3708 votes
-
Mrs Tubman
4/10 Notre héroïne affronte des cowboys racistes, et elle va ensuite porter secours à des esclaves faits prisonniers. J’aurais pu copier/coller mes précédents avis tant ils continuent ici d’être avérés : l’histoire est sans relief et surtout déjà lue ou vue maintes et maintes fois. L’action est quasiment absente, remplacée par une émotion qui reste cependant bien atone. Quant au final, il est trop gentillet et attendu. Vraiment décevant.
26/01/2025 à 17:30 2
-
Uwoduhi Asgisdi
6/10 Eva, recueillie par des Amérindiens, apprend à vivre comme eux, notamment l’art des arcs et flèches, et certains actes de maltraitance lui rappellent douloureusement des souvenirs anciens. Je finis par apprécier le graphisme assez particulier, mais l’histoire, plutôt intéressante, n’est pas non plus follement originale : c’est davantage un kaléidoscope d’images déjà lues ou vues des dizaines de fois auparavant.
26/01/2025 à 17:29 2
-
Ron Kamonohashi - Deranged Detective tome 1
7/10 Un jeune policier, Totomaru Isshiki, vient demander de l’aide au brillantissime détective Ron Kamonohashi pour résoudre une série de meurtres : des gens retrouvés noyés à des endroits où il n’y a pas d’eau. Le limier est assez spécial : il vit complètement coupé du monde extérieur, le sol de l’appartement est un matelas géant (il l’appelle « le sol de la paresse »), et il a semble-t-il refusé définitivement d’exercer son art. Mais Ron finit par accepter.
Une première affaire rondement menée qui permet de mieux connaître ce détective détonant : complètement barré, sorte de Sherlock Holmes revisité façon Robert Downey Jr., qui a l’habitude de se jeter près des cadavres pour faire la causette avec eux, à qui il promet de les venger, et qui se vante d’un palmarès curieux : 100 % de résolution mais 0 % d’arrestation puisqu’il propose à tous les coupables de se suicider. Pas mal d’humour à la clef pour des enquêtes pas particulièrement originales (les résolutions non plus, d’ailleurs), mais le ton est agréable, enjoué et cocasse. Je vais tâcher de suivre au moins encore un peu cette série, pour voir.25/01/2025 à 18:45 2
-
L'Ombre de la mort
8/10 Rachel s’extrait d’une tombe creusée dans les bois et demande à être ramenée chez elle. Elle n’a conservé aucun souvenir de la nuit précédente, seule lui reste une nette entaille sur sa gorge. Mais le plus étrange, c’est quand plusieurs de ses connaissances disent, en voyant la jeune femme, qu’elle n’est pas Rachel.
Un récit en noir et blanc très étrange et aussitôt prenant, entretenant une curieuse atmosphère, entre angoisse et léger occultisme (cf. par exemple la référence aux anciennes sorcières). Un premier tome ensorcelant qui se nourrit entre autres de ce graphisme épuré et bichromatique, avec très peu de moments de fièvre, ce qui les rend d’autant plus délectables (comme le passage avec la cabine d’ascenseur).25/01/2025 à 18:44 3
-
Elle savait
8/10 Dans une rame du métro new-yorkais, Jack Reacher repère le comportement suspect d’une femme, Susan Mark : son attitude coche presque toutes les onze cases du manuel permettant de repérer un candidat à l’attentat suicide. Sauf que la malheureuse finit par se faire sauter la tête à l’aide de son revolver. Jack Reacher ne tenait pas plus que ça à être impliqué dans cette histoire, mais il va pourtant l’être.
