El Marco Modérateur

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  • La Forêt des Mânes

    Jean-Christophe Grangé

    8/10 Cela faisait pas mal de temps que je n’avais pas lu d’ouvrages du sieur Grangé, ce qui explique que j’ai entrepris celui-ci avec un peu d’appréhension. Rapidement, j’ai retrouvé avec plaisir l’écriture typique de l’écrivain, véloce et travaillée. Le personnage de Jeanne m’a un peu tapé sur le système au départ, avec ses amours éconduites, ses sentiments, etc. (elle m’a fait penser au début à Nadia Lintz, la juge d’instruction dans la série « Boulevard du Palais »). Et puis le roman a pris son rythme de croisière : les meurtres sauvages, les mystères, et cette aura de ténèbres autour de tout cela. Beaucoup de citations et de références culturelles émaillent ce récit. Cela a été un régal de découvrir tant et tant sur des sujets fort variés, comme l’autisme, la préhistoire, l’art pariétal, la génétique, le sang, le métier de juge d’instruction, et puis, bien sûr, l’histoire et la géographie du Nicaragua, du Guatemala et de l’Argentine. Une sacrée cadence, et j’ai avalé les pages sans même m’en rendre compte. Un scénario dense, avec de nombreux rebondissements, et une Jeanne Korowa poussée dans ses ultimes retranchements, physiques et physiologiques, avec cette traque s’achevant dans cette forêt des « Non-Nés ». Quant au final, comme d’habitude, un peu trop vite évacué selon moi, mais à la réflexion, du rab n’aurait pas servi à grand-chose. Agréablement surpris par le double rebondissement final (même si je suis un peu plus dubitatif quant à celui concernant l’identité du tueur, que je trouve à la fois trop gros, et en plus un peu téléphoné, mais peut-être est-ce l’un des gimmicks de l’auteur), car il tisse, de fait, un lien inattendu et intéressant avec le contexte du roman, se nourrissant de lui-même. Au final, je me suis régalé avec cet opus, ai renoué avec l’univers de JCG, et je vais tâcher à l’avenir de lire ses rares ouvrages qui me manquent.

    22/10/2018 à 08:57 6

  • Il y a encore des noisetiers

    Georges Simenon

    8/10 … ou comment le banquier François Perret-Latour, vivant dans une forme d’isolement à soixante-quatorze ans dans son bel appartement donnant sur la Place Vendôme, avec seulement quelques domestiques (dont Mme Daven, sa gouvernante) en vient à reconsidérer sa propre existence et lui octroyer une nouvelle trajectoire lorsqu’il apprend le cancer de l’une de ses trois ex-épouses et le suicide de leur fils Donald. Il y sera question d’une forme de nostalgie pour cet homme qui n’attend plus grand-chose de la vie alors que cette dernière lui a beaucoup apporté, au moins du point de vue pécuniaire. Il va renouer des liens très forts avec sa famille, entre un fils qui se remarie avec une demoiselle bien plus jeune que lui, une petite-fille (Nathalie) qui est enceinte et dont le géniteur est parti. François est également un être charmant et intéressant, en bonne condition physique pour son âge, ayant des amitiés riches et sincères avec des hommes de loi et un médecin, Candille, qui vont lui rendre un immense service (sacrément culotté et en même temps d’une impressionnante humanité) à propos de l’enfant à venir de Nathalie. Toujours chez Georges Simenon, une écriture sèche, presque évidée, avec une immense économie de mots et de moyens, mais qui retranscrit à merveille les émotions et des situations de famille délicates et crédibles. J’ai été également très sensible à la relation avec sa gouvernante, Mme Daven, dont la timidité cache un passé douloureux et dont elle s’ouvre à lui dans un passage émouvant. Je ne résiste pas à retranscrire ici le passage qui donne son titre au roman : « Je regarde la haie et soudain je reconnais les feuilles d’un arbuste. Je regarde plus haut et je vois des noisettes encore vertes. Ainsi donc, malgré les avions, les autoroutes, l’élevage aux produits chimiques, il y a encore des noisetiers. […] C’est bête. Je suis tout surpris d’être ému. J’ai l’air d’avoir fait une découverte et je me répète : il y a encore des noisetiers… J’y vois comme un symbole. C’est assez flou dans mon esprit. Cela signifie sans doute que le monde a beau changer, il restera toujours des coins de fraîcheur ». Un bel ouvrage, très optimiste, sur la simplicité des sentiments éprouvés par un vieux monsieur, sur le seuil de sa propre mort, et qui retrouve une forme d’épanouissement et de bonheur auprès de ses proches et de sa famille.

    22/10/2018 à 08:52 4

  • Le Kaiser et le Roi des menottes

    Vivianne Perret

    8/10 En tournée européenne, le magicien Harry Houdini arrive à Berlin en octobre 1900. Le magnat de l’industrie Friedrich Alfred Krupp le convie dans sa magnifique demeure pour une représentation privée, avec le Kaiser Guillaume II en invité privilégié. Quand il s’agit de mesurer l’agilité de Houdini à ouvrir une chambre forte, c’est pour trouver à l’intérieur le cadavre d’une jeune femme morte asphyxiée. Le roi de l’escapologie mène l’enquête.

