El Marco Modérateur

3405 votes

  • In vino veritas

    Magali Collet, Isabelle Villain

    8/10 A Cestas, Aurélie, galeriste, est assassinée lors du vernissage d’une exposition consacrée à l’art aborigène. De nombreuses personnes présentes pour l’événement deviennent dès lors suspectes, mais seulement l’une d’entre elles attire l’attention de enquêteurs, en la personne de Mathias, son compagnon et par ailleurs gendarme. Mais la vérité est peut-être plus complexe.

    Magali Collet et Isabelle Villain avaient déjà croisé leurs plumes à l’occasion de la nouvelle Des Cendres en héritage, et l’on ne pouvait qu’être intrigué par ce roman écrit à quatre mains : doux euphémisme que de dire qu’il est réussi. Concis, immédiatement prenant, l’ouvrage séduit dès les premières pages. La plume, sobre et minimaliste, n’empêche nullement un beau déploiement d’émotions contradictoires, de sentiments équivoques, de psychologies habilement dépeintes. La multiplicité des suspects potentiels rend le récit d’autant plus efficace, avec de multiples fausses pistes, de mensonges, de vérités à moitié avouées. Jugez plutôt : un accident qui a brisé une famille, le frère de Mathias – Augustin – revenu d’Argentine, un adultère entre gendarmes, une escroquerie de nature picturale, des violences conjugales inattendues, une vengeance entre deux familles dans le domaine viticole, etc. Un bel éventail d’indices, de chemins boueux et autres vilénies typiquement humaines, brillamment exploité par Magali Collet et Isabelle Villain qui nous régalent du premier au dernier chapitre, ce dernier venant apporter l’éclairage tant attendu sur la vérité et qui, même s’il est légèrement fragilisé par une crédibilité friable, n’en demeure pas moins stupéfiant d’intelligence.

    Un livre d’une très belle tenue, à la fois riche, dense et plausible, qui mérite amplement que l’on braque les projecteurs médiatiques sur lui tant il est réussi. On le verrait bien faire l’objet d’une adaptation pour un très bon téléfilm.

    02/08/2023 à 07:44 3

  • Peace Maker tome 5

    Ryoji Minagawa

    7/10 Gordon Heckel fait une promesse : celle d’enterrer tous nos héros à Skytarkus. Hope révèle qu’il n’a obtenu que six certificats de duels sur les sept escomptés et Nicola dévoile un étrange tatouage sur son dos. Moi qui n’avais plus continué cette série depuis 2020, j’y reprends goût avec appétit : scénario original, de nombreuses révélations, Mick Rutherford et ses séides de « L’Eglise du Kansas », évidemment pas mal d’action et de fusillades, et un suspense bien mené qui demeure intéressant en fin de manga (quelle est la signification de ce « E=MC² » ?). Un petit régal.

    31/07/2023 à 14:51

  • Monkey Peak tome 10

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 La tension est telle entre les groupes de survivants que certains d’entre eux mettent à bas une série d’échelles menant au sommet de la montagne afin que les autres ne puissent pas en profiter, et un groupe de policiers armés apparaît. Un épisode encore une fois très tendu, bien orchestré et bien mené, entre trahisons, révélations d’un complot et empoisonnements avec des chocolats. Pas mal d’ingrédients scénaristiques qui servent la série et commencent à apporter les réponses attendues, et un élément édifiant : il y a beaucoup de suspense alors que pas une des créatures ne figure dans ce dixième tome.

    31/07/2023 à 14:50

  • La Veuve noire

    François Boucq, Alexandro Jodorowsky

    9/10 Bouncer doit prouver à des Indiens qu’il est bien le digne successeur de feu son père tandis que l’institutrice qui vient d’arriver contrarie les édiles et notables de la ville par sa pensée et ses discours. Un western tonitruant, comme les précédents tomes, où s’alignent des scènes mémorables et dantesques comme un massacre d’Indiens à la mitrailleuse Gatling, des enfants tueurs, la vengeance de la squaw Sakajawea, un brasier sacrément efficace, un salopard qui se trimballe avec la lame d’une hache sur le sommet du crâne, une grandiose maison construite dans un canyon, etc. Toujours aussi excellent !