J’adore les ouvrages de Lee Child même si je leur trouve quelques failles sporadiques, et son style est toujours aussi identifiable : des dialogues au cordeau, de l’humour à froid agrémenté de belles punchlines, des analyses de situation et statistiques de la part de Reacher (parfois un peu trop magiques, comme s’il était omniscient), et une belle dose d’action. Ici, notre héros va aller de fausses pistes en rebondissements, d’impasses en découvertes : le mystérieux sénateur Sansom qui aurait pu recevoir une médaille prestigieuse en raison d’une opération secrète, une belle Ukrainienne et sa présumée maman, une histoire remontant à Berlin dans les années 1980 puis en Afghanistan pendant la guerre contre l’URSS, le vol d’un fusil de sniper révolutionnaire, une photographie que les deux camps aimeraient probablement voir détruite, etc. Quelques longueurs de temps à autre, certes, mais je me suis laissé happé par le récit et ses multiples rebondissements, jusqu’aux combats finaux (dans un vieux bâtiment face à une grosse dizaine de gaillards, puis au couteau face à deux ennemis). Comme l’a signalé gamille67, il y a un passage gore (la vidéo de l’éventration) mais aussi des moments de bravoure, de haute tension, d’analyses psychologiques très fines et de bastons millimétrées, pour un résultat cinématographique en diable que j’ai vraiment adoré. Alors, oui, j’aurais aimé une révélation finale avérée et inscrite dans le marbre plutôt que chaque lecteur se forge sa propre idée à son sujet, mais vu la manière dont Jack Reacher himself l’imagine avec beaucoup de grivoiserie, ça me va très bien ainsi. Voilà un très bon thriller qui, en plus, me donne envie de continuer mon exploration de l’œuvre de Lee Child.22/01/2025 à 05:49 5
-
Rédemption
6/10 Un homme confie qu’il a déjà maintes fois tué par le passé et qu’il hésite à se suicider. Retour en arrière : Jack Stanton et Jill, la femme de son boss, s’arrêtent à une station-service. Un comité d’accueil musclé les attend à l’extérieur et enlève la jeune femme. Direction Silent Hill pour Jack qui tombe sur des molosses effrayants avant d’abattre un homme d’une balle dans la tête. La suite sera encore plus cauchemardesque.
Une BD qui mise esthétiquement sur l’aspect photographique façon jeu vidéo Max Payne et une atmosphère on s’en doute anxiogène. Quelques bavardages et autres introspections un peu superflues à mon avis mais l’ensemble est correct, proposant son lot de sensations fortes et de passages angoissants. Pas indispensable, pas mauvais non plus.22/01/2025 à 05:48 2
-
La Colère
9/10 Ike Randolph, solide Noir au passé tourmenté et ex-prisonnier, et Buddy Lee Jenkins, phasme blanc du même âge, toussant du sang et jouant du couteau, viennent d’enterrer leurs enfants respectifs qui ont froidement été abattus et qui s’aimaient – leur couple avait également la petite Arianna, obtenue par mère porteuse. Les deux grands-pères vont s’associer pour comprendre qui a pu s’en prendre à leurs fils, surtout une fois que leur pierre tombale a été vandalisée – et ainsi remonter jusqu’à une énigmatique Tangerine.
Un thriller très bien troussé, avec des dialogues au cordeau, des scènes qui claquent et marquent les esprits (les réparties entre les deux aînés m’ont parfois rappelé celles issue de la plume de John Connolly, quand Angel et Louis discutent). Une histoire originale par son pitch, qui bat en brèche les clichés quant au racisme et l’homophobie, avec des arguments percutants. Si on ajoute à ça des passages très pyrotechniques et visuelles (le final explosif, notamment, et toutes les scènes où nos deux héros affrontent les bikers des Sang pur), effectivement, on comprend que le cinéma ait pris une option sur ce livre. On pardonne d’autant les quelques poncifs que je vois davantage comme des concessions au genre hollywoodien (des moments de bagarre peu crédibles à mon goût, l’identité du donneur d’ordres très stéréotypée, ou le final un peu abrupt). Ah, tant que j’y pense, pour Franck 28 : s’il décide un jour de commettre un commentaire sur cet ouvrage sans l’avoir lu – sa manie –, je lui précise que le titre originel fait référence à la toute dernière phrase du roman, ça pourra toujours lui servir.21/01/2025 à 05:42 7
-
L'Affaire de l'île Barbe
Michel Montheillet, Stanislas Petrosky
8/10 Janvier 1881 : on ramène sur la morgue flottante de Lyon le cadavre d’une noyée dont seule la partie supérieure du tronc a été retrouvée. Le professeur Alexandre Lacassagne, professeur de médecine et habitué des autopsies, ainsi que son aide Ange-Clément Huin, vont tâcher de faire parler cette dépouille grâce aux techniques de médecine légale de l’époque.
