El Marco Modérateur

3492 votes

  • Secret Service

    Vincent Cara, Mathieu Gabella

    7/10 Hiver 1941. Heinrich Himmler a pris la tête de l’Etat allemand et les bombardements nazis sont si nombreux et meurtriers qu’il se pourrait bien que le Reich l’emporte. Dès lors, il faut absolument que les Etats-Unis entrent en guerre, quitte à mettre en œuvre une sale machination… Churchill, de Gaulle, Staline, une machine Enigma, une envie de vengeance, des trahisons, des taupes… Un opus typé espionnage, avec un graphisme très agréable et léché, bien différent des deux précédents opus, à savoir sans véritable action au sens pyrotechnique, action commando et autre fusillade. C’est assez réjouissant, même si certains bavardages auraient pu être supprimés afin de faire gagner à l’ensemble un peu plus d’efficacité et d’impact.

    01/03/2021 à 07:51 1

  • Le Lagon de Fortuna

    Christophe Bec, Eric Henninot

    8/10 Dans d’un forage dans une fosse de l’océan Pacifique sud, en 1993, quatre ouvriers plongeurs découvrent une grotte souterraine puis tombent sur un mégalodon particulièrement vorace. On voyage ensuite du barrage de Sarrans à la Nouvelle-Galles, de la Roumanie à la Nouvelle-Zélande, en passant par la Russie, avec cette histoire de brèche ouverte sur la préhistoire. Une histoire passionnante, qui se refuse à toute linéarité avec ces flash-backs et autres sauts géographiques, pour un propos très intéressant, et également intriguant parce qu’à ce stade de la série qui comporte douze ouvrages, je ne sais pas vers quoi nous mènent les auteurs.

    28/02/2021 à 08:26 2

  • Le Groupe W

    Philippe Francq, Jean Van Hamme

    8/10 Largo apprend qu’il vient d’hériter de dix milliards de dollars, essaie d’évaluer cette somme monumentale puis prend ses marques au sein de l’entreprise de son père défunt. On en apprend un bon bout sur son enfance – pas marrante pour un sou. Notre héros découvre l’opulence inouïe à laquelle il a droit, un soupçon d’érotisme, mais la machination continue son implacable avancée et l’on trouve assez vite d’autres proches de Largo assassinés. Une esthétique délicieusement surannée et qui finit presque par servir le propos, du suspense et de l’action (notamment aux abords du chalet et sur cette île de la Mer Adriatique). Des clichés un peu inhérents au genre mais une tension constante et un rythme qui ne faiblit absolument pas pour le moment.

    27/02/2021 à 08:18 2

  • King of Eden tome 2

    Ignito, Naoki Urasawa

    6/10 A Dublin, un homme sortant d’un bar est enlevé et questionné à propos d’un mystérieux « virus du loup », et la quête se poursuit en Europe. Un graphisme toujours aussi remarquable, sombre et accrocheur, mais comme pour le premier opus, j’ai encore du mal à accrocher à cette intrigue que je trouve trop distendue, où seules les planches finales, relatant ce général de Darius et « géant de trois mètres », prennent un peu de hauteur. Je crois que je vais m’arrêter là avec cette série, non pas qu’elle soit mauvaise, mais ça n’est juste pas trop mon registre.

    27/02/2021 à 08:16 2

  • Higanjima tome 3

    Koji Matsumoto

    6/10 Les vampires se mettent à attaquer en masse, et voilà quelques-uns des survivants conduits au cœur du village pour une séquestration. Quelques moments finissent par s’extraire du manque général d’originalité (le cercle et la victime qui devra être désignée par ses codétenus et sera donc sacrifiée, ou la découverte du charnier) ainsi que l’évasion finale. Voilà qui me redonne envie de poursuivre la série, certes sans grand emballement, mais pourquoi pas…