    30/07/2023 à 08:09 2

  • Les Orphelins du rail

    Fabien Clavel

    9/10 Dans un vingtième siècle naissant et uchronique, l’Europe a choisi le chemin de fer comme moyen de locomotion privilégié. Des trains gigantesques sillonnent les contrées, faisant fi des distances, des mers er des montagnes. Pour son treizième anniversaire, Meli reçoit une invitation assez particulière, comme tous les autres orphelins de son âge : participer à une chasse au trésor organisée par le Magnat, le mystérieux propriétaire de cet empire industriel ferroviaire. Comme tant d’autres adolescents, elle va sillonner l’Europe à la recherche des pièces du puzzle qui donne l’emplacement de l’Adamant, un diamant d’une valeur inestimable.

    Fabien Clavel, dont on avait déjà beaucoup apprécié Décollage immédiat, Nuit blanche au lycée ou encore Métro Z, nous revient avec ce roman très réussi. Le pitch concernant cette chasse au trésor est intéressant, d’autant qu’elle s’implante dans une uchronie très bien trouvée, avec cet immense réseau de rails traversant la contrée européenne. Dans le même temps, les enfants dont les parents sont décédés sur les chantiers sont reclus dans des orphelinats misérables, travaillant dans des conditions épouvantables et cherchant parfois pour se nourrir le long des voies des aliments jetés par les Voyageurs, ces individus fort riches et si loin de la réalité sinistre coudoyant les trains luxueux qu’ils empruntent. Meli, en jeune fille handicapée par une jambe plus courte que l’autre suite à la poliomyélite, s’impose aussitôt comme une protagoniste attachante et originale, qui va se lancer dans la quête de ce trésor afin de subvenir aux besoins alimentaires et hygiéniques de ses compagnons. Fabien Clavel, en auteur expert de la littérature jeunesse, nous entraîne dans une traque aux indices, via des énigmes, chacune de celles-ci permettant de trouver une des pièces du casse-tête qui indiquera la position de ce fameux Adamant. Une chasse mouvementée et sans le moindre temps mort, ponctuée de rencontres avec d’autres enfants, dont certains deviendront des amis, d’autres des ennemis farouches. L’auteur a d’ailleurs concocté quelques rebondissements bien sentis – notamment concernant l’identité du Lafcadio, ce croquemitaine qui jette les jeunes sous les trains, ou encore celle du Magnat – et même le final se distingue par un twist très efficace. Fabien Clavel nous gratifie également de quelques belles réflexions quant à la camaraderie, la fidélité à ses engagements, le sacrifice ou encore la véritable valeur de l’argent.

    Un ouvrage pour la jeunesse qui, non content d’offrir de belles doses d’émotions fortes, introduit un décor atypique et de belles morales. Une réussite totale.

    28/07/2023 à 08:08 3

  • L'Île des âmes

    Piergiorgio Pulixi

    8/10 Deux inspectrices italiennes vont devoir travailler ensemble à Cagliari, en Sardaigne : Mara Rais, une autochtone, et Eva Croce, débarquée de la péninsule italienne. Leur enquête s’apparente à une placardisation : on leur confie des crimes non élucidés, aidées en cela par Moreno Barrali, un policier qu’un cancer va emporter à court terme. Une série de meurtres rituels avait ensanglanté l’île quelques décennies plus tôt, et voilà qu’une jeune femme, Dolores Murgia, pourrait être la future victime.

    Avec ce premier roman traduit en France, Piergiorgio Pulixi fait fort, voire très fort. Un style haletant, des chapitres courts et parfaitement imbriqués, une intrigue fluide et prenante, voilà les principaux ingrédients de ce premier opus de la série consacrée à Mara Rais et Eva Croce. La première est une pure beauté au look incendiaire tandis que la seconde a quitté le continent suite à une bavure ainsi qu’à un drame familial, mais l’alchimie entre ces deux protagonistes va vite opérer, notamment au gré d’une fraternité solide et de réparties particulièrement décontractées. L’auteur nous gratifie de magnifiques passages quant à la Sardaigne, son histoire et sa géographie, mais surtout à propos de ses us et coutumes, notamment à travers le point de vue offert sur la famille Ladu, une famille de Sardes très soudée et vivant selon la culture nuragique et autres croyances solidement ancrées dans l’esprit insulaire. Le suspense est très habilement entretenu et mené, et les pages des quelque cent-trente chapitres défilent à vive allure. Pas le moindre temps mort pour cette investigation immédiatement addictive qui se conclut en outre d’une très belle manière, avec intelligence et crédibilité, avec d’adroits rebondissements venant parachever ce récit tendu et très efficace.

