El Marco Modérateur

3708 votes

  • Les Coulisses

    Gabriele Di Caro

    7/10 Une femme, Esméralda, s’effondre, morte, à la porte de la maison close de madame Fleury. La victime s’avère être hermaphrodite. Sexe omniprésent (beaucoup trop à mon goût, comme dans le tome précédent), intrigue intéressante avec cette curieuse société secrète, un rebondissement assez subtil pour une intrigue prenante. Vivement la suite (et fin).

    17/11/2024 à 08:00 3

  • Le Chant des innocents

    Piergiorgio Pulixi

    8/10 « Une adolescente poignardée. Un père assassiné à coups de marteau. Un prof poignardé au stylo » : depuis peu, une série de crimes sauvages ensanglante la ville. Leur point commun ? Les assassins sont tous des collégiens qui n’ont même pas essayé de fuir les lieux de leurs forfaits ni même justifié leur acte. Parce qu’il suit une évaluation psychologique à la suite du meurtre d’un collègue, le commissaire Vito Strega n’est pas placé sur l’enquête, mais son sentiment est limpide : d’autres homicides suivront.

    Piergiorgio Pulixi, à qui l’on doit également la formidable série consacrée à Mara Rais et Eva Croce, signait ce thriller en 2015. L’histoire est rapidement addictive, et au-delà de son ingéniosité, c’est aussi grâce à sa forme : très peu de descriptions, des ellipses surabondantes, des dialogues omniprésents. On est vite séduit par la personnalité de Vito Strega : ancien commando multimédaillé qui a ensuite suivi un cursus en psychologie, imposant, bourreau de travail, sa vie personnelle est un naufrage et il aime méditer sur le toit de son immeuble, parfois en compagnie de la jeune Jessica ou de sa chatte. Pour le moment sur la touche en raison du meurtre de Jacopo Di Giulio – dont on n’apprendra qu’à la fin de l’ouvrage les poignantes circonstances –, il va tout de même participer officieusement à l’investigation, d’abord de façon distante puis en s’y engageant pleinement. Piergiorgio Pulixi nous gratifie de chapitres particulièrement courts et dynamiques – il y en a 117 alors que le roman est assez concis – et l’intrigue est habilement menée, avec quelques éclats de violence mémorables comme cette tuerie de masse ou cette attaque à l’acide dans une église. On regrette parfois que l’histoire creuse trop le sillon psychique et moral de son protagoniste en oubliant de faire de même avec les adolescents mis en cause ou avec leur mentor, ainsi que certaines superficialités quant au contenu purement policier de l’enquête. Cependant, voilà un ouvrage bigrement prenant, au tempo remarquable, et qui, curieusement, tisse une connivence inattendue avec un livre de Bernard Minier tant leurs révélations communes sont proches.

    Un thriller très réussi, au rythme plus que soutenu, indiquant déjà tout le talent de son auteur.

    15/11/2024 à 06:56 5

  • Celui qui sait

    Ian McGuire

    9/10 Manchester, novembre 1867. Le lieutenant James O’Connor est en poste depuis peu de temps après avoir dû quitter la police de Dublin, et ses supérieurs comptent sur ses origines irlandaises pour obtenir plus facilement des renseignements auprès de ses compatriotes mancuniens qui souhaitent se soulever contre le pouvoir anglais. Dans le même temps, Stephen Doyle, un vétéran de la guerre de Sécession, vient d’arriver à Manchester où il est employé par les féniens – des nationalistes irlandais – pour commettre des actes terroristes. Le neveu d’O’connor, le jeune Michael Sullivan, débarque peu de temps après, et il pourrait être parfait pour infiltrer les rangs ennemis. Une étrange danse va s’orchestrer avec ces trois personnages. Une valse macabre.

