El Marco Modérateur

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  • La Confrérie des mutilés

    Brian Evenson

    9/10 Kline, un détective privé ayant perdu la main après avoir croisé la route d'un dangereux psychopathe, est approché pour une mission bien particulière : infiltrer une société secrète constituée de mutilés volontaires. Cette horde possède des règles très étranges, où la classification des séides se fait en fonction du nombre d'ablations. Assez rapidement, Kline se rend compte que son contrat ne va pas être simple à honorer. Sera-t-il capable de braver l'indicible, tant physique que psychologique, pour parvenir à ses fins ? Sans le savoir, au rythme des bouts de corps que l'on découpe comme de la simple viande, il bascule dans un univers dont il ne reviendra pas indemne.

    La confrérie des mutilés est un roman à la puissance narrative peu commune. D'entrée de jeu, en à peine quelques pages, le lecteur sombre dans un microcosme humain inouï, composé d'individus qui se plaisent à s'amputer pour gagner en autorité sur leurs semblables, ce qui génère des scènes détonantes où l'on oscille entre horreur et absurde. Brian Evenson est parvenu à créer un monde littéraire inédit, à la fois tragiquement plausible et déshumanisé, où la valeur d'un homme se réduit aux portions de son propre corps dont il a bien voulu se délester à l'arme blanche. Le ton employé, à la fois épuré et riche en références artistiques et religieuses, est singulier, et ne manquera pas de dérouter certains lecteurs. Des scènes d'automutilation, même si elles sont souvent lapidaires, risqueront de gêner la sensibilité des âmes sensibles.
    Néanmoins, si l'on parvient à s'extraire de cette retenue, il faut reconnaître à l'auteur des talents peu communs. L'intrigue est particulièrement originale, et son déroulement réserve de nombreux rebondissements et autres surprises machiavéliques. Le poids des mots choisis, la concision du récit et la palette de protagonistes, retors et inquiétants, suffisent à bâtir un roman d'une rare force de percussion. Il y a des flots d'hémoglobine, de morts violentes, parfois en surabondance, jusqu'au vertige littéraire, mais sous le verbe brutal de Brian Evenson se tapissent des réflexions très profondes sur le corps humain, le rapport à autrui, la rédemption, ainsi que des notions particulièrement éloquentes quant à la religion. Tel un démiurge, Brian Evenson a édifié une société ahurissante, instaurée selon des codes nouveaux, et faite d'êtres qui ne manqueront pas de marquer l'esprit du lecteur.

    A coup sûr, La confrérie des mutilés constitue un roman sensationnel, sans le moindre équivalent. Peut-être sera-t-il aux yeux de certains trop violent, voyeur ou outrancier, mais il ne peut susciter l'indifférence, ce qui est probablement la marque de ces livres dont on parle longtemps après. En somme, c'est au lecteur... de trancher.

    08/02/2011 à 17:52 2

  • Taxi, Take Off and Landing

    Sébastien Gendron

    9/10 Hector Malbarr est un homme anecdotique, sans passé ni présent et encore moins d'avenir. En transit dans l'aéroport de Copenhague, alors que sa compagne Glenda s'absente un instant, il fait la connaissance d'une femme aux formes atomiques, Angie, qui l'envoûte en quelques mouvements de la croupe. Hypnotisé, Hector tombe sous son charme, apprend qu'ils doivent se marier – alors qu'ils ne se connaissent même pas ! – et est emmené comme un bagage vers une île paradisiaque. Accrochez vos ceintures, déconnage immédiat !

    Sébastien Gendron n'est pas un anonyme. On lui doit, notamment, Le tri sélectif des ordures, Mort à Denise, opus de la série consacrée au Poulpe, et une participation au recueil Paris jour. Dans ce livre sans équivalent, on découvre un personnage particulièrement transparent, catapulté dans une aventure qui le dépasse dès les premiers jalons. Le ton est alerte et l'humour de Sébastien Gendron est absolument ravageur : dialogues incisifs, situations cocasses, protagonistes hilarants... Le lecteur bascule dans une histoire qui côtoie le pastiche de romans d'espionnage. D'ailleurs, certains éléments étayant ce fait sont sans ambiguïté, mais il serait dommage de les dévoiler tant la surprise est singulière. Il y a moins de deux-cents pages, agréablement entrecoupées de textes divers (courriels et saynètes vidéos) qui concourent à la loufoquerie de l'ensemble. Pas un seul temps mort, des scènes mémorables de dérision, et parallèlement, une intrigue bien ficelée qui ne manquera pas de combler le lecteur friand de légèreté.

