El Marco Modérateur

3303 votes

  • Le Parfum disparu

    Pierre Christin, Annie Goetzinger

    3/10 Paris, 1955. Edith Hardy, détective privée, se voit confier une nouvelle affaire : Lecauchois, industriel, lui demande de retrouver l’un de ses jeunes chimistes, Antoine Dubreuil, qui a disparu alors qu’il s’apprêtait à déposer un brevet pour un nouveau parfum qui devait être incorporé à une crème cicatrisante. Mais rapidement, les apparences presque banales s’effacent pour laisser la place à une histoire d’espionnage. Je n’ai vraiment pas accroché à cette BD. Une esthétique surannée (et qui n’est pas qui liée à son âge, datant de 2001, probablement y a-t-il aussi une forme d’hommage), des dialogues particulièrement longuets, et un personnage central sans la moindre aspérité et lisse comme un galet. En outre, elle manque sévèrement de rythme et n’a pas instillé de réelles informations ni éléments marquants, au point qu’aux dernières planches, on pourrait résumer ce premier opus en quelques phrases. Bref, j’ai trouvé ça assez tarte graphiquement, très mou, et bavard, en plus d’être une coquille vide. Vraiment déçu.

    13/09/2020 à 18:31 1

  • L'Envers du miroir

    Mark Zellweger

    8/10 Alors que la Seconde Guerre mondiale fait rage en Europe, la Suisse a un positionnement assez particulier, du fait de sa neutralité. Néanmoins, cela ne l’empêche pas de recueillir de nombreux renseignements contre l’Allemagne nazie, au cas où cette dernière tenterait finalement de l’envahir (comme le prévoit l’opération Tannenbaum), au profit des Alliés. C’est ainsi que Victor Farrell, le vice-consul britannique, et son cabinet en viennent à créer une escouade de jeunes femmes, baptisées « Les Louves » ou encore « Les espionnes du Salève », afin de lutter de manière discrète contre le Troisième Reich : Thela, Sev, Ruth, Marieke, Adèle, Marie et Louise vont ainsi unir leurs forces pour contrer un ennemi géographiquement si proche.

    Premier opus de la série consacrée aux espionnes du Salève, ce roman de Mark Zellweger séduit dès les premières pages. Prenant place dans la Suisse du début de la Seconde Guerre mondiale, ce qui constitue un cadre géographique original dans la longue liste des ouvrages se déroulant durant cette période. Avec un style simple et une plume qui va à l’essentiel, l’auteur nous décrit le contexte international, les divers services de renseignements, les luttes de pouvoir, les pressions, chantages et exactions, etc. Plusieurs intrigues naissent dans ce premier tome de la série, depuis l’arrestation d’un lycéen dont le père a été exécuté en raison des messages hostiles à l’Occupant que le jeune homme avait laissés jusqu’à la probable présence d’un traître dans le réseau de Résistance, en passant par un gradé faisant disparaître des tableaux afin de pouvoir les récupérer. Une série d’histoires qui s’emboîtent à merveille, toutes prenantes et sonnant avec authenticité, même si on pourrait reprocher, à la marge, que l’auteur ne creuse pas davantage les psychologies de ses protagonistes, ou que certains passages ont un goût de déjà-vu ou de déjà-lu.

    Une saga littéraire qui commence fort bien, sortant du lot des autres romans d’espionnage, solidement documenté, et proposant des histoires intelligemment enchâssées. Voilà qui donne furieusement envie de lire les ouvrages suivants, à savoir Bletchley Park et Le Pacte Allen Dulles.

    06/09/2020 à 20:09 3

  • Inconnu 89

    Elmore Leonard

    8/10 Jack Ryan, la trentaine, est devenu huissier pour les tribunaux de Détroit, où il se contente, la plupart du temps, de remettre la main sur les bonnes personnes pour leur transmettre des documents légaux. Cette fois-ci, pour le compte d’un dénommé monsieur Perez et l’entremise d’une connaissance, Jay Walt, il doit dénicher un dénommé Robert Leary Jr, dit « Bobby Lear ». Mais quand Jack retrouve Leary, c’est à la morgue, avec à l’orteil une étiquette indiquant « Inconnu 89 ». Il ne le sait pas encore, mais notre huissier vient de mettre les pieds dans un sacré nid de serpents.

