El Marco Modérateur

3301 votes

  • Le Duc de l'Omelette

    Edgar Allan Poe

    4/10 Parce qu’il vient de mourir après avoir mangé une olive, le Duc de l’Omelette se retrouve en enfer, mais sur place, tout le révulse : le comportement du Diable, le vacarme des personnes torturées et damnées, etc. Il décide alors de jouer son salut avec le Diable lui-même, non pas à l’épée, mais… aux cartes. Une nouvelle bigrement courte (sur mon portable, ça fait à peine huit pages), et sacrément difficile d’accès. Le vocabulaire, le ton sarcastique et satirique (ce duc doit être, aux yeux d’Edgar Allan Poe, le prototype des nobles bien français, imbus d’eux-mêmes et finalement si ridicules…), et cette ambiance volontairement grotesque ont desservi à mes yeux le sujet, au point d’en faire, au mieux, une gentille pochade, une aimable diatribe, et au pire, un texte assez stérile et facilement oubliable.

    17/08/2020 à 18:01

  • La Chute de la maison Usher

    Edgar Allan Poe

    9/10 … ou comment le narrateur, répondant à une supplique de son ancien camarade Roderick Usher, en vient à le rejoindre chez lui, à la Maison Usher. Sur place, d’entrée de jeu, la maison délabrée, en souffrance, provoque chez le narrateur un sentiment oppressant, et presque un présage à la suite. Car Roderick n’est plus que l’ombre de lui-même : physiquement délabré, il souffre de graves dérèglements (hypersensibilité à la lumière, à certains sons, à certaines formes) qu’il met à la fois sur le compte d’une maladie congénitale et d’une toxicité de la maison où il habite avec sa sœur jumelle, Madeline, à laquelle il est intrinsèquement lié. Elle est également spectrale, décharnée, et finit par mourir, mais Roderick décide d’attendre une quinzaine de jours avant de l’inhumer. Le reste de l’histoire ne fera que confirmer les pires craintes du narrateur. Un pur bijou littéraire, bien au-delà de toute étiquette que l’on pourra lui apposer dessus. La maestria de la plume d’Edgar Allan Poe, au sommet de son art. L’incroyable angoisse qui saisit le narrateur – et le lecteur – dès les premières lignes. La déchéance corporelle des deux Usher, faisant écho à leur décrépitude mentale. L’entremêlement de cette tare familiale et de l’empreinte malveillante et gothique sur Roderick et Madeline. La scène qui provoque instantanément le départ du narrateur, mémorable, exquise d’horreur. Et les dernières lignes, achevant le texte d’une façon remarquable et définitivement fantastique, à tous les sens du terme. Je n’ai pas fini de lire tous les écrits de Poe, mais celui-ci figurera probablement sur le podium.

    17/08/2020 à 17:59 4

  • Sanction

    Pierre Tré-Hardy

    9/10 Tout commence par un meurtre : Frederic Mayers, un homme au-dessus de tout soupçon, jette Jeremy Haskins sous les cinquante tonnes d’un métro. D’autres événements se produisent : un journaliste qui s’en va à la rencontre d’un autiste, un prix Nobel que l’on s’apprête à décerner, une expérimentation pour conquérir le centre de la Terre… Quand ce puzzle se formera finalement, il se peut que ça soit l’avenir de l’humanité qui soit en jeu.