Ce court roman de Stanislas Petrosky séduit dès les premiers chapitres. Au gré des quelque cent-cinquante pages de ce roman, l’auteur nous donne à voir une belle reconstitution de Lyon, de l’histoire locale, des protocoles policiers mais surtout des procédés de la science forensique. L’histoire de ce corps tranché en deux a véritablement existé, les personnages principaux – mis à part Ange-Clément – également, et l’écrivain nous plonge avec une aisance inouïe dans cette investigation. Le lecteur en apprendra beaucoup sur les méthodes scientifiques de la fin du dix-neuvième siècle en France, et quelques apartés – sur les premiers espoirs apportés par l’étude des empreintes digitales ou de la phrénologie – montrent à quel point les connaissances en la matière ont beaucoup progressé depuis. La relation entre Lacassagne et Huin est formidable, eux qui se sont connus lorsque le docteur était agressé et à qui l’ancien Apache – comprenez un membre d’une bande criminelle – a sauvé la vie. C’est une habile connexion de mentor à élève, le médecin se commuant presque en père de substitution, instruisant son protégé et jouissant dans le même temps de son œil avisé et de son esprit si vif. L’enquête est également bien menée, avec toute la vraisemblance que l’on pouvait attendre d’une telle reconstitution, et même si le final pourra décevoir, il n’est jamais que l’écho authentique d’une affaire qui n’a jamais connu de dénouement avéré. La quarantaine de pages qui conclut cet ouvrage, avec de beaux passages sur les protagonistes de cette histoire ainsi que des clichés de la victime, achève avec brio cet opus très enthousiasmant.
Stanislas Petrosky signe un livre à la fois érudit et divertissant, où la petite histoire se mêle à celle qui s’écrit avec une majuscule. Un plaisir de la première à la dernière page – très noir, ce régal.20/01/2025 à 06:37 3
-
Les Prisonniers du temps
Christophe Bec, Eric Corbeyran, Paolo Grella
4/10 Alors qu’il se repose de sa précédente aventure, Bob Morane voit débouler des créatures préhistoriques dans son manoir de Dordogne. Accompagné de Sophia et de soldats, Bob franchit la porte spatiotemporelle et arrive en pleine préhistoire. Pendant ce temps, Ballantine cherche une autre voie mais durant l’époque contemporaine.
Esthétiquement, c’est irréprochable, mais du point de vue du scénario, je n’ai pas du tout accroché. Astéroïde, séismes, animaux d’un autre temps, espace : malheureusement pour moi, j’ai saisi l’ensemble comme un vaste brouet sans réelle saveur. Dommage.19/01/2025 à 19:50 2
-
Les 100 Démons de l'Ombre Jaune
Christophe Bec, Eric Corbeyran, Paolo Grella
7/10 Indochine, 1954 : Bob Morane et Bill Ballantine sont parachutés afin d’aider les troupes françaises, mais deux heures plus tard, les douze soldats qui les accompagnaient sont massacrés par trois tueuses expertes en armes blanches.
Une bonne idée que de ressusciter Bob Morane, ici avec un scénario prenant et une esthétique volontairement surannée. Ici, le fait de faire apparaître Hô Chi Minh et un terrible adversaire (qui ressemble méchamment à Yul Brynner) apportent un peu d’épices à ce récit endiablé qui ne souffre d’aucun temps mort (même si à titre personnel, le croisement avec « Alien » n’est pas particulièrement heureux).19/01/2025 à 19:49 2
-
Captif de l'oubli
Alexandro Jodorowsky, Gabriel Rodriguez
7/10 An 20582, Zoart, galaxie centrale : Xar-Cero, combattant comme un gladiateur, est enlevé par un vaisseau spatial. Considéré comme le meilleur assassin de la galaxie, il est « convié » à un entretien où on lui propose cent dix milliards d’aquadollars. Il s’agit de châtier la planète Samppa qui n’a pas honoré ses dettes.