    Second opus de la série consacrée à Jack Ryan après Cinglés, cet Inconnu 89 reparaît chez Rivages dans une nouvelle traduction intégrale, après avoir été préalablement édité à la Série Noire. On retrouve avec bonheur la langue et le style, tous deux uniques, d’Elmore Leonard : une intrigue serrée, de l’humour, et des dialogues qui font aussi souvent mouche qu’un sniper à la fête foraine. De prime abord assez classique, l’auteur, entre autres, de 3 heures 10 pour Yuma, Zigzag Movie et Punch créole, nous sert une histoire qui va vite se révéler bien plus complexe. Il y a Jack, mais également Denise, la veuve de Leary, Perez et Raymond, son bras armé, ainsi que Virgil, toujours prompt à jouer des armes, et Dick Speed, policier et ami de Jack. Le scénario va tourner autour de ces mystérieuses actions que Jack doit transmettre à Leary et, le cas échéant, à sa veuve, mais cela ne va pas se faire sans heurts ni morts. Elmore Leonard sait faire alterner avec maestria les moments hilarants (notamment lors de réparties particulièrement savoureuses), les instants plus durs (cf. le passage de Jack à la morgue), voire émouvants (quand notre héros repique à la bouteille). Même si certains moments sont un peu plus relâchés (comme l’escapade floridienne), l’ensemble ne présente guère de temps morts, et l’ensemble se dévore plus qu’il ne se lit.

    Encore un très bon roman de la part de cet auteur exceptionnel, dont on ne saurait se lasser de la bibliographie, étoffée et hétéroclite.

    04/09/2020 à 14:53 4

  • Le Trésor de Victor

    Agnès Laroche

    8/10 Un nouveau voisin vient d’emménager en face de chez Anatole. Un type inconnu, costaud, à l’allure patibulaire, et qui se me à creuser une série de trous dans son jardin. Qui est-il et que cherche-t-il ? Anatole, aidé des sœurs Nina et Agathe, enquêtent.

    Ce tome de la série consacrée aux apprentis détectives séduit immédiatement. Cette histoire commence pourtant de manière fort classique : un voisin d’allure peu recommandable, un comportement étrange, une aura de mystère, etc. Pourtant, sous la plume d’Agnès Laroche, tout prend rapidement une autre dimension. Le style, qui est à la fois direct et recélant pourtant des trésors d’humanité, captive aussitôt. L’ambiance assez anxiogène, laissant deviner des motifs criminels chez ce Victor Colmar, en vient à s’accroître dès que nos jeunes limiers apprennent qu’il a fait de la prison. L’histoire est très bien imaginée et menée, et les derniers rebondissements préservent un suspense de bon aloi et plein de tact, d’autant qu’il débouche sur une situation absolument imprévisible.

    Une nouvelle réussite pour Agnès Laroche, qui, avec sa vingtaine de polars destinés à la jeunesse, ne cesse de nous éblouir tout en sachant se renouveler.

    03/09/2020 à 12:43 1

  • La Marque du diable

    Stephen Desberg, Enrico Marini

    7/10 Une bande dessinée réussie, véritable hommage au cinéma (et littérature, bien évidemment) de cape et d’épée. Un héros valeureux et assez ténébreux, sa réussite auprès des femmes, son excellence au combat, etc., bref, un protagoniste qui coche toutes les heureuses cases du genre, tandis que l’intrigue ménage d’habiles sinuosités, avec ses jeux de pouvoir, l’emprise de la religion et de ces neuf familles, cette gitane aux poisons si divers et féroces… Cela n’éclaire pas la BD en général ni celle d’aventure d’un soleil très nouveau, mais ça n’en demeure pas moins très efficace pour se divertir.

    01/09/2020 à 19:47 3

  • Battle Royale tome 1

    Masayuki Taguchi, Koushun Takami

    6/10 Une bande de gamins (42 pour être exact) issus de la classe de 3ème B, en viennent, bien malgré eux, à devoir participer à un jeu de massacre au terme duquel il ne pourra en rester qu’un. Une plaisanterie ? Non. D’ailleurs, le sort réservé à deux de leurs professeurs, monsieur Hayashi et mademoiselle Ryoko, ne laisse plus guère de doute quant à la détermination des décideurs. Une mise en place musclée, avec quelques interactions intéressantes entre les élèves, et déjà le sang qui coule de bien des manières. L’île d’Oki, là où doit se dérouler ce « programme » apparaît dans le dernier tiers de cet opus enlevé, où déjà cinq victimes sont à compter. Un jeu de massacre « agréable à regarder », qui se laisse lire, mais auquel il manque un je ne sais quoi de finesse psychologique ou scénaristique pour m’emporter totalement. Néanmoins, je continuerai – au moins en partie, on verra bien ce que la suite réserve – à lire quelques-uns des opus suivants.

