El Marco Modérateur

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  • Cinq hommes tatoués

    Marcel Priollet

    7/10 Un homme, Ralph Sydney, vient rendre visite à Stary Hamilton afin qu’il soit protégé avec sa femme avec laquelle il n’est marié que depuis deux jours durant son périple sur la Côte d’Azur en échange de cinq mille francs. Parce qu’il manque cruellement d’agents pour l’aider dans cette tâche, Hamilton embauche sur-le-champ Sébastien Renard, un jeune homme un peu fanfaron mais qui semble prédisposé pour ce métier. Mais Sydney va échapper à la filature de Sébastien Renard à la faveur d’une bagarre avant que son corps ne soit retrouvé par des pêcheurs, un coup de couteau au cœur ayant provoqué la mort. Qui l’a assassiné et pourquoi ?
    Un texte fort court – même pour une nouvelle, assez sympathique et qui se laisse lire, où j’ai apprécié la gouaille de titi parisien et l’humour de Sébastien Renard, et l’intrigue tient également la route, sans rien réinventer mais avec honnêteté, où l’on remontera vers le passé de la victime via une histoire de tatouages, jusqu’à la Légion étrangère. Je vais continuer mon exploration des textes de la maison d’édition Oxymoron après cette agréable découverte.

    25/05/2021 à 18:59

  • Et tout sera silence

    Michel Moatti

    8/10 Le corps d’Anna Kaczor vient d’être retrouvé, un tournevis planté dans la tempe. Cela ressemble à un banal fait divers, jusqu’à ce que l’on se rende compte que la victime était impliquée dans des parties fines avec un membre de la Chambre des lords. Lynn Dunsday, web-reporter pour le Bumper n’est plus la journaliste fougueuse et zélée qu’elle a été, et sa relation avec le policier Andy Folsom ne lui permet pas non plus d’atteindre ses niveaux professionnels d’antan. Mais quand la piste d’un ignoble trafic de femmes d’Europe de l’Est remonte à la surface, voilà qui pourrait bien apporter à la jeune femme autant de motivation que de sueurs froides.

    De Michel Moatti, on avait déjà beaucoup apprécié Retour à Whitechapel, Blackout Baby ou Les Retournants, et voilà le deuxième opus de la série consacrée à Lynn Dunsday, après Tu n’auras pas peur. Le style prend aussitôt l’attention du lecteur, et le style, sobre, vif et très réussi, l’entraîne rapidement d’un chapitre à l’autre. On (re)découvre notre journaliste de choc, toujours aussi forte et affûtée, même si elle a un peu perdu de son entrain, mais cette sinistre affaire d’esclavage sexuel va la remettre sur les rails de la combativité. Alors qu’elle apprend qu’elle est enceinte, Lynn va également entrevoir dans cette affaire de femmes maltraitées et vouées à la prostitution forcée un moyen d’apaiser sa conscience professionnelle tout en se faisant la voix de celles qui ne peuvent pas parler. Et les pages sombres, violentes et sordides, apparaissent. Des remorques saturées de malheureuses à qui l’on a fait miroiter un eldorado occidental avant de déceler la réelle teneur du commerce : enlèvements, viols, violences, assassinats. Du fret humain. Des fournitures sexuelles. Des ventres sur pied. Des pages monstrueuses, insoutenables, mais qui ne tombent jamais dans le voyeurisme gratuit ou l’outrance stérile. Michel Moatti rappelle, dans ses notes finales, les sources qu’il a utilisées, et il suffit d’éplucher un peu ce que l’on trouve sur Internet pour se rendre compte que ce roman tient moins de la fiction que d’une immonde réalité. L’intrigue est très réussie, dense et prenante, et le récit s’achève sur une note d’espoir, l’indispensable respiration après de telles pages de noirceur.

    Un livre sans la moindre concession, âpre mais nécessaire, dont on ne peut que chaudement recommander la lecture, même s’il n’est pas à mettre entre toutes les mains. Le titre, « Et tout sera silence », ne peut décemment pas s’appliquer aux événements mis ici en exergue et que l’on doit, bien au contraire, dénoncer avec de puissants hurlements, qu’ils soient littéraires ou autres.

