent réflexions sur le genre humain, suspense et émotions. Je me suis laissé embarquer par le récit, assez court et nerveux, où les aspects fantastique et policier côtoient la fable intelligemment menée.

    26/03/2014 à 18:03

  • Lola reine des barbares

    Margot D. Marguerite

    7/10 Lola n'a jamais eu de chance dans la vie. Elle vit dans une des tours qui composent une cité anonyme. Son copain, Papier, la ravitaille régulièrement en drogue. Mais le jour où Papier décède en voulant échapper au Grécos, lui aussi dealer, elle tombe sous la coupe de ce dernier. Cela pourrait marquer le début d'une nouvelle existence, d'esclavage ou de liberté. Mais Lola, la junkie, l'objet sexuel, a bien d'autres desseins, que ce soit dans son quotidien blafard ou dans les états seconds auxquels elle accède par les produits qu'elle s'envoie dans le nez ou les veines : elle se rêve en reine des barbares, majesté des hordes peuplant les bas-fonds de l'humanité. Et pour peu qu'on lui en laisse les moyens, elle ne demande pas mieux que d'accéder à ce trône...

    Second roman de Margot D. Marguerite après La vieille dame qui ne voulait pas mourir avant de l'avoir refait, Lola reine des barbares se pose dès les premières pages comme un livre choc. Le Grécos, potentat local, choisit de violer la jeune femme puis d'offrir ce corps à ses acolytes pour se venger des impairs de Papier. Le ton est donné : il sera noir. Sur environ cent pages, le lecteur est invité à côtoyer Lola dans son équipée dans le monde. Il y découvrira un univers mêlant la glace et le feu, l'inhumanité et la violence la plus abrupte. Une terrible description d'un monde anomique, où le petit peuple de la nuit percute celui des apparences. Margot D. Marguerite emploie un langage particulièrement acide et brutal pour brosser le portrait des protagonistes, ce que des lecteurs lui reprocheront sûrement : certains passages, notamment liés à des sévices sexuels, sont décrits par le détail. Néanmoins, au-delà de cette provocation purement verbale se niche un réel amour de l'auteur pour ses créatures littéraires : de suppliciés, elles brisent lentement leur nature pour devenir des tortionnaires, apportant un vent de sauvagerie dans le récit. C'est toute la cruauté dont elles ont été les victimes qui se libère au fil des pages. Aucun jugement de la part de Margot D. Marguerite : il dépeint, comme un naturaliste, les comportements des personnages qu'il a créés.
    Cependant, il est dommage que le roman en reste à l'état de très court récit. On aurait aimé suivre une plus longue errance de la part de Lola car, si sa personnalité et son destin sont atypiques, comme un oiseau plongeant d'un point haut, elle n'a pas suffisamment le temps, en une centaine de pages rappelons-le, de véritablement déployer les ailes de sa fureur. Son statut de victime est clairement établi, mais celui qui pouvait constituer le contrepoint de sa déchéance et, paradoxalement, de son changement, à savoir sa métamorphose en harpie vengeresse, n'est qu'esquissé, ce qui laisse au lecteur un goût d'inachevé. Quand arrive la fin du récit, on regrette presque qu'il n'ait pas compté une cinquantaine de pages supplémentaires, pour bien illustrer la modification de la personnalité de la jeune femme. Il s'agit très certainement d'un choix assumé de la part de l'auteur, mais cette décision rend le final presque bancal, car incomplet, comme une démonstration qui resterait fragmentaire.

    Au même titre que d'autres romans de la série Baleine Noire (Hécatombe de Nada par exemple), ce livre ne fait nullement dans la dentelle et se montre exigeant, dans la forme comme dans le fond. Un écrit incisif, brutal, aussi torturé que les personnages qu'il présente. Une histoire qui ne peut laisser indifférent.

    06/01/2011 à 16:29

  • Pliera bien qui pliera le dernier

    Margot D. Marguerite

    8/10 Une étoile filante. Voilà comment Gabriel Lecouvreur songe à Valeria, splendide contorsionniste, après qu’il l’a sortie des griffes d’un violent trapéziste. En échange, elle lui a offert son corps souple et expert ainsi que des souvenirs de sexe torride pour le reste de sa vie. Ça n’est que plus tard qu’il apprend que cette sublime créature a été retrouvée morte, pliée dans un minuscule aquarium. Ni une ni deux, et encore moins trois, Gabriel part pour le Lot où traîne le cirque dans lequel officiait Valeria.

    Il s’agit de la deux-cent-quatre-vingtième enquête du Poulpe, signée par Margot D. Marguerite. Le ton est immédiatement donné : ça sera fantasque. Narré à la première personne, le récit est un véritable déluge d’humour, souvent grinçant et grivois, dans les situations et les dialogues, ce qui constitue un terreau fertile où fleurissent les aphorismes imparables. Avec une idée de départ sacrément loufoque, l’auteur déroule ensuite une histoire rocambolesque, fleurie et tonitruante, permettant de rencontrer des individus savoureux, notamment au sein du cirque. Si l’intrigue passe parfois au second plan et quelques longueurs émaillent le récit, on pardonne volontiers à Margot D. Marguerite ce manque bien subjectif de tenue en raison de sa faconde hilarante et son don pour mettre en scène une fiction échevelée.

    Si, à l’évidence, il ne s’agit pas de l’opus le plus abouti de la série, il n’en demeure pas moins sévèrement dynamique et coloré. Gabriel y prendra autant de claques dans la figure que d’hématomes à son petit cœur de poulpe. On attend déjà l’ouvrage suivant avec impatience : Quatre Corses majeurs, de Philippe Franchini.

    13/07/2013 à 14:20 1