El Marco Modérateur

3283 votes

  • La Nuit Interdite

    Thierry Serfaty

    9/10 Vénéneux, instructif sans être bavard, saisissant, cette première pierre de l’édifice de la série consacrée à la Pyramide mentale est une véritable réussite.

    26/11/2012 à 15:08 1

  • Le bal de l'Equarrisseur

    Guillaume Prévost

    9/10 Voilà un opus bien né et d’une rare efficacité. En plus d’être culturellement enrichissant, il se montre diablement original et marquant. C’est donc avec fébrilité que l’on se ruera tout naturellement sur le troisième livre de la série, à savoir Le Quadrille des maudits.

    12/11/2012 à 15:30 2

  • Interception

    Marin Ledun

    9/10 Valentine est épileptique, et son état semble empirer. Pire : elle est désormais la proie de cauchemars récurrents et effrayants. Ses parents décident de lui faire intégrer un lycée-clinique expérimental. Mais sur place, l’adolescente se rend compte que sa guérison ne fait pas nécessairement partie des objectifs des médecins.

    Écrivain reconnu en littérature pour adultes, Marin Ledun a également composé des œuvres pour les jeunes, comme Un cri dans la forêt et Luz. Il signe ici un ouvrage qui paraît dans la collection Thriller de chez Rageot, et la magie opère immédiatement. Le style est attisé, sec, brutal. Les chapitres se dévorent à toute allure, et le roman est bâti de manière très intelligente. Mais au-delà de la forme, remarquable, c’est l’histoire qui stupéfie. Une fille, sujette à l’épilepsie, et qui peut ainsi accéder à un monde parallèle, semblable à un dédale ponctué de portes, derrière lesquelles se trouvent des univers possibles et contrôlés par des spectres ainsi qu’un bien étrange personnage. Le pari était osé : proposer aux lecteurs – jeunes – un récit d’une originalité inouïe, servie par une plume incendiaire et incendiée. Et ce défi est amplement réussi. Tout, dans ce livre, est accrocheur et percutant. Il est d’ailleurs bien difficile d’évoquer le contenu de cet opus sans dévoiler certaines situations qui ne manqueront pas de surprendre, quel que soit l’âge de celles et ceux qui le liront.

    Dans cette collection naissante, nous avions, entre autres, le percutant Blackzone de Philip Le Roy, le cérébral Spiral de Paul Halter, et l’engagé et lyrique Dernier ours de Charlotte Bousquet. Nous avons désormais cet inclassable livre survolté de Marin Ledun, qui achève de faire de cet auteur, s’il en fallait encore une preuve, l’un des meilleurs de sa génération.

    06/11/2012 à 15:16 2

  • Taxiphobie

    Michel Honaker

    8/10 Jaryl Andrup est un raider. Son métier : faire de l’argent en bourse, quitte à user de moyens brutaux, sans la moindre déontologie. Sa vie est opulente. Mais tout déraille lorsque sa voiture de sport entre en collision avec un taxi. Rapidement, Jaryl se sent épié, voire menacé. Il semblerait que tous les taxis de la ville se soient ligués contre lui…

    Auteur à succès, Michel Honaker n’en finit pas de régaler ses fans, à savoir les jeunes. Dans ce court roman, dont la concision pourrait presque le faire ressembler à une nouvelle, l’ambiance est rapidement posée. L’action et le suspense sont omniprésents, et ce jusqu’au final qui se déroule dans les ultimes pages. La plume de l’auteur fait, une fois de plus, des merveilles, allant à l’essentiel, de manière nerveuse et imparable, pour littéralement scotcher le lecteur. L’ensemble se lit à très grande vitesse, et l’on passe un excellent moment, que l’on soit jeune ou adulte. Ce qui est aussi édifiant dans cet ouvrage, c’est l’apparente simplicité avec laquelle Michel Honaker sait rendre crédible une ambiance paranoïaque. Tout s’enchaîne de manière fluide et plausible. Un tour de force.
    Ce qui est également judicieux, c’est le choix de l’écrivain quant au protagoniste principal. Souvent, la littérature jeunesse met en scène des personnages sympathiques, et immédiatement attachants, auxquels on peut s’identifier. Jaryl Andrup est au contraire machiavélique, sournois, odieux. L’engrenage dans lequel il va lentement entrer fait cependant que l’on éprouve de l’empathie pour lui, voire de la sympathie.