    25/05/2021 à 06:59 2

  • La Nuit des disparitions

    R. L. Stine

    2/10 Drew, douze ans, a encore en travers de la gorge une fête costumée qui s’est mal passée lors d’une précédente fête d’Halloween il y a deux ans de ça, au cours de laquelle on lui a joué, à elle ainsi qu’à d’autres jeunes un bien vilain tour, humiliant. Alors, avec trois amis, elle a décidé de se venger de Lee et de Tabby. Sauf que la mère de Drew s’y oppose : c’est toujours à Halloween que des enfants disparaissent. Elle finit par revenir sur sa décision, mais peut-être a-t-elle tort.
    J’ai rarement été autant déçu par un « Chair de poule » et d’accord avec l’avis de Mamboo. Jamais cette histoire ne décolle. Les préparatifs d’une longueur pesante, le flashback sans grand intérêt quand Drew et ses copains ont été salement moqués, les péripéties assez tartes où le côté surnaturel n’apparaît que tardivement (il faut attendre le chapitre 14, soit la page 67 pour lire « Jour J »). Là, on se dit que ça va attaquer d’autant plus fort que l’on a attendu très longtemps le changement de vitesse… mais même pas. Un chapelet de péripéties plutôt pénibles à lire tant elles sont téléphonées, et même les twists m’ont fait éprouver de la peine pour R. L. Stine : guère d’inventivité, pas de panache, platitude totale. L’explication finale sent la énième resucée de ce que l’on a déjà lu ou vu des centaines de fois ailleurs, au point que même l’auteur ne semble pas y croire. Comble de l’abattement : il n’y a aucun renversement de situation lors de l’épilogue comme on en a l’habitude, comme si R. L. Stine avait définitivement abandonné l’idée de surprendre ou de faire frissonner ses lecteurs. Bref, selon moi, ce véhicule littéraire a non seulement quitté la route, mais il s’est également envoyé dans le décor plein pot, et son conducteur semble même l’avoir volontairement poussé à l’accident tout en écrasant l’accélérateur.

    24/05/2021 à 18:15 1

  • Les Chasseurs

    Charlie Adlard, Robert Kirkman

    8/10 Un tome qui commence fort, avec des débats autour du fait s’il faut, ou non, tuer un enfant qui peut se montrer dangereux puis la rencontre avec un prêtre. La découverte avec des chasseurs aimablement cannibales, avec une apogée dans la violence crade dans de lourdes représailles finales, même si elles sont plus suggérées et évoquées que réellement visibles pour le lecteur, ainsi qu’un twist fort à propos de l’identité du meurtrier de Ben. Un opus d’autant plus fort, efficace et marquant que la férocité s’exerce entre les êtres humains.

    24/05/2021 à 08:33 2

  • L'Inhumation prématurée

    Edgar Allan Poe

    8/10 … ou comment le narrateur (est-ce directement Edgar Allan Poe ?) devise sur le fait d’être enterré vivant : les raisons de tels accidents, les sensations éprouvées par les victimes, les crises de catalepsie, etc. Effrayé à l’idée d’être, à son tour, enfermé dans un cercueil suite à l’une des crises de catalepsie dont il est malheureusement coutumier mais conscient, il va prendre diverses mesures pour être certain de ne jamais être enterré de son vivant, mais cela sera-t-il suffisant ? Une histoire magnifiquement écrite, jouant sur cette phobie qui doit être commune à nombre d’êtres humains même s’ils ne se sont jamais posé ouvertement la question, avec un final à tiroirs, jouant sur un flash-back intéressant et totalement inattendu. Une nouvelle très forte selon moi, très originale, préfigurant bien des décennies, voire un siècle et demi plus tôt, quelques films et romans ou scènes cinématographiques et littéraires.

    23/05/2021 à 17:50 3

  • 6000 tome 4

    Koike Nokuto

    6/10 Kengo et les autres membres sont toujours dans le complexe sous-marin « Cofdeece », et les créatures qui se pointent dans cet escalier déformé n’ont rien de rassurant, d’autant qu’une autre monstruosité et la perspective d’une asphyxie générale due au manque d’oxygène apparaissent. Mais des pistes pour parvenir à sortir de là apparaissent. Toujours de l’action et cette très bonne ambiance anxiogène, mais ce dernier tome m’a déçu pour deux raisons : trop peu d’éléments nouveaux y naissent (peut-être aurait-il fallu garder pour cet ultime opus les révélations quant aux sacrifices humains), et le final (c’est-à-dire les toutes dernières pages) est sans la moindre saveur.