    26/02/2021 à 08:17 3

  • Le Fils Cardinaud

    Georges Simenon

    7/10 … ou comment Hubert Cardinaud, employé d’assurances à qui son patron a d’ores et déjà fait comprendre qu’il sera son successeur, se rend compte en rentrant de la messe que son épouse, Marthe, l’a quitté, emportant avec elle trois mille francs. Il apprendra assez rapidement qu’elle est partie avec Emile Chitard, dit « Mimile », dit « Le fils à Titine ». Dès lors, il ne va avoir qu’une obsession : la récupérer. J’ai retrouvé le style de l’immense auteur belge, avec la concision de son histoire, sa construction de prime abord très simple, et sa plume acide. Ici, ce qui m’a davantage marqué que la quête de Cardinaud, c’est tout ce qui est périphérique, satellitaire à cet homme abandonné par sa femme et la mère de leurs deux enfants. Il y a la description acerbe du milieu d’où provient Hubert, cette basse extraction de vendeurs de sardines et autres petits métiers (la rencontre avec Lucien, l’un de ses frères, est de ce point de vue admirable), la veulerie de la populace lorsque cette dernière apprend les infidélités de Marthe (la lettre anonyme, les regards lâchés en coin, les propos que Cardinaud devine sans mal), et cette forme de Chemin de Croix que va devoir emprunter Hubert pour remettre la main sur Marthe. Une écriture toujours aussi paradoxale, à la fois prenante et passionnante tout en étant sèche et minimaliste, sans la moindre réelle action ou péripétie, se cantonnant à quelques déambulations en Vendée et un minuscule flash-back à Port-Gentil pour évoquer le caractère déjà misérable (la tentative de vol de la montre) de Mimile. En revanche, j’ai trouvé quelques longueurs (pour un roman d’environ cent soixante dix pages, tout est relatif…) dans le dernier tiers de l’ouvrage, ce qui n’enlève rien aux mérites de ce livre fort bien écrit, d’une crédibilité sans faille, et à hauteur d’homme.

    24/02/2021 à 08:12 2

  • Black Friday

    Robert Muchamore

    8/10 Le clan Aramov a beau être sacrément diminué suite à ce qui s’est passé dans L’Ange gardien, ce groupe terroriste n’en demeure pas moins actif… et dangereux. C’est ainsi qu’il projette d’exporter aux Etats-Unis onze tonnes d’explosifs pour une série d’attentats meurtriers, profitant de la forte présence de victimes potentielles dans les magasins à l’occasion du Black Friday. Mais l’agence CHERUB veille, bien décidée à mettre fin aux agissements de la famille Aramov. Définitivement.

    Robert Muchamore poursuit sa série consacrée à la terrible famille Aramov avec ce troisième tome, enlevé et épicé comme on les aime. Commençant par une infiltration menée par Ryan et Yosyp afin d’empêcher le transport de ces explosifs sur le sol américain, l’intrigue et l’action ne vont pas en rester là : l’auteur nous a concocté une série d’autres histoires pour cet opus, avec, pour ne pas trop en dévoiler, un avocat véreux, un commerce de missiles, une plongée dans le monde des narcotrafiquants, Ciudad Juárez et son incroyable taux de criminalité, sans compter quelques règlements de comptes. Robert Muchamore n’a guère son pareil pour inventer de telles histoires, efficaces et élaborées, avec force personnages et rebondissements. Ceux qui connaissaient déjà sa principale série littéraire, CHERUB, ou encore celle consacrée aux Henderson’s Boys, n’avaient aucune raison d’en douter, et cet ouvrage est en soi révélateur de l’univers de l’écrivain. Environ quatre cents pages de détonations, de manipulations, de quelques éclats d’un humour potache et salvateur, sans le moindre temps mort. D’ailleurs, l’étiquette « littérature jeunesse » est en partie trompeuse : il y a tout de même quelques allusions sexuelles directes, des innocents qui meurent, des membres de CHERUB également, des truands froidement abattus d’une balle en pleine tête, ou encore des personnages acceptant de coucher avec des individus de la pire espèce uniquement pour détourner l’attention.

