El Marco Modérateur

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  • Le Crime de Bandol

    Robert Grimey, Jean Grimey

    7/10 Un inconnu découvert trois jours plus tôt, mort, avec 300000 francs sur lui, et voilà un policier qui se rue à la recherche de la vérité.
    Une nouvelle vite prenante (le rythme des premières pages est express, presque précipité), et la suite est également efficace, entre pistes diverses, suspects nombreux, fausse monnaie et l'ombre du "Mondain", un fameux criminel. Un récit efficace et distrayant même s'il est plus que probable que je ne garderai pas longtemps en tête le contenu exact de l'intrigue. Néanmoins, c'est bien mené et suffisamment habile pour faire passer un agréable moment.

    16/04/2023 à 17:35 2

  • Le Manoir de l'écureuil, deuxième partie

    Serge Brussolo

    7/10 Suite et fin de ce diptyque, de la série « Agence 13 », consacrée à l’écrivaine Savannah Warlock, et qui débute par la lecture de ce journal intime rédigé par la mère de Mickie, Anne. On y découvre, avec force détails, un sacré pan de la vie d’Anne, de cette curieuse relation qu’elle va nouer avec la romancière, et comment ce duo a lentement basculé dans l’aliénation avant de déboucher sur le sort, plus précisément, de l’écrivaine. Serge Brussolo épate toujours autant avec le foisonnement de son imagination même, comme je l’avais signalé pour le tome précédent, il ne cède pas aux sirènes du débordement de ses innovations littéraires et scénaristiques, ce qui sert ici le récit. Nous avons donc une histoire moins clivante et fantasmagorique que d’autres, même si certains passages sont sacrément électriques (je pense notamment à ce fameux « jardin d’hiver » qui donne le titre alternatif de cette œuvre, à savoir cet endroit où les jeunes enfants étaient dressés pour devenir de redoutables tueurs primitifs sous la tutelle de Tsar Makorius). Bref, probablement pas le plus réussi des ouvrages de Serge Brussolo ni le plus représentatif d’entre eux, mais il n’en demeure pas moins une porte d’entrée intéressante sur sa bibliographie en plus de constituer un thriller réussi et très agréable à lire.

    15/04/2023 à 08:00 3

  • Jet-ski, marécages et contrebande

    Robert Muchamore

    8/10 Robin Hood et ses comparses continuent de lutter âprement contre la dictature locale menée par Gisborne et la shérif de Nottingham, Marjorie Kovasevic. C’est même sa tête qui est désormais mise à prix ! Cette fois-ci, c’est à un autre pan des activités illicites et ignobles que vont s’attaquer nos héros adolescents : le trafic d’être humains. Robin et Marion ont en effet secouru Srihari, une immigrée indonésienne ainsi qu’un bébé, sachant qu’il y a environ deux-cents de ces malheureux encore à sauver.

    Voici le troisième ouvrage de la série consacrée à Robin Hood. On y retrouve avec plaisir la plume dynamique de Robert Muchamore, avec ces jeunes rebelles et leurs camarades prêts à tout pour détruire la tyrannie instaurée à Locksley. L’énergie qui était l’un des marqueurs des séries CHERUB et Henderson’s Boys, du même auteur, est intacte, et c’est avec bonheur que jeunes et moins jeunes pourront se lancer dans la lecture de cet opus. Ici, c’est donc une contrebande d’êtres humains qui va révulser nos protagonistes et les faire passer à l’action. Motos, jet-skis, bateaux : tous les moyens de locomotion vont être exploités pour de beaux épisodes cinématographiques, ponctuant le récit de ces très agréables moments épicés. Dans le même temps, Robert Muchamore rend son personnage principal très attachant, à la fois efficace et gaffeur, drôle parfois sans le vouloir, déconstruisant le mythe du héros indestructible et infaillible. Et cette cocasserie se niche parfois dans des dialogues bien ciselés, comme celui-ci : « [Il] est mort ? / Ses jambes sont à côté de la voiture et le reste coincé dans un arbre […]. S’il n’est pas mort, il risque d’avoir assez mal demain matin… »

    Un roman au moins aussi réussi et jubilatoire que les deux précédents, instillant également dans l’esprit des (jeunes) lecteurs une condamnation certes élémentaire mais toujours aussi nécessaire de l’esclavage moderne.