    Piergiorgio Pulixi signe un roman de toute beauté, singulier et réussi, qui a obtenu le Prix Découverte Polars Pourpres 2021. On ne pourra donc que se ruer sur la suite des enquêtes de Mara Rais et d’Eva Croce, à savoir L’Illusion du mal.

    27/07/2023 à 08:12 9

  • Vyshaya Mera, Marina...

    Chetville, Hervé Richez

    7/10 Une séance de torture dans un camp soviétique, puis un flashback pour commencer ce cinquième tome. L’idée de l’expérience de visualisation à distance est intéressante et bien menée, et malgré quelques longueurs et autres effilochements, j’ai repris du plaisir avec cette série. Souhaitons que le sixième et dernier tome soit à la hauteur de mes espérances, d’autant que Sam clôt cet opus avec une nouvelle vision.

    23/07/2023 à 23:32 1

  • Le Jardin des guerriers, première partie

    Serge Brussolo

    7/10 … ou comment Vickie, notre décoratrice spécialisée dans l’ornement de lieux extrêmes, en vient par l’entremise de sa psychologue Zoey Walden, à s’occuper d’un lieu, « L’Arche », où un paquet d’enfants surdoués sont regroupés sous la férule d’Hoobard Glooster, afin de préparer un éventuel cataclysme et pourvoir à la refondation de l’humanité. Accompagnées de deux orphelins, les deux femmes vont vite comprendre que ce bunker est encore plus torve que prévu. Tout Brussolo est là : la langue, la prolificité, l’imagination, les personnages déstructurés, et l’intrigue haletante. Néanmoins, le début m’a un peu déçu : le coup des gosses rassemblés sous la tutelle d’un drôle de zèbre aux allures de gourou, on connaît déjà. Néanmoins, la suite, avec Joan DeBregan et sa curieuse propriété dans le Maine, où elle dresse des mômes à rejouer la bataille de Gettysburg afin de prouver que son père avait raison de défendre la conduite de Longstreet, permet de surprendre le lecteur autant de que redonner un coup de fouet et des couleurs à l’histoire. Bref, un départ assez frustrant par rapport à la très haute estime que j’ai pour cet écrivain, mais que la suite contrebalance habilement.

    22/07/2023 à 08:39 2

  • Monkey Peak tome 9

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 Encore sous le coup de la mort de Fujishiba – visiblement morte d’hypothermie –, les survivants finissent par se débarrasser de sa dépouille avant d’entendre des coups de feu. L’autre groupe fait une sordide découverte dans le flanc d’une falaise tandis que l’inconnu au katana fait sa réapparition. De chouettes rebondissements scénaristiques viennent dynamiser le début de ce neuvième tome – dont une trahison inattendue, et beaucoup de suspense et d’énergie dans cette série qui semble presque se bonifier au fur et à mesure des opus.

    21/07/2023 à 08:29 1

  • Monkey Peak tome 8

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 Un groupe d’alpinistes se retrouve aux prises avec un groupe de bestioles simiesques : plutôt que l’affrontement, ils tentent de trouver leur salut dans la fuite puis le fait de semer ces créatures. Un huitième tome moins axé sur la confrontation avec les prédateurs, mais qui mise beaucoup sur l’escalade des protagonistes pour échapper aux monstres et les tensions qui vont avec (environnement hostile, corniche escarpée), même si une des bêtes apparaît vers la moitié du manga… armée d’un cocktail Molotov. Un chouette virage dans la série, avec un cliffhanger inattendu en fin d’ouvrage et l’un des singes à qui l’on retire son masque : hâte de connaître la suite, d’autant que la fin de la série va vite arriver !