    22/05/2021 à 08:24 1

  • Dragon Head tome 6

    Minetaro Mochizuki

    7/10 Cet opus reprend au moment précis où l’ancien s’achevait, dans la forêt avec des hommes armés. Ce jeune homme au crâne rasé, Kikuchi et les médicaments qu’on lui administre aiguisent l’attention. La découverte de la ferme saturée de cadavres dans cette ville détruite, ces inconnus prêts à faire un sacrifice avec Ako relancent mon intérêt pour la série après un petit coup de mou dans le précédent tome, même si je demeure nostalgique des épisodes dans le souterrain.

    21/05/2021 à 22:23 1

  • Toxoplasma

    Sabrina Calvo

    8/10 Dans un avenir très proche, l’île de Montréal a fait sécession et est désormais assiégée par l’armée fédérale. A l’intérieur s’est développée la Commune, sans connexion Internet, et défiante vis-à-vis du monde qui l’entoure, des milices et des troupes du Roy. Nikki Chanson, travaillant dans un vidéoclub spécialisé dans les films d’horreur, en vient à apprendre l’assassinat d’un raton laveur, découvert mutilé sur une balançoire. Parce qu’elle est fascinée par Sherlock Holmes et cherche à combler une existence assez vide, elle décide d’enquêter pour son propre compte. Avec ses amies Mommy, Kim et Mei, il se pourrait bien qu’elle mette rapidement le doigt sur quelque chose de beaucoup plus important, une affaire qui dépasse sa simple condition humaine.

    Sabrina Calvo nous fait rapidement basculer dans un univers décalé, presque déjanté, proche du cyberpunk, tout en conservant de solides attaches dans le réel tel que nous le connaissons. Nikki attire rapidement l’attention et happe le lecteur avec son caractère : loueuse de cassettes VHS, intarissable source d’informations sur les nanars cinématographiques, espiègle détective improvisée, elle se débat dans cette enclave que constitue l’île de Montréal aux côtés d’autres protagonistes essentiellement féminins. Dans le même temps, elle fait des rêves récurrents où elle se voit dans une forêt en lambeaux, et ses hallucinations répétées vont vite se révéler plus graves que de simples cauchemars. Dans ce récit, on admirera la plume de Sabrina Calvo, parfois déstructurée, parfois poétique, mais qui jamais ne lasse ni ne rebute. Les personnages hauts en couleurs ne manquent pas, et l’écrivaine intègre diverses pistes et autres bizarreries dans son histoire. Des exemples ? Un psychopathe dont la tête est une ruche, des virées en réalité virtuelle, des graffitis découverts à côté des rongeurs sacrifiés, de la ventriloquie avec une chaussette devenue pour l’occasion une marionnette, d’anciennes expériences psychiatriques sur des patientes, des Amérindiens, etc. Une lourde ambiance paranoïaque – presque schizophrénique – que ne renierait pas l’immense Philip K. Dick hante les trois-cent-soixante pages de cet ouvrage excentrique, aussi atypique que marquant, ponctué de reproductions des tags, et parcouru d’un souffle littéraire d’une grande impétuosité. Tout au plus pourra-t-on lui reprocher, à la marge, un léger manque d’explicitations finales, mais cette forme d’épilogue ouvert obligera le lectorat à se forger sa propre opinion quant à l’arcane des « trois sœurs » et le devenir de nos héroïnes.

    Un opus à tous les sens du terme merveilleux, qui a reçu le Grand prix de l'Imaginaire 2018 dans la catégorie Roman Francophone ainsi que le Prix Rosny Aîné la même année dans la catégorie Romans.

    19/05/2021 à 07:28 2

  • Le Spectre de l'Antarctique

    Maza, Richard D. Nolane

    8/10 Retour en Antarctique après « l’épisode » du Débarquement raté en Normandie avec toujours ces magnifiques combats aériens ou contre des sous-marins. Himmler semble vouloir étendre sa mainmise. Un bon tempo de bout en bout, jusqu’à la découverte finale, pour les Alliés, que la base qu’ils comptaient attaquer en Antarctique servait peut-être de diversion au profit d’une station secrète.