    Ce deuxième opus de la série mettant en scène Houdini en détective regorge des éléments que l’on avait découverts dans le précédent tome, ce qui ne peut que séduire. Vivianne Perret dresse un portrait particulièrement sympathique du célèbre illusionniste, doué pour les tours de magie tout en étant remarquable dès lors qu’il s’agit de procéder à des observations et des déductions. Ici, son épouse Bess ainsi que son assistant Jim obtiennent une part plus importante dans le livre. C’est un véritable régal que de se balader aux côtés de ces personnages si vivants dans le Berlin de 1900, que l’écrivaine nous rend si réaliste, depuis ses hauts-lieux jusqu’aux quartiers plus interlopes. L’intrigue est également savoureuse, singulièrement bien bâtie, avec son lot de rebondissements et autres fausses pistes, qui permet de juxtaposer, voire de mêler, divers éléments d’un arcane complexe. On retrouvera ainsi une histoire d’espionnage industriel, de vengeance, de chantage, de liberté sexuelle, de magie, de crochetage, d’amour éconduit, etc. Un très bon patchwork de cabales qui ne nuit nullement à la lisibilité du roman, et qui vient même en exhausser la saveur.

    Un nouvel ouvrage de très grande qualité signé Vivianne Perret où, comme il l’est expliqué dans la postface, nombre d’informations sont véridiques.

    10/10/2018 à 17:14 2

  • Rebelle en fuite et autres histoires

    Elmore Leonard

    7/10 Un an plus tôt, paraissait en France Charlie Martz et autres histoires, dont on pensait le plus grand bien. C’est maintenant au tour de cet autre recueil de nouvelles écrites par Elmore Leonard de nous parvenir. Sept très courtes histoires où brillent tous les éléments qui ont fait et continuent de constituer tout le talent de l’écrivain : dialogues secs et pertinents, des descriptions qui n’ont que la longueur nécessaire – c’est-à-dire quelques mots habilement choisis, et une aptitude remarquable à emmener le lecteur avec une immense économie de moyens. Charlie Martz en cowboy est de retour pour une histoire d’encoche illégitime sur son revolver, avec un duel à l’issue assez originale. Un honnête père de famille qui refuse de prendre les armes face à des intrus. Une ancienne terroriste malaisienne, « retournée » dans un camp de rééducation, devenue secrétaire et qui se retrouve confrontée à un fantôme de son passé. Encore plus que dans le précédent spicilège, les registres littéraires sont variés. Nous avons ainsi droit à une histoire d’adultère entre membres du personnel aéronautique, un ancien torero reconverti en ouvrier agricole convoqué dans une parodie de tauromachie humaine, une veuve qui va apporter une aide zélée et inattendue à un soldat durant la Guerre de Sécession, et une histoire de pure littérature blanche se déroulant dans un hôtel espagnol. La concision de ces récits les rend particulièrement digestibles, et c’est toujours avec entrain que l’on se laisse aguicher par ces décors si vite plantés, prendre par ces fictions, et emmener vers l’épilogue. Néanmoins, certaines nouvelles paraissent nettement moins séduisantes que d’autres, tandis que l’on retrouve cette même hétérogénéité au niveau des genres. Les côtés noir et policier semblent marquer le pas, ce que certains lecteurs apprécieront peut-être, afin de pouvoir apprécier une autre facette du génie d’Elmore Leonard.

    10/10/2018 à 17:11 2

  • Underground

    S. L. Grey

    6/10 Un terrible virus ravage l’Asie. Pour se protéger, des survivalistes intègrent un complexe souterrain, le Sanctuaire, dans le Maine. Plusieurs familles s’y regroupent et les portes du coffre-fort se referment. Mais la pression du huis clos, les psychoses des uns et des autres et un mystérieux assassin vont rendre l’intérieur de l’abri plus dangereux que l’extérieur.

    Voilà un livre ingénieux qui mixe plusieurs genres : whodunit, roman post-apocalyptique, thriller survivaliste, etc. On y retrouvera probablement l’influence du fameux Dix petits nègres d’Agatha Christie, cette fois-ci dans un décor de grotte cylindrique et artificielle tandis qu’un agent infectieux dévaste l’Asie. S. L. Grey tire son épingle du jeu avec une écriture simple et efficace, qui met en scène une série de personnages immédiatement identifiables : des ploucs fervents, un couple de bobos, un veuf et sa fille, des Asiatiques, etc. Certains lecteurs trouveront d’ailleurs ces individus trop classiques, voire stéréotypés, d’autant que les études psychologiques sont parfois légères. Paradoxalement, le livre se dévore rapidement, avec une alternance des protagonistes et des points de vue, tandis que les morts se succèdent. L’ambiance est bien rendue, et la claustration, avec la suffocation mentale qui en résulte légitimement, est aiguisée par des tourments multiples : le manque d’eau, l’hygiène approximative, les ressources de nourriture qui s’épuisent, la paranoïa galopante, les vices sexuels, ou encore les espoirs qui s’effilochent quant à une éventuelle sortie du souterrain. Des chapitres bien accrocheurs, qui maintiennent un suspense intéressant, et dont les ultimes pages seulement offrent une résolution à l’énigme. Mais celle-ci ne sera peut-être pas à la hauteur des attentes de tout le monde : elle peut éventuellement être inattendue, mais pas au point de marquer durablement les esprits, notamment en raison de la concision de l’introspection du meurtrier et le caractère assez commun de ses motivations. Juste les derniers paragraphes, ouverts à plusieurs interprétations, pourront réjouir.