    14/04/2023 à 07:11 5

  • La Disparition de Perek

    Hervé Le Tellier

    8/10 Gabriel Lecouvreur, alias le Poulpe, lit un fait divers tragique dans un journal. Le cadavre du jeune Philippe Perek vient d’être retrouvé, mutilé et carbonisé. Seul l’un de ses bras a survécu au massacre, et la police a retrouvé de la cocaïne au domicile du défunt. La victime étant un orphelin comme Gabriel, le sang de céphalopode de ce dernier ne fait qu’un tour et il sent déjà qu’il y a de la manipulation derrière tout cela.

    Cet ouvrage, extrait de la série consacrée au Poulpe, a été publié pour la première fois en 1997, et les éditions Gallimard ont eu la riche idée de le rééditer vingt-cinq ans plus tard dans la collection Folio policier. Depuis cette époque, Hervé Le Tellier a fait du chemin, notamment en emportant le prix Goncourt en 2020 pour L’Anomalie. Comme expliqué dans l’habile préface, Jean-Bernard Pouy avait clairement édicté le cahier des charges de la série : « Un « Poulpe », ça se pond en deux mois, ou tu oublies. » De la littérature décomplexée, accessible et divertissante, donc, et l’on retrouve ici ces caractéristiques : une histoire de prime abord simple, des personnages colorés, une intrigue policière nerveuse, et la messe est dite. Oui, mais réduire cet opus à ces seuls qualificatifs serait hautement simplificateur, voire faux. On se retrouve ici avec un scénario bien plus riche et sombre qu’habituellement, avec de sacrées ramifications dans les hautes sphères de la société, un complot médical qui fait froid dans le dos et la présence de personnages particulièrement patibulaires et criminels. Il y a bien quelques touches d’humour au gré du récit, mais Hervé Le Tellier a clairement opté pour un noir quasi intégral, que très peu de jeux de mots ou de galéjades viennent éclairer. Dans le même temps, le lecteur observera que son enquêteur libertaire préféré n’est pas seul pour mener son investigation, aidé par les amis du défunt, un légiste facétieux et ancien militant trotskyste, ainsi que par des motards capables d’agir comme un véritable commando.

    Le Poulpe, c’est la madeleine de Proust de tout amateur de littérature policière distrayante. Florian P. Dennisson avait ressuscité le personnage dans son très bon Teleski qui croyait prendre en 2016, et l’on ne peut que se réjouir que ce protagoniste nous revienne, via des rééditions ou des résurrections ponctuelles.

    13/04/2023 à 06:56 6

  • Pour sauver les Urus

    Edouard Aidans

    6/10 Tounga vient en aide à Nyoko (un Uru), très typé aborigène, poursuivi par la tribu des Kwin-Kou. Luttes contre les éléments naturels, les animaux sauvages (notamment des tigres et un crocodile mastoc) et les membres de cette peuplade. Rien de révolutionnaire sous le soleil de la Préhistoire, de l’aventure datée mais sympatoche si on accepte de passer sur l’esthétique périmée, l’overdose d’exploits physiques du héros et quelques moments plutôt risibles (comme Tounga faisant du rodéo sur un zèbre…).