    18/05/2021 à 18:57 1

  • Alinoë

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    8/10 Parce qu’Aaricia, Thorgal et leur jeune fils Jolan vivent sur une île, Thorgal doit quitter ses deux êtres aimés le temps d’acheter quelques matières premières. Jolan s’ennuie et Aaricia découvre un bracelet à son poignet. Quand elle lui en demande la provenance, l’enfant répond que c’est un dénommé Alinoë qui le lui a donné. Aaricia découvre que ce jeune garçon aux cheveux verts et au regard si particulier existe réellement, qu’il peut se montrer violent, et qu’il est né de l’imagination de Jolan… tout en étant bien réel. En l’absence de l’homme fort du foyer, Aaricia et Jolan vont devoir affronter ce sinistre individu. Une BD très tendue, originale dans la litanie des précédents opus grâce à un pitch fort (cette entité née de l’imagination du bambin qui a le pouvoir de concrétiser les rêves), et avec une ambiance plutôt angoissante et bien exploitée, même si je regrette que le final soit un peu expédié et que la résolution du « problème » soit trop facilement devinable.

    18/05/2021 à 18:33 2

  • L'Article 637

    Jules Lermina

    5/10 Le narrateur ainsi que le détective Maurice Parent sont invités chez les Liévin pour dîner, le 25 décembre. C’est aussi le dixième anniversaire de la mort de M. Liévin, l’époux et le père de deux filles. On n’a retrouvé de la victime qu’une jambe, tronçonnée et découverte dans la Seine. C’est alors que Maurice Parent cite cet article 637 qui prescrit les crimes au bout d’une décennie. C’est aussitôt après qu’il incrimine M. Marion, ami et subordonné de la victime.
    La nouvelle est vertigineuse de concision, au point que, lorsqu’on prend conscience de cette brièveté, on se doute que l’auteur va devoir exploiter un ressort ultra expéditif, et alors, on en finit presque par comprendre comment va se faire piéger le criminel, comme dans un bon épisode de Columbo. Bref, l’idée est astucieuse et le texte plutôt réussi, mais à vouloir trop jouer la vélocité, je trouve que l’auteur a en grande partie manqué sa cible, en nous ôtant tout suspense, toute tension, toute réflexion, bref, en désamorçant une grande, voire une immense partie de l’intérêt de la lecture.

    17/05/2021 à 17:49 1

  • Le Camping de la mort

    Thibault Vermot

    8/10 Quatre adolescents – Thibald, Sacha, Juliette et Thomas – ont décidé d’aller faire du camping dans la forêt. Le hic, c’est qu’ils vont être obligés d’emmener avec eux Aymeric, le frère de Juliette. Aymeric est un gamin à part : bourru, désagréable, doué d’une mémoire eidétique, c’est également un passionné de dessin, et il est même persuadé de pouvoir influer sur la réalité avec ses ébauches. Affabulation ? Cette nuit prouvera que ce gosse détestable avait probablement raison…

    Ce roman de la collection Hanté, écrit par Thibault Vermot, séduit d’entrée de jeu. On y retrouve les ingrédients traditionnels, avec cette petite confrérie de camarades qui s’exilent volontairement dans les bois et qui vont être confrontés à des phénomènes insolites et anxiogènes. L’auteur ne s’en cache d’ailleurs pas : il a puisé autant l’idée de départ que l’ambiance dans des lectures et films célèbres, notamment Le Corps, la nouvelle de Stephen King extraite de Différentes saisons et qui a été adaptée au cinéma en 1986 sous le titre Stand by Me. Le suspense monte crescendo, notamment avec la découverte progressive de l’incroyable don d’Aymeric, capable de provoquer des apparitions et autres événements paranormaux à la seule force de son imagination et de ses crayons. L’anxiété devient alors croissante, les péripéties se multiplient, et le lecteur bascule, au même rythme que nos cinq protagonistes, dans un univers où les repères cartésiens s’effacent. On trouve, sous la plume de Thibault Vermot, de nombreux passages à forte tension, où la peur s’impose d’elle-même, sans grands effets téléphonés ni pyrotechnies littéraires superflues, avec d’autant plus de « crédibilité » que nos adolescents sont parfaitement croqués, notamment dans des dialogues réussis qui claquent avec vraisemblance. Quant au final, il apporte son lot de sueurs froides, les dernières lignes plantant l’ultime clou d’un récit au-dessus duquel plane l’ombre du Gobemouche, une créature sortie de l’esprit enfiévré d’Aymeric.

    Encore un très bon opus de cette collection qui mérite donc amplement qu’on la découvre, que l’on soit jeune ou plus âgé, puisqu’elle invoque les peurs reptiliennes de tout être humain.

    17/05/2021 à 07:57 1

  • Mange tes pâtes !