    On connaissait déjà Ian McGuire pour son excellent Dans les eaux du Grand Nord, et c’est avec entrain que le lecteur se ruera sur ce nouvel opus. Autres lieux, intrigue et cadre différents, mais le charme opère de nouveau. L’auteur reconstitue avec un talent rare la misère du Manchester des années 1860, les luttes politiques teintées de rixes religieuses, ainsi que la géopolitique locale. Les personnages sont particulièrement réussis. O’Connor, ayant perdu femme et enfant de la pleurésie, est obligé de lutter pour ne pas sombrer à nouveau dans l’alcoolisme, et il a bien du mal à trouver sa place auprès de ses collègues ou de ses compatriotes – pas assez anglais, plus suffisamment irlandais. Doyle est une pure machine de guerre, entièrement consacrée à son art de dispenser la mort, physiquement marqué par le conflit américain et reconverti dans le mercenariat. La société de l’époque, vu du point de vue policier, est détonante, entre sombres trafics, maillages des indics, éthylisme et pauvreté endémiques. Le travail de documentation d’Ian McGuire est particulièrement solide et sa plume enténébrée restitue à merveille les obscurités ambiantes. Le final est d’ailleurs étonnant : l’écrivain refuse la confrontation tant attendue dans la Pennsylvanie rurale pour offrir un chapitre atypique, tout en ellipses et récusant ce que l’on pouvait attendre de cette conclusion, et l’effet n’en est que plus réussi.

    Un roman encore une fois singulier et efficace, d’une rare noirceur, confirmant les immenses qualités littéraires d’Ian McGuire.

    14/11/2024 à 06:58 7

  • L'Alpha et l'Oméga

    Estelle Tharreau

    9/10 La vie de Nadège Solignac a été ponctuée de drames qualifiés d’accidentels : en réalité, même si elle a été absoute par la justice et que seules des présomptions persistent, elle est une tueuse. « Noyer un flic, immoler son père, défenestrer sa nièce ou cramer un SDF » ne la remplissent pas de joie, elle n’est pas une psychopathe, juste une femme qui détruit « les nuisibles et les inutiles ». Quand elle tombe enceinte et élève son fils Cédric, elle a déjà pour lui de grands projets : devenir le mâle alpha. Mais ce projet va graduellement réveiller chez elle de purs démons tandis qu’en Cédric, le loup commence à hurler.

    Estelle Tharreau est une écrivaine dont on pense le plus grand bien, à Polars Pourpres. Ses derniers romans (La Peine du bourreau, Il était une fois la guerre et Le Dernier Festin des vaincus) étaient tous d’authentiques réussites, des livres originaux, forts et marquants, et L’Alpha et l’oméga est un bijou. Choral, alternant les points de vue entre Nadège, Cédric et Julien – le frère de Nadège –, il érige, une brique après l’autre, les sinistres constructions morales et psychologiques de deux individus dont les remparts vont lentement s’éroder puis se désagréger. De multiples passages sont effrayants de noirceur sans pour autant tomber dans le piège littéraire que sont le voyeurisme ou la surenchère. Dès les premières pages, on comprend qu’Estelle Tharreau va nous emmener loin, dans des eaux lugubres et très profondes, là où l’air se met à manquer avant que l’apnéiste ne soit complètement asphyxié. Les meurtres sont d’ailleurs bien moins édifiants que la manière dont Nadège va à la fois aimer et dresser son bébé – devenant enfant, adolescent puis jeune adulte – afin qu’il intègre la communauté des hommes en demeurant dans ce qu’elle appelle « la zone grise », à l’affût, loin de la stupidité et le grégarisme de ces individus devenus têtes de bétail. La plume est corrosive, le style sec, les descriptions psychologiques vertigineuses de précision : en quelques mots, au gré de situations mémorables, l’auteure manifeste son talent et sa maîtrise d’un bout à l’autre de ce livre féroce, sombre, désenchanté. Et l’on ne parlera même pas du final, en plusieurs temps, qui éclate à la manière d’un feu d’artifice enténébré, avec des révélations sulfureuses et singulières, achevant ce récit et consommant le peu d’oxygène qui restait.

    Un livre remarquable, ciselé à la manière d’une rose des vents littéraire prise au milieu de courants contraires et ambigus. Estelle Tharreau est une véritable orfèvre de la littérature.

    13/11/2024 à 06:58 7

  • Laisse nos cauchemars !