    12/04/2023 à 18:45 1

  • La Margarita

    José Moselli

    6/10 Une perle unique, voilà ce qu’est « La Margarita », qui va être dérobée au musée de Washington. Pourtant, le dispositif de sécurité est imposant, mais cela ne va pas empêcher le bijou d’être dérobé en présence d’édiles. Un vol réalisé par John Strobbins.
    Une nouvelle agréable où notre le détective cambrioleur s’avère à la fois patriote et attaché aux trésors de son pays, qui a tâché de donner une bonne leçon aux services de surveillance du musée, se commuant ainsi en lanceur d’alerte. Les ressorts du cambriolage sont en revanche plutôt simples et tiennent vraiment du déjà-vu et du déjà lu.

    11/04/2023 à 19:36 1

  • La mort est parfois préférable

    Sacha Erbel

    8/10 Le major Yan Lebrun est officier de police à Lille et elle détonne dans le paysage. Sexy quoiqu’un peu enrobée, androgyne, elle est surtout sujette à des douleurs endémiques, soudaines et monstrueuses qui surgissent à n’importe quel moment et qui la fracassent. Dans le même temps, elle et son équipe vont devoir enquêter sur deux affaires singulières : l’assassinat d’un journaliste à son domicile et la décapitation d’un homme dans sa voiture dont la tête a été retrouvée sur la banquette arrière de l’automobile.

    Voici le dernier thriller de Sacha Erbel, cette fois-ci paru chez Taurnada. D’entrée de jeu, on est intrigué par ce que l’héroïne a baptisé « L’Araignée », à savoir ce mal insidieux qui la martyrise et la brise, une calamité qu’elle essaie de dissimuler aux yeux de ses collègues tout en se gavant d’analgésiques pour amoindrir la souffrance. Et les deux affaires qui sont confiées à elle ainsi qu’à son équipe ne sont pas là pour apaiser son état de santé. Pourquoi a-t-on tué ce journaliste, spécialiste des sujets sulfureux, dans sa baignoire ? Parallèlement, comment ce gardien de nuit anonyme a-t-il ainsi pu se faire couper la tête ? Existe-t-il un lien entre ces cas ? Et que dire de cette malheureuse victime qui semble avoir elle-même orchestré cette mise en scène au terme de laquelle une tronçonneuse lui a tranché les cervicales ? Dit ainsi, on peut s’imaginer un texte gore et voyeuriste, mais ça serait à tort : Sacha Erbel a distillé tout au long de son ouvrage un humour parfois potache, notamment dans les relations que Yan entretient avec ses partenaires, qui vient contrebalancer cette noirceur et cette violence, même si certains lecteurs reprocheront justement à l’écrivaine cette cocasserie trop appuyée alors que le récit aurait peut-être justement mérité de jouer la partition des ténèbres sans ces retouches. Entre éventuelles dérives sectaires, vengeance prenant racine au Pakistan et hypnose, Sacha Erbel maintient le suspense à un haut niveau et n’aménage aucun temps mort dans ce thriller tendu. C’est aussi pour l’auteure un moyen d’évoquer une maladie dont elle souffre – s’en ouvrant avec beaucoup d’humanité et de tact dans la postface, offrant au-delà de l’intrigue policière une dimension autobiographique bienvenue.

    Un livre efficace et attachant, ingénieux et machiavélique, qui mérite amplement d’être découvert et de figurer sur les étagères des amateurs de sensations fortes et autres romans nerveux.

    11/04/2023 à 06:56 2

  • Shinotori tome 2

    Dr. Imu

    7/10 Des réfugiés viennent se protéger de l’invasion incompréhensible d’oiseaux et des épidémies qui viennent avec dans un chalet, malheureusement vite surpeuplé. L’effet de surprise du premier tome s’est nécessairement en partie évaporé, certes, mais ce manga reste très agréable. Kurô prend très au sérieux son rôle de protecteur de Toki. Quelques beaux morceaux de tension et de (petits) frissons, comme lors de la rencontre avec la bestiole dans le couloir (reprise dans l’image de la couverture), ou alors la confrontation presque finale entre le sniper-mitrailleur avec les créatures.