    Un roman typique de la série, prenant d’un bout à l’autre et chargé de testostérone, ce qui ne l’empêche nullement de faire appel à la réflexion et aux sentiments. De la bien belle littérature, en somme.

    23/02/2021 à 08:26 5

  • Vengeance

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    8/10 Nos héros sont encore aux prises avec le Gouverneur, ce tyran qui s’amuse autant qu’il amuse ses séides avec des combats de gladiateurs modernes. Et c’est d’ailleurs lors d’un combat que Michonne s’illustre par sa sauvagerie et sa redoutable efficacité. Un opus plein de bruit et de fureur, où les femmes s’avèrent particulièrement sadiques (cf. la longue et détaillée scène d’une torture protéiforme et particulièrement sauvage, ou quand Michonne et son acolyte bousillent à tour de bras des zombies). Une BD survitaminée qui s’achève sur la perspective, presque la promesse, de retrouvailles brutales entre Rick et ses amis, et les hommes du Gouverneur.

    21/02/2021 à 23:28 2

  • La Nuit des marionnettes géantes

    R. L. Stine

    7/10 Ben et Jenny, des jumeaux qui passent leur temps à se disputer, veulent concourir à la fête de fin d’année de leur collège, mais ils ne savent pas encore comment. En visitant le grenier de leur copain Jonathan Sparrow, dit « Cuicui », ils tombent sur des marionnettes de grande taille, et c’est la révélation. Voilà ce qu’ils vont utiliser pour remporter ce concours, et cette idée leur plaît d’autant plus qu’Anna et Maria, deux filles qu’ils exècrent, avaient justement choisi elles aussi d’utiliser des pantins. Sauf que ces deux marionnettes semblent douées de leur propre vie et plutôt malveillantes. Pour qui a déjà lu des ouvrages de R. L. Stine, le canevas est connu : une histoire concise, des chapitres très courts, un cliffhanger à la fin de presque chaque chapitre, de jeunes héros qui affrontent des phénomènes inexpliqués. Ici, si l’intrigue paraît de prime abord classique, il y a tout de même quelques faits à relever, comme une écriture qui m’a semblé un peu plus mature, un peu plus adulte que d’habitude, un découpage original pour un « Chair de poule » (avec un prologue ayant lieu sept ans avant la suite du récit), quelques petits trucs inattendus (comme à la fin du chapitre 20), et une histoire sans temps mort. Bref, un roman très agréable à lire, dont je ne regrette finalement que la chute : là où l’auteur nous avait habitué à des twists finaux (pas toujours de bon goût, certes, mais c’en était presque sa signature), celui-ci est assez quelconque, même si pour une fois, ce ne sont pas les héros qui s’en prennent une nouvelle fois plein la tête.

    18/02/2021 à 18:40 3

  • Dehors les chiens

    Michaël Mention

    9/10 1866. Alors que le soleil torréfie la Californie, Crimson Dyke, agent de l’United States Secret Service, parcourt les États de l’ouest à la recherche de faux-monnayeurs qu’il arrête. Il en vient à découvrir l’existence, par pur hasard, d’un cadavre éventré de manière barbare, avant de comprendre que le tueur n’en est pas à son coup d’essai. Dans un pays qui panse encore les plaies de la guerre civile, il va devoir affronter des spectres multiples et assoiffés de sang, de justice ou d’argent.