    01/09/2020 à 19:46 1

  • Inspecteur Kurokôchi Vol.2

    Koji Kono, Takashi Nagasaki

    8/10 J’ai retrouvé avec plaisir cet inspecteur Kurokôchi pour ce deuxième opus, et l’intrigue continue de se nouer habilement autour de corruptions, de manigances, tandis qu’apparaît une mystérieuse « assemblée du cerisier ». Kurokôchi va d’ailleurs le payer d’une balle tandis que l’histoire se densifie, avec de nombreuses ramifications et interactions. Seike va alors prendre une envergure amplifiée du fait de l’hospitalisation de son collègue, et enquêter sur une vieille histoire concernant un casse portant sur 300 millions de yens. C’est toujours aussi original, documenté, bien dessiné (des traits et une esthétique vraiment reconnaissables) et prenant.

    01/09/2020 à 19:45 1

  • Histoires à mourir debout

    Ouvrage collectif

    8/10 Quatorze nouvelles écrites par des épées de la Série Noire. Au programme : un gamin qui cache bien son jeu mortel, un mari désirant se débarrasser de sa femme, une histoire autour d’un téléphone, une escroquerie avec des montres, une charmante vieille dame trop bien mise pour être honnête, une belle entourloupe avec des pierres précieuses, un tourmenteur particulièrement sadique, une erreur d’identité en raison d’un a priori racial, un très adroit tour de passe-passe, des appels téléphoniques qui conduisent une femme au meurtre, un chassé-croisé entre deux tueurs à gages, un meurtre commis par la mafia mexicaine… Seule celle intitulée « Quatre de chute » ne m’aura guère marqué. Mais puisque l’on parle de « chute », elles sont toutes vraiment très réussies, chacune à sa façon, que ça soit du polar hard-boiled, de l’humoristique, du suspense, etc. Bref, un très bon moment de lecture – noire, évidemment – qui m’a redonné le plaisir de renouer avec les recueils de nouvelles – ce que je n’avais pas fait depuis quelque temps. J’ai attendu chacune des scènes finales avec l’appétit d’un môme guignant le dessert concluant un excellent repas. Seul bémol : il n’y a pas de thématique, de fil rouge à ces histoires, ce qui m’a un peu déçu. Mais je n’en garderai pas moins un très bon souvenir de ces lectures.

    25/08/2020 à 08:14 3

  • Morella

    Edgar Allan Poe

    9/10 Le narrateur se marie à Morella, une jeune femme dont la beauté est surpassée par son intelligence et son érudition. Mais l’époux finit par nourrir certains frissons auprès de Morella. Quand cette dernière décède en lui laissant une fille qu’il se refusera longtemps à prénommer, il ne comprendra qu’au moment de son baptême l’incroyable étrangeté qui ne l’a jamais quitté. Une histoire fantastique, brillamment écrite, à la chute implacable (peut-être devinable, mais enfin, le texte date de 1835). Une idée brillantissime, presque une claque, et j’imagine encore plus forte à l’époque. Indéniablement, un bijou de littérature fantastique en plus d’être un jalon dans ce domaine.