    10/04/2023 à 19:22 2

  • Si elle savait

    Blake Pierce

    5/10 « Sans un projet solide, la retraite pouvait très vite devenir ennuyeuse », et il est vrai que l’ancienne agent du FBI, Kate Wise, s’ennuie ferme à cinquante-cinq ans après trente-et-un ans de bons et loyaux services au sein du Bureau. Quand une amie lui apprend que sa fille a été assassinée, Kate reprend du service, d’abord officieusement, puis plus officiellement aux côtés de la très jeune agent DeMarco, traquant ce qui ressemble à s’y méprendre à un tueur en série s’en prenant à des femmes qui se connaissaient très bien. Enregistrant dans la base l’immense majorité des ouvrages de Blake Pierce, j’ai été intrigué par son rythme hallucinant – et donc peu crédible – de productions littéraires, aussi ai-je tenté le coup, et je dois dire que je suis mitigé. Le roman est court, les chapitres alternent bien, pas de temps mort, et ça remplit bien son rôle de lecture distractive, sans la moindre prise de tête, qui aide à faire passer le temps. Mais à côté de ça, comme il fallait s’y attendre, la prose est assez faiblarde, les personnages creux (DeMarco en devient transparente tandis que l’auteur a accumulé les poncifs quant à Kate Wike – as du kickboxing, résultats professionnels remarquables, la retraite lassante, le fait qu’elle va bientôt être grand-mère, etc., bref, rien dans cette accumulation ne permet de rendre ce protagoniste mémorable ni réellement dense, et sa pseudo association avec DeMarco est si déséquilibrée qu’elle en devient inintéressante). L’intrigue est une pure portion congrue de sensations fortes, sans véritable fièvre ni frissons, mais il faut bien reconnaître que le final est relativement habile, usant de ressorts certes déjà lus mais bienvenus. Pour résumer, c’est vraiment moyen (une mécanique correcte mais des engrenages éculés et une lubrification pas top) mais dans le même temps, je suis curieux de voir ce que donnent ses autres ouvrages, et c’est évident que je vais m’en faire encore quelques-uns.

    10/04/2023 à 19:14 3

  • Gyo tome 2

    Junji Ito

    7/10 Après un coma d’un mois suivant son « bain » avec les bestioles, on retrouve Tadashi tandis que le Japon s’est en quelque sorte habitué à l’invasion de ces saletés de créatures hybrides. On lui apprend également que Kaori est morte, ce qui est faux : elle a été conservée dans sa mutation dans une chambre de la clinique dont elle parvient à s’échapper. On retrouve le ton décalé (cf. la scène sous le chapiteau du cirque) mâtiné de gore dans ce deuxième et dernier opus. Le thème est connu mais son traitement (le coup des gaz et des tuyaux dans les orifices naturels des victimes) le sort nettement du lot. Le final est tout aussi original et marquant avec cette histoire de trou dans le mur aux parfaites dimensions de passage pour des humains.

    06/04/2023 à 19:36 1

  • Des Cendres en héritage

    Magali Collet, Isabelle Villain

    8/10 A 8h02, le 8 mai 1902, environ 28000 personnes sont mortes suite à la violente éruption de la montagne Pelée. On retrouve une fillette noire, Séraphise, tenant contre elle un nourrisson blanc. L’enfant est probablement celui de Charlotte Lamorandière, qu’elle avait confié à une nurse. Problème : lorsqu’elle arrive à l’hôpital pour récupérer son fils, on lui apprend qu’une autre femme – madame Mme Jussi de Saint Priac – l’a déjà pris, arguant du fait qu’il s’agissait du sien. Pour démêler le vrai du faux, on mandate sur place l’enquêteur Isidore Vidiol, car l’enjeu n’est pas seulement humain : une femme béké ne pouvant hériter, il faut absolument à ces deux femmes un descendant mâle…
    Une nouvelle très belle, joliment menée, avec force sentiments maternels et un fond sociologique lapidairement – mais bien – rendu. Le final est également intéressant, proposant une chute, certes, que l’on pouvait éventuellement deviner – je dis bien « éventuellement » parce que, dans la mesure où il n’y avait aucun élément factuel pour la laisser émerger même en partie, l’entrapercevoir tient plus de l’instinct ou de l’hypothèse favorablement avérée que du véritable flair – mais qui n’en demeure pas moins habile et efficace. Une très belle réussite pour ce texte écrit à quatre mains.