Une BD de science-fiction et de space opera, à l’esthétique léchée et au scénario travaillé. Je ne suis pourtant vraiment pas fan du genre mais cet opus m’a séduit par son rythme, sa densité et son imagination. « Magnobankiers, votre heure et venue ! » constitue l’ultime tirade prononcée au beau milieu d’un carnage : j’espère que le tome suivant du même acabit.19/01/2025 à 16:14 2
-
Wonderland - Le Monde d'après tome 1
5/10 Le premier tome de ce diptyque succède à une BD que je n’ai pas lue, mais ça n’est pas bien grave car, si les références sont rapidement expliquées, l’intérêt est ailleurs, et on est rapidement plongés dans le bain : un gamin possédé par l’esprit du Chapelier qui utilise un rasoir, des miroirs à briser impérativement, des hallucinations, etc. Un graphisme typiquement comics à l’américaine, des références multiples aux œuvres de Lewis Carroll, mais j’ai trouvé que le côté fantasy et superpouvoirs vient annihiler toute horreur ainsi que le suspense attendu dans ce type de productions. Du coup, ça m’a semblé être une BD assez bancale, aux genres trop mélangés, et aucun des aspects ne l’emporte franchement sur l’autre. Je pense que je vais m’arrêter là.
18/01/2025 à 11:29 2
-
Rapaces I
8/10 Un meurtre dans une pièce fermée de l’intérieur, au 123ème étage d’un gratte-ciel new-yorkais. Un acteur vidé de son sang, avec une aiguille plantée derrière l’oreille et un message laissé sur le mur par le tueur qui en est à sa troisième victime, toutes ayant la particularité d’avoir un kyste derrière l’oreille.
Un premier tome très intéressant, avec un graphisme très particulier (personnages expressifs, des couleurs magnifiques et lissées avec de beaux dégradés) qui vient souligner une enquête prenante avec quelques scènes marquantes (l’attaque au lance-flamme près du fleuve, la crémation en plein air). Une ambiance lourde, presque gothique et occulte, avec la belle découverte d’une nécropole souterraine pour clore cette BD. Vraiment très bon même si les ressorts semblent pour le moment assez classiques.17/01/2025 à 18:11 3
-
Trek mortel
7/10 Quatre adolescents – Anna, Baptiste, Clément et Diane –, membres du même club d’escalade, décident de se lancer du côté du Pic de Barrosa, dans les Pyrénées. Rapidement, les événements inquiétants se succèdent : toiles de tente déchirées, passé douloureux qui revient à la charge, refuge présumé maudit, présence de drogue dans le chalet. Vous allez incarner Anna et tâcher de prendre les bonnes décisions.
Après Urbex mortel, Betty Piccioli nous revient, toujours chez l’éditeur Rageot, avec ce nouveau livre-jeu. Il s’agit, comme le veut le concept désormais connu de tous, de faire des choix lorsque cela est proposé, et à chaque aiguillage présenté, poursuivre l’histoire. Le récit est intéressant, le cadre à la fois vertigineux et oppressant, et suffisamment de rebondissements viennent émailler le récit. L’écrivaine propose d’ailleurs sa propre version de l’escape game : on oscille ici entre livre-jeu et littérature. En effet, l’arborescence est assez ténue, et même s’il existe assez de fins différentes pour inviter le jeune lectorat à retenter sa chance et ainsi tester toutes les solutions possibles, on pourrait presque lire cet ouvrage indépendamment des bifurcations indiquées, presque dans l’ordre des chapitres. L’idée peut surprendre mais elle est finalement intéressante et originale : dès lors, cet opus peut tout à la fois séduire les lecteurs adolescents en quête de sensations fortes – certains passages sont sanglants – ainsi que ceux désireux de s’orienter vers une littérature plus interactive.