    Michaël Mention est un auteur remarquable qui semble s’épanouir en changeant constamment de registre. Depuis Le Rhume du pingouin en 2008, il a signé un thriller fantastique (Unter Blechkoller), des polars historiques (de La Voix secrète à sa trilogie anglaise), des opus proches du documentaire (Fils de Sam et Jeudi noir), un livre inspiré de la vie de Miles David (Manhattan chaos), ou encore une diatribe musclée contre l’industrie chimique (De Mort lente), et voilà qu’il nous revient, pour notre plus grand plaisir… avec un western. On est aussitôt happé par le style de l’auteur, si caractéristique, avec ses phrases sèches, l’utilisation d’onomatopées et de lettres capitales, et un ton empreint d’une grande puissance littéraire. Dans le même temps, le cadre est exploité à la perfection, avec ce Far West enténébré, violent comme aux âges primitifs, perclus de lésions après la guerre de Sécession, et encore en butte aux Indiens. Crimson Dyke, en enquêteur, se révèle instantanément intriguant et efficace, amplement capable de tenir la distance sur plusieurs ouvrages si l’écrivain décidait d’en faire le protagoniste d’une série. Le récit est jalonné de personnages remarquables de noirceur, depuis les terribles Seasons Brothers, quatre tueurs à gages redoutables, jusqu’à Benedict Ross, montagne de graisse et de machiavélisme. L’intrigue est également formidable, multipliant les fausses pistes jusqu’à sa résolution, mémorable et pourtant si évidente. Signalons aussi que Michaël Mention est tellement talentueux qu’il est capable d’insérer des références à la musique du vingtième siècle ou d’évoquer le trauma lié à l’oreille de Dyke alors que sous d’autres plumes, le résultat aurait tout bonnement été raté voire grotesque.

    Voilà un roman puisant son titre dans un extrait de la bible et qui, tour à tour, saisit, séduit, instruit, fait frissonner, émeut et, au final, remue autant les tripes que l’âme. Un excellent livre de la part de Michaël Mention, encore un de plus.

    18/02/2021 à 07:04 14

  • Opération Félix

    José Robledo, Marcial Toledano

    6/10 Après Paris et l’été 1940 dans le premier tome, nous voici en hiver 1940 à Gibraltar. Les Allemands ont obtenu l’accord et le soutien de Franco pour envahir les positions britanniques dans l’entrée de la Méditerranée. On vit donc les préparatifs du côté germano-hispanique avant les échauffourées qui commencent vers la moitié de la BD. Un opus beaucoup plus pêchu (ça n’était guère difficile…) que le précédent, un graphisme également plus réussi, une histoire de complot sympathique et quelques passages intéressants (comme les réapparitions fantasmées et méphistophéliques d’Hitler), pour une bande dessinée qui se laisse lire sans pour autant marquer les esprits par l’originalité de son scénario.

    16/02/2021 à 18:50 1

  • La Bataille de Paris

    Hervé Boivin, David Chauvel

    5/10 « Je m’appelle Georg Elser et, le 8 novembre 1939, j’ai tué Adolph Hitler » : c’est par cette phrase que cet homme achève sa longue confession qui constitue le début de cette bande dessinée. Une entame intéressante voire alléchante, à défaut d’être intrinsèquement très originale, mais la suite m’a semblé bien pâlotte : beaucoup de bavardages, une uchronie (la mort d’Hitler) presque pas exploitée, un graphisme sympathique mais qui ne tire jamais son épingle du jeu, et une « bataille » qui se résume à des fusillades certes meurtrières mais aux allures de simples escarmouches. Ce premier tome m’a laissé très froid, mais j’essaierai de mettre la main sur quelques-unes des BD suivantes pour savoir si cette apathie se poursuit ou pas.

    16/02/2021 à 18:49 1

  • Heads tome 1

    Keigo Higashino, Motoro Mase

    7/10 En protégeant une petite fille lors d’un braquage d’une agence immobilière, Jun-ichi Naruse se prend une balle en pleine tête. Lui qui n’était qu’un jeune peintre gentillet, un peu fade, et amoureux de la belle Megumi, se réveille à l’hôpital et, après un petit temps d’adaptation, semble indemne. Mais quand il comprend qu’il a subi une greffe partielle de cerveau, il comprend que cela peut expliquer son changement de comportement. Un premier opus qui prend le temps de planter le décor, avec de justes réflexions quant aux greffes et à la très légitime reconnaissance du receveur, mais en même temps, l’attitude étrange du docteur Dôgen, l’altération du goût pictural de notre héros et quelques autres indices, en plus d’un graphisme très réussi, composent une atmosphère très étrange, anxiogène et intrigante. J’essaierai d’être au rendez-vous du tome suivant parce que je ne vois pas trop où va nous emmener cette série pour le moment et que j’ai bien envie de le découvrir.