    Avec ce second livre paru aux Éditions Baleine après Mort à Denise, Sébastien Gendron poursuit avec une œuvre inclassable, burlesque et unique. On pourra également se référer au blog lié au roman pour poursuivre et compléter ces heures de délire décomplexé.

    08/02/2011 à 17:51 1

  • Passe-temps pour les âmes ignobles

    Élie Robert-Nicoud

    9/10 Richard Carter est l'un de ces très nombreux Anglais venus habiter en Dordogne. Au hasard de ses achats, il est intrigué par un roman policier, et son étonnement chavire en profonde inquiétude lorsqu'il se met à le lire. A mots presque explicites, le mystérieux auteur a mis en scène des événements du passé de Carter ainsi que ceux de trois autres Anglais installés dans les parages. Qui peut bien être cet écrivain qui en sait tant sur eux ? Quels sont ses objectifs ? Cet inconnu en sait beaucoup sur eux. Beaucoup trop. Il va falloir trouver une solution. Peut-être radicale. Quitte à sortir les fusils de chasse pour faire taire cet impudent.

    Troisième roman de Louis Sanders après Février et Comme des hommes, Passe-temps pour les âmes ignobles est un remarquable roman noir. Un peu moins de deux-cents pages qui passent à la vitesse de la chevrotine. Des personnages humainement brossés, avec leurs faiblesses, leurs haines et leurs passés peu avouables. Une plume alerte, aux dialogues rares, laissant la part belle aux descriptions psychologiques. Un lacis d'anecdotes et d'histoires révolues qui reviennent à la surface du présent, avec un impact décuplé par le poids des haines et des trahisons. Des petits bourgeois en apparence si recommandables, mais en réalité alcooliques, prétentieux, désargentés, prêts à bien des crimes pour restaurer la part d'honorabilité qui pourrait encore être sauvée. Ces destins vont s'entrechoquer et se fracasser en un petit jeu de massacre qui n'épargnera personne. Les fusils de chasse parleront presque aussi fort que ces individus pour lesquels le lecteur va nourrir des sentiments changeants : d'abord la compassion, voire une certaine sympathie, puis une haine aussi létale que les cartouches qui vont jaillir de leurs armes. Les rebondissements vont s'enchaîner quant à l'identité de cet écrivain de l'ombre, jusqu'au dénouement qui éclate comme une détonation dans les toutes dernières pages. Une manipulation remarquable qui rappelle, dans une certaine mesure, celle orchestrée par Serge Brussolo dans Le nuisible.

    Louis Sanders a signé un roman qui panache la retenue toute britannique des individus qu'il décrit et la violence de ces malveillances larvées qui éclatent quand le soupçon devient incandescent. Une peinture au vitriol d'une classe sociale qui s'embrase pour ses propres intérêts jusqu'à allumer plus d'incendies qu'elle ne voulait en éteindre.

    01/02/2011 à 17:51

  • Gémeaux

    Maud Tabachnik

    4/10 Sans être complètement nul, ce livre lu il y a longtemps m'a laissé le souvenir d'un récit froid, inutilement "barbare" lors de certains passages (notamment au début, avec le viol d'une jeune femme), et sans psychologie véritable ni originale. Un roman fade qui ne m'a marqué que par sa transparence.

    31/01/2011 à 19:44

  • Les bagnoles ne tombent pas du ciel

    Lucienne Cluytens

    7/10 Un époux, pharmacien respecté. Une épouse éprise de religion. Une belle étudiante désargentée, jalouse et vindicative. Un trio explosif. Quand la conjointe est découverte morte d'une balle dans la tête, le mari est rapidement suspecté. Fin de l'histoire, le crime est presque trop évident. Sauf pour une jeune pédicure, amie du pharmacien, qui engage Marc Flahaut, reconverti en détective privé le temps que sa mise à pied prenne fin. Le flic accepte, sans se rendre compte à quel point les apparences peuvent être trompeuses.