    Une fois de plus, Michel Honaker écrit avec une justesse et une efficacité folles. Un roman d’une simplicité redoutable, qui ne pourra que plaire aux lecteurs, indépendamment de leur âge.

    06/11/2012 à 15:12

  • Pointe blanche

    Anthony Horowitz

    8/10 Le milliardaire Michael J. Roscoe tombe par accident dans une cage d’ascenseur et décède. Telle est ce qu’indique la version officielle. Concrètement, par un habile stratagème d’hologramme, un tueur l’a fait chuter pour que cela ressemble à un accident. Les services secrets britanniques confient alors à Alex Rider, espion de quatorze ans, une nouvelle mission : aller enquêter sur un pensionnat pour adolescents turbulents dans les Alpes, nommé Pointe Blanche. En effet, le fils de Roscoe s’y trouve, de même que d’autres enfants d’individus riches ou influents, et un des géniteurs de ces jeunes est également mort dans des circonstances étranges. Rapidement, Alex se rend compte que se noue sur place un bien étrange complot…

    Deuxième ouvrage de la série consacrée à Alex Rider après Stormbreaker, ce Pointe Blanche permet de retrouver cet espion en herbe, doué à la fois physiquement et intellectuellement. Il dispose de gadgets high-tech, sait mener des enquêtes discrètes, et se retrouve de nouveau confronté à une conspiration inquiétante et terrible. Anthony Horowitz sait user d’une langue qui s’adresse immédiatement aux jeunes lecteurs, puisqu’elle est simple, efficace, tout en tramant un scénario solide et percutant. Les chapitres alternent rapidement, sans temps mort, les scènes d’action sont pétaradantes comme on est en droit de les attendre, et le suspense ne s’achève que dans les ultimes pages du livre. Comme dans Stormbreaker, certains passages sont un peu téléphonés, et d’autres improbables, mais l’essentiel est là : offrir aux collégiens une trame percutante, avec au premier plan un personnage attachant et diablement énergique.

    Sur la dynamique lancée du précédent opus, Anthony Horowitz signe une nouvelle réussite littéraire. De cet agent secret novice et de ses aventures, on en redemande. Le suivant, Skeleton Key, le mènera vers une île des Caraïbes. Il y a fort à parier que de nombreux jeunes lecteurs l’y suivront.

    06/11/2012 à 15:10

  • Trafic d'âmes

    Marc Koenig

    6/10 À n’en pas douter, Marc Koenig dispose de toutes les qualités requises pour faire parler de lui dans le domaine de la littérature policière ou fantastique, ou les deux. Il a de l’imagination, sait structurer un récit et le rendre fougueux. Il n’y a plus qu’à lui souhaiter de nous revenir vite, avec cette fois une plume ainsi qu’une trame scénaristique plus sobres.

    24/10/2012 à 17:30

  • La Clinique

    Jonathan Kellerman

    9/10 Le corps du professeur Hope Devane est retrouvé en pleine rue. Trois coups de couteaux ont eu raison de la jeune femme : un dans les reins, un dans le sexe, et un au cœur. L’inspecteur Milo Sturgis s’adjoint l’aide du psychologue Alex Delaware, un ami avec lequel il a souvent travaillé. Les pistes sont fort nombreuses, et les suspects abondent. Mais pour découvrir l’identité de l’assassin, il faudra d’abord appréhender la véritable identité de la victime…

