El Marco Modérateur

3579 votes

  • La mort est parfois préférable

    Sacha Erbel

    8/10 Le major Yan Lebrun est officier de police à Lille et elle détonne dans le paysage. Sexy quoiqu’un peu enrobée, androgyne, elle est surtout sujette à des douleurs endémiques, soudaines et monstrueuses qui surgissent à n’importe quel moment et qui la fracassent. Dans le même temps, elle et son équipe vont devoir enquêter sur deux affaires singulières : l’assassinat d’un journaliste à son domicile et la décapitation d’un homme dans sa voiture dont la tête a été retrouvée sur la banquette arrière de l’automobile.

    Voici le dernier thriller de Sacha Erbel, cette fois-ci paru chez Taurnada. D’entrée de jeu, on est intrigué par ce que l’héroïne a baptisé « L’Araignée », à savoir ce mal insidieux qui la martyrise et la brise, une calamité qu’elle essaie de dissimuler aux yeux de ses collègues tout en se gavant d’analgésiques pour amoindrir la souffrance. Et les deux affaires qui sont confiées à elle ainsi qu’à son équipe ne sont pas là pour apaiser son état de santé. Pourquoi a-t-on tué ce journaliste, spécialiste des sujets sulfureux, dans sa baignoire ? Parallèlement, comment ce gardien de nuit anonyme a-t-il ainsi pu se faire couper la tête ? Existe-t-il un lien entre ces cas ? Et que dire de cette malheureuse victime qui semble avoir elle-même orchestré cette mise en scène au terme de laquelle une tronçonneuse lui a tranché les cervicales ? Dit ainsi, on peut s’imaginer un texte gore et voyeuriste, mais ça serait à tort : Sacha Erbel a distillé tout au long de son ouvrage un humour parfois potache, notamment dans les relations que Yan entretient avec ses partenaires, qui vient contrebalancer cette noirceur et cette violence, même si certains lecteurs reprocheront justement à l’écrivaine cette cocasserie trop appuyée alors que le récit aurait peut-être justement mérité de jouer la partition des ténèbres sans ces retouches. Entre éventuelles dérives sectaires, vengeance prenant racine au Pakistan et hypnose, Sacha Erbel maintient le suspense à un haut niveau et n’aménage aucun temps mort dans ce thriller tendu. C’est aussi pour l’auteure un moyen d’évoquer une maladie dont elle souffre – s’en ouvrant avec beaucoup d’humanité et de tact dans la postface, offrant au-delà de l’intrigue policière une dimension autobiographique bienvenue.

    Un livre efficace et attachant, ingénieux et machiavélique, qui mérite amplement d’être découvert et de figurer sur les étagères des amateurs de sensations fortes et autres romans nerveux.

    11/04/2023 à 06:56 2

  • Shinotori tome 2

    Dr. Imu

    7/10 Des réfugiés viennent se protéger de l’invasion incompréhensible d’oiseaux et des épidémies qui viennent avec dans un chalet, malheureusement vite surpeuplé. L’effet de surprise du premier tome s’est nécessairement en partie évaporé, certes, mais ce manga reste très agréable. Kurô prend très au sérieux son rôle de protecteur de Toki. Quelques beaux morceaux de tension et de (petits) frissons, comme lors de la rencontre avec la bestiole dans le couloir (reprise dans l’image de la couverture), ou alors la confrontation presque finale entre le sniper-mitrailleur avec les créatures.