    Mikaël Ollivier

    7/10 A sept ans et demi, Emma vient d’assister à l’enterrement de son grand-père, ce qui l’amène à se poser bien des questions, notamment sur la mort. Elle va en venir à discuter à plusieurs reprises avec son père et sa mère pour essayer de comprendre la raison de la mort physiologique ainsi que la religion jusqu’à saisir cette notion… à sa manière.
    Un gentil petit opus, court comme le réclame cette collection de chez Thierry Magnier, et qui offre des réflexions à la hauteur des jeunes lecteurs auxquels il s’adresse, avec tact et humanité, sans pour autant simplifier ni bêtifier. Le ton, assez sérieux, s’y montre également amusant, notamment dans la raison du choix du titre qui s’illustre à deux reprises dans le texte, ce qui fait que ce livre plaira certainement à nos gamins, en les divertissant et en les faisant réfléchir.

    16/05/2021 à 18:42 1

  • Une Fête mortelle

    R. L. Stine

    7/10 Luc Hargrove a comme ami Cory Duckworth, un gamin à qui la chance sourit en permanence. Luc rêve de participer à une série d’épreuves sportives dans un camp d’entraînement mais la poisse semble s’acharner sur lui, à l’inverse de Cory qui excelle dans tous les domaines. Un jour, Luc reçoit un porte-bonheur dans un paquet anonyme, une patte de vautour. Si le talisman semble efficace dans un premier temps, ce sont ensuite des cauchemars et des hallucinations qui l’assaillent. C’est ce thème de la chance et de la malchance qui m’a poussé à lire cet opus de la série « Chair de poule », et j’ai eu le plaisir – attendu – de retrouver les ingrédients habituels de l’écrivain R. L. Stine : scénario qui intrigue, chapitres véloces, écriture sèche et expéditive, et une ambiance et un suspense de bonne tenue. Des rebondissements, chance et poisse alternant au gré du récit, tant pour Luc que pour Cory, avec un twist final bien trouvé. Dans la mesure où les lecteurs – jeunes, nécessairement – auxquels se destine cet opus ne sauront qu’à l’ultime page les finalités de ces grigris, il y a fort à parier que ceux qui étaient déjà fans de cet écrivain passeront un très bon moment d’une lecture addictive, et les autres découvriront une collection fort prenante.

    13/05/2021 à 17:08

  • Disaster Day

    Maza, Richard D. Nolane

    7/10 C’est presque avec un discours de Goebbels que débute ce tome. Un graphisme toujours aussi léché, avec des combats aériens de toute beauté, où s’intercalent des élément réels (comme l’opération Fortitude et le Débarquement en Normandie, ici uchronique), pour un opus qui, paradoxalement, propose un peu trop d’action (phénoménale, par ailleurs) par rapport aux enjeux précédents et à ceux de la série en général. Néanmoins, avec les orages (dantesques) et l’idée de baptiser les armes nouvelles de « Wunderwaffen », à savoir des « armes miracle » apparaissant à la toute fin de cette BD, mon intérêt, pourtant intact, n’en est que davantage relancé.

    12/05/2021 à 16:47

  • L'Affaire Diego Abrio

    Jean-Christophe Tixier

    9/10 Diego Abrio a vingt-deux ans. Quelques années auparavant, il avait été condamné pour avoir tué Mona Goverts dans un accident de voiture alors qu’il conduisait sous l’emprise de l’alcool et du cannabis. Mais une nouvelle loi est passée (celle dite du « relâchement »), permettant une libération anticipée à des prisonniers à partir du moment où ils auront obtenu suffisamment de suffrages sur une application officielle du Ministère de la Justice appelée « Guilty ». Une remise de peine purement philanthropique ? Non, parce que les individus relâchés seront munis d’un bracelet électronique qui signalera leur position tous les jours à dix-neuf heures et pourront devenir la proie de lyncheurs. Qu’adviendra-t-il de Diego ?