    Lorsque naît une maison d’édition et que l’on vous propose l’un de ses romans, c’est la fébrilité qui l’emporte. Découvrir un nouvel auteur, un nouvel ouvrage, une nouvelle écurie littéraire : de potentielles belles découvertes. A réception du livre, vos yeux finissent par tomber sur la quatrième de couverture. « Un thriller haletant ». « Après Sanction, vous ne regarderez plus le monde de la même façon ». « [L’auteur] a eu la chance de vivre chez Jacques Brel […], recevant aussitôt le soutien de Jean Anouilh. » Ben voyons : vous verrez qu’un de ces quatre, Stéphane Bourgoin viendra nous dire que finalement, il n’a jamais été le voisin de Stephen King. Et puis, assez sceptique, vous entamez la lecture dudit opus. Et là, alors que vous étiez peut-être dubitatif quant à de tels dithyrambes et autres détails personnels quant à l’auteur, Pierre Tré-Hardy, la magie se met à opérer. Des chapitres courts, n’excédant que rarement trois pages. Une plume magnifique, belle, peignant adroitement sentiments, décors et pensées. Un écheveau de personnages, pour un roman presque choral, apparaissant les uns après les autres sans que l’on sache quels rapports ils nourrissent entre eux : un quidam qui en tue un autre, un policier au verbe haut et à l’intelligence supérieure, des scientifiques que l’on traque, un nabab des hautes technologies, un autiste visiblement Asperger particulièrement talentueux en mathématiques et autres sciences, un Tibétain, etc. On en vient, parfois, à se demander où Pierre Tré-Hardy veut en venir, mais peu importe : on se laisse volontiers emporter par son style si élégant et le mystère qui enveloppe ses protagonistes. Et l’énigme se prolonge encore, avec des notions – habilement vulgarisées pour n’en garder que la substantifique moelle – comme la fusion des métaux, la mécanique quantique, l’évolution des espèces, la surpopulation, les crises mondiales, la téléportation, etc. Et, graduellement, comme on grimpe les marches d’un escalier enténébré pour parvenir à l’ultime lumière, tout prend sens. L’écrivain nous offre alors une belle leçon, tant littéraire que morale, sur notre avenir et notre lourde empreinte sur un univers fragile. Dit comme ça, cela équivaut sans mal aux éloges que nous relevions précédemment, sauf que ceux-ci sont objectifs et sincères. Pierre Tré-Hardy nous a livré un ouvrage de très grande qualité, sans jamais tomber dans les poncifs hollywoodiens du genre, sans courses-poursuites stériles et autres effets faciles.

    Une triple découverte : un livre mémorable et brillant, un auteur dont on découvre les premiers pas dans le genre romanesque, et une maison d’édition que l’on espère pérenne. Un final en plusieurs temps, tous habiles et finement trouvés, pour conclure de la plus belle des manières une histoire qui échappe à toutes les étiquettes. Cela se passe dans un avenir proche mais ce n’est pas un livre fantastique. Il ressemble à un techno-thriller mais n’en est pas un. Il a les atours de la littérature blanche sans pour autant faire partie de ce genre. On y trouve des énigmes mais ce n’est pas un whodunit. Il y a du suspense et une dose d’aventure sans contenir les typicités de ces deux types de proses. Qu’est-ce que c’est, alors ? Un excellent livre, tout simplement.

    13/08/2020 à 23:17 9

  • Menaces sur le concert

    Christian Grenier

    8/10 Zed est un robot d’apparence humaine et doté d’une roue qui lui permet de se mouvoir. Une intelligence artificielle de haute volée, capable de beaucoup de prouesses cérébrales et physiques. Il doit assurer la protection de la jeune chanteuse Liz et se voit flanqué comme coéquipier de Tom, le fils de son concepteur. Mais cela ne sera pas aussi simple qu’espéré.

    Christian Grenier est un auteur pour la jeunesse que l’on n’a plus besoin de présenter. Il signe ici le premier tome d’une série consacrée à cet androïde qui se révèle particulièrement attachant, et ce livre donne déjà envie de lire les tomes suivants. La plume de l’écrivain est toujours aussi enchanteresse, proposant un large panel de personnages et de saynètes, et l’intrigue est savamment élaborée. Cette dernière donne donc à voir Zed et Tom assurer la sécurité de Liz, star en vogue de la musique, et de son oncle qui est également l’agent de l’artiste, mais tous les deux font de leur mieux pour préserver un secret qui doit le demeurer. Nos héros affronteront des hordes de fans pas toujours très amènes, une tornade, les malversations de l’envers du décor, tout en découvrant un procédé technique dont la révélation pourrait nuire à la vedette. Un opus prenant, distillant d’agréables touches d’humour, mettant l’accent sur Zed, régi par les trois lois instaurées par Isaac Asimov, et qui va, petit à petit, découvrir des sentiments typiquement humains comme l’humour, l’amitié ou l’ironie.