    Christophe Guillaumot

    7/10 Nicole Pavard prend en otage la commissaire Berthelot afin que l’innocence de son fils, Patrick, soit enfin démontrée. Celui-ci a été reconnu coupable des faits d’homicides et purge désormais sa peine dans un asile psychiatrique : il avait coutume d’écraser ses victimes avec un véhicule, de découper les étiquettes de leurs vêtements et de leur fourrer des poèmes dans la bouche. Problème : Patrick Pavard était loin d’être un grand lecteur et encore moins versé en poésie. Le policier Ruben Arcega et son acolyte, le jeune Gaspard, vont devoir mener l’enquête, sans même se douter que le père de l’adolescent va brutalement refaire surface…

    Après Un Morceau de toi et Efface-moi !, voici le troisième tome de la série consacrée au Bureau des affaires non résolues. On a le plaisir de retrouver Gaspard et Ruben pour une histoire qui commence sur les chapeaux de roues, avec l’inhumation d’un individu alors qu’il est encore bien vivant, puis la policière Berthelot aux prises avec une mère armée d’une grenade et déterminée à ce que son fils soit innocenté et libéré. Le ton de Christophe Guillaumot est alerte, maîtrisé, souvent proche de celui de la littérature pour adultes. L’histoire s’amorce de manière grandiose mais la suite ne tient pas toutes ses promesses. On a certes droit à une intrigue forte et haletante, mais le dénouement est loin d’être à la hauteur des attentes : le cas de Patrick Pavard passe au second plan, loin derrière l’histoire familiale liée à Gaspard et à son père Martial, et le lecteur se sent en partie floué par ce côté non résolu. Entre incendies, urbex à la piscine Alfred-Nakache de Toulouse et confrontation avec ce sinistre personnage qu’est le paternel de Gaspard, il y a certes du potentiel et de beaux moments de tension, mais Christophe Guillaumot semble avoir évacué beaucoup trop vite l’enquête principale de cet ouvrage.

    Un troisième tome un peu en deçà des précédents, et qui paraît conclure pour de bon la série. Croisons néanmoins les doigts pour que l’écrivain et son éditeur changent d’avis.

    12/11/2024 à 06:57 2

  • L'Île de Yule

    Johana Gustawsson

    9/10 La jeune Emma Lindahl est missionnée pour inventorier les biens de la richissime famille Gussman. Mais sur la minuscule île où elle va officier, les ombres du passé demeurent : « la pendue de Storholmen » retrouvée le 29 décembre 2012, une autre femme découverte neuf ans plus tard jour pour jour dans la mer, un général déserteur qui aurait dissimulé un trésor sur l’îlot, une chute mortelle dans le manoir en 1994…
    J’ai adoré ce thriller. L’aspect choral (Karl Rosén, le policier ; Emma, l’experte en art ; Viktoria, la domestique) et l’immersion via les récits à la première personne sont de belles trouvailles. L’ambiance est pesante, les secrets et autres non-dits évidents, et je me suis laissé gagner par cette apparente torpeur des premiers chapitres jusqu’à ce que les rebondissements explosent en un véritable feu d’artifice. Impossible de raconter quoi que ce soit sans rien révéler, mais les twists sont multiples : « l’identité » d’Emma, le passé de l’enquêteur et le rapport avec la disparition de sa femme Freyja – disparue en se noyant –, cette histoire de cycle des neuf ans, le passé et le présent qui sont restés enchevêtrés, cet ado mal dans sa peau et au comportement étrange, la mythologie nordique, ces ossements découverts dans une malle, ces relations familiales surprenantes, etc. Un déluge inouï de révélations (parler comme Franck 28 d’un « dénouement plutôt inattendu » me paraît pour le moins douteux dans la mesure où il y a une dizaine de rebondissements ; à croire que c’est, pour cet internaute, un moyen de faire semblant d’avoir lu les livres qu’il commente sans trop se mouiller) au gré d’un récit très bien écrit. Bref, à mes yeux, un excellent thriller où les manipulations et faux-semblants sont nombreux, imprimant un rythme fou à ma lecture.

    07/11/2024 à 19:42 5

  • Léonard

    Cécile Jugla, Franck Thilliez

    8/10 Alice, la femme du professeur Angus, a essayé, il y a quinze ans de ça, de contrecarrer les recherches expérimentales du colonel Bloom, et elle se retrouve à présent bloquée dans les cauchemars de Léonard, reclus à la clinique. Décidés à la sortir de là, Tristan, Esteban et Sarah pénètrent dans l’esprit de l’adolescent tandis que le militaire arrive sur place afin de reconquérir ce projet Morpheus.