    25/08/2020 à 08:11 2

  • Les Souvenirs de M. Auguste Bedloe

    Edgar Allan Poe

    9/10 … ou le récit étrange concernant Auguste Bedloe, et sa relation avec le docteur Templeton, passionné par Mesmer et ses pratiques magnétiques. Bedloe n’est plus que l’ombre de lui-même, physiquement parlant, en raison de plusieurs attaques névralgiques. Le docteur Templeton accepte de le soigner en employant des techniques « médicales » encore peu usitées à l’époque, mais la suite est encore plus curieuse : Bedloe va narrer un étrange voyage, après avoir consommé de l’opium. La conclusion du médecin n’en sera que plus… surprenante. Autant certaines nouvelles d’Edgar Allan Poe sont archiconnues, presque des jalons, autant celle-ci m’était inconnue (mais cela ne signifie pas qu’elle l’est également de toutes et tous). Et je trouve cela très injuste, me réprimandant par la même occasion, car sa conclusion est… waouh… incroyable. Un récit fort, où s’exprime avec le talent qu’on lui (re)connaît l’auteur, et où l’on perd pied quand Bedloe narre par le détail son expérience (la rencontre avec l’original, la hyène, la ville fourmillante et en furie, l’expérience de hors-corps). Mais l’épilogue, en deux temps, est à mes yeux une pure merveille : inattendue, qui trouble et désoriente, et me marquera durablement. Et c’est d’autant plus fort qu’en peu de pages (pour rappel, c’est une nouvelle), on se dit que l’on a là le germe d’un roman voire d’un film palpitant. Pour cette raison comme parce qu’elle est moins connue que les autres récits de Poe, à mon avis à tort, elle grimpe directement sur mon podium perso de mes nouvelles préférées de l’auteur.

    25/08/2020 à 08:10 1

  • Le Cottage Landor

    Edgar Allan Poe

    3/10 … ou la description, presque de bout en bout, d’un paysage et d’une nature idylliques par un narrateur, accompagné du dénommé Ponto, jusqu’à ce qu’ils parviennent au cottage Landor, du nom de ses deux occupants, une magnifique jeune femme et un homme. Mais là s’arrête ma description de la nouvelle, parce que nombre de lecteurs ne comprendront pas l’intérêt de cette histoire (qui se veut, c’est indiqué dès le début, le « pendant au « Domaine d’Arnheim » »), qu’après avoir lu cette dernière, ce qui est mon cas. Mais malgré cela (je crois avoir compris la visée d’Edgar Allan Poe, avec cette vision minimaliste de la demeure par rapport à celle de l’autre histoire), sincèrement, et malgré mon inclination pour les écrits de l’auteur et son indéniable talent, je me suis profondément ennuyé lors de cette lecture, et mon intérêt n’a survécu qu’en attendant une révélation, une chute, une relecture possible du « Domaine d’Arnheim », ce qui n’a jamais été le cas. Un exercice de style, d’accord, mais qui m’a paru profondément stérile malgré la qualité indubitable de l’écriture.

    25/08/2020 à 08:08 1

  • Le Domaine d'Arnheim

    Edgar Allan Poe

    5/10 … ou comment le narrateur nous parle de son ami Ellison, et de son rapport flamboyant avec la Nature. Ellison cumule toutes les qualités : jeune, beau, intelligent, riche plus qu’il n’est permis de le dire, il aurait pu pratiquer avec talent n’importe quel art. Sauf qu’à la surprise de son camarade, il jette son dévolu sur l’art paysager et sur le domaine d’Arnheim, pour en faire le parangon de la beauté végétale. Une nouvelle un peu plus longue qu’à l’accoutumée, et, à mes yeux, assez longuette. Edgar Allan Poe déploie des trésors de finesses littéraires pour rendre la somptuosité des lieux, mais l’ensemble m’a plutôt fait penser à une presque interminable balade champêtre, où surnage à la rigueur la description finale de la demeure où perce un semblant d’intérêt, mais vraiment sans plus.

    25/08/2020 à 08:06

  • Kurosagi - Livraison de cadavres tome 7

    Ôtsuka Eiji, Yamazaki Hôsui

    7/10 Parce que le travail physique a fini par user nos experts du surnaturel, ils décident de se tourner vers l’achat d’un robot/exosquelette. Dans le même temps, un cadavre disparaît du funérarium. Une intrigue sympa, mais sans plus. Une dame renversée par un camion à un passage pour piétons et des hallucinations auditives : j’ai retrouvé plus ici la « marque » de la série, avec le côté surnaturel poussé et les scènes fortes (comme la découverte de la « femme-oreilles »). Puis un tournage de film (« Détective d’outre-tombe ») où une tête tranchée prétendument fausse se révèle vraie. Au final de ces trois récits, encore un bon moment de lecture pour cette série qui continue de me ravir.