    Un enchantement, du début à la fin, pour ce roman qui donne tout autant envie de découvrir les futurs tomes de la série que les autres livres de Christian Grenier.

    13/08/2020 à 23:11 2

  • Des Jours et des nuits à Chartres

    Henning Mankell

    8/10 … ou le destin de la malheureuse Simone (Touseau dans la réalité), coupable d’avoir aimé pendant l’Occupation un soldat allemand (Helmut), ayant eu un enfant de lui, et que l’épuration va malmener lors de ces tristes « réjouissances » cathartiques. Une pièce de théâtre poignante, courte et emplie de tact et d’humanité, avec seulement huit personnages (Simone, son amie Marie, Edith qui a perdu son fils durant le conflit, Dominique et Raphaël qui sont deux résistants, son compagnon Helmut, et Robert Capa dans son propre rôle). L’histoire est née de la célèbre photographie « La Tondue de Chartres » qui a inspiré cette histoire à Henning Mankell et l’a traduite avec ses propres mots, puisqu’il s’y fait « l’interprète d’une image ». Une émouvante lecture, où rien n’est ni blanc ni noir, tout en nuances, refusant de jeter l’opprobre sur les uns ou les autres, même si l’on y devine sans mal à la fois les cicatrices à vif du peuple français tout autant que le désespoir de ces femmes qui ont eu le malheur d’avoir vécu une histoire d’amour avec « un » Allemand. Du vitriol tout de même jeté à la face des « héros » (comme le disait Jean Rochefort avec la classe qu’on lui connaît, « dans ces périodes troubles, les héros naissent comme les champignons après la pluie »), parfois plus revanchards ou ayant des choses à se faire pardonner que de véritables êtres salvateurs. Bref, un saisissant moment de lecture, ici accompagné de quelques textes qui permettent de mieux cerner certaines vérités historiques, le contexte, voire de creuser des thèmes propres à cette pièce.

    10/08/2020 à 23:21 4

  • L'Égorgeur

    Jacques Saussey

    6/10 Un récit très court (même pour une nouvelle) où un tueur en série s’approche d’une jeune et jolie femme blonde pour en faire sa prochaine proie, mais… Une histoire plaisante et bien menée, avec une chute intéressante, mais qui n’est, à mon goût, ni assez irrésistible, ni assez mémorable, pour clôturer de façon magistrale le texte, d’autant que, même à la relecture, je ne saurais dire trop quoi, il semble manquer une transition vers la tierce personne. Bref, sympa et idéal pour passer un (temporaire) moment de suspense, mais rien de plus.

    10/08/2020 à 23:17 3

  • Jormungand tome 1

    Keitaro Takahashi

    4/10 Parce que ses parents ont été tués par une bombe d’un type nouveau, Jonah, enfant-soldat, a intégré la clique de Koko Hekmatyar, une trafiquante d’armes. On en est là du scénario que les fusillades éclatent déjà : un vrai feu d’artifice sur l’autoroute, à coups de balles mais aussi de missiles. Le trafic se poursuit ensuite dans un pays anonyme d’Europe de l’Est, à la frontière avec la Russie. Si l’idée de l’univers des trafiquants d’armes était alléchante, j’ai trouvé ce manga en-deçà de mes espérances. En fait, malgré les scènes d’action assez réussies et les graphismes qui le sont tout autant, je n’y ai jamais cru. Aucune profondeur dans les personnages, dont la densité psychologique se rapproche de celle de l’île flottante, un suspense presque zéro, et Jonah, qui devait constituer le cœur humain de l’équipe, se contente de faire la tronche d’un bout à l’autre et de tuer quelques personnes, sans apprentissage préalable. Voilà qui ne me donne clairement pas envie de tester la suite.