Encore un ouvrage intéressant de la part de Betty Piccioli. Finalement, ce mélange des genres s’impose comme une résolution astucieuse et permet à son auteure de tirer son épingle du jeu.17/01/2025 à 06:40 2
-
Les Refuges
8/10 Ce livre commence avec une sorte de devinette que narre François Villemin, professeur d’université, à ses étudiants, le cas d’une certaine Sandrine et de son « refuge ». Puis, on bascule dans une histoire à double narration ; d’un côté, une île isolée où ne vivent qu’une poignée habitants chargés d’accueillir, en 1949, des gamins traumatisés et marqués par la guerre, afin qu’ils reprennent goût à la vie. Mais rapidement, certains éléments vont leur échapper. De l’autre, en 1986, Sandrine, journaliste, apprend que sa grand-mère, Monique Vaudrier, vient de décéder, et se rend sur cette île afin de mettre de l’ordre dans les affaires de la défunte, mais là également, une menace plane. Dit comme ça, ça pourrait paraître relativement simple, comme scénario (quand je dis « simple », ça n’a bien évidemment rien de réprobateur), mais on comprend dès la « deuxième balise » (des sortes de parties, des charnières, autour desquelles s’articulent le roman), que ça va se corser puisque Jérôme Loubry va nous mener en bateau. Sur le principe, comme tout le monde d’ailleurs, j’imagine, j’aime être manipulé avant de me prendre dans la face un retournement inattendu, un twist fulgurant, une révélation magistrale, et eu importe laquelle. J’ai presque dévoré ce roman en une seule fois tant il est prenant, et cette somme de mystères, d’ombres et de portes ouvertes m’a mené à l’épilogue sans que je ne voie le temps passer. Cependant, si je devais lui trouver un défaut, c’est justement dans cette surenchère de rebondissements qui tiennent davantage, sans rien dévoiler, à l’interprétation des détails jalonnant les récits et des points de vue adoptés. Les chats, les prénoms, le coup de l’horloge avec 20h37, les noyades, le Roi des Aulnes, les dessins, les enfants disparus, les foires aux bestiaux, les vaches tatouées d’une croix gammées, les viols, et encore, je dois en oublier des pelletées, tout finit par s’imbriquer et trouver, plus exactement, l’éclairage adéquat après de multiples faux-semblants et autres exégèses purement temporaires. Après, selon moi, difficile de ne pas dire que l’ensemble est marquant tant il est torturé et dédaléen, dès lors que l’on s’est donné la peine de dépasser le premier quart environ se passant sur l’île, et la succession de tours de passe-passe, même si encore une fois je les trouve un peu « forcés », compose un sacré socle scénaristique que l’on est libre ou pas de valider, évidemment, mais qui sort de l’ordinaire autant qu’il éprouve le lecteur par sa complexité et certains passages féroces, voire difficilement soutenables. Bref, un thriller solide et bien élaboré, jouant habilement sur les mécanismes des apparences fallacieuses et des replis intimes de la psychologie, voire de la psychiatrie quand l’esprit de l’individu préfère « disjoncter » que d’affronter la réalité, dont je ne critique que la complication parfois inutile de certains engrenages narratifs.
16/01/2025 à 05:48 3
-
The Fisherman
9/10 Un cancer et un accident de la route : voilà ce qui a réuni Abe et Dan, deux collègues de travail à IBM. Le premier a perdu son épouse à cause de la maladie, le second sa femme et ses deux enfants après un carambolage. Tous les deux passionnés de pêche, meurtris par le deuil, ils finissent par se rendre dans les bois de Woodstock, là où coule la Dutchman’s Creek. Il se dit bien des choses au sujet de cette rivière, des légendes circulent, et la plus impressionnante d’entre elles est racontée aux deux camarades par un autochtone. Une histoire tout bonnement démentielle qui va peut-être trouver des échos dans leur présent – des résonances d’abomination.