    20/07/2023 à 08:26 2

  • Monkey Peak tome 7

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 La bombe artisanale de Tôno a fait son œuvre de destruction mais il se peut également que son sacrifice ait été un peu inutile. De nuit et désormais privés de toit, nos rescapés vont devoir survivre différemment, et les tensions entre eux semblent être en train de s’exacerber. Le mystérieux inconnu au sabre laisse un nouveau message aux survivants avec une vidéo de l’un des otages. Un septième tome bien tendu où ce sont les intempéries naturelles qui font davantage de ravages parmi les protagonistes que les prédateurs. Une série toujours aussi prenante.

    18/07/2023 à 08:33

  • Monkey Peak tome 6

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 L’inconnu armé d’un sabre et visiblement du côté des monstres a laissé son ultimatum, et les survivants cherchent à trouver de l’eau autour du refuge en creusant le sol. Ils en viennent même à collecter des coléoptères pour les manger et pallier leur faim avant de préparer des pièges mortels pour les singes au cas où ils essaieraient de se glisser dans le chalet durant la nuit. Plus de tension dans ce sixième tome que de véritable action, et c’en est presque préférable d’après moi : un suspense qui trouve son acmé avec l’arrivée des prédateurs, la prise d’otage et le final explosif.

    17/07/2023 à 08:38 2

  • Monkey Peak tome 5

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 Ambiance survie pour nos rescapés perdus dans la montagne, face au froid, à la faim et à la fatigue. Puis c’est à la fronde et au piolet que l’on affronte les bestioles simiesques. L’ensemble demeure finalement assez balisé mais ça n’en reste pas moins distractif et intéressant, d’autant qu’apparaît un homme mystérieux, muni d’un sabre et visiblement en cheville avec les créatures, qui est porteur d’un ultimatum inattendu.

    16/07/2023 à 08:41 2

  • Monkey Peak tome 2

    Akihiro Kumeta, Koji Shinasaka

    7/10 Les survivants pensent désormais qu’il y a un traître parmi eux : le mot d’ordre est donc « Ne faites confiance à personne ». La soif et l’épuisement font des ravages tandis qu’ils atteignent le sommet du Mont Maedake. Et même quand l’espoir renaît, c’est pour voir arriver un singe armé d’un arc et de flèches, qui attaque avant de vider les bouteilles d’eau de leur contenu.
    Un deuxième tome qui se déroule presque exclusivement dans le refuge, avec des tensions croissantes entre les membres du groupe, quitte à torturer l’un des leurs avec une fourchette pour lui faire avouer la vérité. L’arrivée de la créature dans la dernière planche augure probablement un coup de fouet attendu pour cet opus qui, même classique, a eu l’intelligence de jouer autre chose que la partition attendue d’un nouveau massacre.

    15/07/2023 à 08:21 2

  • 1954

    Stephen Green, Mike Mignola

    7/10 Une station dans l’Arctique aux prises avec de mystérieux événements, des phénomènes paranormaux à Baltimore liés à un garçon et à un singe, Hong-Kong et des apparitions de monstres, des revenants et un miroir : même si j’ai moins apprécié la troisième histoire et que la dernière m’a semblé assez faible (à moins qu’elle ne soit volontairement inachevée ?), l’ensemble demeure particulièrement plaisant et réjouissant.

    13/07/2023 à 08:18 1

  • Under Ninja tome 1

    Kengo Hanazawa

    5/10 Douglas MacArthur a fait en sorte que les ninjas continuent d’exister en secret sur le territoire japonais, au point que l’on en compte environ 200000 actuellement. Mais certains d’entre eux restent tout en bas de l’échelle. Kurô Kumogakure est l’un d’entre eux, désœuvré, et l’on vient pourtant de lui confier une mission : infiltrer le lycée Koudan.
    Le premier tome d’une série qui se veut décalée mais qui a peiné à me saisir. OK, il y a quelques passages absurdes, de belles acrobaties et un chouette graphisme, mais ça ne m’a tout bonnement pas parlé, rien touché, rien fait ressentir de particulier. Je m’arrête là.