    Ce cinquième tome de la série de romans consacrée à la Brigade des cauchemars est tout aussi réussi que les précédents. Novélisé par Cécile Jugla d’après les bandes dessinées du même nom scénarisées par Franck Thilliez, il propose dès son entame un flashback fort instructif et poursuit en nous offrant de magnifiques révélations quant à certains personnages. Les illustrations de Yomgui Dumont, extraites des bandes dessinées précitées, sont de toute beauté, et le récit est à la fois prenant et échevelé. Entre références à Alice au pays des merveilles, dédale de miroirs, messages codés, rats menaçants, et controffensive des soldats, voilà un ouvrage non seulement efficace mais également marquant. D’ailleurs, l’épilogue permet un virage scénaristique marqué, proposant un second souffle à cette série, avec Alice confiant à son époux avoir élaboré « une nouvelle machine pour un nouveau genre de voyage ».

    Un tome particulièrement riche et réussi, et l’on ne peut que piaffer d’impatience à propos des prochaines novélisations à paraître.

    04/11/2024 à 07:00 1

  • L'Epéiste

    Stéphane Créty, Pierre Pevel

    8/10 Autour d’une quête mêlant alchimie et astrologie, la croisade de Gueule-de-cuir en 1633 dans le décor parisien. Cet homme, de son vrai nom Jean-Philippe Baptiste Gagnière, duelliste, permet au scénariste de panacher le genre traditionnel de capes et d’épées et celui du (super)héros au gré de magnifiques dessins et, même si le clin d’œil à l’univers des comics me paraît un peu trop appuyé (le coup du masque m’a semblé un peu excessif), voilà le premier tome palpitant et fort distractif d’une série que je suivrai de près.

    03/11/2024 à 18:52 2

  • LastMan tome 1

    Balak, Michaël Salanville, Bastien Vivès

    5/10 Le jeune Adrian Velba s’entraîne dur pour le prochain tournoi de combats, mais son partenaire, Vlad, est malade : du coup, ni l’un ni l’autre ne pourront concourir. Justement, un inconnu adulte qui a décidé de venger la mort de son ami lors d’un match et qui s’appelle Richard Aldana vient de rater de peu le moment des inscriptions et décide de faire équipe, un peu malgré lui, avec Adrian.
    Un dessin très original, épuré à souhait et aux teintes également minimalistes, pour ce premier tome qui ne m’a pas emballé plus que ça, peut-être à cause de ce scénario guère original et ce ton si gentillet (pas de sang, pas de violence véritable). Seuls quelques petits – et rares – traits d’humour m’ont fait sourire, dont cette ressemblance flagrante (et certainement souhaitée) entre les premiers adversaires du duo et les défunts frères Bogdanov. Bref, rien de bien passionnant à mes yeux : je continuerai peut-être cette série, mais ça n’est vraiment pas certain.

    03/11/2024 à 18:51 2

  • Le Taureau de Scapa Flow

    Gerardo Balsa, Mark Jennison

    5/10 Je n’ai pas particulièrement apprécié ce premier tome, qui commence par l’apparition en 1939 d’un sinistre U-Boot qui s’en prend à un navire de guerre. Le graphisme est assez agréable mais le scénario s’avère plutôt inconsistant et guère original ni passionnant, sans véritable colonne vertébrale, au point que les événements et épisodes s’assimilent à mes yeux à de petits engrenages qui tournent à vide sans rien entraîner en retour. Une déception.

    28/10/2024 à 08:08 1

  • La Vengeance de Zaroff

    François Miville-Deschênes, Sylvain Runberg

    9/10 L’ombre du comte Zaroff réapparaît au hasard d’un courrier reçu en novembre 1941 à Bâton Rouge, et quand des forces armées, suivant la confession d’un homme détenu, prennent d’assaut la demeure du monstre, ça tourne au massacre. Mais ce sinistre personnage pourrait servir les intérêts des Etats-Unis dans le cadre de la recherche nucléaire.
    Un second tome aussi percutant que le premier, au graphisme remarquable. L’entremêlement avec la Seconde Guerre mondiale est une idée brillamment exploitée. Le final, assez sombre, avec la lutte intrafamiliale et l’ultime planche, aurait presque laissé augurer un troisième tome. Vraiment, du grand art.