    10/04/2023 à 19:22 2

  • Si elle savait

    Blake Pierce

    5/10 « Sans un projet solide, la retraite pouvait très vite devenir ennuyeuse », et il est vrai que l’ancienne agent du FBI, Kate Wise, s’ennuie ferme à cinquante-cinq ans après trente-et-un ans de bons et loyaux services au sein du Bureau. Quand une amie lui apprend que sa fille a été assassinée, Kate reprend du service, d’abord officieusement, puis plus officiellement aux côtés de la très jeune agent DeMarco, traquant ce qui ressemble à s’y méprendre à un tueur en série s’en prenant à des femmes qui se connaissaient très bien. Enregistrant dans la base l’immense majorité des ouvrages de Blake Pierce, j’ai été intrigué par son rythme hallucinant – et donc peu crédible – de productions littéraires, aussi ai-je tenté le coup, et je dois dire que je suis mitigé. Le roman est court, les chapitres alternent bien, pas de temps mort, et ça remplit bien son rôle de lecture distractive, sans la moindre prise de tête, qui aide à faire passer le temps. Mais à côté de ça, comme il fallait s’y attendre, la prose est assez faiblarde, les personnages creux (DeMarco en devient transparente tandis que l’auteur a accumulé les poncifs quant à Kate Wike – as du kickboxing, résultats professionnels remarquables, la retraite lassante, le fait qu’elle va bientôt être grand-mère, etc., bref, rien dans cette accumulation ne permet de rendre ce protagoniste mémorable ni réellement dense, et sa pseudo association avec DeMarco est si déséquilibrée qu’elle en devient inintéressante). L’intrigue est une pure portion congrue de sensations fortes, sans véritable fièvre ni frissons, mais il faut bien reconnaître que le final est relativement habile, usant de ressorts certes déjà lus mais bienvenus. Pour résumer, c’est vraiment moyen (une mécanique correcte mais des engrenages éculés et une lubrification pas top) mais dans le même temps, je suis curieux de voir ce que donnent ses autres ouvrages, et c’est évident que je vais m’en faire encore quelques-uns.

    10/04/2023 à 19:14 3

  • Gyo tome 2

    Junji Ito

    7/10 Après un coma d’un mois suivant son « bain » avec les bestioles, on retrouve Tadashi tandis que le Japon s’est en quelque sorte habitué à l’invasion de ces saletés de créatures hybrides. On lui apprend également que Kaori est morte, ce qui est faux : elle a été conservée dans sa mutation dans une chambre de la clinique dont elle parvient à s’échapper. On retrouve le ton décalé (cf. la scène sous le chapiteau du cirque) mâtiné de gore dans ce deuxième et dernier opus. Le thème est connu mais son traitement (le coup des gaz et des tuyaux dans les orifices naturels des victimes) le sort nettement du lot. Le final est tout aussi original et marquant avec cette histoire de trou dans le mur aux parfaites dimensions de passage pour des humains.

    06/04/2023 à 19:36 1

  • Des Cendres en héritage

    Magali Collet, Isabelle Villain

    8/10 A 8h02, le 8 mai 1902, environ 28000 personnes sont mortes suite à la violente éruption de la montagne Pelée. On retrouve une fillette noire, Séraphise, tenant contre elle un nourrisson blanc. L’enfant est probablement celui de Charlotte Lamorandière, qu’elle avait confié à une nurse. Problème : lorsqu’elle arrive à l’hôpital pour récupérer son fils, on lui apprend qu’une autre femme – madame Mme Jussi de Saint Priac – l’a déjà pris, arguant du fait qu’il s’agissait du sien. Pour démêler le vrai du faux, on mandate sur place l’enquêteur Isidore Vidiol, car l’enjeu n’est pas seulement humain : une femme béké ne pouvant hériter, il faut absolument à ces deux femmes un descendant mâle…
    Une nouvelle très belle, joliment menée, avec force sentiments maternels et un fond sociologique lapidairement – mais bien – rendu. Le final est également intéressant, proposant une chute, certes, que l’on pouvait éventuellement deviner – je dis bien « éventuellement » parce que, dans la mesure où il n’y avait aucun élément factuel pour la laisser émerger même en partie, l’entrapercevoir tient plus de l’instinct ou de l’hypothèse favorablement avérée que du véritable flair – mais qui n’en demeure pas moins habile et efficace. Une très belle réussite pour ce texte écrit à quatre mains.