    Un cadre intéressant et une histoire prenante de la part de S. L. Grey, mais auquel il manque un bouquet final plus abouti ou original pour être totalement convaincant.

    10/10/2018 à 17:09 5

  • Le Train

    Georges Simenon

    8/10 Le récit d’un exode, celui de Marcel Féron, vendeur de matériel radiophonique, et de sa famille constituée de sa femme et de sa fille. Lorsqu’il apprend l’invasion de pays voisins par l’Allemagne nazie, il monte dans un train avec nombre d’autres réfugiés. Marcel Féron est-il un héros ou un antihéros ? C’est surtout un être indifférent à tout et aux autres, presque heureux que le conflit armé éclate, surtout soucieux d’avoir consciencieusement sur lui sa paire de lunette de secours. Dans le wagon, il fera la connaissance d’Anna, jeune et attirante, qui a des origines juives. Un portrait saisissant de foules hétérogènes poussées sur les routes – ici ferrées, à cause de la guerre, et qui vivent une expérience étrange, engendrant des émotions contraires voire contradictoires, depuis le sexe tarifé dans le convoi avec la dénommée Julie à la peur légitime quand fondent les avions de combat, en passant par quelques fugaces scènes d’espoir. Et c’est au terme de cette péripétie, bien longtemps après, que Féron illustrera sa lâcheté, voire son indifférence si caractéristique, avec une attitude qui se montrera criminelle. Encore une fois chez Georges Simenon, une galerie de personnages rendue crédibles et terriblement crédibles en quelques traits de plume, une vision acerbe de la société, surtout lorsqu’elle est poussée dans les ultimes retranchements de l’humanité que l’on attend d’elle lorsque la situation le nécessite, et un pessimisme latent qui éclate dans les ultimes pages.

    08/10/2018 à 17:11 6

  • Fool's Paradise tome 1

    Misao, Ninjyamu

    7/10 Un manga, le premier d’une série qui semble bien poser les bases pour la suite. Une jeune chanteuse, Sela Hiragi, qui est victime, sur scène, lors d’un concert, de l’explosion d’une bombe qui lui sectionne la jambe. Ce que le livre pose, ce sont avant tout des personnages : Sela, bien sûr, mais également Tatsuya Kudo, son tuteur légal ; un agent vraiment cruel et cynique, même si ses réflexions sont malheureusement plausibles quant au futur de la carrière de la chanteuse ; Sadakiyo Ugajin, un vieux monsieur en apparence bien anodin mais qui est l’ancien surintendant général de la police ; Kazutaka Nichiya, un ancien poseur de bombes dans le métro, juste évoqué, treize ans à l’époque des faits, qui avait engendré 121 morts et 858 blessés, ayant ensuite subi un programme spécifique de réinsertion. Maintenant que le décor semble planté, j’ai un peu entendu parler de la suite des événements, d’autant que le résumé de la quatrième de couverture est beaucoup trop prolixe à ce niveau. Mais l’événement final de ce premier opus indique clairement la direction que prendra la suite des ouvrages. Un début calme et efficace, dont je retiens surtout ce pitch de volonté de la population de venger l’attentat contre Sela, et des réflexions intéressantes sur la peine de mort, la réadaptation des criminels, et les raisons qui président à la naissance d’idoles artistiques.

    08/10/2018 à 17:09 1

  • Passé double

    Patrick S. Vast

    8/10 Parce qu’elle meurt d’envie de refaire sa vie en Australie, Cindy Fromont accepte un emploi assez particulier : devenir la dame de compagnie de Rosemonde Busine. Mais lorsque cette dernière lui demande de modifier son apparence et de désormais se faire prénommer Hélène, Cindy comprend que son travail sera plus ambigu que prévu. Ce n’est d’ailleurs que le premier d’un des engrenages qui vont conduire à leur perte tous les protagonistes de cette étrange histoire.

    Patrick S. Vast nous enchante depuis quelques années avec des ouvrages forts et originaux, comme La Veuve de Béthune, Boulogne stress ou Angoisse à louer, pour ne citer qu’eux. A chaque fois, la structure du roman est la même, presque une signature : des individus lambda qui, au gré d’une situation d’apparence badine, vont s’entrechoquer et être broyés par une intrigue aux répercussions multiples et souvent fatales. Ici, il s’agit d’une quinquagénaire qui souhaite que Cindy prenne l’aspect et la place de sa fille, Hélène. Ce subterfuge sera à l’origine de bien des tensions et des morts, car les conséquences de ce manège vont aller bien au-delà de la simple badinerie. On retrouve en effet, en orbite autour de cette « nouvelle Hélène », des personnages nombreux. Jean, le fils alcoolique de Rosemonde. Gérard Alves, désormais entrepreneur dans la construction et dont l’entreprise est en équilibre précaire. Octave et Henriette, les deux domestiques de Rosemonde, ainsi que Marie, sa « rabatteuse ». Paul Froideval, dit Paulo, le compagnon d’infortune de Cindy, que les expédients louches n’effraient pas. Une délicieuse palette d’individus, à la fois simplement décrits et fort crédibles dans leurs attitudes et psychologies. On s’en doute, Patrick S. Vast saura les malmener, leur faire nouer des alliances éphémères, les monter les uns contre les autres, les faire céder à la tentation ou les pousser au crime. Une bien habile structure, solide et riche, où pas le moindre mot, paragraphe ou scène n’est en trop. Une écriture limpide, roulant avec plaisir sous les yeux du lecteur, glissant sur la soie de cette toile d’araignée au centre de laquelle, bien évidemment, on trouve Rosemonde Busine, prête à sortir ses chélicères. Et si, en plus, on apprend que sont en jeu des bijoux, un passé de cambriolages et un accident de la route, on peut être certain que des drames, voire des tragédies, vont survenir.