    09/08/2020 à 14:28 1

  • Higanjima tome 2

    Koji Matsumoto

    5/10 Cela commence avec un peu plus de peps que le précédent (et premier opus), que j’avais trouvé longuet et mou. De la baston et une scène de cache-cache avec l’un des monstres, mais à part cette tension supplémentaire et les moments d’action voire anxiogènes, j’ai du mal à vraiment m’accrocher à ce début de série, qui n’ajoute à mes yeux rien du tout au mythe du vampire ou de la créature avide de sang. C’est certes spectaculaire dans le graphisme (notamment vers le final, avec le proche débarquement sur l’île), mais l’histoire est assez stérile à mes yeux.

    09/08/2020 à 14:27 2

  • Darwin's Game tome 2

    FLIPFLOPs

    7/10 J’avais beaucoup aimé le premier tome, et je retrouve dans ce deuxième opus le souffle et la tension que j’attendais. Notre jeune héros, Kaname, s’y retrouve rapidement pris au piège, au sens propre comme au figuré, face à une miss particulièrement douée avec une chaîne métallique. Le reste du manga est cependant un peu moins original et échevelé que le précédent, mais tout cela reste bon selon moi.

    09/08/2020 à 14:24 1

  • Petite discussion avec une momie

    Edgar Allan Poe

    9/10 Après un repas copieux et bien arrosé, le narrateur est convié par un ami, le docteur Ponnonner, de le rejoindre, lui et deux autres individus, à assister à l’ouverture du sarcophage contenant une momie. Et notre assistance décide de faire parcourir de l’électricité dans le corps de la momie, embaumée cinq mille ans auparavant, la ramenant ainsi à ce qui ressemble à la vie. Dès lors, les contemporains vont se mettre à discuter avec la momie, et notamment évoquer les différences entre leurs cultures. Un postulat certes fantastique (au sens littéraire du terme), mais estampillé d’humour et, en parallèle, de gravité, puisque la comparaison entre les époques et les civilisations va déboucher sur un final en deux temps. Le premier, vu crument, peut sembler raciste. Mais celui qui suit offre une vision bien différente, très nuancée et presque émouvante, où Edgar Allan Poe, avec une solennité presque subite, fait opter le narrateur pour un choix inattendu et humainement très fort. Une belle leçon d’humanité, sans pour autant se faire moralisatrice.

    08/08/2020 à 23:09 1

  • La Barrique d'Amontillado

    Edgar Allan Poe

    6/10 Une nouvelle intéressante, racontant la vengeance d’un homme envers le malheureux Fortunato, entraînant ce dernier, sous ouvert d’une expertise d’une pipe d’amontillado, vers un sinistre destin. Une belle écriture, des références multiples (franc-maçonnerie, alcoolisme, cette « nitre » dont je ne connaissais que l’appellation « salpêtre », etc.), pour un final intéressant. Hélas, mille fois hélas, j’ai lu ce texte après « Le Chat noir », écrit trois ans plus tôt, à mes yeux beaucoup mieux ciselé, plus ambitieux, plus anxiogène et prenant, et qui se paie en outre le luxe de bénéficier d’une chute, certes connue, mais autrement plus frappante et mémorable. De là à dire que cette « Barrique d’Amontillado » est une version light – et pourtant postérieure – au « Chat noir », presque son brouillon, son échauffement, il n’y a qu’un pas que j’accomplis sans scrupule.