    04/04/2023 à 19:10 2

  • 1991

    Franck Thilliez

    9/10 En 1991, Franck Sharko a tout juste trente ans et a intégré le 36 du Quai des Orfèvres. Encore novice, il va participer à une enquête vertigineuse qui commence par une histoire de lettres anonymes envoyant leur destinataire sur les lieux d’un crime où une femme a été massacrée (organes génitaux brûlés). Mais ce n’est que le début d’un long hiver pour l’équipe de policiers, un enfer graduel qui va les mener à la chasse menée par un prédateur d’un rare machiavélisme.
    Des Franck Thilliez, j’en ai lu un bon paquet, mais celui-ci, indéniablement, est un régal. On y retrouve le style de l’auteur, avec des phrases simples et directes, sans recherche particulière, qui vont à l’essentiel et cognent rapidement. Des descriptions lapidaires, des personnages écorchés, un peu trop souvent reliées à un surnom à mon humble avis, et confrontés à une énigme redoutable. Une fois la dernière page refermée, j’ai essayé de remettre tout à l’endroit et tout se tient : date, processus meurtrier, interactions, charpente narrative. Un extraordinaire travail de documentation, un soubassement scénaristique de premier ordre. Et sur ces fondations, la patte Thilliez : des chapitres courts et véloces (77 en tout), qui s’enchaînent avec maestria, un pur page-turner à la française qui a l’excellent goût de ne rien pomper aux auteurs américains. Je ne parle même pas de la richesse des thèmes abordés (vaudou, magie, expérimentations médicales bien trash, psychés déstructurées, jeu de piste infernal, enfants bousillés, etc.). Difficile d’en dire plus sans déflorer l’intrigue, mais, même si l’on retrouve effectivement, comme noté dans d’autres commentaires de mes petits camarades, des éléments déjà présents dans d’autres ouvrages et ainsi « recyclés », ce cocktail m’a littéralement bluffé. Et puis, quelle riche idée de proposer une enquête de Sharko, sa première, où se dessine déjà son caractère fort et sagace, à une époque révolue où les communications étaient si différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui (le « mot de la fin » de l’écrivain nous éclaire en peu de mots à ce sujet à propos de son confinement mais avec beaucoup de tact et de justesse). Bref, encore une fois, un excellent thriller de la part de Franck Thilliez : je ne suis pas près d’oublier la scène avec le mamba noir, les références à Houdini, les traitements médico-sexuels sur les gamins ou encore ce qu’est la cryptophasie. Un diamant littéraire brut(al).

    03/04/2023 à 18:11 5

  • Nidhogg

    Roman Surzhenko, Yann

    6/10 Un septième et dernier tome directement enchâssé dans le précédent, où réapparaît d’entrée de jeu le fourbe Lundgen et le terrible serpent Nidhogg. Comme pour l’opus antérieur, place nette pour la magie, l’univers franchement fantasy et la rareté des scènes d’action (à part la réapparition musclée du reptile divin vers le final). Mais je suis assez déçu par ce final : trop guilleret, presque gentillet et second degré (cf. la case finale).

    02/04/2023 à 18:46 3

  • Bluebird, Bluebird

    Attica Locke

    8/10 Lark, dans le Texas. Une commune de moins de deux cents habitants où viennent de se produire, coup sur coup, deux drames. Un Noir de Chicago, Michael Wright, puis une femme blanche, Melissa Dale, tous les deux retrouvés dans le bayou Attoyac. Darren Mathews, Ranger de couleur, est informé de cette troublante coïncidence et se rend sur place pour enquêter, dans un premier temps incognito.

    Attica Locke nous a déjà séduits avec des ouvrages forts comme Marée noire ou Dernière récolte, et ce roman noir de haute volée s’inscrit dans ce parcours littéraire d’excellence. On y découvre un protagoniste très fort et marquant en la personne de Darren Mathews. Ancien étudiant en droit, il a abandonné ses études à la suite d’un lynchage médiatisé qui l’a bouleversé (« mon 11-Septembre », dira-t-il de cet événement) et décidé de porter l’étoile des Rangers. En mauvais termes avec sa femme, flirtant dangereusement avec la bouteille, il est suspendu de son poste en raison d’un procès en cours où sa parole pourrait être fausse, ce qui ne l’empêche pas d’aller jeter un coup d’œil dans ce coin paumé du Texas où le bayou semble aspirer les êtres humains. Darren ne sera pas au bout de ses (mauvaises) surprises sur ce territoire encore marqué au fer rouge par le racisme ordinaire et la ségrégation presque inscrite dans le caryotype de l’Etat. Notre Ranger y découvrira de joyeux xénophobes bien gras et épais, membres de la Fraternité Aryenne, ainsi que des Noirs cherchant à dissimuler des secrets volontairement enfouis. Attica Locke décrit avec maestria les lieux et les psychologies, prenant tout son temps pour les rendre singulièrement denses et travaillées, et si son intrigue peut de prime abord paraître percluse de clichés, il n’en est rien. L’écrivaine a su habilement étaler quelques poncifs du genre pour mieux s’en jouer par la suite, et le rythme de son récit, volontairement lent et étouffant, rend les révélations finales d’autant plus surprenantes et explosives.