    15/02/2021 à 17:38 2

  • Freak Island tome 1

    Masaya Hokazono

    5/10 Un manga qui commence tambour battant avec la mutilation et la mise à mort d’une jeune femme par un colosse qui porte un masque de cochon. Et quand un bateau est en approche de cette île de Kikuchi avec à son bord de jeunes membres du cercle archéologique de l’université et que le tueur remercie cette « offrande » et loue « Santa Maria », on se doute que le carnage va se poursuivre, surtout quand le bateau vient à sombrer et que les rescapés doivent s’installer sur l’île. Des scènes de crucifixion, des yakuzas, des sacrifices humains, du cannibalisme, des poissons mutants… L’auteur se laisse vraiment aller dans le gore et le trash, mais si la dernière page donne une information quant à la relation entre les deux bourreaux, l’ensemble me paraît, à ce stade de la série, assez ronflant, inutilement méchant sans pour autant être basé sur une réelle intrigue ou une « justification » à un tel déferlement de violences. J’essaierai de voir dans l’opus suivant si le vent tourne ou pas.

    15/02/2021 à 17:37 1

  • Dragon Head tome 1

    Minetaro Mochizuki

    7/10 On est plongé d’entrée de jeu dans cet accident de train dans un tunnel japonais grâce à un graphisme où le noir est une couleur, et délicieusement anxiogène. Notre jeune héros, Teru Aoki, apprend par la radio que l’état d’urgence a été déclaré, avant de découvrir d’autres survivants. Je vais continuer cette série parce que je ne vois pas trop où veut en venir l’auteur et j’ai beaucoup apprécié cette atmosphère de peur et de paranoïa, même si pour le moment, l’intrigue est assez maigre.

    14/02/2021 à 18:27 3

  • 6000 tome 3

    Koike Nokuto

    8/10 Kengo et les autres membres sont toujours dans le complexe sous-marin « Cofdeece » alors que les communications vers l’extérieur sont coupées et que les reclus reçoivent des appels de détresse autour de la base, c’est-à-dire à 6000 mètres sous la surface. L’angoisse monte encore d’un cran alors qu’apparaît la piste de la religion aztèque avec ses sacrifices humains. Hallucinations, images fantasmagoriques (comme cet escalier déformé) et terreur au programme pour ce manga qui maintient le régime moteur de cette série à un haut – et constant – niveau. Vivement le quatrième et ultime opus !

    14/02/2021 à 18:26 1

  • Le Livre des choses cachées

    Francesco Dimitri

    9/10 Un pacte : c’est ce qui lie quatre amis d’enfance qui se sont jurés de se retrouver, chaque année et à date fixe, à une pizzeria. Il y a Tony, chirurgien, Mauro, avocat, et Fabio, photographe. Pour compléter le quatuor, on trouve Art, peut-être le plus intelligent du groupe, mais aussi le plus sensible aux sujets ésotériques. Sauf que, aujourd’hui, Art n’est pas là. A-t-il disparu comme il y a vingt ans auparavant, durant une semaine après avoir pénétré dans une oliveraie ? Est-ce lié à ses liens ambigus avec la mafia ? Ou avec cet étrange opus qu’il avait commencé à rédiger, intitulé Le Livre des Choses cachées ?