    A la lecture de ce résumé, impossible de ne pas penser au Running Man de Stephen King, sorti en 1982 et porté à l’écran. Mais simplifier ce roman Guilty serait bien méconnaître Jean-Christophe Tixier, l’auteur de très bons ouvrages pour la jeunesse comme Sept ans plus tard, Foulée d’enfer ou Un Dossard pour l’enfer pour ne citer qu’eux. A ce pitch, l’écrivain insuffle de puissantes respirations où se mêlent tant et tant d’émotions contraires. Il rompt la linéarité du récit en y incluant des flashbacks, des plans de géolocalisation, des extraits de l’interrogatoire de Diego, des échanges de messages de personnes déversant parfois leur haine animale et irraisonnée, ou encore des passages de Radio Fréquence Plus. En outre, le scénario n’est pas un prétexte à de l’action saturée d’hémoglobine ou de testostérone : s’il y a des moments d’action et de suspense – très bien écrits, d’ailleurs, Jean-Christophe Tixier se focalise davantage sur des questions humaines, presque vitales, comme le poids de la culpabilité, la reconstruction morale d’un être qui a commis un acte irréparable par inadvertance, la furie des hordes vengeresses lorsque la foule devient une entité nécessairement bienpensante, ou ce que doit être la loi. Diego croisera toutes sortes de protagonistes, ceux qui veulent lui faire payer à tout prix un crime qui ne leur est que lointain, les membres de la famille de Mona, d’anciens camarades prêts à lui venir en aide, mais également les Partisans d’une Justice Equitable qui proposent, de manière pour ainsi dire clandestine, de placer ces « relâchés » dans une prison alternative afin qu’ils y effectuent le reste de leur peine et échappent à leurs traqueurs. Dans ce livre, tout sonne juste, des psychologies aux dialogues, en passant par les situations et les dérives d’une société devenue arbitraire et inique.

    Un brûlot dont on ne peut que saluer l’écriture passionnante, le sujet audacieux et son traitement qui ne l’est pas moins. Un excellent roman, ambitieux et diablement efficace, que l’on souhaite bien évidemment ne pas être prémonitoire. L’épilogue annonce un autre opus de la série en octobre 2021 : on le recommande d’ores et déjà chaudement.

    12/05/2021 à 07:08 2

  • L'Enfant des étoiles

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    6/10 Trois nouvelles au programme de ce septième opus de la série. D’abord, « Le Drakkar perdu », où des marins, pris dans un cataclysme marin, en viennent à penser à un sacrifice humain pour apaiser les dieux, et qui permet de connaître les premiers jours du héros Thorgal. Ensuite, « Le Métal qui n’existait pas » : un nain, Tjahzi, doit trouver pour son maître un métal encore inconnu, ce qui le mènera à rencontrer le jeune Thorgal, avec la référence finale à Aaricia, celle qui deviendra sa promise, venant clore ce récit. Enfin, « Le Talisman », qui permettra de connaître les origines de Thorgal, avec un flash-back lointain, dans les étoiles, au cours duquel il va voir des membres de sa famille. Un sympathique bouquet d’histoires, tantôt fantasy et féériques, tantôt foncièrement SF. Pas indispensables dans l’absolu, certes, mais qui permettent de connaître les origines de notre héros, tout en posant, dans le même temps, des questions dont les réponses apparaîtront au fil des tomes suivants, j’imagine.

    10/05/2021 à 17:22 2

  • La Chute de Brek Zarith

    Grzegorz Rosinski, Jean Van Hamme

    6/10 Le terrible Shardar, pourtant d’allure débonnaire et anodine, règne sur Brek Zarith (double scène au début avec les deux chutes dans le vide), et c’est Jolan, le fils d’Aaricia et de Thorgal, qui va être exploité par ce tyran tandis que les bateaux vikings s’approchent des côtes du royaume. Mission infiltration puis exfiltration des captifs pour Thorgal, avec une longue plongée dans une grotte et un souterrain où l’attendent de nouveaux adversaires et épreuves. Rien de transcendant, mais toujours une bonne dynamique et une fin, pourtant apaisée, qui ménage néanmoins un habile suspense sur la suite des événements de cette série.

    06/05/2021 à 20:26 3

  • Pièces détachées

    Phoebe Morgan

    8/10 Corinne et Dominique Hawes ont presque tout pour être heureux. Couple uni, il leur manque néanmoins la pierre angulaire pour parfaire leur existence : un enfant. Trois FIV, mais rien ne se produit. C’est alors que Corinne commence à recevoir, en pièces détachées, des éléments qui constituaient la maison de poupée qu’elle adorait lorsqu’elle était gamine. Dans le même temps, sa sœur, Ashley, reçoit des coups de fil anonymes sans qu’aucune voix ne se manifeste à l’autre bout de la ligne. Serait-ce dû aux hypothétiques liaisons de son homme, James ? Progressivement, un sombre piège va se refermer sur les deux femmes.