    Après Lille-Québec aller simple, Lucienne Cluytens reprend le personnage de Marc Flahaut pour cette enquête, dépouillée et crédible. La langue de l'auteur est très agréable, et l'on plonge avec délectation dans le milieu empesé de la bourgeoisie provinciale, marquée par le conformisme et la tutelle de la religion. Les personnages sont savamment campés, sans cliché, avec suffisamment d'épaisseur et de zones d'ombre pour les rendre à la fois plausibles et douteux. Le récit, court, ne comporte aucun temps mort et l'on en arrive rapidement à l'épilogue, assez surprenant, même s'il aurait peut-être gagné à être développé ou explicité. Ce qui est particulièrement frappant dans cet épisode de la série consacrée à Marc Flahaut, c'est sa sobriété. Aucun mot de trop, pas de scène d'action échevelée ni de surenchère dans le sang ou le morbide : il s'agit d'une histoire simple et vraisemblable, où l'adultère côtoie la vengeance, la suspicion de meurtre la crédulité naïve.

    L'auteur de La grosse, Le petit assassin et des Peupliers noirs poursuit donc le sillon qu'elle trace au gré de ses romans : celui d'une bibliographie sereine et de belle tenue, à la fois ingénieuse et élégante.

    26/01/2011 à 19:47

  • Le département du diable

    Michel Honaker

    7/10 Dave Ofrion est un jeune informaticien de génie qui a mis ses talents au service de Surveyor System, une société qui épie des personnalités. Au cours de l'une de ses opérations, Dave voit sa mission basculer : l'homme qu'il surveillait est assassiné, et les tueurs semblent être sur sa piste. Qui sont-ils ? Quelles sont leurs motivations ? Dave n'a désormais plus le choix : il doit se retourner contre ses employeurs pour comprendre les raisons d'un tel drame.

    Auteur à succès de romans destinés à la jeunesse, Michel Honaker livre un thriller habile dans la collection Tribal de Flammarion. On y retrouve tous les éléments attendus : des personnages ambigus, un scénario qui tient la route, un style visuel et un ouvrage court pour plaire aux jeunes lecteurs. Les divers protagonistes sont bien campés, marqués par leurs zones d'ombre et leurs faiblesses, avec une mention particulière pour Dave, terrifié par le blanc de la neige depuis un drame passé et attaché à retrouver un père manquant. Ses connaissances en matière informatique lui seront d'une grande utilité, et on ne peut que louer l'imagination et l'efficacité de Michel Honaker. Certes, on pourra reprocher quelques ficelles un peu trop grosses par moments, mais certaines trouvailles ainsi qu'un rebondissement vers la fin du livre viennent rattraper ces petites lacunes.

    Au final, Le département du diable est un bon thriller pour adolescents, bien mené et à l'intrigue solide, mais qui pourra sembler parfois un peu « facile » pour les lecteurs adultes habitués à ce type de littérature.

    26/01/2011 à 12:44

  • Le Livre dont vous êtes la victime

    Arthur Ténor

    9/10 Une histoire très bien menée et imaginée, détournant avec intelligence les séries de romans dont le lecteur est sensé être le héros. Une intrigue efficace, des personnages attachants, et une idée de « book killer » savamment composée, entretenant un excellent suspense jusqu'à la fin de ce thriller fantastique pour jeunes lecteurs.

    19/01/2011 à 13:09

  • Une incroyable histoire

    William Irish

    8/10 Une nouvelle policière très intéressante, originale et au suspense savamment dosé, qui n'est pas sans rappeler « Fenêtre sur cour », ce film étant lui-même issu d'une nouvelle de William Irish.

    19/01/2011 à 13:08

  • Ki Du

    Patrick Raynal

    9/10 Un roman pour la jeunesse par l'un des maîtres français du genre, Patrick Raynal. Des portraits – physiques ou géographiques – brossés en quelques traits, un humour décapant, notamment dans les dialogues, et une intrigue qui ménage à la fois le suspense, la psychologie et l'action. Un peu plus de cent-trente pages de pur bonheur.

    19/01/2011 à 13:08

  • Lambada pour l'enfer

    Hector Hugo

    9/10 Une très belle histoire que celle de Rafaele, malheureux Colombien pris entre les feux croisés des trafiquants de drogue et des escadrons de la mort. Un récit très court et à l'écriture sèche, dont le final, particulièrement émouvant, est une véritable ode à la famille et à la jeunesse.