    Une intrigue noire savamment campée, à la fois classique et dédaléenne, confirmant avec talent le fait qu’Attica Locke est décidément une auteure à suivre de très près.

    31/03/2023 à 06:59 6

  • La Reine des Alfes noirs

    Roman Surzhenko, Yann

    7/10 En catimini, Louve part de chez elle avec son fidèle singe pour aller chercher Thorgal à Bag Dadh malgré les récriminations d’Aaricia. En route, il tombe sur le « petit nain » Tjahzi qui la convainc de venir en aide à son peuple, opprimé par les Alfes noirs pour qu’ils leur forgent des haches capables de détruire l’arbre d’Odin. Un tome très imaginatif, saturé de magie, de créatures étonnantes (comme ces hérissons, ces iguanes et ces taupes géantes, tous domestiqués), certes sans beaucoup d’action, mais plaisant par son ton ouvertement fantasy et féérique.

    30/03/2023 à 18:38 3

  • Skald

    Roman Surzhenko, Yann

    7/10 Louve parvient momentanément à l’emporter sur Raïssa en tirant profit des ressources de la forêt et de la faune qui s’y trouve tandis que le sinistre Lundgen arrive à convaincre Aaricia de la mort de Thorgal et de Louve. Un cinquième tome où les animaux (dauphins, singes, ours, loups) disputent la vedette aux individus principaux. Toujours aussi jubilatoire.

    30/03/2023 à 18:37 2

  • Celui qui voit

    Mig, Hervé Richez

    6/10 Sud Vietnam, en décembre 1966. Le soldat Sam Lawry revient d’un congé pour convalescence lorsqu’il a une vision, celle d’un militaire, Fox, troué de balles. Par la suite, d’autres hallucinations s’avèreront tout aussi prophétiques. Serait-il subitement devenu médium ? Un scénario pas particulièrement innovant et une esthétique qui a vieilli (ça date de 2002), mais cette BD est agréable à suivre, notamment grâce à un personnage central dont on a malgré tout envie de savoir ce qui lui est arrivé et ce qui va également lui arriver, lui qui est honni par ses camarades parce qu’il fait peur, adulé lorsqu’il peut prévoir les pièges de l’armée adverse et être capable des plus grands mensonges quand il entrevoit la mort de son salopard de commandant. Globalement plutôt sympa.

    29/03/2023 à 18:56 1

  • Nicolas

    Agnès Laroche, Franck Thilliez

    9/10 Sarah a désormais rejoint l’équipe de la Brigade des cauchemars aux côtés de Tristan et d’Esteban quand ses parents décèdent au cours d’un accident de voiture. A peine remis de cette tragédie, nos trois adolescents doivent pénétrer dans les songes du dénommé Nicolas, mais un incident intervient : le sinistre Léonard, soigné au sein de la Clinique du sommeil et ayant encore la mère de Tristan recluse dans ses cauchemars, se glisse également dans l’esprit de Nicolas. La situation n’était déjà guère simple, elle en devient carrément ardue…