    09/07/2023 à 17:36 1

  • Denjin N tome 1

    Kazu Inabe, Yuu Kuraishi

    9/10 Nasu a tout du pauvre type : son métier à la supérette est purement alimentaire, son existence plate comme une plaque de marbre, on dit même de lui que « c’est pas vraiment une lumière, il n’a pas fini le lycée ». Son père a quitté le domicile familial en ne laissant que des dettes, sa mère a sombré dans l’alcoolisme, et sa maigre paye passe dans le remboursement des traites autant que des frais médicaux. Il ne trouve finalement son seul plaisir qu’auprès de Misaki Kanzaki, une jeune et belle chanteuse type K-pop, qu’il suit grâce à son masque de réalité virtuelle, et sur laquelle il a craqué le jour où elle lui a tendu un mouchoir alors qu’il venait de se faire molester par de petites brutes. Mais un jour banal, alors qu’il porte ce fameux masque, il parvient à avoir l’emprise sur le réseau électrique de toute la ville ainsi que sur les systèmes qui utilisent cette énergie, et il en « profite » pour assassiner son patron…
    Un premier tome sacrément nerveux et intéressant, singulier dans le fond comme dans la forme – très beau graphisme, une esthétique forte et tendue, des visages très expressifs et une violence mémorable soulignée avec éclat –, ou comment un loser intégral devient un pur tueur en série psychopathe pour servir celle qu’il aime en secret. Un premier tome tonitruant et qui pose, en filigrane, de justes questionnements sur notre assujettissement à l’électricité et au tout-numérique. Evidemment, je vais poursuivre cette excellente série, une traque au « Denjin », ce que l’un des personnages traduit par « électrhumain ».

    08/07/2023 à 22:05 2

  • Le Chanoine rouge

    Luc Valmont

    4/10 Crécy-les-Saules. M. Chabenas, maire de ce village, a demandé à son ami Alain Barrois de venir. La raison ? « Le Chanoine rouge ». On prétend que le chanoine Albert a été assassiné pendant la Révolution en 1793, et que son spectre continue de hanter les lieux. Michel Bascoul a disparu depuis deux jours, et les villageois pensent que c’est un coup de ce mystérieux fantôme. Il se murmure également qu’un trésor serait encore dans l’abbaye. Barrois se décide à enquêter lorsqu’il découvre avec l’édile le corps de Lisette Béranger, la fiancée du disparu.
    Une nouvelle qui commence plutôt bien, avec la conjonction entre cet étrange – et saisissant – revenant, et un enquêteur intéressant. Barrois est un détective privé qui se laisse souvent submerger par ses réflexions au point de devenir étranger à son environnement extérieur immédiat, se montre tenace, soliloque pas mal. Quand apparaissent d’autres suspects, des amoureux éconduits de Lisette, en la personne de Jean Legros et Charles Marinet, et que le spectre apparaît face à notre limier, on se dit qu’on va se régaler… eh bien non. A part la personnalité du héros, tout est rapidement bâclé. La résolution se fait si vite qu’elle en devient incompréhensible, sans le moindre intérêt, et jamais l’auteur n’explique avec conviction et détails comment son héros y parvient. En outre, la concision du récit vient davantage saper ce (te absence de) raisonnement, au point que je me suis senti profondément floué, dépossédé de la déduction de Barrois que j’attendais. Et je me retrouve avec un texte plutôt sympa mais complètement gâché par un épilogue catapulté sans précaution, un dénouement sans finesse, et, quand j’y repense à tête reposée, une histoire sans grande originalité que ne vient même pas sauver une conclusion délicate, originale ou marquante. Pour résumer, une sacrée désillusion.

    08/07/2023 à 08:02 2

  • 60 minutes

    M. J. Arlidge

    8/10 « Il te reste une heure à vivre » : c’est ce que Justin Lanning s’entend dire au téléphone par un inconnu, et cette terrible menace s’accomplit. La commandant Helen Grace comprend vite que la victime n’est pas n’importe qui : il y a huit ans, elle et quatre de ses amis se sont retrouvés séquestrés par Daniel King, un psychopathe qui a tué l’un d’entre eux avant de disparaître. Le monstre serait-il de retour pour terminer son œuvre de destruction ?