    28/10/2024 à 08:07 3

  • Demokratia tome 2

    Motoro Mase

    8/10 La prise d’otage se poursuit sur une soixantaine de pages, et pourtant, grâce au duel mental qui s’engage tout en finesse et en intelligence, ça passe très facilement. Le principe, détourné, des votes et des réactions de Mai (quitte à provoquer sciemment un meurtre), est décidément excellent, toujours avec un graphisme particulièrement soigné et réussi. L’accent est une fois de plus mis sur l’analyse psychologique des personnages autant que des foules, et c’est un régal de bout en bout. Chapeau pour l’originalité de cette série autant que pour les réflexions qu’elle induit nécessairement chez le lecteur !

    24/10/2024 à 08:19 2

  • Le Choix du mensonge

    Damien Andrieu, Patrice Buendia

    7/10 Gustav, le père du jeune Hans Raeder, est mort pendant la Première Guerre mondiale en héros à bord de son avion : il a été abattu par des adversaires qui s’y sont mis à plusieurs et il a, dit-on, évité une ferme au moment de s’écraser. En réalité, Werner est mort fauché par la mitraille d’un avion. Graduellement, Hans va nourrir le rêve de devenir pilote et de se venger de la nation qui a tué son paternel.
    Un très agréable graphisme et un récit intéressant – parfois un peu attendu mais ça me semble en partie inévitable – pour ce premier tome réussi. L’épisode final de la foudre intrigue.

    21/10/2024 à 22:17 1

  • Le Loup peint

    Jacques Saussey

    6/10 Je sors de la lecture avec un sentiment mitigé. Le rythme est là, les chapitres s’enchaînent plutôt bien, l’ensemble apparaît solide et l’histoire ne manque pas d’intérêt. L’aspect bioterroriste est agréable à suivre et la diversité des personnages rend le récit plaisant. Néanmoins, j’ai trouvé plusieurs écueils. L’humour bidasse un peu appuyé m’a semblé surfait, excessif et tellement appuyé – au même titre que certains défauts des policiers, parfois caricaturaux – que ça m’a agacé (et je ne parle même pas de la page 412 – édition poche – avec des noms de rues attribués à des noms d’écrivains : c’est gentillet mais ça désagrège en partie la crédibilité au profit d’une blagounette pas nécessaire). Les coïncidences, notamment dans les rapports passés entre la tueuse – de son vrai nom Isabelle Larchand –, sont trop capillotractées. Enfin, j’ai trouvé que les protagonistes manquaient de finesse psychologique, sans véritable densité, au point d’en devenir des pions unidimensionnels. Bref, un ensemble divertissant mais bien loin des frissons annoncés en ce qui me concerne.

    21/10/2024 à 08:00 3

  • Les Trois Meurtres de William Drever

    John Wainwright

    8/10 « Coupable ». Le verdict est tombé, implacable, lumineux, presque évident. William Drever est coupable du meurtre de trois femmes, des prostituées. Il a toujours clamé son innocence mais les faits sont opiniâtres et la cause entendue. Sa femme, Carol, va devoir apprendre à vivre avec ce sentiment proche de celui de la culpabilité : elle a épousé un authentique boucher, et cette infâmie souillera également leurs enfants et les parents de l’assassin. Mais il se pourrait que les apparences soient trompeuses, et c’est ce que vient indiquer la dénommée Ruth Linley : William Drever est au moins innocent de l’un des homicides. Et pour cause : la victime était sa propre fille.