    Onzième ouvrage de la série consacrée à Alex Delaware, cet opus combine tous les éléments qui en ont fait le succès. Jonathan Kellerman dispose d’une plume d’une rare efficacité, et sait décrire avec un talent singulier les personnages et leurs attitudes. Il ne lui faut parfois que peu de mots pour croquer un comportement qui apparaît suspect, une émotion qui affleure, une personnalité qui achoppe, ou encore écrire des dialogues qui font mouche. À n’en pas douter, la spécialisation de psychologue pour enfants de l’auteur joue pour beaucoup dans cette aptitude à saisir puis retranscrire les sentiments des protagonistes. On retrouve avec plaisir Alex Delaware, brillant analyste, et son compère Milo Sturgis, ours mal léché, détesté par sa hiérarchie en raison de son homosexualité et de sa finesse d’esprit.
    Dans cette enquête, les pistes vont se succéder : milieu universitaire, où Hope Devane avait créé un tribunal officieux destiné à juger les étudiants s’étant mal comporté avec les femmes, univers médical, cercles mafieux... Avec une minutie d’horloger, Jonathan Kellerman va faire remonter ses deux enquêteurs vers les sources du mal, l’enfance de la victime, et mettre à nu des connexions effrayantes entre plusieurs personnages. L’ensemble se lit avec avidité, et les rebondissements fourmillent.

    Même pris en cours de route, les ouvrages issus de cette série constituent de véritables pépites. Ni le public ni les critiques ne s’y sont trompés, et Jonathan Kellerman bénéficie d’une rare aura dans le cénacle du roman policier. À titre d’exemple, s’il en fallait encore un, ce livre constitue l’un des meilleurs du genre.

    24/10/2012 à 17:29

  • La sorcière de midi

    Michel Honaker

    8/10 Dans une ville que côtoient la neige et une profonde forêt, Ed est un jeune écolier, gros et grand amateur de chewing-gums. Pas très beau, pas très intelligent, il est amoureux de Nan, et a pour copain Harold, un gamin un peu lunaire qui parle aux arbres. Bientôt, un étrange danger semble planer au-dessus de la communauté : une sorcière vagabonderait dans les parages. Ce sont ensuite des disparitions d’enfants qui sont signalées. Ed et Harold vont devoir unir leurs talents pour affronter ce terrible péril.

    Michel Honaker fait partie de ces auteurs que l’on ne présente plus. Véritable institution de la littérature de jeunesse, écrivain acclamé par la critique et le public, ses ouvrages sont régulièrement des succès. Avec La Sorcière de midi, il ose le pari de mêler deux genres : suspense et conte. Si les deux genres littéraires sont finalement proches, dans la forme comme dans le fond, très rares sont les livres se risquant à les conjuguer. On retrouve ici tous les éléments qui séduisent les jeunes lecteurs : des personnages immédiatement sympathiques, bien loin d’être préparés aux périples à venir, avec leurs histoires d’amour et d’amitié. L’intrigue est atypique, avec cette figure inquiétante de sorcière, diablesse effrayante ayant jeté son dévolu sur une cité isolée au milieu des bois. Nos deux principaux protagonistes vont apprendre à se surpasser, tant physiquement que psychologiquement, pour vaincre cet adversaire hors-normes. La tension est savamment dosée, avec un inévitable combat final qui révèlera la réelle nature d’Harold.

    Voilà un livre qui sort indéniablement du lot. Allier les ressorts du roman à suspense à la tradition du conte risquait de générer un écrit bancal : il n’en est rien. La plume experte de Michel Honaker fait une fois de plus merveille, en emmenant les lecteurs sur un terrain méphitique et angoissant où il fait, paradoxalement, si bon se perdre.

    15/10/2012 à 18:26

  • 100 jours en enfer

    John Aggs, Ian Edginton

    8/10 Il était à craindre que l’adaptation en bande dessinée de l’œuvre de Robert Muchamore donne lieu à une simple production commerciale, sans âme ni mérite. Cet ouvrage prouve le contraire : c’est aussi palpitant que la version romanesque, et l’histoire est ici servie par un graphisme expressif et panaché.