    Ce Pièces détachées est le premier ouvrage de Phoebe Morgan à être traduit en France. Le lecteur savoure, dès les premiers chapitres, la construction du roman, qui alterne les points de vue de Corinne et d’Ashley, et où finit par percer la voix d’une gamine, inconnue, narrant sa propre histoire et ses tourments dans des confessions écrites en caractères italiques. Les personnages sont tous bien campés, notamment Corinne, travaillant dans une galerie d’art et n’ayant que de faibles moyens, encore endeuillée par la mort de son père il y a presque un an et meurtrie par les échecs successifs des FIV, ainsi qu’Ashley, mère de trois enfants et dont les revenus de son époux permettent à sa famille un train de vie fort confortable, même si elle est minée par la hantise que James puisse avoir une ou plusieurs maîtresses. Phoebe Morgan instaure progressivement une ambiance lourde et angoissante, puisque des éléments plus inquiétants que de simples morceaux de la maison de poupée vont être portés à l’attention de Corinne, comme un cadavre de lapin sur la voiture ou la sépulture de son père souillée d’un adjectif injurieux. Ici, point de grandes scènes pyrotechniques, de fusillades, de passages mémorables ou cinématographiés, seulement l’habile charpente d’un roman à suspense brillamment construit, avec beaucoup de tact et de crédibilité, qui n’est pas sans rappeler les ouvrages d’illustres écrivains comme Mary Higgins Clark. Au final, même si le déroulé de l’intrigue ainsi que le mobile du tourmenteur sont assez classiques, on n’en demeure pas moins pris par l’efficacité du récit, le talent narratif de Phoebe Morgan, et son final, ouvert et anxiogène, qui détonne dans le paysage de ce type de littérature.

    Un livre présentant un suspense de haute volée, à la structure irréprochable et sans le moindre temps mort : pas étonnant que B.A. Paris l’ait adoré.

    06/05/2021 à 07:04 2

  • Santa Muerte

    Gabino Iglesias

    7/10 Fernando, dit « Nando », est un dealer travaillant pour Guillermo. Mais un jour, il est enlevé par des inconnus qui le conduisent à un endroit où se trouve Nestor, un ami de Fernando. Nestor a déjà été férocement torturé, et c’est à son exécution, animale, auquel le kidnappé est obligé d’assister. Les bourreaux ont un message clair : que Guillermo cède sa place de leader local du trafic de drogue au profit de ces membres de la Salvatrucha. Fernando n’a rien d’un héros intrépide ni d’un vengeur au courage démesuré, aussi va-t-il hésiter à prendre les armes pour punir l’assassinat de son copain. Et si la Santa Muerte pouvait lui accorder une forme de salut en échange de quelques prières ?

    Premier ouvrage de Gabino Iglesias, ce court roman (environ cent quatre-vingts pages) saisit d’entrée de jeu par son ton : noir, brutal, mais non dénué de touches d’un humour à froid salvateur. Ecrit à la première personne, on découvre Fernando, petit intermédiaire qui assiste à la mise à mort d’un camarade avant de devoir se faire le porteur d’une menace à l’attention de son patron. Un pitch certes classique, mais qui s’oriente assez vite vers une intrigue folle où se mêle santeria, une touche de vaudou et des règlements de comptes musclés, sans compter la présence de nombreux personnages croustillants et épicés. On trouve ainsi un sicaire russe qui dissimule ses réelles activités derrière la couverture de simple pépiniériste, un autre assassin qui a tout de la diva et prend un réel plaisir à abattre ses cibles, sans compter Indio, le principal méchant du récit, d’où émanent de puissantes ondes méphistophéliques. Gabino Iglesias nous sert une recette sacrément relevée, passant au blender des individus très cinématographiques, au point que nombre de critiques ont noté le fait que ce roman pourrait être adapté par Quentin Tarantino. Cependant, au-delà de l’alignement de ces protagonistes typiquement badass, il y a quelques temps morts et autres passages pas nécessaires tandis que l’intrigue pure passe au second plan de ce chapelet de personnages tordus et marquants, sans compter un épilogue trop abrupt et, avec le recul, une sous-exploitation de cette idée de la Santa Muerte, pourtant alléchante et atypique.

    Un livre pimenté et distractif, original dans le propos et sanglant à souhait, dont on regrette pourtant le manque de chair et, finalement, son côté certes délassant mais guère mémorable.

    04/05/2021 à 07:08 3