    Ce deuxième tome de la série de romans consacrée à la Brigade des cauchemars est tout aussi réussi que le premier. Novélisé par Agnès Laroche à partir des bandes dessinées du même nom scénarisées par Franck Thilliez, il nous invite une fois de plus dans un voyage psychique qui débute donc par l’immission de l’étrange Léonard dans les hallucinations nocturnes de Nicolas. Le récit est effréné, sans le moindre temps mort, porté par un scénario ambitieux et maîtrisé, et servi par une plume particulièrement efficace. Nos jeunes héros vont plonger dans une ville saturée de phénomènes inexpliqués, avec cette cité presque fantôme, des individus transformés en cendres ou en pierres, une fée inquiétante, des crabes tombant du ciel et d’étranges lueurs verdâtres. Et quelle ne sera pas leur surprise lorsqu’ils comprendront qu’ils ont débarqué, sans le savoir, dans une version fantasmée de Tchernobyl. Une fois de plus, Franck Thilliez nous a concocté une histoire ahurissante et prenante tandis qu’Agnès Laroche – dont nous avons appris récemment le décès prématuré – et Yomgui Dumont servent respectivement ce récit de sa plume et de son pinceau avec un talent consommé. Le dénouement est toujours aussi malicieux, mettant en valeur une analyse psychologique, presque psychanalytique, rare dans le domaine de la littérature jeunesse. Et que dire de cet ultime rebondissement quant à la condition et l’identité d’Esteban !

    Le troisième tome de cette série est d’ores et déjà annoncé pour septembre : inutile de dire que nous nous ruerons dessus avec appétit !

    29/03/2023 à 06:56 4

  • L'Île de Hôzuki tome 3

    Kei Sanbe

    6/10 La mystérieuse gamine blonde refait une apparition, et malgré leur volonté de fer, nos jeunes héros ne sont toujours pas parvenus à quitter cette île inquiétante. Cette traque nocturne reste d’un bon niveau, mais malgré quelques éléments intéressants (la déduction de Kokoro quant aux intentions du fantôme ou la chute du haut de la falaise), cet avant-dernier opus manque d’un brin de sel ou d’épice pour rehausser sa saveur. Espérons que le quatrième et dernier tome sera plus convaincant.

    28/03/2023 à 18:30 1

  • L'Île de Hôzuki tome 2

    Kei Sanbe

    7/10 La tension est plus marquée avec l’entame de ce deuxième tome de la série : un téléphone que l’on coupe, une femme munie d’un katana, la promesse que les enfants ne s’échapperont pas de l’île, un cimetière dans un panorama nocturne, une mine de charbon désaffectée, les gamins qui passent à l’action face à une tentative de viol… Une ambiance beaucoup plus dense et adulte, sans jamais verser dans l’horrifique ou les dérives trash habituellement lues. J’aime.

    28/03/2023 à 18:27 2

  • L'Île de Hôzuki tome 1

    Kei Sanbe

    6/10 De nuit, Kokoro porte sur ses épaules sa petite sœur aveugle Yume alors qu’ils sont traqués par un homme muni d’une machette. Flashback : ces deux enfants sont venus vivre sur cette île de Hôzuki, mais ils comprennent bien vite que quelque chose de faux s’est installé sur place, et la découverte de sang près d’un couteau n’est que le premier indice…
    Un pitch pas très original, un dessin assez candide, il faut attendre la découverte de la pièce où figurent des centaines de supplications gravées pour que le suspense commence vraiment à apparaître. Un début un peu mollasson mais la suite (avec les témoignages, l’observation du corps dans la civière ou le cadavre près de l’enclos aux lapins) finit enfin par apporter un peu de piment à l’ensemble. J’essaierai de me procurer les opus suivants de la série.

    27/03/2023 à 20:29 1

  • Ma soeur est morte à Chicago

    Naomi Hirahara

    8/10 « Il est arrivé quelque chose… » : c’est avec ces mots qu’Aki Ito et ses parents apprennent que Rose, leur sœur et fille aînée, est morte tuée par une rame de métro. Accident ? Suicide ? Lorsqu’Aki découvre le journal intime de sa défunte sœur, qu’il y manque des pages et que Rose avait subi peu de temps auparavant un avortement, la thèse de l’accident glisse inexorablement vers celle du suicide… voire du meurtre.