    15/10/2012 à 18:26

  • La Fille des marais

    Charles Williams

    8/10 Les thèmes exploités dans cet ouvrage peuvent sembler usés jusqu’à la corde. Il fallait un véritable talent d’écrivain, élégant et efficace, pour en extraire tout leur suc. Charles Williams l’a fait. Avec classe et tempérance, l’auteur retrace le parcours chaotique de l’un de ces couples maudits que l’on aime tant retrouver en littérature.

    15/10/2012 à 18:25 1

  • Dans la peau d'une autre

    Johan Heliot

    8/10 Lydia est une jeune chanteuse à succès. Au terme d’une tournée épuisante, elle craque et balafre une fan à l’aide du stylo qu’elle lui tendait pour signer un autographe. L’agence BEST, qui a chaperonné et façonné la star, décide pour elle qu’elle doit aller se reposer dans la clinique du docteur Beller, en Suisse. Mais rapidement, Lydia se rend compte qu’on lui a en fait réservé un sort bien différent…

    Il est bien difficile d’aller au-delà de ces jalons de l’intrigue sans révéler des éléments moteurs de l’histoire. Grâce à la plume énergique et efficace de Johan Heliot, le lecteur bascule rapidement dans un récit trouble et prenant. L’ambiance en vase clos dans la clinique, sombre et angoissante, débouche rapidement sur une succession d’autres mystères : que veut-on réellement à Lydia ? Quel est le rôle exact du docteur Beller ? Pourquoi semble-t-on prêt à attenter à la vie de la starlette ? Toutes ces questions trouvent des réponses au fil d’un récit diabolique et inattendu, où les zones d’ombre suppléent des moments de forte tension dramatique. Le style est nerveux, riche, dense, et l’on se retrouve à avaler les chapitres avec avidité pour connaître le fin mot de l’histoire. Un scénario à la fois fort et crédible, mis à part peut-être quelques coups de théâtre un peu gros qui raviront néanmoins les jeunes lecteurs auxquels se destine cet opus.

    De manière un peu similaire à celle de Dan Chartier dans The One, Johan Heliot explore tout à la fois les milieux abscons du show-business, de la médecine et des puissances secrètes des états. Une véritable pépite littéraire, pour jeunes et moins jeunes, pour une lecture tout autant instructive que divertissante.

    10/10/2012 à 13:31

  • Le dernier ours

    Charlotte Bousquet

    9/10 Groenland, 2037. Dans cette île transformée en désert par le dérèglement climatique, l'ours Anuri constitue la principale attraction du NC Zoo. Sa soigneuse, Karen, l’aime comme un frère, avec une certaine dose de culpabilité : son propre père l’a capturé douze ans plus tôt. Au cours d’une banale expérience, Anuri tue l’un de ses soigneurs et blesse le second. La décision tombe : il faut tuer l’ours. Karen ne l’entend pas de cette oreille. Avec Lone et Sila, deux adolescents paumés, elle décide de fuir avec l’animal. Mais Svendsen, un fourbe scientifique, n’est pas décidé à laisser partir le plantigrade. Car l’accident dont s'est rendue coupable la bête dissimule un étrange projet…

    Premier ouvrage de Charlotte Bousquet à paraître dans la collection Thriller de Rageot, ce roman sort indéniablement du lot. L’intrigue est particulièrement originale, s’appuyant habilement sur des réflexions intelligentes sur l’écologie, la responsabilité humaine, les liens avec les espèces animales, et les enjeux scientifiques. Les décors comme les personnages sont dépeints de manière admirable, au point que ce futur, pourtant imaginaire, semble immédiatement crédible. Les relations entre Karen et Anuri, mais aussi avec les deux ados, offrent d’attendrissants moments de littérature, sans jamais tomber dans la naïveté ou la facilité. C’est d’ailleurs l’un des talents de Charlotte Bousquet qui s’illustrent dans cet ouvrage : être capable de s’adresser à des jeunes sans bêtifier ni multiplier les poncifs.
    Le suspense est haletant, et il est d’autant plus tonique que la rythmique, soulignée par des chapitres courts et l’alternance entre les divers points de vue des protagonistes, le renforce. Et au-delà de l’histoire, c’est aussi un beau livre engagé, activiste à sa manière, poussant le lecteur, citoyen et acteur en devenir du sort du monde, à se poser des questions justes et utiles.