    08/08/2020 à 23:07

  • Le Signal

    Maxime Chattam

    7/10 J’ai tout d’abord été séduit par « l’objet » que constitue ce livre (avec cette couverture en relief et cette dominante noire des pages, tout ça est vraiment magnifique), en plus de m’offrir un bon gros pavé et de renouer avec l’univers de l’auteur. La mise en place est classique, typiquement américaine dans le style et chez les personnages, et les deux épigraphes (Stephen King et Lovecraft) signifient bien où souhaite nous emmener Maxime Chattam. Et très vite, les phénomènes inexpliqués s’accumulent : un épouvantail tueur, des disparitions glauques, des chauves-souris qui s’écrasent au sol sans raison apparente, des voix hurlantes sur les ondes de la radio, un immonde ballet de lames de rasoirs, des légendes amérindiennes avec le Wendigo, les sorcières de Salem, etc. Un véritable feu d’artifice de pistes. Mais j’ai parfois trouvé le temps un peu long, en raison de personnages trop caricaturaux, peu fouillés, ou réduits à une expression narrative minimaliste. Et quand les explications ont commencé à tomber (à partir du soixantième chapitre environ), je suis resté un peu de marbre. OK, c’est intéressant et plutôt original, mais je n’ai pas été emporté. Que l’on soit d’accord : j’aime beaucoup le fantastique, là n’est pas la question. Mais ici, je ne saurais dire trop pourquoi, j’ai eu du mal à être totalement happé par la résolution. En outre, malgré pas mal de scènes mémorables et parfois flippantes dès lors que l’on se prend au jeu, la multitude des clins d’œil de l’écrivain a fini par passer, à mes yeux, parfois plus pour des picorages ou des emprunts qu’à de réels hommages (même si je ne prête évidemment aucune mauvaise intention à Maxime Chattam). En général, les albums musicaux de reprises me laissent dubitatif : je préfère les œuvres originales, ou alors les compositions des artistes « repreneurs » eux-mêmes : ici, c’est un peu ce même effet qui s’est produit sur moi. Et puis, j’ai également trouvé que le titre téléphonait un peu trop la résolution, alors que « La Brèche », employée vers la fin du roman, aurait été à mon avis plus neutre. Malgré tout, et c’est très paradoxal, je n’ai pas vraiment boudé mon plaisir de lecture et ai passé, dans l’ensemble, des moments assez agréables, d’autant que j’ai trouvé, pour une fois, que l’écrivain s’était délesté de ses envolées lyriques sur le monde, la civilisation et l’homme. Je tâcherai, à l’avenir, de me trouver d’autres romans de M. Chattam que je n’aurais pas encore lus, et ça sera avec plaisir.

    29/07/2020 à 23:37 8

  • Fight Club

    Chuck Palahniuk

    8/10 … ou comment un Américain moyen, fréquentant les réunions de parole et atteint de graves troubles du sommeil, en vient à faire la rencontre avec Tyler Durden, un individu incandescent et branché activisme, dans une longue descente aux enfers. Le film, c’est-à-dire son adaptation cinématographique, je l’ai vue une fois, il y a déjà pas mal de temps, et je n’en ai gardé que des souvenirs lointains, ce qui n’aura été que bénéfique pour me plonger dans ce livre. Une histoire complètement foutraque, littéralement déjantée, où le narrateur va basculer dans l’univers timbré de Durden, des recettes d’explosifs à la saponification en passant par des plats assez spéciaux, sans parler, bien évidemment, de la création du (voire des) fight club, où tout un chacun peut ainsi pleinement s’exprimer et se libérer de lui-même. Si j’ai été moyennement séduit par la prose de Chuck Palahniuk, j’ai été en revanche séduit par ce récit apocalyptique, dur et intransigeant, ménageant des moments forts ainsi que des rebondissements (le lien narrateur – Durden, révélé assez tard, et surtout la scène finale qui fleure bon la paranoïa, le complotisme, et une potentielle suite). Une lecture âpre et exigeante, qui ne s’offre pas mais se conquiert, pour une véritable expérience littéraire hallucinée.