    Un nouveau régal littéraire de la part de Patrick S. Vast, qui, après Potions amères, signe donc ce deuxième livre aux Editions du Chat moiré. Sur son blog, on apprend que l’écriture du troisième tome est déjà bien avancée, et l’on ne peut que s’en réjouir.

    24/09/2018 à 19:56 5

  • Une Rançon pour Bichon

    Christian Grenier

    8/10 Sur une aire d’autoroute, alors que toute la famille se rend en vacances, Hercule, notre fameux chat policier, entend des gémissements provenir d’une voiture voisine. Il rentre dans l’habitacle et y découvre un mastiff tibétain, qui se révèle être le chien tout juste enlevé contre demande de rançon de Madame Bettenlon, la femme la plus fortunée au monde.

    Ce nouvel opus de la série consacrée au chat policier Hercule réunit tout ce qui fait le succès des précédents ouvrages. Un chat particulièrement espiègle et malicieux, qui en vient à se mettre les pattes dans les embêtements jusqu’au cou. On y retrouve donc tout le savoir-faire de Christian Grenier, chevronné auteur de littérature qui sait amplement imaginer et narrer une histoire pour les plus jeunes. Les rebondissements sont nombreux, depuis l’épisode du garage des deux kidnappeurs jusqu’à l’arrivée dans le zoo. Ce sont aussi de joyeuses pages, constellées d’un humour bienvenu, avec notamment un des ravisseurs, Roméo, particulièrement bête, le chien enlevé qui s’est trop habitué à une condition de vie fastueuse pour faire le moindre effort physique, ou encore la propriétaire de Bichon, qui s’imagine que tout a un prix, et qui ne saurait nullement être, ne serait-ce que par son patronyme, une référence à feu Liliane Bettencourt.

    Un frétillant roman policier mâtiné d’aventures, et qui entremêle drôlerie et réflexions sur le commerce des animaux et la valeur de l’argent.

    24/09/2018 à 19:50 2

  • Black-out

    John Lawton

    7/10 En février 1944, à Londres, une bande de gamins voient venir vers eux un chien tenant dans sa gueule un bras. Le sergent Frederick Troy, de Scotland Yard, se voit confier l’enquête. Il ignore qu’il vient de mettre les pieds dans un dangereux nids de serpents, avec divers services d’espionnage en guise de reptiles.

    Ce premier opus de la série consacrée au policier Troy met immédiatement le lecteur dans l’ambiance, et il ne faut que quelques pages pour être directement plongé dans le récit. Dans le décor sinistre de la capitale anglaise, meurtrie par les bombardements allemands, les privations et la paranoïa, John Lawton tisse un texte fort et efficace, peuplé de femmes fatales, d’espions, de savants, d’enjeux de pouvoir transnationaux, avec la silhouette inquiétante d’un terrible tueur à gages qui ne tarde pas à sourdre. Frederick Troy constitue un personnage intéressant et original : jeune, doué pour le profilage et les déductions policières, il est également mal à l’aise avec la gent féminine, presque ingénu, ce qui ne l’empêche nullement d’être tenace, son enquête se bouclant quatre ans et demi plus tard sur l’aéroport d’Heathrow. Durant son investigation, il croisera nombre d’individus interlopes, désireux de cacher de sombres secrets scientifiques qui pourraient être déterminants quant à la conclusion de la guerre voire le partage du monde libre à l’échéance de celle-ci. D’ailleurs, Troy se fera de multiples fois malmener : tabassages, attaques par surprise, il manquera de peu de perdre, dans l’ordre, un bras, sa vue et un rein. Au-delà de ces abondantes et indéniables qualités, on regrettera quelques temps morts et, malgré un récit vif dans la forme, une patente impression de déjà lu tout au long de l’histoire.

    John Lawton signe donc un ouvrage énergique et prenant, manquant à quelques reprises d’originalité, mais qui ravira sans le moindre mal les aficionados de romans d’espionnage.

