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9/10 … ou comment Auguste Mature, restaurateur et copropriétaire du « Chez l’Auvergnat » dans le quartier des Halles, est pris d’un malaise au terme duquel il décède. Le hic, c’est que sa mort va déboucher sur une âpre lutte entre ses trois fils pour l’héritage. On a Antoine, qui était resté à ses côtés pour s’occuper du restaurant, qui a épousé une ancienne prostituée, Fernande, qui n’a pas pu lui donner d’enfant à cause d’une maladie vénérienne mal soignée, et avec lequel le vieil homme cohabitait en parfaite communion, sans esclandre ni afflux de parole. Il y a également Ferdinand, magistrat, assez effacé et surtout orienté par son épouse, une rapace de premier ordre dans la mesure où le couple gagne chichement son existence et s’est surendetté pour acheter un appartement et qui a deux enfants. Enfin, le fin du fin, Bernard, un bibendum toujours à courir l’argent, constamment embarqué dans des coups financiers soi-disant juteux, mais toujours en quête de monnaie. Ce roman est typique de l’univers de Georges Simenon : une écriture sèche, une histoire simple et crédible, des personnages décrits en quelques traits rapides et habiles, et une noirceur… Ici, il ne faut guère attendre pour voir poindre l’appât du gain, alors que le corps de leur propre père est encore tiède : dès le deuxième chapitre, les premiers mots naissent pour demander des comptes – au sens propre comme au figuré – à Antoine, qui est finalement, avec sa femme, le seul personnage qu’épargne l’écrivain. Les autres sont avides, sans le moindre sentiment, d’un cynisme inouï, guignant un éventuel trésor pour subvenir à leur dispendieux train de vie. Tout, dans ce livre, est sombre, ignoble, malintentionné, et Georges Simenon se lâche comme rarement pour décrire ces petits comportements, ces bassesses, ces vilénies toujours « justifiées » par une enfance prétendument injuste, des comportements passés inadaptés, la présence des enfants, etc. En contrepoint de cette mélodie en mode mineur, la peinture agréable, teintée de nostalgie, de ce quartier des Halles, de la solidarité des Auvergnats, et de tous ces taiseux qui se serrent les coudes sans la moindre volubilité. Une merveille de plus de la part de cet immense auteur belge, et dont j’avais beaucoup apprécié l’adaptation télévisée, que je peux maintenant juger par rapport à l’œuvre originelle : très fidèle, mis à part le rôle du neveu d’Antoine, ici moins sympathique, et un final autour d’une tombe (mais peut-être est-ce une erreur de ma part). L’ouverture du coffre et la découverte de son contenu mettront un terme aux exigences pécuniaires des deux harpagons. Pour qui aime les histoires hautement plausibles, décrivant au vitriol les relations familiales, et sans jamais tomber dans les clichés ni les effets faciles, ce roman est une pure perle, d’une rare concision, à mes yeux l’un des meilleurs de l’auteur.
01/01/2022 à 08:30 El Marco (3455 votes, 7.2/10 de moyenne) 4