Maigret tend un piège

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  • 9/10 Cinq : elles sont déjà cinq femmes à avoir été poignardées dans un même quartier par un même tueur en série qui échappe à la police. Même Maigret, en panne d’indices, est obligé d’avoir recours à un subterfuge (faire arrêter un faux suspect, en réalité un ancien collègue revenu des colonies) pour pousser le dément dans ses derniers retranchements psychologiques. Mais une sixième agression perpétrée sur une policière en civil, une sorte d’appât, va venir rebattre les cartes avec la découverte d’un bouton de veste qui va en dire bien plus que prévu.
    Un excellent opus, remarquable, où George Simenon, dès 1955, avait beaucoup d’avance sur son époque et la littérature policière en général. Quelques exemples : la discussion avec le professeur Tissot, dans le deuxième chapitre, posait déjà les bases de la psychologie criminelle et des démons qui peuvent agiter de tels maniaques. Il y a également le côté scientifique, avec l’étude du bouton, de la brûlure du veston, du fil, etc. qui devancent sans mal un sacré paquet de romans policiers mettant en avant la science forensique. J’avais déjà vu deux adaptations (avec Jean Gabin et dialoguée par l’immense Michel Audiard, ainsi que celle, télévisée, avec Bruno Cremer), mais mon plaisir n’en a pas été diminué. Une excellente lecture psychologique de ce pâle Marcel Moncin, aussi anecdotique physiquement et professionnellement que redoutable lorsque pris de l’une de ses pulsions, pris en tenaille entre une mère castratrice et une épouse connue trop jeune et également possessive, qui vont pousser cet individu impuissant à s’en prendre « aux femelles dominatrices ». Un ouvrage détonant, exceptionnel, qui aurait également pu s’intituler « La robe était bleue ». Assurément l’un de mes préférés de l’écrivain, qui porte en lui, en cent cinquante pages, tant de graines qui ont depuis poussé et ont amplement nourri ultérieurement tant et tant d’auteurs. Un jalon.

    24/03/2024 à 19:22 El Marco (3455 votes, 7.2/10 de moyenne) 4

  • 8/10 Un piège intéressant, malgré les psychanalyses de Jules.
    Un tueur en série sévit au cœur de Paris. Déjà cinq victimes. Aucune idée de qui ça peut être. Maigret décide de prendre des risques, pour tenter de faire sortir le monstre de sa tanière...

    Un opus qui démarre très bien, on est dans le bain direct avec une enquête compliquée à résoudre pour notre commissaire.
    Un Simenon qui à ce moment là de sa vie ne jure que par la psychanalyse, essaie de s'initier en "Profiler". Si la première salve est pertinente, entre Maigret et un éminent psychiatre, la fin du roman apparaît quelque peu rébarbative de ce point de vue.
    Là ou le commissaire avait l'habitude de trier le vrai du faux en laissant venir à lui les témoignages et les indices - combien de fois a-t-ton pu lire "je ne pense rien, je ne crois rien" -, nous assistons ici à un commissaire qui juge, qui explique aux suspects ce qu'ils sont sans avoir à les interroger. Et pas qu'un peu, au travers de ces longs monologues.
    Principale fausse note de ce roman très correct, plutôt vivant, dont les bonnes idées nous tiennent en haleine quand à savoir comment il va pouvoir résoudre cette affaire.
    Á noter un Lognon guilleret pour une fois, l'inspecteur "malgracieux" apparaissant bien plus sympathique que d'habitude, et çà me va.

    "Bonus comment" : ai revu dans la foulée le film homonyme de 1958 (sorti 3 ans après le roman) de Delannoy avec dialogues d'Audiard.
    Si Gabin fait un peu trop de Gabin plutôt que du Maigret, que le film s'autorise certains écarts par rapport à l'intrigue, il respecte l'état d'esprit, l'atmosphère ressentie à la lecture.
    Un bon film N&B (le genre qui me rend nostalgique dès les premières images). Avec une Annie Girardot qui crève comme d'habitude l'écran, un Ventura débutant qui se permet quelques clowneries, et un brin de notes d'humour cachées. "Lognon" remplacé par "Lagrume" par exemple. Grands garnements, va...

    10/04/2023 à 09:22 Lucas 2.0 (456 votes, 7.7/10 de moyenne) 4

  • 7/10 "[...] je me souviendrai de vous toute ma vie parce que, dans ma carrière, jamais une affaire ne m'a autant troublé, ne m'a pris autant de moi-même". Signé Maigret. Il faut dire qu'il a mis beaucoup de lui en jeu notre bon commissaire, avec cette souricière destinée à piéger un tueur en série de femmes qui sévit dans le XVIIIe arrondissement depuis plusieurs mois. En ce mois d'août moite, il est grand temps que le tueur soit arrêté. Problème, il semble insaisissable. Suite à une discussion avec le professeur Tissot, psychiatre, Maigret tente un coup de poker : le fameux piège...
    Bon, j'ai trouvé le récit un peu paresseux. Si j'en crois Wikipédia, Simenon aurait écrit le roman en une semaine, dans sa villa des Alpes-Maritimes. Il y a assurément là la patte du maître belge mais rien de bien décoiffant non plus. L'aspect psychologisant des motivations du tueur (les femmes en prennent au passage pour leur grade) est poussif, pas très crédible à mes yeux. Reste la plume de Simenon, capable en une ligne ou deux de dépeindre une atmosphère, un lieu, une ambiance. Et rien que pour cela, c'est un plaisir de le lire.

    19/02/2023 à 21:13 LeJugeW (1816 votes, 7.3/10 de moyenne) 6