    24/09/2018 à 19:48 2

  • L'Ami d'enfance de Maigret

    Georges Simenon

    7/10 Le commissaire reçoit la visite de Léon Florentin, un ancien camarade de classe (plus exactement « condisciple » puisque Maigret n’a jamais beaucoup aimé ce personnage clownesque, menteur et sans grand intérêt) car il était présent dans la penderie d’une femme lorsque celle-ci a été assassinée d’une balle dans la gorge. Dans la mesure où elle était entretenue par plusieurs hommes, qui a bien pu faire le coup ? Une intrigue certes classique, mais que la plume de Georges Simenon magnifie. Des personnages ambigus, d’autres cumulant l’équivoque et le physique grotesque (la concierge), et des dialogues nombreux et sonnant tous avec une immense justesse. Le portrait de Léon Florentin, antiquaire autoproclamé, vivant d’expédients, et ne sachant plus quel est son propre visage tant il porte de masques différents, est très intéressant, car multiple (de la fausse camaraderie à l’individu cocasse, au menteur invétéré en passant par le vachard qui envoie au visage de Maigret le fait que son père était un grand pâtissier et celui du policier un domestique). Une résolution de l’énigme dans les dernières pages, presque évacuée à toute allure, mais le fond policier a bien moins d’importance que la description des âmes des personnages, du système de « partage » de Joséphine Papet selon les jours de la semaine, et quelques rebondissements croustillants comme le fait que Florentin se jette dans la Seine puis la raison, découverte plus tard, de cet acte stérile.

    23/09/2018 à 18:40 4

  • Malédiction finale tome 1

    Jun Watanabe

    6/10 Une histoire de prime abord classique, variation sur le thème du film « Destination finale » dont le titre français est d’ailleurs symétrique à celui du long-métrage. Des étudiants assez différents les uns des autres où chaque lecteur pourra un peu se reconnaître, une situation banale (un diplôme à fêter à un lieu de cures thermales) qui tourne au tragique avec un accident… avec un taureau… à tête humaine. En fait, une créature issue de la mythologie japonaise, qui est fermement décidée à décider de leur sort à eux tous, en décidant de quand et comment ils mourraient. Une trame familière, reprenant les codes du cinéma à frissons pour grands adolescents, et qui, pour le moment, se fait surtout remarquer pour son ton dur et son esthétique sombre où le noir domine, moins par son scénario que je trouve un peu trop prévisible. Mais la suite me donnera peut-être tort. Je ne souhaite pas mieux.

    23/09/2018 à 18:39 1

  • La Nature des choses

    Charlotte Wood

    9/10 De nos jours, dix femmes sont retenues prisonnières dans le désert australien. Trois geôliers pour veiller sur elles : Boncer, Teddy et Nancy. Aucune d’entre elles ne sait pourquoi on les a enlevées ni pour quelle raison elles sont ainsi captives du bush. Une seule certitude : un certain Hardings doit venir. Mais dans cette promiscuité poisseuse et délétère, il se peut que la folie vienne chambouler les pièces posées sur l’échiquier.

    Ce premier ouvrage de Charlotte Wood frappe fort. Très fort. Dès les premières pages, et jusqu’à l’épilogue, le lecteur est tenu en haleine. Le degré d’empathie et de sympathie qu’il peut ressentir à l’égard de ces malheureuses victimes, têtes d’un bétail humain séquestré au milieu de nulle part, est exacerbé par le fait que nul ne connaît les raisons de ces enlèvements et claustrations, si bien que tout un chacun peut s’imaginer à la place de ces femmes. L’atmosphère y est bien évidemment lourde, anxiogène, pestilentielle. Ce huis clos s’accompagne nécessairement des tracas, qui deviennent rapidement de terribles tourments, comme le manque d’hygiène, la soif, les envies d’évasions. Et surtout la faim. Car, lorsque les denrées vont venir à manquer, il va bien falloir trouver un moyen de se sustenter. Yolanda apprendra à manier les pièges – quitte à s’en servir comme d’un fléau d’arme pour éloigner un importun, à attraper des lapins et les décortiquer pour qu’ils deviennent la nourriture ordinaire, d’où cette énigmatique image de couverture du roman. Verla sera la proie de songes étranges, souvent en rapport avec un mystérieux « cheval de lune » et se fera une spécialité de la cuisine de champignons. Hetty acceptera un commerce obscène, non sans monter au front accompagnée d’une poupée prénommée « Rançon » et créée de cheveux et de peaux d’animaux. Cet opus de Charlotte Wood est une véritable révélation, d’une rare intelligence, avec ses successions savoureuses et barbares de métaphores et de symboles quant à la féminité, l’espérance, l’humanité, la démence, l’animalité. Les mots de l’écrivaine sont également rêches, abrupts, désespérés, désespérants. Un banquet de mots et de maux, et autour de cette ample table, de pauvres proies, esclaves et pâtures, qui sauront nouer des liens interlopes et dérangeants avec leurs vigiles jusqu’à renverser les rôles. D’ailleurs, il y a tant et tant à dire à propos de cet ouvrage, noir comme une ébène brute, depuis sa construction compacte qui se refuse à toute tentative de séduction du lectorat jusqu’au multiples niveaux de lectures, en passant par cette fin, provocante. Encensé par Paula Hawkins et Megan Abbott, il y a comme ça, entre l’enchantement et le maléfice, des livres qui se soustraient d’eux-mêmes à toute tentative objective d’exégèse. Parce qu’ils parlent plus à l’âme et aux tripes qu’à l’intellect, au-delà des normes préétablies, des éventuelles attentes et autres antécédents littéraires. Un festin de noirceur qui est certes clivant mais profondément marquant. Lisez-le, vous comprendrez pourquoi.