    Avec un final poignant et inattendu dans ce type de livres, ce Dernier ours constitue un roman exemplaire. Nerveux, intelligent, atypique, il affermit et confirme la diversité comme la qualité des livres paraissant dans la collection Rageot Thriller.

    10/10/2012 à 13:30

  • Relic

    Lincoln Child, Douglas Preston

    7/10 Une expédition scientifique qui tourne mal en Amérique du Sud. Des enfants qui disparaissent du Muséum d'histoire naturelle de New York et dont on retrouve ensuite les cadavres martyrisés. Même si l'administration du musée essaie de museler l'affaire, il se trame quelque chose d'effrayant. Le policier D'Agosta se met à enquêter, bientôt accompagné d'un étrange agent spécial du FBI, Aloysius Pendergast.

    Premier roman de la série consacrée à Pendergast, Relic montre assez rapidement le talent de ses deux auteurs, Douglas Preston et Lincoln Child. La plume est efficace, les chapitres alternent avec brio, et le suspense est savamment entretenu d'une scène à l'autre. Le personnage de l'agent fédéral Pendergast, même s'il ne se situe pas toujours en première ligne de l'enquête, se révèle rapidement fascinant, avec son allure détonante, son intelligence supérieure et ses manières élégantes. L'affrontement avec le monstre réserve bien des surprises et la troisième partie du livre est haletante, notamment grâce aux descriptions de panique dans le musée et la traque de la bête. Certes, quelques passages apparaissent superflus et Pendergast ne déploie pas encore toute l'étendue de son panache, mais ce jalon de la série augurait déjà de suites passionnantes.

    Relic joue donc sa partition sur plusieurs portées littéraires : thriller fantastique, roman catastrophe, roman à suspense. Au-delà de l'intrigue et du combat contre le prédateur, il s'agit de la première des pierres constituant l'édifice consacré à Aloysius Pendergast, l'un des plus célèbres agents fédéraux de la littérature policière actuelle.

    01/10/2012 à 18:17 2

  • Un grand maître dunkerquois

    Jean-Pierre Bocquet

    6/10 Fabrice Vervich vit avec sa mère dans une ferme isolée de la campagne flamande. Ils sont riches, il est beau. Mais sous ce vernis, une bête est tapie. Un monstre bicéphale. Ce duo enlève des jeunes femmes, les séquestre, leur fait subir mille tortures avant de s’en débarrasser. Ces deux bourreaux ne s’arrêteront pas de sitôt. Sauf si les disparitions de femmes finissent par alerter la police…

    Après Dunkerque sous le signe d’Othmane, Jean-Pierre Bocquet reprend ses personnages de policiers pour une nouvelle enquête. Même si la lecture du premier ouvrage n’est pas obligatoire, elle n’en demeure pas moins préférable pour mieux saisir les relations entre les divers enquêteurs ainsi que leur évolution psychologique. L’auteur dispose d’une plume habile – il est professeur de lettres – et sait habilement peindre les ambiances comme les sentiments. À cet égard, de nombreux passages descriptifs sont à relire tant la langue employée est belle et poétique. Le scénario tient la route, le suspense est bien maintenu, et l’on avale fiévreusement les pages de ce roman sans s’en rendre compte. Les policiers sont croqués de manière réaliste, loin des poncifs du genre, et les investigations paraissent plausibles dans leur déroulement comme dans leurs rebondissements. Par ailleurs, la paire de tortionnaires est effrayante, avec de nombreuses scènes marquantes d’humiliations et de supplices infligés aux victimes. Quelque part entre Barbe Bleue et Casanova, ce fils, dénaturé dès son enfance par une mère castratrice et ayant noué avec elle des liens morbides, est abominable.
    Si l’histoire ainsi que le style sont plus que louables, on ne peut que regretter quelques baisses de régime dans l’enquête, notamment dans le milieu du livre, où le lecteur maudira probablement les enquêteurs de ne pas fondre plus rapidement sur les criminels alors que les faisceaux de preuves s’amoncellent. D’autre part, il est dommage que certains clichés viennent enlaidir le tableau, particulièrement lorsqu’il s’agit de cerner les personnalités de ce couple morbide. Un enfant, détruit très tôt par la personnalité envahissante de sa génitrice, et devenant un prédateur impuissant comblant ses failles par des actes atroces, même si bien dépeint par Jean-Pierre Bocquet, sonne indubitablement comme une banalité dans le domaine du thriller. On aurait aimé un peu plus d’originalité dans la genèse de ce nuisible.