    04/04/2023 à 19:10 2

  • 1991

    Franck Thilliez

    9/10 En 1991, Franck Sharko a tout juste trente ans et a intégré le 36 du Quai des Orfèvres. Encore novice, il va participer à une enquête vertigineuse qui commence par une histoire de lettres anonymes envoyant leur destinataire sur les lieux d’un crime où une femme a été massacrée (organes génitaux brûlés). Mais ce n’est que le début d’un long hiver pour l’équipe de policiers, un enfer graduel qui va les mener à la chasse menée par un prédateur d’un rare machiavélisme.
    Des Franck Thilliez, j’en ai lu un bon paquet, mais celui-ci, indéniablement, est un régal. On y retrouve le style de l’auteur, avec des phrases simples et directes, sans recherche particulière, qui vont à l’essentiel et cognent rapidement. Des descriptions lapidaires, des personnages écorchés, un peu trop souvent reliées à un surnom à mon humble avis, et confrontés à une énigme redoutable. Une fois la dernière page refermée, j’ai essayé de remettre tout à l’endroit et tout se tient : date, processus meurtrier, interactions, charpente narrative. Un extraordinaire travail de documentation, un soubassement scénaristique de premier ordre. Et sur ces fondations, la patte Thilliez : des chapitres courts et véloces (77 en tout), qui s’enchaînent avec maestria, un pur page-turner à la française qui a l’excellent goût de ne rien pomper aux auteurs américains. Je ne parle même pas de la richesse des thèmes abordés (vaudou, magie, expérimentations médicales bien trash, psychés déstructurées, jeu de piste infernal, enfants bousillés, etc.). Difficile d’en dire plus sans déflorer l’intrigue, mais, même si l’on retrouve effectivement, comme noté dans d’autres commentaires de mes petits camarades, des éléments déjà présents dans d’autres ouvrages et ainsi « recyclés », ce cocktail m’a littéralement bluffé. Et puis, quelle riche idée de proposer une enquête de Sharko, sa première, où se dessine déjà son caractère fort et sagace, à une époque révolue où les communications étaient si différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui (le « mot de la fin » de l’écrivain nous éclaire en peu de mots à ce sujet à propos de son confinement mais avec beaucoup de tact et de justesse). Bref, encore une fois, un excellent thriller de la part de Franck Thilliez : je ne suis pas près d’oublier la scène avec le mamba noir, les références à Houdini, les traitements médico-sexuels sur les gamins ou encore ce qu’est la cryptophasie. Un diamant littéraire brut(al).

    03/04/2023 à 18:11 6

  • Nidhogg

    Roman Surzhenko, Yann

    6/10 Un septième et dernier tome directement enchâssé dans le précédent, où réapparaît d’entrée de jeu le fourbe Lundgen et le terrible serpent Nidhogg. Comme pour l’opus antérieur, place nette pour la magie, l’univers franchement fantasy et la rareté des scènes d’action (à part la réapparition musclée du reptile divin vers le final). Mais je suis assez déçu par ce final : trop guilleret, presque gentillet et second degré (cf. la case finale).

    02/04/2023 à 18:46 3

  • Bluebird, Bluebird

    Attica Locke

    8/10 Lark, dans le Texas. Une commune de moins de deux cents habitants où viennent de se produire, coup sur coup, deux drames. Un Noir de Chicago, Michael Wright, puis une femme blanche, Melissa Dale, tous les deux retrouvés dans le bayou Attoyac. Darren Mathews, Ranger de couleur, est informé de cette troublante coïncidence et se rend sur place pour enquêter, dans un premier temps incognito.