    Ce neuvième volet de la série consacrée à Helen Grace régalera certainement ses fans. On y retrouve avec un plaisir intact la plume et le style si caractéristiques de M. J. Arlidge : une écriture simple et efficace, des chapitres particulièrement courts – n’excédant que rarement les trois ou quatre pages, une histoire immédiatement addictive et une intrigue percutante. Ici, on est rapidement passionné par le sort de ces quatre rescapés qui, près d’une décennie plus tard, vont à nouveau tâcher de survivre à de sinistres ultimatums lâchés par un individu perspicace et très déterminé. Helen Grace s’illustre une fois de plus par sa finesse d’esprit, sa clairvoyance et sa pugnacité, tandis qu’on la trouve en couple avec le capitaine Joseph Hudson, Charlie enceinte jusqu’aux yeux et la journaliste retorse Emilia Garanita trouvant encore le moyen de faire des siennes. L’ouvrage réserve de bons moments de tension ainsi que des rebondissements habilement amenés. Résultat : les quelque cinq-cent-cinquante pages sont avalées plus qu’elles ne sont lues, à un rythme endiablé, sans jamais que le récit ne souffre du moindre temps mort.

    Une mécanique implacable servant une histoire certes classique mais adroite et prenante : c’est presque la signature de M. J. Arlidge, un auteur décidément exceptionnel et au talent de conteur remarquable. Probablement l’une des meilleures séries policières actuelles !

    05/07/2023 à 07:01 6

  • Des Zombies dans la prairie

    Chrysostome Gourio

    8/10 Maximus est au bout de sa vie : lui qui est fan de metal et de hard rock, le voilà obligé de rejoindre la Savoie, plus précisément le village de ses ancêtres, pour un festival de punk, avec sa mère et ses trois petits frères. Mais sur place, les événements prennent une bien étrange tournure : ça commence avec une marmotte qui lui brandit un doigt d’honneur et la nouvelle de la disparition d’un couple de randonneurs. Mais voilà qu’apparaît la plus improbable et la plus terrible des menaces : une invasion de marmottes, rendues zombies par des puissances maléfiques et chtoniennes. Une chose est alors certaine : Maximus et sa famille sont les seuls à pouvoir sauver l’humanité toute entière.

    Chrysostome Gourio nous livre ici un thriller pour adolescents particulièrement excentrique et débridé. D’ailleurs, le ton est rapidement donné : l’auteur va s’en donner à cœur joie, et plonger le lecteur dans de folles aventures. Les personnages principaux sont d’ailleurs hauts en couleur, du narrateur, Maximus, à sa mère professeure de philosophie dont certaines répliques semblent tirées du Crépuscule des guignols, en passant par les Twix, frères cadets et jumeaux qui adorent les expériences, même avec les crottes de nez et les flatulences, ou encore Achille dit « Le Nain », le plus petit de la fratrie, chouineur de première et adepte du saxophone. Une sacrée brochette de spécimens catapultés dans une histoire sacrément barrée, avec des marmottes meurtrières et possédées par des forces occultes, et contre lesquelles nos (anti)héros vont devoir se battre. Chrysostome Gourio maîtrise son art du récit, multiplie les références cinématographiques et musicales, et nous propose un véritable carnage de bestioles habituellement si attendrissantes : tous les moyens seront d’ailleurs bons pour les exterminer, des classiques pelles et armes de fortune, sans compter un produit qui sera abondamment exploité mais dont il serait malvenu de divulguer la nature. Ça va méchamment saigner dans les alpages, au gré d’un jouissif jeu de massacre, jusqu’à l’inévitable confrontation avec l’Archidiable en personne. La tournure de la confrontation s’avèrera d’ailleurs à l’image de l’ensemble du livre : absurde et osée. Pas le moindre temps mort, de l’énergie à revendre, un ton volontairement cracra, décalé et désopilant pour ce roman qui, à défaut de totalement révolutionner le genre, le réinterprète avec talent et jubilation. Tout au plus pourra-t-on reprocher – mais c’est là très subjectif – cette narration si particulière où chaque dialogue se voit préciser d’entrée de jeu quelle est la personne qui s’exprime, un procédé peu naturel et vite agaçant d’autant qu’il s’encombre de didascalies superflues.

    Un livre hautement distractif et féroce, procurant sa ration de rires et de sensations fortes. Chrysostome Gourio a intelligemment remplacé les prédateurs habituels (requin, ours, loup, etc.) par des bestioles bien mignonnes transformées en machines à tuer. On en redemande !

    04/07/2023 à 06:53 3