    Jean-Pierre Bocquet signe donc un roman certes efficace et prenant, que l’on ne lâche pas, mais qui aurait mérité des êtres machiavéliques centraux plus aboutis, ou moins attendus, pour faire honneur à son style, remarquable.

    01/10/2012 à 18:12

  • Victime Delta

    Élie Robert-Nicoud

    7/10 Un bon petit polar pour la jeunesse, qui s’avale facilement et rapidement. Un format aux allures de nouvelle, une intrigue simple et prenante, qui donne autant la place à la dimension humaine des personnages décrits qu’au fil rouge que constitue l’histoire criminelle. A la manière de « La lecture du feu » qui s’adresse plus aux adultes, un ouvrage intéressant et enthousiasmant.

    30/09/2012 à 19:21

  • Milieu Hostile

    Thierry Marignac

    9/10 Dessaignes, ayant roulé sa bosse dans les milieux interlopes des ONG et de l’espionnage, coule des jours plus ou moins paisibles à Sébastopol. Mais un de ses anciens camarades lui demande de l’aide : la syphilis semble revenir en force en Ukraine. Et le voilà qui replonge dans les cercles troubles des services secrets et autres fauteurs de troubles…

    Après Renegade Boxing Club, Thierry Marignac remet son personnage fétiche au cœur d’une nouvelle aventure. Ici, le trait est noir, et l’écriture singulière. La plume de l’auteur est très travaillée, aussi poétique et courroucée que les paysages de l’Europe de l’est qu’elle décrit. Certains passages sont d’un lyrisme ténébreux, au point d’en devenir envoûtants. Des laboratoires pharmaceutiques aux appétits fétides en passant par les anciens apparatchiks, des barbouzes désargentés prêts à tout pour obtenir leur part du gâteau aux trafiquants à la veste réversible, Thierry Marignac croque avec désenchantement de sombres univers en proie à l’anomie. Son héros en sortira cabossé, usé jusqu’aux os, et définitivement privé de ses derniers fragments d’innocence, s’il lui en restait encore.
    Il est d’ailleurs bien difficile de résumer l’intrigue de cet ouvrage, tant les manipulations, faux-semblants et trahisons sont pléthoriques. Sur ce canevas inquiétant de positions de force entre les partis, l’auteur a bâti une histoire sordide, machiavélique, dédaléenne. Certains passages pourront sembler à certains lecteurs trop éloignés de l’intrigue principale, voire penser que cette dernière aurait pu être plus compacte, avec une colonne vertébrale littéraire plus marquée, mais cela n’est visiblement pas le but de Thierry Marignac : il offre à son public un paysage humain ravagé par de vils enjeux.

    Exigeant, ce livre l’est à plus d’un titre. Rédigé avec maestria, sans la moindre concession, c’est un alcool fort que l’on ingurgite cul sec, avec la certitude de sentir les tripes brûler. Peu d’ouvrages disposent de cette maléfique puissance d’évocation, et celui-ci ne se donnera certainement pas au premier venu, sans revendiquer en retour une belle gueule de bois ainsi qu’un estomac dévasté. Et c’est tout à son honneur.