    Attica Locke nous a déjà séduits avec des ouvrages forts comme Marée noire ou Dernière récolte, et ce roman noir de haute volée s’inscrit dans ce parcours littéraire d’excellence. On y découvre un protagoniste très fort et marquant en la personne de Darren Mathews. Ancien étudiant en droit, il a abandonné ses études à la suite d’un lynchage médiatisé qui l’a bouleversé (« mon 11-Septembre », dira-t-il de cet événement) et décidé de porter l’étoile des Rangers. En mauvais termes avec sa femme, flirtant dangereusement avec la bouteille, il est suspendu de son poste en raison d’un procès en cours où sa parole pourrait être fausse, ce qui ne l’empêche pas d’aller jeter un coup d’œil dans ce coin paumé du Texas où le bayou semble aspirer les êtres humains. Darren ne sera pas au bout de ses (mauvaises) surprises sur ce territoire encore marqué au fer rouge par le racisme ordinaire et la ségrégation presque inscrite dans le caryotype de l’Etat. Notre Ranger y découvrira de joyeux xénophobes bien gras et épais, membres de la Fraternité Aryenne, ainsi que des Noirs cherchant à dissimuler des secrets volontairement enfouis. Attica Locke décrit avec maestria les lieux et les psychologies, prenant tout son temps pour les rendre singulièrement denses et travaillées, et si son intrigue peut de prime abord paraître percluse de clichés, il n’en est rien. L’écrivaine a su habilement étaler quelques poncifs du genre pour mieux s’en jouer par la suite, et le rythme de son récit, volontairement lent et étouffant, rend les révélations finales d’autant plus surprenantes et explosives.

    Une intrigue noire savamment campée, à la fois classique et dédaléenne, confirmant avec talent le fait qu’Attica Locke est décidément une auteure à suivre de très près.

    31/03/2023 à 06:59 6

  • La Reine des Alfes noirs

    Roman Surzhenko, Yann

    7/10 En catimini, Louve part de chez elle avec son fidèle singe pour aller chercher Thorgal à Bag Dadh malgré les récriminations d’Aaricia. En route, il tombe sur le « petit nain » Tjahzi qui la convainc de venir en aide à son peuple, opprimé par les Alfes noirs pour qu’ils leur forgent des haches capables de détruire l’arbre d’Odin. Un tome très imaginatif, saturé de magie, de créatures étonnantes (comme ces hérissons, ces iguanes et ces taupes géantes, tous domestiqués), certes sans beaucoup d’action, mais plaisant par son ton ouvertement fantasy et féérique.

    30/03/2023 à 18:38 3

  • Skald

    Roman Surzhenko, Yann

    7/10 Louve parvient momentanément à l’emporter sur Raïssa en tirant profit des ressources de la forêt et de la faune qui s’y trouve tandis que le sinistre Lundgen arrive à convaincre Aaricia de la mort de Thorgal et de Louve. Un cinquième tome où les animaux (dauphins, singes, ours, loups) disputent la vedette aux individus principaux. Toujours aussi jubilatoire.

    30/03/2023 à 18:37 2

  • Celui qui voit

    Mig, Hervé Richez

    6/10 Sud Vietnam, en décembre 1966. Le soldat Sam Lawry revient d’un congé pour convalescence lorsqu’il a une vision, celle d’un militaire, Fox, troué de balles. Par la suite, d’autres hallucinations s’avèreront tout aussi prophétiques. Serait-il subitement devenu médium ? Un scénario pas particulièrement innovant et une esthétique qui a vieilli (ça date de 2002), mais cette BD est agréable à suivre, notamment grâce à un personnage central dont on a malgré tout envie de savoir ce qui lui est arrivé et ce qui va également lui arriver, lui qui est honni par ses camarades parce qu’il fait peur, adulé lorsqu’il peut prévoir les pièges de l’armée adverse et être capable des plus grands mensonges quand il entrevoit la mort de son salopard de commandant. Globalement plutôt sympa.