    Naomi Hirahara avait déjà séduit avec La Malédiction du jardinier kibei, Gasa-Gasa Girl et Le Shamisen en peau de serpent, et voilà qu’elle nous revient avec cet ouvrage fort et envoûtant. Le cadre fourni et exploitée par l’écrivaine s’impose d’entrée de jeu, et bien au-delà de sa puissance historique. La famille Ito, comme beaucoup d’autres individus américains d’origine japonaise, ont été parqués dans des camps d’internement au lendemain de l’attaque de Pearl Harbor, avec une déchéance de leurs droits civiques, victimes d’une séquestration qui a duré plusieurs années, et même libérés, la ségrégation s’est poursuivie par de multiples biais. Et c’est sur ce pays fracturé, plus précisément sur cette communauté composée d’issei – des Japonais né au Japon puis ayant émigré – et de nisei – les enfants de ces derniers, nés à l’étranger – que le regard de la jeune Aki se pose. Entre camaraderies et solidarités, mise à l’écart de citoyens qui doivent jurer de ne pas avoir prêté allégeance à l’Empereur nippon et racisme ordinaire, notre héroïne va affronter des adversaires inattendus afin de comprendre ce qui est arrivé à sa sœur. S’appuyant sur une très solide documentation, Naomi Hirahara rend cette époque à la fois palpitante et écœurante à vivre, sans pour autant que la leçon ne soit pesante ni les leçons moralisantes écrites a posteriori trop simplistes. L’intrigue purement policière est également très réussie, d’autant que l’identité du criminel, son mobile ainsi que les circonstances exactes de la mort de Rose en surprendront plus d’un, même les lecteurs les plus sagaces.

    Un récit qui émeut, bouleverse, décrit au vitriol un pan pourtant guère lointain de l’histoire américaine tout en préservant un scénario policier fort efficace : Naomi Hirahara signe un livre érudit, atypique et prenant. Une réussite littéraire intégrale.

    27/03/2023 à 06:58 6

  • Maigret et les Vieillards

    Georges Simenon

    8/10 Maigret est informé que le comte Armand de Saint-Hilaire vient d’être retrouvé assassiné chez lui. Quatre balles, dont la première, dans l’œil, était en soi mortelle. Qui a bien pu ainsi s’acharner sur ce vieil homme de soixante-dix-sept ans, plus effacé, ancien ambassadeur en divers points du globe, qui achevait le troisième tome de ses mémoires pour le moins inoffensifs, d’autant que rien n’a été volé au domicile de la victime ? Par des lettres retrouvées chez lui, Maigret se rend compte que le défunt entretenait depuis des décennies un amour profond et platonique avec la princesse Isabelle de V…, sa « Isi », et que le mari de celle-ci venait de mourir suite à un accident de cheval. Y aurait-il un lien entre ces deux événements ?
    Cette enquête de Maigret, je la connaissais en partie via son adaptation télévisée avec Bruno Cremer, et c’est pourtant avec un appétit intact que j’ai lu cet opus assez court, même par rapport aux autres romans de Georges Simenon. Un opus où Maigret s’emporte, bougonne, est renvoyé à son enfance de fils de régisseur, et se sent entouré d’une multitude de vieillards, surannés, crispés voire crispants, en plein anachronisme (il est dit de la victime qu’elle « était un personnage du XVIIIe siècle égaré dans le nôtre »). Dans le même temps, c’est une profonde et belle histoire d’amour entre Armand et Isabelle, faisant fi de ces cinquante années à correspondre et à entretenir une passion spéculative, dans la mesure où Isabelle a été obligée de convoler avec un individu qu’elle n’appréciait guère et était restée à ses côtés en raison de leurs vœux communs et religieux. Jaquette, la domestique de la victime, jouera un rôle très important dans le dénouement de cette intrigue (au même titre qu’un curé) dont le caractère policier s’efface derrière un aspect sentimental fort et brillant, explicité en quelques mots seulement dans le final, poignant même, avec un épilogue entre Maigret et sa femme qui crée un bel écho à cette histoire autour de la sincérité des penchants. Un livre épuré mais puissamment émouvant.