    12/09/2018 à 17:41 8

  • Un Dossard pour l'enfer

    Jean-Christophe Tixier

    8/10 Alex, bien que n’ayant pas l’âge requis, s’est inscrit à une course de montagne, un ultra-trail. Il s’y est patiemment préparé en compagnie d’Omar, son ami et entraîneur, et de sa copine Stessy, la sœur d’Omar. Mais, après le départ, Stessy entend, par hasard, qu’un des participants se serait dopé avec un produit qui pourrait bien le tuer. Les deux dealers n’ont bien évidemment pas l’intention de laisser l’information s’ébruiter.

    De Jean-Christophe Tixier, on connaît déjà, entre autres, le bon Une Foulée d’enfer, dont ce roman est justement la suite. La plume de l’auteur est toujours aussi agréable, les personnages fins, crédibles et humains, et le roman, court, se lit à toute allure. Le décor alpin est très bien rendu, tout autant que l’univers de la course. L’auteur dévoile avec habileté les ressorts corporels nécessaires à ce type de sport, les mécanismes psychologiques, les moteurs moraux d’un tel dépassement de soi. Parallèlement, l’intrigue, originale, est bien menée, et nous donne à voir, en alternance, Alex au cours de son épreuve puis aux prises avec les massifs pour de belles pages sur la survie, et Stessy, belle Noire ne lâchant jamais prise pour défendre son amoureux. Jean-Christophe Tixier nous gratifie de jolis moments sur la culture de l’effort physique, l’intransigeance face à l’effort, mais aussi sur le deuil, l’amour et l’amitié, en plus de nous offrir une réflexion pertinente sur les dangers du dopage.

    Encore un très bon ouvrage que nous devons à Jean-Christophe Tixier, qui sait entremêler suspense, émotion et leçon de vie.

    12/09/2018 à 17:40 3

  • Mange tes morts

    Jack Heath

    9/10 Timothy Blake est un homme à part. Trentenaire, toujours fauché, il est consultant pour le FBI. En échange de ses talents extraordinaires d’observation et de décryptage des êtres humains, il a le droit de récupérer des condamnés à mort juste après la soi-disant exécution pour pouvoir les manger. Chacun son vice. Quand le jeune Cameron Hall disparaît, Luzhin, chef du Bureau et avec qui il a noué ce pacte immonde, lui demande de l’aider. Mais rien ne dit que Timothy ne va pas à son tour se faire croquer.

    Ce roman détonne, c’est le moins que l’on puisse dire. Immédiatement, le personnage de Timothy Blake intrigue puis envoûte. C’est un remarquable analyste de l’âme humaine en plus d’un observateur de génie, au point que ses déductions ressemblent parfois à celles de Sherlock Holmes. Mais l’habileté de l’auteur, Jack Heath, ne s’arrête pas là. En plus de ses qualités nécessaires aux forces de police, Timothy est également un cannibale. Il conserve les corps découpés dans le frigo et les sort à chaque fringale. Souvent, il va d’ailleurs récupérer lui-même le condamné à mort au sortir de la fausse exécution. Un personnage complexe, en vérité : ses parents ont été tués lorsqu’il n’avait qu’un an, il a ensuite été souffre-douleur dans un orphelinat, puis a passé plusieurs années dans la rue avant de trouver sa voie, lors d’une rencontre fâcheuse avec celui qui allait, par la suite, détenir un poste-clef au FBI. Timothy vit en colocation avec un type presque plus barré que lui, dealer et toxicomane, trompe ses moments d’ennui en résolvant des énigmes, et cherche surtout à échapper à sa propre avidité de viande humaine. Dit comme cela, un tel scénario ressemble à du grand-guignol. Il n’en est rien. La plume de Jack Heath est absolument remarquable d’intelligence, de malice, de noirceur, voire d’humour et d’ironie. Quelque part entre le Dexter de Jeff Lindsay et le Hannibal Lecter de Thomas Harris, avec un soupçon de Dr House version anthropophage. Un cocktail détonnant qui séduit. L’intrigue est également bien charpentée : au fur et à mesure des chapitres – tous introduits par de courtes énigmes faciles mais addictives, l’histoire prend de l’ampleur, les rebondissements s’accumulent, et le récit prend à de nombreuses reprises des voies inattendues. L’ultime chapitre est d’ailleurs un modèle de cliffhanger : on ne peut qu’avoir hâte de connaître la décision de notre si cher ogre consultant.

    Un ouvrage hautement improbable, aussi exquis que ne l’est la chair humaine pour Timothy Blake. C’est original. C’est efficace. C’est drôle. C’est violent. C’est perturbant. C’est jouissif. Bref, c’est tout bonnement génial.