    19/01/2011 à 13:07

  • Nuit rouge

    Jean-Hugues Oppel

    9/10 Un très réussi roman à suspense. Encore une fois, l'écriture de Jean-Hugues Oppel fait merveille, accrocheuse, travaillée et efficace, avec des personnages bien incarnés. Un huis clos en pleine nature qui réjouira jeunes et moins jeunes.

    19/01/2011 à 13:06

  • L'affaire Jules Bathias

    Patrick Pécherot

    9/10 Une magnifique histoire, poignante et troublante, où le policier se mêle à l'étude historique. Des personnages touchants et une intrigue remarquable.

    19/01/2011 à 13:05 2

  • Ippon

    Jean-Hugues Oppel

    9/10 Un thriller pour les jeunes particulièrement efficace : phrases hachées, style direct au présent, descriptions léchées. Pas le moindre temps mort pour une tout petite heure de lecture. Assurément, dans le genre, un classique !

    19/01/2011 à 13:04

  • L'Homme en noir

    Thierry Jonquet

    8/10 Un roman réussi, où l'on suit une classe prise en otage par un homme armé et muni d'explosifs. Le regard des enfants sonne juste, l'ambiance de la ville brisée par les licenciements économiques également, et l'on passe un agréable moment avec ce livre destiné à la jeunesse.

    19/01/2011 à 13:03

  • Adieu mes jolies

    Jean-Paul Nozière

    7/10 Une enquête bien menée et des personnages croustillants. Le rythme est bon, le scénario solide, et l'on alterne entre les points de vue d'Alix Alix, le héros, et le tueur en série, moulu par ses relations avec les femmes. Il est juste dommage que la fin soit expéditive, voire expédiée.

    19/01/2011 à 13:01

  • Un cri dans la forêt

    Marin Ledun

    7/10 Un bon petit roman à suspense qui joue habilement sur les préjugés et les faux-semblants. Il est assez différents des autres ouvrages de Marin Ledun (pas de charge sociale) mais constitue un agréable moment de détente, en priorité destiné aux jeunes lecteurs.

    19/01/2011 à 13:00 1

  • Intelligence building

    Michel Honaker

    9/10 Un roman dont l'univers est très proche de celui de Serge Brussolo. Une tour immensément haute, d'étranges êtres qui la parcourent (les Mangeurs et les Briseurs), des événements hallucinants (dont les plus incroyables ne se produisent que vers la fin du récit)... Des personnages intéressants, une ambiance angoissante, un style captivant. Pas véritablement un polar, plutôt de la SF version jeune lecteur ; en tout cas, personnellement, je me suis régalé de ces aventures palpitantes et sacrément originales comme un gosse !

    19/01/2011 à 12:59

  • Un tueur à ma porte

    Irina Drozd

    8/10 Paru pour la première fois dans le numéro de juin 1997 de « Je Bouquine », un roman très court – environ 70 pages – et idéal pour les jeunes lecteurs. Une écriture simple et un scénario à la fois sobre, classique et efficace, qui plaira en priorité aux collégiens. Un ouvrage destiné presque uniquement à la jeunesse, à l'intrigue bien conçue et au suspense savamment entretenu.

    19/01/2011 à 12:58

  • Sherlock Heml'os mène l'enquête

    Jim Razzi

    7/10 Neuf courtes nouvelles où l'œuvre d'Arthur Conan Doyle est détournée, mettant en scène ses deux limiers que sont Sherlock Holmes et le docteur Watson sous la forme de deux chiens, menant des enquêtes dans une ville peuplée d'autres chiens anthropomorphiques. Les énigmes sont présentées et leurs solutions respectives livrées à la page suivante. Un concept intéressant et original, plein d'humour et de malice. Cela se lit très vite et avec intérêt. Évidemment, dans la mesure où il s'agit d'un roman pour la jeunesse, les énigmes sont très simples à résoudre, et n'importe quel lecteur adulte les dénouera sans la moindre difficulté. Néanmoins, pour de très jeunes lecteurs (je pense entre 9 et 13 ans), c'est très sympathique, efficace et prenant.

    19/01/2011 à 12:58

  • L'Assassin de papa

    Malika Ferdjoukh

    7/10 Un agréable roman à suspense, bien écrit et prenant. L'aspect social ainsi que les relations entre Valentin et son père prennent le pas sur une intrigue policière assez secondaire et qui se résout d'ailleurs presque trop facilement, mais on passe un bon moment de lecture. A réserver néanmoins en priorité aux jeunes lecteurs.

    19/01/2011 à 12:56 1