    26/03/2023 à 18:48 6

  • Tu m'as ouvert les yeux

    Patricia Lyfoung

    4/10 Toujours une belle réussite graphique (à condition d’apprécier le genre, évidemment, à savoir les couleurs flashy et le côté un peu aseptisé). On a nettement basculé dans un domaine où la magie abonde (cf. les statues géantes qui font office de gardiens ensommeillés), mais l’action tarde sacrément à venir (environ la moitié de la BD, et encore, c’est très vite évacué). Le rythme manque donc vivement pour exciter ma lecture d’autant que les dialogues sont pâlichons voire grotesques (« Oui, je sens la puissance venir en moi ! Je me sens fort !! »). A réserver je pense aux fans d’aventures teintées d’un sentimentalisme étalé à la truelle si on est un adulte, ou alors à des ados.

    26/03/2023 à 18:17 2

  • Dent de dinosaure

    Michael Crichton

    8/10 Mille dollars : c’est le montant du pari tenu entre le jeune William Johnson et un contradicteur qui va porter le premier à partir dans le grand ouest américain aux côtés du paléontologue Othniel Charles Marsch. Le but de cette expédition à laquelle participent également une trentaine d’individus : des fossiles préhistoriques. Mais en 1876, la contrée n’est guère apaisée, et il n’y a pas que les luttes contre les Indiens qui sont à craindre : on compte aussi les hors-la-loi, les dangers naturels, ainsi que la propension de quelques sinistres personnages à capter la potentielle fortune d’autrui.

    Le regretté Michael Crichton, disparu en 2008, nous avait gratifié d’une belle collection d’ouvrages efficaces et marquants comme Jurassic Park, Soleil levant ou encore Sphère. En 2017 paraissait ce roman posthume, au moins aussi exaltant que ses illustres prédécesseurs. Il suit le périple de William Johnson, jeune homme de bonne famille, turbulent, qui va suivre le professeur Marsch – bien réel, celui-ci – dans sa quête de fossiles dans ce qui fut appelée la guerre des os, à savoir une puissante rivalité entre les paléontologues Marsch et Cope, débouchant davantage sur une sorte de guerre des égos tant cette concurrence donna lieu à de multiples excès. On trouve, tout le long de l’opus, les jalons d’une solide documentation exploitée par l’auteur et richement mise au profit d’un récit nerveux, recélant de multiples anecdotes et autres faits historiques détonants. Ce sera donc pour le lecteur l’occasion de suivre, au premier rang, la compétition acharnée des deux chercheurs précédemment cités ainsi qu’un témoignage vibrant sur ce qu’étaient les Etats-Unis en ces années 1870, encore labourés des cicatrices de la guerre de Sécession, et malmenés par les luttes contre les Indiens, la ruée vers l’or, etc. Michael Crichton rend un bel hommage à cette époque troublée, faisant d’ailleurs intervenir des personnages aussi véridiques que croustillants comme Robert Louis Stevenson, Wyatt et Morgan Earp. L’humour est également bien présent, entre la cupide Emily dont William tombe amoureux à ses dépens, Wyatt Earp qui prodigue d’habiles – et cocasses – conseils en cas de duel, sans même parler de cette demi-tonne d’ossements préhistoriques dont de nombreux pistoleros vont longtemps penser qu’il s’agit en réalité d’or.

    L’écrivain condense dans ce livre la fougue du roman d’aventures, l’érudition du documentaire éclairé, la frénésie du western à l’ancienne. Inutile de chercher une étiquette synthétisant toutes ces qualités : c’est du Michael Crichton pur jus, inimitable, diablement singulier et incroyablement efficace.

    24/03/2023 à 07:08 4

  • Crow

    Roman Surzhenko, Yann

    7/10 Louve reste persuadée que son père, Thorgal, est encore en vie. Et voilà qu’une chasseuse, Crow, traque la jeune fille et qu’une autre gamine est retrouvée morte, visiblement dévorée par un loup. Louve décide alors de s’installer dans la forêt, selon ses propres mots « pour toujours ». Un nouvel épisode prenant et dynamique, où se mêlent chasseurs nocturnes, le dénommé Skald à la langue tranchée, et animaux avec lesquels Louve et la prédatrice peuvent communiquer. Solide et convaincant.

    23/03/2023 à 18:51 2