    12/09/2018 à 17:30 9

  • Terminus New York City

    Jean-Luc Bizien

    3/10 Un jeune milliardaire, Justin Case, ayant hérité de la fortune paternelle suite à la mise en détention car accusé du meurtre de son épouse, entouré de trois camarades (une Asiatique experte en arts martiaux, un geek en fauteuil roulant et un avocat, dandy gothique), et décidé à résoudre les erreurs judiciaires. Ici, un homme accusé d’un double meurtre. Une écriture sympathique, avec du rythme, faisant écho aux normes anglosaxonnes du genre, un agent du FBI retors, et un complot ayant fait échouer un innocent derrière les barreaux. Mais en ce qui me concerne, la magie n’a jamais pris. Les personnages, tous autant qu’ils sont, tiennent de la caricature, ou plus exactement du déjà-vu et déjà lu des milliers de fois. Justin Case, au-delà de se trimballer en Maserati Quattroporte et d’user d’un vocabulaire châtié, n’a rien d’original ou de franchement sympathique. Je l’ai même trouvé sidérant de vacuité et d’inexistence, à moins que les autres opus ne lui laissent l’occasion de prendre un peu plus d’ampleur ou de consistance. Ses acolytes, mis à part Matthew Slides à la rigueur, tiennent du poncif littéraire ou cinématographique. Il n’y aura pas eu une seule scène marquante. L’intrigue se laisse suivre, mais à aucun moment, la finesse, l’intelligence ou la perspicacité de Case n’auront permis sa résolution. Quant au complot, il est tellement capillotracté que jamais je n’y ai cru : que de problèmes que se sont volontairement posés les criminels pour si peu, que de raccourcis dans la résolution de l’histoire, que de fils blancs pour coudre cette dentelle insipide qui ne me laissera absolument aucun souvenir. Quant au final, il ressemble à un vague remous dans un gobelet en plastique, sans panache ni ampleur, en plus d’être téléphoné. J’aime beaucoup la littérature jeunesse, et j’ai justement trop de considération pour elle pour l’envisager ainsi, avec cette accumulation de clichés autour d’un scénario inconsistant, sorte de Largo Winch au rabais et dédié aux mômes. Inutile de dire que je passe mon chemin quant à la lecture des ouvrages suivants.

    10/09/2018 à 17:28 3

  • Escape book - Le Piège de Moriarty

    Stéphane Anquetil

    5/10 Le principe des escape books, je ne les connaissais que de nom, et ce premier ouvrage constitue donc une première. D’entrée de jeu, j’ai été partant pour me lancer dans l’aventure, résoudre toutes les énigmes posées, progresser dans l’antre de Moriarty, en plus d’avoir donc en toile de fond l’univers de Sherlock Holmes. Des problèmes sympathiques et très variés, des ambiances habilement posées, des illustrations efficaces et séduisantes. Pourtant, à l’arrivée, je suis dubitatif, pour ne pas dire déçu. Car ce qui m’a beaucoup gêné, c’est la quasi absence d’arborescence, de pistes et autres zigzags qui me semblaient nécessaires à ce type de livre-jeu. Ici, tout m’a semblé fort linéaire, unilatéral, avec des obstacles posés que l’on n’a même pas besoin de démêler pour progresser. Pas de renvois à d’ultérieurs numéros de page en fonction des résultats de vos calculs et réflexions, pas de réelle avancée rendue personnelle par nos propres déductions. Mis à part quelques renvois vers la fin de l’opus pour des renseignements complémentaires, je me suis senti sacrément floué de n’avoir été que le quasi spectateur de cette quête et non l’acteur, malgré les indications présentes à partir de la page 172. Jamais je ne me suis vraiment approprié le concept et les enquêtes. Probablement est-ce de ma faute, j’en porte nécessairement une part de culpabilité, peut-être m’attendais-je trop à un jeu du style « Le livre dont vous êtes le héros », mais je trouve que la conception de ce livre n’est pas suffisamment réfléchie et « ouverte », au point d’avoir atteint l’épilogue sans jamais en avoir été, à un seul instant, le réel protagoniste.

    10/09/2018 à 17:26 3

  • Le Grand Bob

    Georges Simenon

    8/10 Une histoire très humaine, ou comment le docteur Charles Coindreau apprend la mort par noyade de son ami Robert Dandurand, surnommé « le grand Bob », avant de se rendre compte que ce décès relève apparemment plus du suicide. Dès lors, il s’agit pour le toubib de comprendre qui était, sous ses allures de clown, réellement cet homme qu’il lui semble à présent ne pas avoir vraiment connu. Une belle histoire, constellée de flash-backs, avec la genèse du grand Bob aux yeux de tous, depuis sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, Lulu, et son refus de passer l’examen de droit, puis la trajectoire enclenchée vers ce qui deviendra sa réelle existence. Comme souvent chez Simenon, l’intrigue ne constitue pas le fondement de l’intrigue, du moins pas sa partie la plus importante. Tout y est « prétexte » à des rencontres, des échanges, des pans de vie exposés, des unions qui se font et se défont (un peu plus de références au sexe que dans les autres romans), et un chapitre final très émouvant. De belles réflexions sur l’existence, l’amour, l’abandon, le deuil, toujours portées et magnifiées par une écriture qui va à l’essentiel, où chaque mot est habilement choisi. Assurément pas un polar, bien évidemment, parfois étoilé de quelques digressions quant aux autres personnages (notamment les adultères du médecin), et que j’ai lu de bout en bout avec un plaisir égal et supérieur.