    28/07/2020 à 23:13 3

  • Fausse note

    Yves Hughes

    8/10 Par qui et pourquoi Henri Martinet, violoniste amateur, a-t-il été empoisonné ? Sur le principe, c’est assez simple : il était avec ses trois musiciens de camarades, et c’est avec eux qu’il a bu du champagne et mangé du framboisier avant de mourir. Sauf que le cyanure que l’on a retrouvé dans son estomac n’était ni dans la boisson ni dans la nourriture. Se pose alors la question du « comment ? », et c’est Yann Gray, policier, qui doit démêler les fils de cette intrigue.
    Un opus extrait de la série consacrée à Yann Gray qui présente la particularité, en fonction des opus, de s’adresser à la jeunesse ou aux adultes : ici, c’est plutôt pour des collégiens. Je découvre la plume d’Yves Hughes, et cette lecture a été un régal. C’est rythmé et dynamique, avec un ton alerte et humoristique : flanqué de sa galeriste de compagne, d’un garnement pas piqué des hannetons et de la grand-mère Mamounette qui s’est mise en tête de tester toutes les pâtisseries parisiennes proposant des chaussons aux pommes, notre limier est cerné. Mais il se peut que les théories policières de Mamounettes, inspirées d’Agatha Christie ou d’Umberto Eco, parfois tirées par les cheveux, parfois malignes, lui soient utiles… ou pas. Une histoire rondement menée, plus que plaisante, et où la technique du tueur – même si elle a déjà été exploitée auparavant, mais je n’en dirai pas plus – demeure surprenante, et il en va de même pour le mobile. Bref, une très agréable lecture.

    28/07/2020 à 23:12 3

  • Avant l'Enfant-Minuit

    Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann

    6/10 Changement de décor pour nos gamins, avec cette neige poisseuse. Des moments très visuels, comme avec cette araignée et la personne vers laquelle elle se dirige. Pas mal d’action dans ce décor typiquement montagnard, c’est indéniable, mais cette fin du deuxième cycle n’apporte pas beaucoup de réponses aux questions que je me pose. C’est enlevé, ça se laisse vraiment bien lire, mais je me sens un peu comme un teckel dans une salle cylindrique à qui on a dit qu’il y avait des croquettes dans un coin.

    28/07/2020 à 08:28

  • Le Sphinx

    Edgar Allan Poe

    9/10 Une nouvelle où le narrateur, aux côtés d’un ami dans sa propriété proche de l’Hudson, sensible aux augures, voit un animal monstrueux, de taille colossale, et voit en son apparition un triste présage alors que le choléra sévit à New York. Je m’arrête là dans la description de cette histoire (particulièrement lapidaire, même pour une nouvelle), car sa chute est à mes yeux extraordinaire. Un mélange d’humour, de finesse d’observation et de résolution d’énigme d’une grande maestria. C’en est même tellement fin et, en fonction de son intime façon d’interpréter ce final, qu’elle pourra presque ressembler à un pastiche de roman à énigme façon Sherlock Holmes. Bref, un court et intense moment de bonheur en ce qui me concerne, ou l’art de faire très court et infiniment percutant !

    28/07/2020 à 08:25

  • Détective Conan Tome 81

    Gosho Aoyama

    7/10 La suite et fin de l’intrigue inachevée du tome précédent, simple et pertinente. Puis un homme mort dans un bar, qui a surtout retenu mon attention avec la manière dont le criminel s’est débrouillé pour tuer sa victime, de façon très adroite. Puis un crime dans une salle de bain qui rebondit sur une mort dans des toilettes avec une simple mais astucieuse démonstration de physique à la clef. En bref, rien de révolutionnaire ni d’inoubliable, mais amplement de quoi passer un bon moment de lecture et de sollicitation de nos cellules grises.

    28/07/2020 à 08:24 1

  • Baptism - Tome 04

    Kazuo Umezu

    8/10 Quatrième et dernier tome d’une série que j’ai adoré. Il débute par la confrontation entre Sakura et ce journaliste, et la « fausse » gamine n’a pas dit son dernier mot. Pas mal de rebondissements, entre accidents provoqués ratés et retour du docteur Murakami, crises de démence et hallucinations, sans compter ce redoutable twist final, encore une fois très en avance sur son temps (cet opus date de 1976), et qui aurait pu inspirer de bien nombreux films comme romans. Bref, une conclusion forte (même si certains lecteurs pourront être déroutés par ce choix de Kazuo Umezu), pour une série qui l’est tout autant.