Ce roman de John Langan saisit dès les premières pages. Le style est magnifique, l’écriture travaillée, et certains passages sont de purs régals littéraires. On apprend ainsi à mieux connaître nos deux protagonistes, tous les deux mutilés par la mort – les passages relatifs à Dan et au feu tricolore où sont décédés les siens sont de toute beauté. Mais quand Howard, le patron du restaurant, commence à leur narrer l’incroyable histoire liée à la Dutchman’s Creek, le lecteur comprend rapidement que tout va basculer. C’est un récit fort, dense et puissant, très circonstancié, nourri au lait maléfique de ce qui se fait de mieux dans le domaine, quelque part à la lisière entre Stephen King, Howard Phillips Lovecraft, Edgar Allan Poe, ou Peter Straub. Ça commence par ce passé relatif à l’édification de ce lac artificiel avant de basculer sur le décès de la conjointe de Cornelius Dort et de l’arrivée d’un mystérieux « Invité » : il y sera question, sans rien vouloir divulgâcher, de déchéance autant que de rédemption, d’amour et d’épouvante, d’occultisme et de perte de la raison, avant qu’Abe et Dan ne fassent à leur tour connaissance avec la malédiction des lieux. John Langan tisse une trame remarquable, gothique et machiavélique, où le surnaturel côtoie le plausible – et c’est probablement ce qui constitue l’une des forces majeures de cet ouvrage. D’ailleurs, de nombreux moments resteront longtemps en tête, comme ces interventions méphitiques du Schwarzkünstler – « l’Artiste noir » –, le combat des villageois contre celui-ci, ou encore les sordides péripéties de nos personnages centraux, bien moins héros que victimes.
En plus d’être un objet admirable, ce livre joue adroitement sur les codes du genre tout en y apportant sa propre touche d’humanité et ses élans de férocité. En plus d’être hameçonné, le lecteur gardera longtemps à l’âme les crochets acérés de cette chronique tumultueuse.15/01/2025 à 06:58 10
-
Plus fort que la nuit
8/10 Parce qu’elle a toujours vécu dans un ranch du Wyoming et qu’elle est une cavalière émérite, la jeune Lana Harpending finit par intégrer la brigade montée de la police new-yorkaise. On lui confie comme destrier Eridan, un appaloosa au comportement erratique, ainsi qu’un collègue, Paul Maryanski, qui malgré son penchant pour le MMA, semble être à la botte de son épouse Alice. Rapidement, Lana comprend que Paul dissimule un secret, et quand le policier disparaît subitement, le cours des événements s’électrise.
Voilà un roman à suspense particulièrement original que l’on doit à Frédéric Lepage. L’exploitation de la brigade montée du NYPD est singulière, d’autant que l’auteur s’est indéniablement beaucoup documenté sur le sujet – son fonctionnement, son histoire, ses pratiques. Dans le même temps, l’auteur nous écrit une carte postale de grande qualité de cette ville qui ne dort jamais, avec un luxe de descriptions et de détails intéressants sans jamais que cette débauche n’en devienne pesante. Dès lors, deux intrigues vont se nouer : l’étrange attitude d’Eridan, souvent pris de crises de panique et dont on n’explique pas pour le moment les causes ou les origines, et la disparition soudaine de Paul Maryanski que l’on va rapidement retrouver mort. En fin conteur, Frédéric Lepage use d’une plume subtile, élégante, et l’on se plaît très souvent à relire de nombreux paragraphes tant ils sont bien écrits. Le lecteur ne pourra être que touché par le sort d’Eridan, se délectant au passage de la délicatesse et de l’émotion utilisées pour décrire la relation entre ce cheval et sa cavalière. Dans le même temps, le volet purement polar est réussi, permettant de ficeler des événements aussi hétéroclites qu’un meurtre a priori rituel, un ancien immeuble qui a pris feu dans des conditions suspectes ou encore des combats illégaux de chiens.