    25/09/2012 à 18:50

  • Le Gang du serpent

    Hervé Jubert

    7/10 Après ses précédentes aventures relatées dans Les Voleurs de têtes, Billie Bird, jeune voleuse de son état, sait que son père est encore retenu prisonnier d’un gang mafieux si elle ne leur rapporte pas d’autres parties d’une fontaine mythique. Cependant, elle se rend compte qu’une énigmatique clé, remontant à l’Antiquité, ainsi qu’un mode d’emploi de la machine que tentent de reconstituer les ravisseurs de son père, peuvent être récupérés. Ni une ni deux, Billie reprend le chemin du cambriolage !

    Deuxième opus de la série Vagabonde, ce Gang du serpent ravira à coup sûr celles et ceux qui avaient apprécié le précédent ouvrage. On retrouve avec plaisir Billie Bird et son équipe : son chenapan de petit-frère, l’énigmatique et ravissant Octave, et le grand-père, de plus en plus victime d’Alzheimer. Si les scènes d’action échevelées sont moins nombreuses que par le passé, ce roman s’axe davantage sur les personnages et l’émotion. Hervé Jubert creuse les relations entre les divers protagonistes, notamment entre Billie et Octave, avec une amourette attendue à l’arrivée. Par ailleurs, le grand-père, surnommé le Capitaine, et sa maladie neurodégénérative, devient le centre des attentions du groupe, avec de nombreuses scènes poignantes où s’insère néanmoins un humour salvateur.
    Billie, au volant de sa fidèle Vagabonde, un combi Volkswagen antédiluvien, prend de nouveau la route à la recherche d’objets à dérober, et l’auteur fait montre d’un humour omniprésent, dans les dialogues comme dans les situations. Les exploits, même moins fourmillants, sont assurément réussis, et l’ouvrage s’achève sur un rebondissement qui donnera forcément aux lecteurs l’envie de se ruer sur le troisième et ultime écrit de la série.

    Indéniablement captivant, ce Gang du serpent constitue une habile passerelle entre le premier et le dernier ouvrage des romans consacrés à Vagabonde. La plume d’Hervé Jubert est efficace, et l’on attend avec impatience le futur ouvrage, à paraître en octobre.

    25/09/2012 à 18:44

  • Les Démons des temps immobiles

    Dan Chartier

    3/10 Le commissaire Marac vit reclus du monde, dans un chalet de montagne, lorsqu’il est appelé par ses collègues. Un de ses amis d’enfance a disparu. Son domicile a été mis à sac, et on découvre dans le jardin deux cercueils, l’un avec un squelette, l’autre avec un simple mot énonçant la date présumée de la mort de Marac. L’enquête va le mener vers des vérités inavouables que de nombreux individus souhaitent garder secrètes.

    L’auteur du très bon The One signait en 2007 un thriller mâtiné de roman d’aventures et d’ésotérisme dans l’air du temps. Le personnage fétiche de Dan Chartier pénétrait les arcanes de la religion et de mystères anciens, l’amenant à affronter des adversaires nombreux et retors. La plume de l’écrivain se montrait particulièrement fluide et assez efficace, notamment dans les descriptions géographiques. Le lecteur voyage au gré des investigations du commissaire, de la France à Venise en passant par l’Arizona et le désert saharien. Les fans de l’occultisme et autres complots, à la manière de Dan Brown ou Raymond Khoury y trouveront probablement de quoi nourrir leur imagination et passer un bon moment.
    Néanmoins, pour les autres, la sauce ne prendra certainement pas. Dan Chartier a imaginé une intrigue complexe, certes très documentée, mais dont les ramifications, la pléthore d’intervenants et l’aspect dédaléen finissent par lasser. Car les thèmes évoqués, et tous finissant par avoir de l’importance dans ce scénario luxuriant, abondent : le nazisme et l’Ordre Noir, le rôle de Jésus-Christ, les Amérindiens, les crânes de cristal, les sociétés mayas, le Vatican, les manuscrits de la Mer Morte, les origines extraterrestres de l’humanité… Entrez tous et que le dernier ferme la porte ! Tout ce beau petit monde se retrouve dans une série magmatique d’interactions, se combat, s’entraide, ou exerce un troc. De ce méli-mélo d’idées si souvent évoquées au cinéma et en littérature, il fallait un angle d’approche puissant, simple et cohérent, mais ce n’est clairement pas cette voie qu’a choisie Dan Chartier. Tout y est touffu, abscons, et finit malheureusement par sombrer dans le ridicule. Par ailleurs, Marac devient crispant : qu’il doit être flatteur, au quotidien, d’être si instruit en combat, minéralogie, histoire, géographie, religion, etc. Rien n’échappe à ce surhomme de l’intellect, et l’on en vient, dans certains passages, à plaindre les pathétiques ennemis qui se mettent sur son chemin. Ajoutons à cela une fin bien trop abrupte et l’identité du commanditaire trop aisée à deviner.