    29/03/2023 à 18:56 1

  • Nicolas

    Agnès Laroche, Franck Thilliez

    9/10 Sarah a désormais rejoint l’équipe de la Brigade des cauchemars aux côtés de Tristan et d’Esteban quand ses parents décèdent au cours d’un accident de voiture. A peine remis de cette tragédie, nos trois adolescents doivent pénétrer dans les songes du dénommé Nicolas, mais un incident intervient : le sinistre Léonard, soigné au sein de la Clinique du sommeil et ayant encore la mère de Tristan recluse dans ses cauchemars, se glisse également dans l’esprit de Nicolas. La situation n’était déjà guère simple, elle en devient carrément ardue…

    Ce deuxième tome de la série de romans consacrée à la Brigade des cauchemars est tout aussi réussi que le premier. Novélisé par Agnès Laroche à partir des bandes dessinées du même nom scénarisées par Franck Thilliez, il nous invite une fois de plus dans un voyage psychique qui débute donc par l’immission de l’étrange Léonard dans les hallucinations nocturnes de Nicolas. Le récit est effréné, sans le moindre temps mort, porté par un scénario ambitieux et maîtrisé, et servi par une plume particulièrement efficace. Nos jeunes héros vont plonger dans une ville saturée de phénomènes inexpliqués, avec cette cité presque fantôme, des individus transformés en cendres ou en pierres, une fée inquiétante, des crabes tombant du ciel et d’étranges lueurs verdâtres. Et quelle ne sera pas leur surprise lorsqu’ils comprendront qu’ils ont débarqué, sans le savoir, dans une version fantasmée de Tchernobyl. Une fois de plus, Franck Thilliez nous a concocté une histoire ahurissante et prenante tandis qu’Agnès Laroche – dont nous avons appris récemment le décès prématuré – et Yomgui Dumont servent respectivement ce récit de sa plume et de son pinceau avec un talent consommé. Le dénouement est toujours aussi malicieux, mettant en valeur une analyse psychologique, presque psychanalytique, rare dans le domaine de la littérature jeunesse. Et que dire de cet ultime rebondissement quant à la condition et l’identité d’Esteban !

    Le troisième tome de cette série est d’ores et déjà annoncé pour septembre : inutile de dire que nous nous ruerons dessus avec appétit !

    29/03/2023 à 06:56 4

  • L'Île de Hôzuki tome 3

    Kei Sanbe

    6/10 La mystérieuse gamine blonde refait une apparition, et malgré leur volonté de fer, nos jeunes héros ne sont toujours pas parvenus à quitter cette île inquiétante. Cette traque nocturne reste d’un bon niveau, mais malgré quelques éléments intéressants (la déduction de Kokoro quant aux intentions du fantôme ou la chute du haut de la falaise), cet avant-dernier opus manque d’un brin de sel ou d’épice pour rehausser sa saveur. Espérons que le quatrième et dernier tome sera plus convaincant.

    28/03/2023 à 18:30 1

  • L'Île de Hôzuki tome 2

    Kei Sanbe

    7/10 La tension est plus marquée avec l’entame de ce deuxième tome de la série : un téléphone que l’on coupe, une femme munie d’un katana, la promesse que les enfants ne s’échapperont pas de l’île, un cimetière dans un panorama nocturne, une mine de charbon désaffectée, les gamins qui passent à l’action face à une tentative de viol… Une ambiance beaucoup plus dense et adulte, sans jamais verser dans l’horrifique ou les dérives trash habituellement lues. J’aime.

    28/03/2023 à 18:27 2