    Francesco Dimitri signait en 2018 ce roman très étrange, au point qu’il est difficile, voire impossible, de l’étiqueter. Il panache la sensibilité de la littérature blanche, le sens du suspense lié à la noire, un peu du thriller par certains moments, et une touche finale de fantastique, voire d’ésotérisme. Ce roman choral, alternant les points de vue des trois amis d’enfance d’Art, est un bijou de construction, les événements s’enchaînant à merveille, sans le moindre temps mort ni grain de sable dans la succession des chapitres et parties. Il y a également une certaine forme de magie littéraire dans les mots de Francesco Dimitri : qu’il décrive l’amour filial pour un être atteint de la maladie d’Alzheimer, une séance de danse des couteaux où le spiritisme en devient presque palpable, l’appât du sexe et les remords de l’adultère, la nostalgie pour les délices du passé, ou l’évocation de ce village du sud de l’Italie, l’écrivain sait captiver son lectorat et l’emmener jusqu’au bout de ce livre si atypique. Et le terme de « magie littéraire » n’est d’ailleurs pas une simple expression ou un tic de langage, dans la mesure où Art maîtrise certaines compétences d’ordre spirituel qui le rendent fascinant. Pour quelles raisons a-t-il disparu dans cette oliveraie alors qu’il était jeune ? Comment a-t-il pu guérir une fille d’un ponte de la mafia locale de sa leucémie ? A-t-il, comme il le prétend, accédé à une forme de puissance impénétrable ? L’auteur sait préserver le mystère autour de ses aptitudes jusqu’au final, mémorable : d’un mot d’un seul, il achève son ouvrage de façon magistrale, avec intelligence et subtilité.

    Un écrit splendide, qui parvient à rendre concret ce qui demeure inintelligible, et s’emploie avec virtuosité à déployer entre ses lignes l’occultisme qu’il décrit. Un exploit qui se double d’une formidable mise en abyme, avec des extraits passionnants de cet énigmatique Livre des Choses cachées rédigé par Art. Un pur moment de vertige.

    09/02/2021 à 07:08 4

  • La Bête d'Alaska

    Lincoln Child

    8/10 … ou comment l’effondrement d’un glacier fait apparaître une grotte dans laquelle se trouve un animal congelé, probablement un smilodon, également connu comme le « tigre à dents de sabre ». Mais lorsque la créature disparaît de son cercueil de glace, la panique se libère également. J’ai adoré retrouver la plume de Lincoln Child, l’un de mes auteurs fétiches, et ce pur blockbuster littéraire m’a fait passer un très agréable moment. Comme souvent, beaucoup d’érudition chez l’écrivain (comme le coup de ces divers types de glaces, le monde inuit, la paléoécologie, etc.). Dans le même temps, j’ai été ravi de découvrir de nouveaux personnages, bien campés, comme le documentariste Conti, complètement halluciné et investi par une sorte de mission professionnelle, ou le protagoniste Evan Marshall, sans oublier bien évidemment la joie de retrouver Jeremy Logan, cet énigmologue si tenace et perspicace. Des moments de belles frousses (comme l’incursion de l’assistant de Conti dans la morgue improvisée, ou les combats contre cette chose), avec une ambiance délicieusement anxiogène qui n’est pas sans rappeler des films comme « The Thing » ou « Predator », ainsi que le synopsis de ce film de et avec Sylvester Stallone, d’après un roman de James Byron Huggins, « Hunter ». Beaucoup d’éléments positifs, avec quelques-uns des chapitres finaux qui embraient sur une vision un peu inattendue de cette créature, moins bourrine et plus nuancée. Bref, du pur spectacle hollywoodien, avec quelques-uns des défauts mineurs du genre (mais quand on lit un tel pitch, il ne faut pas non plus s’étonner de découvrir ce type de littérature), mais dont je suis ressorti très largement satisfait.