    Il en va de la littérature comme de la cuisine : certains plats souffrent de complications inutiles, d’ingrédients trop multiples, et de saveurs qui s’entremêlent au point de gâcher complètement le mets final. Cet opus en est la parfaite illustration : simplicité et volonté de rendre l’ensemble plus crédible et homogène auraient certainement servi le récit. Dan Chartier, décédé en 2007, en était capable.

    25/09/2012 à 18:43

  • La Fille de nulle part

    Fredric Brown

    9/10 George Weaver est un agent immobilier que la vie a éprouvé. Difficultés de trésorerie, impasses professionnelles, et un mariage qui tourne désespérément en rond. Aussi, autant pour gagner un peu d’argent facile que pour rendre service à un ami, il accepte une mission : prendre des photographies d’un lieu où une jeune femme a été tuée huit ans plus tôt. Rapidement, George se prend de passion pour cette affaire, au point d’éprouver des sentiments pour la défunte, et cherche à mener l’enquête en solo. Mais il ignore encore à quel point cette énigme va le bouleverser…

    Fredric Brown signait en 1951 ce roman noir particulièrement saisissant. La langue de l’auteur est simple, les phrases élémentaires, et c’est pourtant avec grand intérêt que le lecteur suit la progression du héros. De prime abord oisif, fauché par une existence qui a perdu toute saveur, il en vient à se prendre d’une passion trouble pour la victime. La manière, à la fois primaire et cohérente, dont il parvient à remettre en place les pièces du puzzle quant à la défunte, son identité, ses origines et ce qui lui est arrivé, lui permet de reprendre goût à la vie. Certes, il y a des passages qui semblent un peu creux, ou tout du moins qui n’apportent pas de véritable progrès à l’investigation, et l’on en vient parfois à se demander où Fredric Brown veut bien en venir.
    Et arrive le final. Les deux dernières pages. Un véritable feu d’artifice, comme un incendie qui couvait derrière une porte close. Un accès qu’un détail dérisoire va ouvrir, pour envoyer des flammes vengeresses à la face de George Weaver comme à celle du lecteur. Un événement inattendu, impossible à deviner, et d’une efficacité remarquable. Un retournement de situation tellement incroyable, en deux temps, qu’il marquera probablement le lecteur un bon moment.

    Il aura fallu à Fredric Brown passer par le filtre d’un roman aux accents de faits divers, parfois lénitif, pour instaurer ce calme trompeur. Car quand survient le coup de théâtre final, il est d’autant plus incisif que rien, dans l’apparente banalité de l’histoire et des personnages qui la peuplent, ne nous y préparait. À n’en pas douter, cet ouvrage, méconnu, mérite très amplement d’être découvert.

    08/09/2012 à 08:47 4

  • Clic mortel

    Jean-Luc Luciani

    8/10 Ce Clic mortel est à la fois efficace, nerveux et astucieux, en proposant aux collégiens une fiction angoissante, qui oblige à se poser des questions pertinentes quant au web et les usages qui en sont faits.

    08/09/2012 à 08:44