    24/08/2020 à 08:22 2

  • La Isabela

    Mateo Guerrero, Sylvain Runberg

    7/10 La Isabela est la cité-capitale sur l’île d’Hispanola. Un bastion qui résiste sans difficulté aux assauts des Omeykhims. A l’intérieur des remparts, l’Inquisition, dirigée par le cardinal Torquemada, alors qu’une épidémie de choléra pourrait bien réduire à néant la résistance de la ville. Et voilà qu’arrive un aventurier, membre des Hyppocrates. Jakob Kayne, le dernier des mange-mémoire, dont nul ne peut se souvenir du visage, également alchimiste et guérisseur. Une BD qui m’a d’abord épaté par son graphisme, fort et prenant, puis par son intrigue, tout aussi prenante et efficiente, mélangeant habilement personnages historiques revisités et grand souffle d’aventure, créatures surnaturelles (juste esquissées) et action trépidante. Un cocktail qui aurait pu tourner au pot très pourri mais qui, au final, m’a ravi et beaucoup distrait.

    24/08/2020 à 08:21 2

  • La Fin des Romanov

    Benoît Abtey, Jean-Baptiste Dusséaux, Mayalen Goust

    6/10 1917, en Russie. Alors que la guerre meurtrit le pays et que les communistes commencent à agiter les foules, Ania et Volodia s’aiment. Elle est fille du tsar, il est soldat, et ce dernier connaît déjà l’homme que l’on connaîtra mondialement plus tard sous le sobriquet de « Staline ». Une romance sur fond de conflit armé, les soubresauts de la révolution, les harangues de Lénine, bref, tous les éléments constitutifs de l’époque et des combats de l’époque, avec la toute dernière planche présentant un dilemme insoutenable. Si le graphisme m’a plutôt plu, j’ai eu du mal à me passionner pour l’intrigue qui, par-delà certains faits réels, m’a surtout paru enquiller les clichés (l’anachronisme du Café Pouchkine est-il voulu ?). Bref, rien de palpitant à mes yeux, mais ça se laisse lire.

    24/08/2020 à 08:20 2

  • Le Pays des oubliés

    Michael Farris Smith

    9/10 Jack Boucher n’en peut plus. Cabossé à l’extrême, le corps et l’âme à l’agonie, il sait que sa vie de quadragénaire touche à sa fin. Mais il peut encore accomplir un dernier acte valeureux : empêcher que la maison de Maryann, celle qui l’a recueilli quand il avait douze ans, ne soit reprise par les banques. Pour cela, il doit trouver au plus vite de l’argent, quitte à affronter Big Momma Sweet, la prêtresse des combats clandestins, et accepter un ultime affrontement.

    Michael Farris Smith, après les très réussis Une Pluie sans fin et Nulle part sur la terre, signait cette nouvelle prouesse littéraire en 2018. Un opus gorgé de noirceur dont le titre – bien plus riche que l’original, The Fighter, porte déjà en lui la promesse de ténèbres. C’est avant tout l’histoire de Jack. Un individu usé jusqu’à la corde, jusqu’à la rupture. Enfant abandonné, recueilli à l’âge de douze ans par Maryann, une lesbienne honnie de tous, et qui vivra à l’école ses premières douleurs, ses premières humiliations, et ses premiers combats. Depuis, il va (sur)vivre grâce aux combats, l’amoindrissant lentement. Désormais, il n’est plus qu’une loque humaine, alcoolique et junkie, ne pouvant tenir que grâce aux antidouleurs et au whisky, victime de terribles maux de tête, incapable de retenir les noms de ses connaissances au point de devoir écrire chaque nom sur un carnet. C’est également son histoire avec Maryann, sa mère adoptive, avec laquelle il a noué de puissants liens et pour laquelle, tel un acte de rédemption, il va accepter de descendre dans l’arène, à peine moins cruelle que l’antique fosse aux lions, pour une dernière bagarre avec Ax, un colosse. En à peine deux cents cinquante pages, Michael Farris Smith livre un véritable brûlot, saturé de noir, poisseux comme cela n’est guère permis. On y trouvera d’autres individus, féroces et maltraités, comme Big Momma, qui a pris une sacrée revanche sur l’existence en devenant la grande ordonnatrice des rixes, la jeune Annette en quête de son père biologique, ou encore ces forains. La construction narrative est en soi un écho à ce récit chaotique, avec un discours direct dégagé de deux-points et autres guillemets.

    Un remarquable opus, aussi court que brutal, qui lacère de pied en cap. Un formidable hurlement humain, qui prouve assurément, s’il en était encore besoin, que les plus désespérés sont les chants les plus beaux.