Si la formule veut que « le cheval est la plus belle conquête de l’homme », ce Plus fort que la nuit – titre ô combien judicieux et subtil – prend ce cliché à rebours et illustre, avec un style remarquable, qui emprunte parfois davantage à la littérature blanche qu’à la noire, que cet animal est capable d’inspirer des comportements profondément vertueux aux humains. Un livre au suspense parfaitement maîtrisé qui se double d’une poignante leçon de vie.14/01/2025 à 06:48 3
-
Bouche d'ombre
9/10 Ils sont trois à se retrouver à l’étude de maître Douard, trois personnes qui connaissaient bien Daniel Lestrade qui vient de décéder et dont on va procéder à l’ouverture du testament. Il y a Elvire, sa sœur, Simon Chanfreau, un SDF que le défunt avait extirpé de la rue pour en faire son chauffeur, et Julia Rosso, sa maîtresse. Tous les trois avaient une excellente raison de vouloir tuer Daniel, qui n’était qu’un monstre, et quand certains aspects du testament sont révélés, les trois sont fixés sur un point indéniable : le mort n’en a pas tout à fait fini avec les vivants.
Voilà une excellente idée de la part de François Guérif que de vouloir remettre sous les projecteurs quelques-uns de ces « iconiques » – ces ouvrages qu’il a publiés et qui l’ont marqué. Ce roman de Pascal Dessaint date de 1996 et c’est avec un plaisir intact qu’on le lit près de trois décennies plus tard. Plutôt court, ce livre est un bijou de noirceur. De façon chorale, chacun des protagonistes nous permet de comprendre les liens qui l’unissaient à Daniel Lestrade, un personnage sacrément ambivalent : castrateur, volontiers incestueux, capable de puissantes amours comme de haines tenaces, il était également un manipulateur de première, obsédé par sa dernière lubie qui consistait à vouloir tracer les grands malades par un biais informatique afin de dégager de belles sommes d’argent qui n’auraient plus à être versées à ces moribonds. Parallèlement, les autres individus de ce récit sont également torturés : Simon va tomber sous le charme d’Elvire, celle-ci nouant une curieuse connexion avec une mygale, et Julia va lentement se faire à l’idée que Daniel doit mourir. Des spécimens humains fracassés, porteurs d’autant de lézardes que de zones d’ombre, mutilés par un destin qui n’en a pas tout à fait fini avec les trajectoires heurtées de leurs petites vies. Avec un style très maîtrisé, Pascal Dessaint nous offre le tragique spectacle de ces mortels déjà consumés de tant de feux, balayés par des vents contraires et soumis à des farces sordides ourdies par le sort. Après un clin d’œil amical à Claude Mesplède dont le nom a à peine été modifié pour l’occasion afin d’incarner un policier, l’auteur livre son épilogue aux multiples rebondissements, mais qui ont comme dénominateur commun la noirceur – à faire passer la dynastie des Atrides pour une dynastie de clowns aux péripéties enjouées.
Un roman d’une rare densité humaine, à la fois féroce et meurtri. C’est la lampe glissant à l’intérieur d’un puits et inondant de sa lumière les parois enténébrées pour mieux y deviner la vermine.13/01/2025 à 06:52 6
-
Les Amants effroyables
Yannick Corboz, Wilfrid Lupano
6/10 Une reconstitution toujours aussi magnifique et réussie de l’Exposition universelle de Paris (et des personnages toujours aussi expressifs) avec ce dernier tome de la série. Cependant, je regrette l’absence de nervosité dans cet opus qui aurait pu se conclure de manière plus marquante que ça : la dernière planche avec le toast porté dans un bateau ne me marquera malheureusement pas bien longtemps. Dommage.
12/01/2025 à 20:06 2
-
Les attractions coupables
Yannick Corboz, Wilfrid Lupano
7/10 Une ambiance d’Egypte antique pour cette entame alors que ça se déroule en réalité dans le Paris de l’Exposition universelle. Je retrouve avec plaisir le graphisme léché (les reconstitutions sont esthétiquement magnifiques, de même que la scène du duel à l’épée) et cette intrigue originale.
12/01/2025 à 16:30 2