    John Wainwright, à qui l’on doit les très bons Bois de justice, Les Aveux ou encore Une Confession, signait ce roman noir en 1982, et c’est une bien belle idée de la part de Sonatine puis de 10-18 que de le rééditer. On y retrouve cette langue si belle, parfois exquise, à la fois ciselée et tragiquement caustique, où les non-dits apparaissent graduellement au gré des quelque trois cents pages de l’ouvrage. Il est d’ailleurs intéressant de lire à quel point son écriture et son style pourraient, à de nombreux passages, être comparés à ceux de Georges Simenon, avec un vitriol évident dans les descriptions des relations intrafamiliales, les bassesses humaines, les vicissitudes morales. L’idée de départ est alléchante, de séduisantes sagaies sont distribuées à la face du monde et de la société, et on se délecte de ces petits instants de pur acide. L’épilogue récompense la patience du lecteur : le rebondissement est bien trouvé, à la fois féroce et percutant, abject et mémorable. En fait, cette explication cadre parfaitement avec ce qui l’a précédée : John Wainwright brise le vernis de la bien-pensance, mais pourquoi le faire délicatement quand on peut utiliser un marteau-piqueur ?

    Un livre très bien écrit et mené, dont le final, croustillant et retors, est une pure réussite.

    18/10/2024 à 07:01 5

  • Le Loup parmi nous

    Jeremy Behm

    7/10 Tout avait pourtant bien commencé pour Allison et son copain Hugo quand ils se sont retrouvés au chalet de leurs amis, la riche famille Guériat, à Innsbruck. Ils se connaissent tous bien et s’apprécient, mais une nuit de tempête fait germer une idée dans l’esprit de l’un des invités : jouer aux loups-garous. La situation dérape tragiquement quand une véritable bête débarque au cours de la partie et décide de s’en prendre aux joueurs.

    Jeremy Behm nous revient ici dans la collection Hanté de Casterman avec ce livre. Le style est impeccable, le décor idéal pour planter une intrigue inquiétante, et l’auteur sait comment poser les jalons d’une situation qui va vite déraper. Les personnages sont hautement sympathiques et le jeune lectorat auquel cet ouvrage est adressé ne pourra que les apprécier. L’histoire regorge de sensations fortes et de scènes marquantes, avec un appréciable déluge de moments forts où l’adrénaline côtoie la panique. Court, dense et bien mené, ce livre n’a finalement que le défaut de s’avérer assez classique tant dans la forme que dans le fond : le thème des loups-garous est connu de tous et surexploité, aussi aurait-on apprécié quelques singularités ou variations sur ce sujet afin que cette œuvre puisse pleinement s’extirper de l’interminable quantité de récits si proches.

    Un bon thriller fantastique à destination des jeunes de la part de Jeremy Behm, fécond en passages corsés, dont on regrette juste le manque d’originalité.

    15/10/2024 à 06:56 1

  • Les Fantômes de Skutebukta

    Jørn Lier Horst

    8/10 Cecilia, Leo, Uriel et Ego, le chien, composent l’équipe surnommée « CLUE ». Un nouvel événement inquiétant vient de survenir dans leur village côtier norvégien : une tombe vient d’être profanée. Très rapidement, d’autres incidents apparaissent, et nos adolescents en viennent à imaginer le pire. Il se pourrait même que cette enquête leur permette d’enfin comprendre ce qui s’est passé, un an plus tôt, lorsque la mère de Cecilia est tombée du haut d’une falaise.

    Ce quatrième opus de la série Clue ne déroge pas à la qualité des précédents opus, et Jørn Lier Horst nous enchante une fois de plus. Le roman, assez court et destiné à la jeunesse, met donc en scène ces jeunes détectives et, une fois de plus, la qualité de l’écriture comme l’intelligence de l’intrigue sont à souligner. Ici, les pistes sont nombreuses : le spectre d’un ancien pasteur, l’or des nazis, d’étranges vols d’oiseaux, une grotte saturée de mystères, le trésor d’un vieux bateau, deux personnages sinistres qui viennent d’arriver au village, etc. Jørn Lier Horst multiplie les probabilités et en dégage un récit cadencé et très crédible, qui trouvera son dénouement dans un épilogue particulièrement tendu. En outre, cette conclusion pourrait bien enfin apporter une explication quant à la mort de la mère de Cecilia sans pour autant porter un point final à cette très bonne série qui comporte, au moment où nous écrivons ces lignes, encore six tomes à ne pas avoir été traduits en français.

    « Mais il restait bien des énigmes à élucider… » sont les derniers mots de cet ouvrage : vu la qualité de celui-ci, nous ne pouvons qu’espérer qu’effectivement, les prochaines histoires seront aussi réussies.