    28/07/2020 à 08:23

  • Avant la chute

    Noah Hawley

    7/10 Onze personnes embarquent à bord d’un jet privé depuis l’île de Vineyard. Principalement deux familles avec leurs enfants, plus l’équipage, un garde du corps et un invité de dernière minute, Scott Burroughs, un artiste sur le retour. Seize minutes plus tard, l’avion s’écrase en mer. Seuls le peintre et JJ Bateman, âgé de quatre ans et héritant ainsi d’une véritable fortune, survivent miraculeusement. Mais quel aura été la part de l’accident, de la machination ou du hasard dans ce crash ?

    Dépeint comme un thriller dès la première de couverture de la version poche, ce roman de Noah Hawley saisit l’attention dès les premières pages. L’écriture est très agréable, le style également, et l’on se passionne vite pour le décor planté par l’auteur, celui des minutes et circonstances précédent le décollage. Par la suite, l’ouvrage étonne : son aspect policier semble s’éloigner au profit de l’étude psychologique des divers protagonistes. Certains retiennent nettement l’attention, comme Scott, peintre raté ayant décidé d’abandonner ses vieux démons pour essayer de croquer un peu de gloire, Bill Cunningham, journaliste sans scrupule de la chaîne d’information ALC et prêt à toutes les bassesses, ou encore Gil Baruch, le garde du corps. De belles tranches de vie, assurément, que Noah Hawley rend d’autant plus poignantes qu’elles se sont unies, au dernier moment, dans une même tragédie. Mais, malgré ces qualités indéniables, le temps est un peu long pour l’amateur de thrillers. Et puis, arrive la trois-cent-quatre-vingt-douzième page, qui rebat les cartes de l’intrigue en injectant une dose salvatrice et dynamisante dans le récit, mais qui n’est que de courte durée. La suite du livre, encore une fois très bien écrite, demeure dans la droite ligne de son entame : un drame, vif et mordant, rendu très humain par cette description chorale des événements, mais qui n’atterrit jamais sur le tarmac tant attendu du thriller.

    Noah Hawley livre un opus soigné et réussi, mais dont l’étiquette « thriller » paraît usurpée. Une frustration comparable au fait de prendre un avion qui, malgré d’excellentes conditions de vol, ne vous emmène pas à la destination prévue.

    20/07/2020 à 10:35 1

  • Portés disparus

    Jack Heath

    8/10 Sans le moindre avertissement, un avion vient s’écraser au beau milieu de la ville de Kelton, sur la maison occupée par Doug et sa famille. Jarli Durras, le génial inventeur de cette application pour téléphone portable capable de repérer les mensonges dans la voix d’un humain, est sur place lors du crash. Détail étonnant : si la maison est vide (ce qui est tant mieux), l’avion l’est également. Dans ce cas, qu’est-ce qui a provoqué cet accident ? D’ailleurs, est-ce que c’en est vraiment un ?

    Après le très réussi L’Appli vérité, Jack Heath, à qui l’on doit aussi le remarquable Mange tes morts, nous revient avec ce deuxième opus des « Chroniques de Kelton ». Le tempo y est remarquable, alerte et sans le moindre temps mort, et le lecteur est d’entrée de jeu pris par la cadence imposée par l’écrivain. Les rebondissements s’enchaînent alors rapidement, et nos deux protagonistes – Jarli et Bess – vont avoir la surprise de découvrir que leur camarade Doug n’est peut-être pas celui qu’il prétend, et que le terrible Viper – le sordide personnage auquel ils ont été confrontés dans l’opus précédent – pourrait à nouveau être derrière toute cette histoire. Les moments de suspense et de tension ne manquent pas, et ce deuxième ouvrage de la série semble même encore plus vif que L’Appli vérité, probablement parce que le décor et les personnages ont déjà été plantés. On retiendra ici que l’intrigue est assez riche et fertile en surprises, avec de nombreux passages mémorables, comme l’altercation avec les deux individus surnommés « Détecteur » et « Ramasseur », l’affrontement dans l’usine de la ville, ou encore dans le container.

    Jack Heath continue de nous régaler avec cet ouvrage dynamique et fécond en retournements de situation. De quoi donner envie de se ruer sur le troisième opus, prévu fin août chez nous.

    20/07/2020 à 10:30 4