    10/09/2018 à 17:25 5

  • Tombés du ciel

    Nicolas Beck

    8/10 Un corps d’enfant, déposé dans le domaine du Trianon, une magnifique demeure picarde. Le régisseur qui découvre le cadavre n’en croit pas ses yeux : le gamin ressemble trait pour trait à celui de Jérémy Peska, fils du propriétaire des lieux, et disparu vingt-quatre ans plus tôt. Pourtant, il ne présente aucun signe de vieillissement ni de dégradation. Impossible à imaginer. Il se peut que la vérité soit ailleurs…

    Voilà un premier roman qui marquera les esprits. Nicolas Beck livre un ouvrage prenant et fort original, bien loin des canons habituels de la littérature policière contemporaine. Il met le pied à l’étrier de personnages complexes et convaincants, notamment l’escouade de gendarmes qui va devoir mener l’enquête. Le capitaine Sébastien Caron, droit et rigoureux, qui entretient une relation homosexuelle avec son supérieur hiérarchique. Son partenaire, Kévin Lelong, blagueur et dragueur invétéré. Il y a également Julie, la charmante médecin-légiste, dont la rationalité toute scientifique vacillera au terme de cette investigation. Et Prévôt, le patron, tyrannique et emporté. Mais il y a également une magnifique galerie d’individus, qui vont se retrouver emportés par cette histoire, depuis un journaliste particulièrement sagace jusqu’au régisseur, de deux adolescents témoins involontaires d’un événement plus que troublant à un détective spécialiste de l’ufologie, etc. Dès le début du roman, l’histoire saisit. Littéralement. Nicolas Beck a particulièrement soigné les procédures, explicitées de nombreuses fois en bas de page. Tout s’y montre peaufiné, dense, avec de multiples interactions entre les personnages, des maillages particulièrement serrés, et des chapitres très souvent subdivisés pour que chacun puisse prendre part à la chasse à la vérité ou au moins s’y trouver imbriqué. Un entremêlement solide et qui laisse pantois, rappelons-le, pour un premier opus. Par la suite, l’ouvrage part dans une direction surnaturelle, avec des scènes qui rappelleront aux fans de X Files les épisodes les plus emblématiques de la série. On y trouve, pêle-mêle, un étrange crash aéronautique, une présence lumineuse dans les cieux, un enlèvement inexpliqué, ainsi qu’une femme dont on découvre qu’elle a enfanté sans qu’on n’ait la moindre trace de ses accouchements. Des éléments nécessairement clivants, qui ne pourront satisfaire que les enthousiastes de phénomènes extraterrestres et autres rencontres du troisième type. Mais au-delà de cet aspect assez particulier, il faut indéniablement reconnaître à l’auteur un savoir-faire remarquable dans le tissage de son intrigue et un culot affirmé pour se risquer dans une telle œuvre, qui aurait pu se montrer élimée voire grotesque sans ses abondants talents littéraires.

    30/08/2018 à 10:12 4

  • Cantique de l'assassin

    Guillaume Prévost

    8/10 Tiré des vapeurs d’alcool, l’inspecteur François-Claudius Simon est appelé à Montmartre, au Sacré-Cœur, où le corps d’un prêtre vient d’être retrouvé. Le tueur lui a ouvert la poitrine et disposé son cœur entre les mains dans une mise en scène immonde. Détail détonnant : le nom du policier est inscrit sur le registre des visiteurs. Dès lors, François-Claudius sait qu’il est tombé dans un piège. Un guet-apens sordide et douloureux au cours duquel il va lentement remonter vers un secret susceptible de faire trembler les fondements de toute la chrétienté.

    Ce cinquième ouvrage de la série consacrée à François-Claudius Simon séduit d’entrée de jeu. On retrouve avec plaisir ce personnage de policier jeune et pourtant prématurément usé par la vie, buveur invétéré et papillon de nuit, ne vivant qu’en la compagnie de son perroquet Koko, et toujours dans l’attente de sa chère Elsa. Guillaume Prévost tisse de nouveau une intrigue forte et dédaléenne, multipliant à l’envi les rebondissements, au gré d’une intrigue où s’entremêlent une quête d’identité pour notre limier, la figure emblématique de l’anarchiste Ravachol, le mystérieux trésor de l’abbé Saunière, et de bien anciens écrits religieux qui pourraient faire vaciller le monde entier. Multipliant les références à d’autres opus de la série, comme La Valse des gueules cassées et surtout Le Bal de l’Equarisseur, il est plus que recommandé de lire les ouvrages dans l’ordre afin de ne pas en perdre tout le sel, d’autant qu’un redoutable personnage va revenir sur le devant de la scène. François-Claudius va être particulièrement malmené dans cette enquête, tant physiquement que psychologiquement, mettant à nu des pans entiers de sa filiation, et se confronter à des individus sinistres et mortels, dont un tueur en série surnommé « L’Enfant-de-chœur ». Là où Guillaume Prévost montre qu’il est capable de se renouveler tout en exploitant avec l’habileté qu’on lui connaît des personnages déjà employés, c’est en venant arpenter les plates-bandes d’auteurs anglo-saxons comme Dan Brown et son fameux Da Vinci Code. Il y est donc ici question de religion et de ses fondements, et l’écrivain s’immisce sur ces terres avec beaucoup d’intelligence, s’appuyant sur des connaissances robustes et en y incluant une conception, certes purement fictive, mais qui n’a vraiment rien de déraisonnable.

    Un nouveau roman fort réussi de la part de Guillaume Prévost, qui a en plus le mérite de s’échapper des sentiers littéraires où on l’attendait.

    30/08/2018 à 10:08 3