    14/10/2024 à 06:52 3

  • Sol-13

    Harry Bozino, Federico Dallocchio

    6/10 L’agente Eiko, envoyée en reconnaissance sur une planète hostile, Sol-13, où des êtres humains, les Terrois, sont soumis à l’esclavage, ne répond plus. La générale Lemming mandate Jatred et un autre soldat pour aller sur place la récupérer, comprenant que les Mokkaïs, capables de pénétrer les esprits de leurs adversaires, y trament quelque chose de louche. Jatred a d’ailleurs juste le temps d’infiltrer un vaisseau ennemi alors que celui-ci s’apprête à plonger sous la surface des eaux pour délivrer Eiko.
    Une BD de SF assez classique, tant dans le fond que dans la forme, qui panache néanmoins un peu trop d’éléments déjà lus ou vus ailleurs bien des fois. A voir plutôt comme un honnête hommage à la SF d’il y a quelques décennies.

    13/10/2024 à 18:32 2

  • Skyhigh tome 1

    Tsutomu Takahashi

    8/10 Noriko est morte assassinée alors qu’elle était enceinte, et elle arrive dans l’au-delà où on lui fait une curieuse offre : « hanter et tuer quelqu’un du monde réel ».
    Je retrouve avec bonheur l’univers si caractéristique de Tsutomu Takahashi. Le trait est toujours aussi typé, noir, âpre, et sa puissance de percussion se distingue parfois dans une simple image (cf. les hommes aux cervicales explosées aux portes de leurs cellules, le sacrifice de Murata pour sauver une femme en détresse ou l’immolation du tueur obèse). Le scénario est également très réussi, avec des personnages qui ne tombent jamais dans la caricature et, même si le sujet semble de prime abord classique, son traitement est vraiment fort.

    13/10/2024 à 18:31 2

  • Tempêtes

    Andrée A. Michaud

    8/10 Après le décès de son oncle qui s’est jeté du haut d’une falaise, Marie Saintonge, quadragénaire, emménage dans la vieille maison du défunt. Dans un hiver matraqué par les bourrasques et moulu par un froid polaire, elle va vite être confrontée à des phénomènes étranges. A l’été suivant, non loin de là, Ric Dubois, écrivain de l’ombre qui prêtait sa plume à Chris Julian, retrouvé mort après s’être fait sauter la tête avec son .45, décide de passer quelque temps dans un camping afin de mettre la dernière main à Orages à Red River, le livre à peine esquissé par le mort. Il va à son tour devenir la proie d’événements bizarres. A croire que la Nature ambiante est une carnassière.

    Andrée A. Michaud signait ce livre en 2019, et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est marquant. L’auteure exploite son style littéraire si particulier – pas de dialogue, uniquement du discours indirect libre parfois volontairement maltraité – pour mieux nous immerger dans ce récit caverneux. Les deux personnages que sont Marie et Ric occupent chacun les deux premières parties du livre et ne feront que se croiser de manière éphémère lors du final. Il devient dès lors très complexe de résumer ce roman tant Andrée A. Michaud se plaît à brouiller les pistes, rendre impénétrables des voies qui auraient pu être de véritables avenues, surcharger des passages pour mieux étouffer le lecteur. Si l’ensemble est noir et bascule plus clairement dans le fantastique dans les vingt dernières pages, il ne faut pas s’attendre à des rebondissements sauvages, des twists enflammés : l’écrivaine excelle davantage dans le domaine de la strangulation que dans l’art des électrochocs. Personnages denses et équivoques, paragraphes sciemment déroutants, québécismes à foison et circonvolutions plutôt que lignes directes : voilà un ouvrage difficilement domptable, qui ne plaira certainement pas à tous, mais qui a au moins comme immenses qualités de ne ressembler à aucun autre ainsi que de refuser toute facilité.

    Andrée A. Michaud surprend et malmène, et ce jusque dans la dernière ligne où un message entendu à la radio vient, une fois encore, percuter son lectorat. Une histoire lente, âpre et indomptée, avec une auteure bien retorse qui préfère la longue asphyxie aux violents effrois.

    11/10/2024 à 06:53 4