    19/08/2020 à 08:21 7

  • Sherlock Nonosse & le mystère des additions & soustractions

    John Bigwood, Jonny Marx

    8/10 Parce que les mathématiques ne constituent pas nécessairement un enchantement pour nos chères têtes blondes, deux auteurs, John Bigwood et Jonny Marx viennent de lancer un concept intéressant : proposer d’apprendre les calculs grâce à un livre-jeu. Ici, ce sont les additions et soustractions avec lesquelles les jeunes vont se familiariser et pratiquer. Un énième cahier scolaire ? Nullement ! Un ouvrage très malin, magnifiquement illustré, et proposant de résoudre des énigmes policières dont la difficulté va aller crescendo. Les bases sont expliquées, puis le lecteur devient véritablement acteur de ses apprentissages, lui enjoignant de résoudre les opérations et de trouver les résultats qui sont cryptés, mais qu’une loupe détachable permet de faire apparaître. Et les devinettes deviennent rapidement addictives : on se plaît à faire chauffer ses petites cellules grises aux côtés de Sherlock Nonosse et de Docteur Chatterton, aux prises avec leur ennemi juré en la personne du professeur MalfRat, un rongeur de la pire espèce. Traque dans les égouts, cachette à débusquer, cambriolages, passages secrets à découvrir : rien ne sera épargné à nos limiers, ou plus exactement aux jeunes lecteurs qui prendront un plaisir fou à se frotter à l’algèbre : un paradoxe qui prouve la qualité de cet ouvrage, sorti en même temps que Sherlock Nonosse et le mystère des tables de multiplication.

    19/08/2020 à 08:16 2

  • Tirez la chevillette !

    James Hadley Chase

    8/10 … ou comment Chet, travaillant pour une entreprise de dépannage de coffres-forts, en vient à voler l’un de ses clients avec l’aide de son ami, se fait prendre, va en prison et s’en évade avant de trouver un asile agréable auprès de Jenson et de son épouse, Lola, dans une station-service qui fait également restaurant. Mais il se trouve que sur place, à encore, l’appât du gain et le désir continueront de lui jouer des tours. Un ouvrage noir, dans la plus pure tradition du genre, avec son lot de personnages et de situations attendues : le pauvre type sur qui le sort semble s’acharner, les vilaines coïncidences, la femme fatale, les bonnes poires qui se font avoir, etc. Je retrouve avec plaisir le style de James Hadley Chase, simple et expéditif, ce qui ne l’empêche nullement de trouver quelques belles formules et autres réparties. L’histoire (qui commence pourtant bien mal avec ce titre, « Tirez la chevillette », sans le moindre intérêt), quoique classique, enfile avec pas mal d’entrain et de talent ce que d’aucuns qualifieraient de clichés, mais qui apparaissent ici à mes yeux comme des moments nécessaires, presque des passages obligés. L’intrigue est vraiment réussie, et je me suis laissé emporter, de la première à la dernière page, par ce livre bien ficelé, et dont le final, pour une fois chez l’auteur, pas du tout happy end et guimauve, souligne une ultime fois la réussite. Cela faisait pas mal de temps que je n’avais pas lu de romans noirs de cette époque, voilà qui me donne non seulement envie d’en relire, mais également de me reprendre d’autres bouquins de James Hadley Chase.

    18/08/2020 à 08:13 4

  • Pluto tome 3

    Naoki Urasawa

    8/10 Un dessin toujours aussi fin et léché (notamment dans les expressions des visages et, par exemple, dans ce joli détournement vestimentaire des membres du KKK). Gesicht demeure un personnage très intéressant, bien loin esthétiquement de l’univers typique des mangas. Une émotion toujours palpable (particulièrement quand l’opus met en scène la jeune Uran), le suspense limite paranoïaque (quand on évoque la chose nommée « Bora »), et l’intrigue continue de se tisser avec intelligence. Je vais poursuivre avec les tomes suivants, que j’espère tout aussi alléchants.

    18/08/2020 à 08:10 2

  • La Machine à démourir

    Bruno Gazzotti, Fabien Vehlmann

    6/10 Après la neige, le salon du jouet. De l’action au milieu des joujoux, des dessins réussis, une course-poursuite sympa entre le maître des couteaux et Terry, mais à part ça, il ne s’y passe vraiment pas grand-chose, et surtout, pas grand-chose qui fasse avancer l’intrigue. Espérions que la suite sera plus fertile en rebondissements et en réponses.

    18/08/2020 à 08:08 1