    07/02/2021 à 19:46 6

  • Scènes de crime : 200 ans d'histoires et de sciences criminelles

    Val McDermid

    9/10 Les livres sur la police scientifique ne manquent pas, mais quand Val McDermid, l’auteure des remarquables et remarqués Le Chant des sirènes, Au lieu d’exécution, Le Tueur des ombres ou Quatre garçons dans la nuit s’y met à son tour, on ne peut que se laisser tenter par un tel ouvrage documentaire. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est du béton. Les strates de la police anglaise, l’entomologie, les enquêtes sur les scènes d’incendie, la médecine légale, la toxicologie, les empreintes digitales, l’ADN, l’anthropologie, les reconstitutions faciales, la science forensique numérique, etc. L’écrivaine s’est forgée une solide réputation avec ses intrigues denses et ses personnages âpres, et l’on comprend mieux, à la lecture de cet opus, à quel point elle maîtrise ces divers sujets, afin de pouvoir nourrir ses histoires. Loin de s’attribuer des lauriers qui ne sont pas toujours les siens, Val McDermid cite fréquemment des analystes de scènes de crime, exploite une bibliographie particulièrement consistante et pertinente, au gré de chapitres fermement charpentés et très instructifs. De nombreux faits divers et autres investigations criminelles sont mentionnées, parfois retracées, et des photographies émaillent les quelque cinq cents pages de ce livre. Pourtant, l’auteure ne s’est pas contentée d’un simple inventaire, soporifique et nécessairement copié-collé d’ouvrages précédents : elle y imprime de la vie et les sentiments humains qui lui sont liés. Les doutes de ces techniciens, leurs échecs, ce qu'ils ont appris des impasses et fiascos, les progrès réalisés suite à ces revers : des points de vue immédiatement intelligibles car retranscrits avec bienveillance et toujours avec un net souci de vulgariser sans jamais bêtifier ni simplifier. Les aspects historiques sont également passionnants, de l’Antiquité jusqu’à de récentes guerres civiles, de faits divers en tueurs en série, de l’Egypte ancienne aux dernières évolutions de l’informatique. Autre atout de taille : jamais Val McDermid ne devient la thuriféraire aveugle de la science forensique. Des exemples ? Bernard Spilsbury avait beau être un analyste de renom, il n’en était pas moins un dogmatique qui a commis des erreurs en plus d’être un personnage pour le moins contestable. Le « Fantôme de Heilbronn » a démontré les limites de l’exploitation de l’ADN et sa parole toute-puissante.

    Un documentaire singulièrement riche et érudit, qui se montre savant tout en demeurant accessible, éclairé et mesuré. Dans le domaine des abondants opus consacrés à la police scientifique, à n’en pas douter, c’est un jalon.

    04/02/2021 à 07:01 4

  • La Créature des marais

    R. L. Stine

    5/10 Kelli et Shawn Andersen déménagent de New York pour rejoindre la Floride, mais ils ne s’attendaient pas à habiter à côté d’un marais où vivrait une créature légendaire appelée « Le Viscailleux ». Même si ça reste un pur mythe, les nouveaux camarades des enfants Andersen les assurent qu’ils ont vu la bête, et il se pourrait, effectivement, que ce marais recèle de nombreux secrets. Pour un R. L. Stine, on est dans le classique : des ados sujets à des phénomènes étranges, des chapitres courts et se terminant presque tous sur un cliffhanger, un récit lapidaire, et un pitch classique mais offrant aux jeunes lecteurs son lot de suspense et de sueurs froides. Ici, on a affaire à quelques personnages troubles, comme les frères Zeke et Decker ou l’étrange garde forestier Saul, des moments de pure magie (au sens premier du terme) avec cette possibilité de prendre le contrôle sur la créature en l’invoquant (avec cinquante gouttes de sang, hein, pas quarante-huit…). Mais malgré cette ambiance gentiment anxiogène avec les longues échappées dans la nature inquiétante du marécage et ces messages anonymes adressés aux enfants Andersen, l’ensemble est beaucoup trop axé sur l’occultisme pour me plaire, ça n’est que moyennement ma tasse de thé. Ce prologue avec Becka et Donny laissait augurer un opus qui me plairait, mais j’ai assez vite déchanté : trop de rebondissements à la fin, pas forcément nécessaires à mes yeux ni même originaux, au point que l’ensemble ressemble un peu à un puzzle où l’auteur aurait emboîté des pièces trop éparses et hétérogènes, parfois même en forçant dessus. Je le redis, ça n’est probablement que subjectif, mais ce tome des « Chair de poule » ne figurera pas parmi mes préférés.

    03/02/2021 à 18:52 2